Intervention de Son Excellence Mme Dina Kawar

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 octobre 2012 : 1ère réunion
Situation en syrie — Audition de se. Mme Dina Kawar ambassadeur de jordanie

Son Excellence Mme Dina Kawar, ambassadeur de Jordanie :

La crise syrienne touche directement la Jordanie, qui est le premier pays d'accueil des réfugiés syriens.

Je voudrais commencer par un rapide état des lieux de la situation. Bachar el-Assad est toujours en position de force. Il a le soutien de l'armée et, en face, il a une opposition encore divisée. La Russie et la Chine le soutiennent dans les instances internationales, notamment à l'ONU, et l'Iran est également un soutien. Le temps joue donc pour lui, au moins à court terme. Les alaouites, qui critiquent en privé le Président, ne sont pas pour autant prêts à agir pour le changement. Enfin, la présence d'armes chimiques est source d'inquiétude.

Des efforts négociés doivent être menés pour trouver une solution politique, autrement la situation va encore empirer et tout doit être fait pour garantir l'unité territoriale du pays.

La Jordanie est traditionnellement un pays d'accueil des réfugiés, d'abord palestiniens, puis irakiens, et aujourd'hui syriens. Néanmoins, des problèmes existent, dus notamment à la situation économique très tendue dans le pays et aggravée par la crise économique du printemps arabe, en particulier sur la facture énergétique qui a fortement augmenté du fait du sabotage du pipeline qui permettait à la Jordanie de s'approvisionner en Egypte. L'impact sur la facture énergétique a ainsi été de 2,8 milliards de dollars. Un autre secteur majeur de l'économie, celui du tourisme a été également fortement touché par ce printemps arabe.

La crise syrienne a eu des conséquences de deux ordres. Tout d'abord économique, puisque la Syrie était un partenaire économique important pour la Jordanie qui lui permettait d'avoir accès à la mer, ensuite humanitaire, puisqu'on estime à 200 000 le nombre de réfugiés syriens sur le territoire jordanien, dont 30 000 dans le camp de Zaatari. Les Syriens n'ont jamais eu besoin de visa pour venir en Jordanie, où ils ont souvent des membres de leur famille, d'où une tradition de mélange, d'accueil et d'hospitalité pour les Syriens.

Mon pays demande l'aide de la communauté internationale pour pouvoir faire face à cet afflux de réfugiés. Le camp de Zaatari devrait augmenter sa capacité d'accueil à 80 000 personnes, d'ici la fin de cette année 2012, ce qui représente un coût de 150 millions de dollars. A ce jour, 60 000 Syriens seulement sont officiellement enregistrés comme réfugiés. L'accueil de réfugiés a également un impact direct sur les ressources nationales du pays avec l'accès aux services médicaux, à l'enseignement, au marché du travail et aux réserves en eau de la Jordanie.

Que faire ? La Jordanie a soutenu une solution politique, car, certes, le Président peut être relevé, mais il faut surtout réformer le système. Une transition politique incluant toutes les communautés, toutes les confessions du pays doit être installée afin que la Syrie se dirige vers un système démocratique et représentatif. Mais, pour cela, il est nécessaire d'avoir des partenaires et interlocuteurs, donc l'opposition doit s'unifier. Le Conseil national syrien connaît une situation difficile car, pour certains, il rassemble trop de Frères musulmans, pour d'autres, il n'est pas assez connaisseur de la situation sur le terrain du fait de sa localisation à Istanbul.

Le 31 mars dernier, l'effort a été fait pour aboutir à un pacte national syrien, prémices de la construction d'un futur État syrien. La Jordanie a également soutenu le plan transitionnel de Genève, où les États-Unis et l'Europe ont pour la première fois accepté que la transition se fasse pendant et non après le départ de Bachar el-Assad. Il y a donc plusieurs éléments intéressants.

Concernant les armements de l'armée de l'opposition, la Jordanie s'inquiète d'une éventuelle infiltration extrémiste des armées. La Syrie est désormais un terrain fertile, il faut être vigilant, donc la Jordanie s'oppose à ce que nous envoyions des armements tant que l'armée libre n'est pas organisée. Certains pays ont décidé d'arrêter l'envoi d'armements lourds afin qu'ils ne tombent pas entre de mauvaises mains.

Enfin, l'armée jordanienne fait de son mieux pour protéger les réfugiés, notamment lors du passage des frontières. Les déserteurs de l'armée syrienne, quant à eux, sont isolés.

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