Intervention de Richard Yung

Réunion du 29 mars 2006 à 15h00
Élection du président de la république — Adoption définitive d'un projet de loi organique

Photo de Richard YungRichard Yung :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique qui est soumis à notre examen a le mérite de répondre favorablement à l'une de nos propositions, puisqu'il vise à étendre le principe du vote anticipé le samedi aux bureaux de vote situés sur le continent américain et dans la Caraïbe.

Cette disposition, qui dérogera aux dispositions de l'article L. 55 du code électoral, relève du bon sens et donne de la cohérence à notre droit électoral, qui nécessite par ailleurs un certain nombre de réformes de fond, comme l'a indiqué M. Patrice Gélard.

En 2005, à l'occasion du référendum sur le projet de Constitution européenne, les Français établis dans les pays de cette zone géographique avaient déjà pu voter le samedi.

Désormais, le vote anticipé sera la règle pour les 104 000 Français établis sur le continent américain et la Caraïbe, et inscrits sur les listes électorales consulaires pour l'élection du Président de la République.

À l'instar des citoyens résidant en Polynésie française, nos concitoyens pourront exprimer leur suffrage sans connaître les résultats de la métropole, des autres DOM-TOM et des bureaux de vote ne se situant pas dans la zone Amériques et Caraïbe. En effet, à l'heure des traditionnelles estimations de vingt heures, qui sont publiées en France aux journaux télévisés et à la radio, c'est seulement le milieu de l'après-midi dans les Amériques et la Caraïbe.

Les résultats provisoires étant connus avant la fermeture des bureaux de vote, certains Français - ceux qui résident par exemple sur la côte ouest des États-unis ou du Canada -peuvent penser que le résultat du scrutin est scellé d'avance et peuvent en conséquence être découragés de voter.

La disposition prévue par le présent projet de loi renforcera donc la sincérité du scrutin et consolidera le principe d'égalité des citoyens électeurs. Avec le vote anticipé, tous les Français, qu'ils résident en métropole ou qu'ils soient dispersés aux quatre coins de la planète, auront voté lors de l'annonce des premiers résultats.

À l'Assemblée nationale, nos collègues députés ont eu la bonne idée de permettre l'inscription sur les listes électorales consulaires de l'adresse électronique de chaque électeur - si elle existe, bien sûr -, afin qu'il puisse recevoir par voie électronique toute information à caractère électoral, par exemple les professions de foi.

Sachant que de nombreux Français établis hors de France, notamment en Europe, communiquent beaucoup par Internet, cette mesure va dans le bon sens et rendra effective la campagne électorale à l'étranger. Toutefois, cette disposition ne doit pas nous faire oublier la nécessité d'améliorer le lien entre les consulats et les électeurs qui ne disposent pas d'une messagerie électronique.

Par ailleurs, pour éviter toute confusion et donc réduire le taux d'abstention, ces nouvelles dispositions - le vote anticipé et l'inscription de l'adresse électronique sur la liste électorale consulaire - devront faire l'objet de la publicité la plus large possible.

Monsieur le ministre, plusieurs d'entre nous, y compris dans votre propre majorité, ont regretté la forme de ce débat, en particulier ce calendrier qui aboutit à nous présenter le projet trois jours avant la date limite, ce qui rend quasiment impossible toute modification significative. Nous pouvons en déduire qu'il y a eu là ou un oubli, ce qui est dommage pour des sujets de cette importance, ou, au contraire, une utilisation du calendrier pour éviter le vrai débat !

Monsieur le ministre, permettez-moi à présent de mettre en exergue ce qui est à mes yeux un oubli important. Vous auriez dû saisir l'occasion de ce projet de loi organique pour modifier les modalités d'élection du Président de la République sur un point essentiel, celui de la participation électorale des Français établis hors de France.

Je tiens à vous rappeler que, sur un peu plus de deux millions de Français établis hors de France, 400 000 sont inscrits sur les listes électorales pour l'élection du Président de la République. Certes, ce chiffre est en augmentation, une augmentation régulière et relativement importante. Mais, outre le nombre peu important des inscrits, la participation électorale est aussi très faible lors de l'élection présidentielle. En 1995, elle était de 50 %. Lors des élections présidentielles de 2002, pourtant marquées par une forte participation en France, le taux d'abstention à l'étranger a atteint plus de 62 % au premier tour.

Les raisons sont connues, et je ne les développerai donc pas. Elles tiennent non pas à un mauvais civisme des Français établis hors de France, qui, au contraire, gardent un lien fort avec la mère patrie sur laquelle ils conservent un regard aigu, mais essentiellement à l'éloignement géographique des bureaux de vote. Il en existe un par ambassade ou consulat. Dans un certain nombre de pays, cela signifie qu'il faut parcourir entre 300 kilomètres et 500 kilomètres dans chaque sens pour aller voter ! Avec de pareils déplacements, c'est demander à nos concitoyens de faire preuve d'un civisme peu ordinaire ! J'ajoute que la fermeture de nombreux consulats - ce que nous sommes plusieurs à déplorer - va accentuer encore cette rupture entre le citoyen électeur et le bureau de vote.

Pour contrecarrer ce que l'on peut appeler une « fracture électorale » et permettre de faire abstraction de l'éloignement par rapport au bureau de vote, certains procédés pouvant être qualifiés d'exceptionnels, tels que le vote par correspondance sous pli fermé ou le vote par voie électronique, ont été mis en place. Toutefois, ces modalités, qui résultent de la loi du 28 mars 2003, ne concernent actuellement que l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger. Ainsi, le 18 juin prochain, nos concitoyens d'Europe, d'Asie et du Levant, pour reprendre une ancienne expression, pourront voter par correspondance électronique.

Pourquoi permettre aux citoyens établis hors de France de voter à distance dans le cas particulier de l'élection de l'Assemblée des Français de l'étranger et ne pas l'autoriser pour l'élection du Président de la République ? D'après le ministère de l'intérieur et le secrétariat général de la défense nationale, qui le conseille en la matière, le vote par correspondance électronique ne serait pas suffisamment fiable dans le cas de l'élection présidentielle.

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