Intervention de Robert del Picchia

Réunion du 29 mars 2006 à 15h00
Élection du président de la république — Adoption définitive d'un projet de loi organique

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia :

Nos compatriotes d'outre-frontières - c'est ainsi, semble-t-il, que l'on va les appeler à l'avenir - seraient largement favorisés par son adoption, et ce à un triple égard.

Premièrement, comme cela a déjà été souligné, l'adoption du projet de loi organique, notamment les mesures de simplification du vote par procuration, clarifierait le droit en vigueur.

Monsieur le ministre, la simplification du recours à la procuration constitue une avancée forte pour les citoyens de l'étranger. En effet, certains doivent parcourir des distances très importantes - plusieurs centaines de kilomètres - pour voter et doivent donc recourir à la procuration. Pourtant, jusqu'à récemment, l'éloignement du centre de vote n'était pas considéré comme un motif valable pour établir une procuration. Il fallait fournir des explications pour pouvoir en bénéficier. L'adoption de ce projet de loi organique permettra donc un recours simplifié à la procuration pour l'élection du Président de la République. Les élus représentant les Français de l'étranger au Sénat ainsi que les Français de l'étranger s'en félicitent et vous remercient.

Deuxièmement, M. le rapporteur a bien voulu soutenir la disposition permettant à nos compatriotes établis dans la zone Amérique de voter la veille du scrutin national. Je ne peux que souscrire à cette proposition, et ce pour la bonne et simple raison que je suis, modestement, à l'origine de cette réforme.

En effet, j'avais déposé en mai 2002 deux propositions de loi, dont une constitutionnelle, qui prévoyaient l'organisation des scrutins nationaux dans la zone Amérique le samedi.

Mes chers collègues, outre les 104 000 Français inscrits dans les centres de vote de la zone Amérique, 778 000 électeurs inscrits résidant en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, en Polynésie française et à Saint-Pierre-et-Miquelon, soit, au total, 2 % du corps électoral français, sont informés des résultats électoraux avant même d'aller voter. Autrement dit, à quoi cela sert-il de se déplacer si l'on sait qui a gagné l'élection ?

Deux conséquences découlent de cet état de fait.

Tout d'abord, on constate qu'un faible nombre de Français établis hors de France résidant dans la zone Amérique sont inscrits sur la liste électorale au consulat : 81 000 inscrits, sur un total de plus de 400 000, soit six fois plus.

Ensuite, on note le désintérêt préoccupant des électeurs de ces régions pour l'élection présidentielle. En effet, je le répète, il n'est pas nécessaire de se déplacer quand on sait qui a gagné !

En France métropolitaine, au premier tour de l'élection présidentielle de 2002, le taux d'abstention atteignait déjà 27 %, et il était de près de 58 % dans les cinq DOM-TOM et la collectivité territoriale concernés. Par ailleurs, pour le même scrutin, tandis que le taux d'abstention était de près de 63 % chez les électeurs français établis hors de France, il s'élevait à 70 % chez les Français de l'étranger résidant dans la zone Amérique et, de surcroît, celui-ci augmente régulièrement. À ce rythme, la participation sera bientôt nulle !

Ainsi, ma proposition de loi a-t-elle été reprise par le Sénat à l'occasion de l'examen d'un texte, devenu loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République. L'article 7 de la Constitution a été modifié pour supprimer la référence au dimanche.

Le texte que nous examinons aujourd'hui traduit, au niveau organique, une réforme importante pour les Français de la zone Amérique. En 2002, lorsque j'ai déposé ma proposition de loi, ma plus grande espérance était que les Français de la zone Amérique votent pour la dernière fois, au mois d'avril de la même année, en connaissant les résultats de la métropole. Voilà qui sera chose faite avec ce texte, monsieur le ministre ; je m'en réjouis et vous en remercie, au nom des Français de l'étranger.

La troisième raison qui me pousse à voter ce texte dans sa rédaction actuelle est que l'un des amendements que je n'aurais pas manqué de déposer a déjà été adopté par l'Assemblée nationale.

En effet, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale, a bien voulu déposer un amendement tendant à permettre, lors de l'inscription d'un Français sur la liste électorale consulaire, l'enregistrement des adresses électroniques par les autorités consulaires. En outre, il a eu l'amabilité de m'attribuer la paternité de cette proposition, ce dont je le remercie.

En mai dernier, lors de l'examen du texte visant à fusionner les listes électorales à l'Assemblée des Français de l'étranger, j'avais effectivement déposé une série d'amendements en ce sens. Le rapporteur de notre éminente commission des lois ainsi que le secrétaire d'État aux affaires étrangères de l'époque n'avaient pas jugé cette mesure suffisamment pertinente pour la retenir.

Je suis donc aujourd'hui très heureux de constater que cette disposition a été adoptée par l'Assemblée nationale, car la communication électronique, j'en suis convaincu, répond à un réel besoin des Français de l'étranger et de leurs élus.

