Intervention de Amiral Edouard Guillaud

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 octobre 2013 : 1ère réunion
Projet de loi de finances pour 2014 — Audition de l'amiral guillaud chef d'état-major des armées

Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées :

Concernant le système Louvois, l'affaire remonte à une dizaine d'années. À l'époque, le déploiement de ce système avait été confié au Secrétaire général pour l'administration et à la Direction des ressources humaines du ministère de la défense. Les armées n'ont été que très peu consultées tout au long du processus.

Il est vrai que la mise en oeuvre de ce système était complexe, compte tenu du nombre de personnels au sein du ministère de la défense, du maquis de primes (plus de 160) et d'un système de paiement différent selon chaque armée.

Au début, la mise en place a semblé fonctionner de manière satisfaisante. Ainsi, le système a d'abord été appliqué au service de santé des armées, soit 12 000 personnes, sans provoquer de difficultés majeures. Compte-tenu de ce premier bilan, on l'a étendu à l'armée de terre, puis à la marine.

À ce moment-là, nous nous sommes aperçus que le système Louvois accumule les erreurs, et, pire que tout, fait des erreurs et en efface ensuite la trace, ce qui rend très difficile la possibilité de les corriger.

Actuellement, environ la moitié des personnels de la défense sont concernés par ce logiciel. Aujourd'hui ce système est devenu complètement fou, avec plus de 50% d'erreurs sur les soldes.

Pour ma part, je tiens à rappeler que, dès ma prise de fonction en 2010, j'ai écrit au ministre de la défense de l'époque pour lui faire part de mes inquiétudes au sujet de la fermeture des centres de traitement des soldes des militaires sans attendre l'évaluation de la mise en oeuvre du système Louvois.

Ces centres ont été fermés et les personnels sont partis, alors même que le nouveau logiciel n'avait pas encore été entièrement évalué, ce qui explique en grande partie les difficultés actuelles.

Par ailleurs, si j'ai accepté d'étendre ce logiciel à l'armée de terre et à la marine, car les premiers résultats semblaient satisfaisants, j'ai refusé en revanche de l'étendre à l'armée de l'air compte tenu des premiers dysfonctionnements.

Dès l'année dernière, j'ai dit qu'il fallait changer de logiciel.

Changer de système va toutefois nécessiter de deux à trois ans, un coût de l'ordre de 50 à 70 millions d'euros pour le nouveau logiciel, et plusieurs dizaines de millions d'euros que nous ne saurons pas recouvrer. En définitive, nous allons payer ce système trois fois et je ne parle pas des effets désastreux sur le moral des armées.

S'agissant de la reconversion, l'idée d'impliquer les collectivités locales me paraît excellente. Si chaque commune pouvait embaucher un ancien militaire, nous n'aurions plus de difficultés en termes de reconversion. Les militaires sont loyaux, travailleurs et adaptables. Ils sont donc de très bons candidats pour être recrutés dans la fonction publique ou le secteur privé.

En ce qui concerne la révision des forces prépositionnées en Afrique, comme vous le savez, le Président de la République a souhaité organiser un Sommet avec les chefs d'Etat africains, qui se tiendra début décembre, et il devrait discuter à cette occasion de cette question avec nos partenaires africains.

Pour ma part, je ne peux répondre que du point de vue opérationnel.

Je constate que nous avons une crise sécuritaire dans le bassin sahélo-saharien où nous disposons actuellement de deux points d'appui, au Tchad et au Niger. Nous avons également des forces spéciales, au Burkina Faso, et des forces de soutien, notamment à Dakar, à Libreville, à Abidjan. Il faut aussi tenir compte de la distance.

Actuellement, la crise semble se déplacer vers le Sud, au Nigéria ou en République centrafricaine.

Il faut donc à la fois maintenir notre présence mais d'une manière plus souple et réactive, comme le prévoit d'ailleurs le nouveau Livre blanc, contrairement au précédent.

De plus, il faut aussi tenir compte des contraintes financières.

Mais la présence de nos forces prépositionnées en Afrique apporte de nombreux avantages, en termes de protection de nos ressortissants et de nos intérêts, d'influence diplomatique ou de présence économique, mais aussi pour les armées, notamment de connaissance du terrain, d'aguerrissement et d'entraînement, d'échanges et de partage avec nos partenaires africains.

Le nouveau Livre blanc ne donne pas un chiffre précis sur le nombre de nos forces prépositionnées en Afrique mais évoque seulement une révision.

En tout état de cause, la décision appartient au Président de la République.

L'opération Harpie ne relève pas du ministère de la défense mais du ministère de l'intérieur, qui a fait appel aux armées pour épauler les gendarmes. Elle mobilise en moyenne 350 militaires par jour. Il faut rappeler que la frontière entre la Guyane et le Brésil est la plus longue frontière terrestre de la France, avec environ 700 km, et que ce territoire présente un intérêt stratégique pour notre pays. Le problème du Brésil tient à sa structure fédérale. Même si nous entretenons d'excellentes relations avec l'armée brésilienne, celle-ci n'a légalement pas le droit d'intervenir et de coopérer avec nous de l'autre côté de la frontière. Face à l'orpaillage clandestin, deux approches sont possibles. Soit on réussit à convaincre nos partenaires brésiliens de renforcer leur coopération, soit on met en place une extraction encadrée de l'or de la forêt guyanaise.

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