Intervention de Amiral Bernard Rogel

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 31 octobre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission défense - Audition l'amiral bernard rogel chef d'état-major de la marine

Amiral Bernard Rogel, chef d'État-major de la Marine :

Nous sommes en plein exercice d'écriture du Livre blanc. Il est donc difficile de parler aujourd'hui du format adapté aux missions de la Marine car en bonne méthode, il nous faut d'abord définir les ambitions politiques de la France et la trajectoire budgétaire consentie avant de se faire une idée de la cohérence du format proposé. En deçà d'un certain niveau de moyens, je ne pourrai être que défavorable à un effort homothétique. Mais la question ne concerne pas seulement la Marine, l'enjeu fondamental, c'est de savoir si l'on veut toujours consentir à un effort de défense qui nous permette de conserver la maîtrise de notre destin.

Vous avez raison de souligner que l'action de l'Etat en mer repose en grande partie sur les moyens de la Marine. 65 % des activités de la fonction garde-côtes sous l'autorité du Secrétariat général à la mer sont assurées par la Marine nationale. Je rappellerai que nous avons secouru 235 personnes, porté assistance à 19 navires de charge, intercepté 86 embarcations porteurs de 2 200 immigrants illégaux et de 128 passeurs. L'arrivée massive des industries en mer risque d'accroître à l'avenir encore ces missions de protection et de surveillance des côtes. Grâce à la mise en place de la fonction garde-côtes, je constate que la coordination des différentes administrations participant à l'action de l'Etat en mer se déroule dans de très bonnes conditions. En revanche, sur le plan budgétaire, tous les ministères sont soumis à des restrictions et sont donc naturellement dans une position d'attente. Ainsi, pour le renouvellement des bâtiments de surveillance maritime qui sont financées à 80 % par la Marine, nous sommes toujours à la recherche des 20 % susceptibles d'être financés par les autres ministères.

S'agissant d'une éventuelle fermeture du détroit d'Ormuz, l'ancien sous-chef opérations que je suis peut vous assurer que nous planifions en concertation avec nos alliés tous les évènements possibles de façon à être prêts à toute éventualité.

En réponse à M. Boutant, je voudrais souligner que la force conjointe intégrée à laquelle nous travaillons avec les Britanniques a vocation à accueillir plus tard d'autres pays, les Italiens, les Néerlandais ou les Allemands. Il s'agit d'abord de monter en puissance cette force conjointe puis ensuite de proposer aux autres d'y participer.

Sur la piraterie, vous avez raison de souligner qu'elle s'est étendue et professionnalisée. La coopération internationale au sein de l'opération Atalante ou dans le cadre de l'OTAN a permis de remporter de nombreux succès, mais il faut bien avoir conscience que nous mutualisons dans ces opérations d'intérêt commun un nombre assez limité de bâtiments. D'autres pays se sont cependant joints à nos efforts dans cette zone et échangent des informations avec nous. C'est une illustration du fait que quand l'intérêt est partagé, en l'occurrence la libre circulation en mer, une coopération entre les différentes marines est possible.

Vous avez raison de souligner qu'il y a des endroits et des secteurs dans lesquels nous avons des intérêts nationaux à défendre. Il nous faut en particulier protéger nos ressources halieutiques et les terres rares des sous-sols marins de nos ZEE. Nous participons également à la protection des ressortissants européens. Lors de l'opération Baliste, au Liban en 2006, nous avons évacué des ressortissants de l'ensemble des pays européens. Lors de la crise en Côte d'Ivoire, des ressortissants français ainsi que de nombreuses nationalités étaient regroupées à Port Bouet : nous étions prêts à les évacuer si nécessaire à l'aide du BPC. Lors de ces deux crises, nous étions les seuls, à ce moment-là, à être là et à pouvoir le faire. Dans le Pacifique, on observe en effet une modification du rapport de forces, un déplacement des centres d'intérêts américains et une montée en puissance des risques de conflit interétatiques liés à des problèmes de souveraineté comme c'est le cas en mer de Chine et comme cela sera sans doute le cas dans l'océan arctique dans les années à venir. Dans ce contexte, la France doit défendre ses possessions dans le Pacifique comme dans l'océan Indien car nous y avons des terres rares ou des ressources d'hydrocarbures comme en Guyane.

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