Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 31 octobre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission défense - Audition du général denis mercier chef d'état-major de l'armée de l'air

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Je rejoins la nécessité, sur laquelle vous avez insisté, de développer nos capacités de frappe à longue distance, qui constituent un instrument indispensable dans un monde multipolaire et mouvant.

S'agissant du Rafale, il est certain que des marchés à l'exportation faciliteraient la modernisation de notre armée de l'air car ils libèreraient des crédits qui seront, autrement, affectés à l'achat de tous ces avions. Je crains cependant que la réintégration de la France dans l'OTAN, qui a eu des aspects positifs sur le plan technique, mais aussi négatifs sur le plan symbolique, ne nuise à la perception qu'ont de notre pays des marchés potentiels comme l'Inde ou le Brésil, qui pourraient considérer que nous sommes moins indépendants vis-à-vis des Etats-Unis qu'auparavant. Notre capacité de dissuasion constitue un élément d'identification de la posture particulière de la France et de son indépendance. Je me réjouis que le nouveau Président de la République ait réaffirmé la nécessité d'en maintenir les deux composantes.

Une éventuelle intervention africaine au Mali, soutenue par la logistique et les capacités de renseignement occidentales, et bénéficiant notamment de la forte présence que les Etats-Unis déploient, en ce domaine, au Sahel, ne pourrait s'effectuer que sous l'égide d'une résolution de l'ONU. Les frappes aériennes devraient être très ciblées, et effectuées hors des villes, pour éviter des pertes au sein de la population, qui ne manqueraient pas de la retourner contre leurs auteurs.

Enfin, il faudrait tenir compte, dans la planification des combats au sol, de l'appartenance ethnique des Touaregs, qui sont des Arabes nomades ; il faudra prendre en compte dans l'envoi de troupes de la CEDEAO du danger de raviver d'anciennes oppositions entre types de populations.

Général Denis Mercier - En effet, la capacité de frapper loin et vite est essentielle à notre autonomie nationale. Elle constitue un atout majeur de l'armée de l'air française, comme l'a illustré son rôle lors de l'intervention en Libye.

Concernant notre concept de dissuasion, la France est revenue au sein de la structure militaire intégrée de l'OTAN, mais est restée hors du groupe des plans nucléaires. Plus particulièrement, la composante aéroportée représente 7 % des coûts de l'agrégat dissuasion. Elle a permis également d'acquérir des capacités de ciblage et de projection garantissant la crédibilité nécessaire à notre indépendance.

Le Livre blanc précisera sans doute les rôles spécifiques de chacun des éléments des deux composantes de notre dissuasion nucléaire. Il conviendrait peut-être de réfléchir à l'emploi de la composante aéroportée comme vecteur d'ouverture à la défense d'intérêts vitaux européens.

Il faudrait concrétiser dès maintenant la réflexion sur une rénovation à mi-vie du missile ASMP-A.

En plus des avantages que vous venez d'exposer, la dissuasion a une vertu propre. Comment s'articulent les composantes aéronavales et aériennes de notre dissuasion ? Vous venez d'évoquer une éventuelle utilisation de la composante aéroportée pour protéger des intérêts européens, mais le Président de la République a limité l'emploi de notre force de dissuasion à la défense d'« intérêts vitaux », concept dont la définition est purement nationale.

Général Denis Mercier - Lors de sa conception, la composante nucléaire de l'aéronautique navale a été pensée dans le but de détruire les groupes aéronavals soviétiques. Sa mission a évolué depuis, mais elle est liée à la disponibilité du porte-avions et ne peut faire partie du plan permanent. Son emploi est complémentaire.

Je souligne que, comme vous le savez tous, l'intérêt spécifique de la composante nucléaire aéroportée, dont les actions sont réversibles, à la différence de celles de la composante sous-marine, est de participer à une « gesticulation politique ». C'est l'une des raisons de la complémentarité des deux composantes.

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