On le voit bien à la veille des élections qui se dérouleront, le 18 juin prochain, dans la zone Europe, Asie et Levant, pour le renouvellement des soixante-seize sièges de l'Assemblée des Français de l'étranger : les candidats à ces postes regrettent vivement de ne pas pouvoir communiquer par courriel avec leurs électeurs. Certes, mes chers collègues, une telle mesure peut vous sembler accessoire, mais permettez-moi de vous faire part de mon enthousiasme.

Il s'agit là d'une avancée considérable pour l'exercice de la démocratie à l'étranger. En effet, à ce jour, une base de données regroupant les adresses e-mails de nos compatriotes n'existe même pas. Beaucoup de postes consulaires ou d'ambassades ne possèdent tout simplement pas les moyens de contacter rapidement, et à moindres frais, nos ressortissants. Sans parler du problème que pose, en cas d'urgence et d'événements graves, l'absence de communication électronique pour la sécurité de ces ressortissants, cette situation. est réellement dommageable en matière électorale.

Ainsi, par exemple, lors du référendum sur le traité constitutionnel pour l'Union européenne, ce sont 180 tonnes de papier qui ont été envoyées à l'étranger, essentiellement par fret aérien. Et - ce n'est certes pas la faute du ministère des affaires étrangères - une grande partie des documents électoraux est arrivée après le vote ! On peut aisément imaginer les économies que nous pourrions réaliser, grâce au courrier électronique, en termes de coût et de conditionnement, ainsi que les gains en termes de rapidité de transmission.

L'usage du courrier électronique doit devenir le mode de communication « par défaut » non seulement entre l'administration et l'usager, mais également entre les élus et les citoyens.

En effet, s'agissant de la propagande électorale, la communication se fait aujourd'hui par courrier postal, via les ambassades et les consulats, ou par voie d'affichage à l'intérieur de ces institutions. Si un candidat veut communiquer avec les électeurs, il peut demander les coordonnées postales qui sont notées sur la liste électorale. Mais vous conviendrez avec moi, mes chers collègues, que le fait d'envoyer 10 000 lettres dans un département, dans toute l'Europe centrale, en Australie ou ailleurs, ne procède pas de la même logistique, ne demande pas les mêmes délais et n'entraîne pas le même coût que l'envoi de 10 000 courriels !

J'aborderai un dernier point qui permet d'expliquer l'impératif que constitue pour les Français établis hors de France cette e-communication, à savoir la mise en oeuvre du vote par Internet lors de l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger, qui se déroulera du 6 au 12 juin prochain.

Près de 500 000 électeurs sont concernés, éparpillés en Europe, en Asie et au Levant. Un scrutin numérique a été mis en place, en application de la loi de mars 2003 dont je suis également l'auteur, et que le Parlement avait bien voulu adopter à l'unanimité ; j'en remercie d'ailleurs ici l'opposition.

Permettez-moi, mes chers collègues, de vous rappeler rapidement l'importance du vote par Internet pour les Français établis hors de France. Il s'agit tout simplement de permettre aux citoyens qui habitent très loin des consulats de voter sans avoir à faire des centaines de kilomètres, comme l'a indiqué tout à l'heure M. Yung. Cet éloignement est à l'origine d'un taux de participation faible pour ce qui concerne l'ensemble des scrutins organisés dans les centres de vote.

Or, l'organisation de ce scrutin numérique a été marquée par la volonté du ministère des affaires étrangères de sécuriser au maximum les opérations de vote par Internet. Les étapes d'inscription, d'identification et de vérification ont donc été multipliées. Cette prudence dont fait preuve le ministère permettra certainement d'éviter toute attaque du système ou corruption des votes.

Néanmoins, cela complique beaucoup les choses pour l'électeur. C'est pourquoi un effort important de pédagogie doit être mis en place. Le déroulement du scrutin numérique doit être clairement expliqué à tous les électeurs. Le ministère des affaires étrangères a effectivement insisté auprès des postes consulaires pour qu'une campagne de communication soit mise en place. Malheureusement, c'est par une campagne d'affichage à l'intérieur des ambassades et des consulats que le vote électronique à distance, dont bénéficient en premier lieu les électeurs résidant loin de ces mêmes consulats, sera expliqué ! Un courrier va bien sûr leur être envoyé, et j'espère que les choses rentreront dans l'ordre.

Par ailleurs, il n'existe pas de base de données regroupant toutes les adresses électroniques des Français de l'étranger. Cette adresse n'est demandée sur aucun formulaire d'inscription au registre des Français de l'étranger ou sur la liste consulaire ; je saurais donc gré au ministère des affaires étrangères d'accélérer les procédures pour aller en ce sens.

Si je regrette vivement que le rejet des amendements que j'avais présentés le 12 mai dernier n'ait pas permis la création d'une telle base de données électroniques, qui aurait servi pour le vote par Internet de juin prochain, je me félicite toutefois du soutien du Gouvernement dans cette initiative. Cela servira au moins lors de la prochaine élection.

Vous le voyez, mes chers collègues, un grand nombre de dispositions me poussent à voter conforme ce projet de loi organique adopté par l'Assemblée nationale, afin que son application soit rapide. Et je le ferai bien sûr, monsieur le ministre. Pourtant, ...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion