De Malaisie, nous nous sommes rendus, avec le président M. Jean-Louis Carrère, à Bangkok, en Thaïlande, pour une visite de deux jours dans une atmosphère assez tendue. En effet, nous sommes arrivés à la veille des élections législatives, alors que le pays connaît une grave crise politique, marquée notamment par des affrontements entre la police et les manifestants qui bloquent plusieurs artères de la ville.
Comme lors de notre visite en Malaisie, nous avons reçu un excellent accueil de la part de notre ambassadeur, Son Exc. M. Thierry Viteau, de notre attaché de défense, le lieutenant-colonel Thierry Poignant, ainsi que de l'ensemble des chefs de service de notre ambassade.
J'évoquerai d'abord la situation politique et économique de la Thaïlande, avant de parler des relations avec la France.
La Thaïlande est un pays de 70 millions d'habitants, principalement d'ethnie Thaï mais avec une forte communauté d'origine chinoise, à 90% bouddhiste. Il s'agit d'une monarchie constitutionnelle et d'une démocratie marquée par une forte bipolarisation avec d'un côté les « chemises jaunes », qui rassemblent les « libéraux » ou royalistes, et de l'autre côté les « chemises rouges », actuellement au pouvoir, qui reposent sur les masses rurales et urbaines défavorisées. Les élections législatives, qui se sont déroulées le 30 janvier, ont vu la victoire de la coalition au pouvoir mais ces élections étaient boycottées par l'opposition qui dénonce la corruption de l'actuelle Premier ministre, Mme Yingluck Shinawatra, qui est la soeur de l'ancien Premier ministre renversé par un coup d'état militaire en 2006.
Au niveau économique, la Thaïlande se caractérise par son dynamisme. Après avoir beaucoup souffert de la crise asiatique de 1998, puis des inondations en 2011, le pays a renoué avec la croissance économique, avec 4,5% en 2012. La Thaïlande est le premier exportateur mondial de riz et accueille de nombreux touristes, notamment dans la région de Phuket.
En matière de politique étrangère, la Thaïlande joue un rôle actif en Asie du Sud Est, au sein de l'ASEAN. Elle entretient de bonnes relations tant avec les Etats-Unis qu'avec la Chine. Des tensions frontalières existent cependant avec le Cambodge et la Thaïlande fait face à une guérilla au Sud.
J'en viens maintenant aux relations avec la France. Celles-ci sont très anciennes puisqu'elles remontent au XVIIe siècle et aux échanges d'ambassades entre le Royaume de Siam et Louis XIV.
Même si la Thaïlande n'est pas notre partenaire privilégié en Asie du Sud Est, notamment par rapport au Vietnam, à la Malaisie ou à Singapour, ce pays dispose toutefois de nombreux atouts. Ainsi, la Thaïlande est la première destination touristique des Français en Asie du Sud Est, avec près de 550 000 touristes par an, et ce pays accueille une communauté française de 10 000 inscrits et sans doute autant de résidents non immatriculés.
Sur le plan économique, la Thaïlande est notre troisième partenaire commercial, après Singapour et la Malaisie. Plus de 300 entreprises françaises sont implantées. De nombreux projets, notamment dans le domaine de l'aéronautique et des infrastructures, intéressent nos entreprises.
La coopération culturelle et universitaire est aussi très active, avec une alliance française à Bangkok et trois annexes en province, plusieurs centres de recherche, un lycée français de 1 000 élèves. La Thaïlande est membre observateur de la francophonie.
Enfin, dans le domaine de la défense, la coopération avec la Thaïlande est ancienne puisqu'elle a débuté lorsque le roi RAMA VI a partagé les bancs de l'Ecole de Guerre avec le général De Gaulle.
Ce pays, où l'armée joue un rôle important, semble désireux de renforcer ses relations avec la France.
Après une période de suspension des relations à la suite du coup d'état militaire, le retour d'un gouvernement démocratique a entraîné une reprise de notre relation depuis 2011, dont le point d'orgue a été la signature d'un accord de coopération en matière de défense, signé entre le Premier Ministre français et le ministre de la défense Thaïlandais, lors du déplacement de M. Jean-Marc Ayrault à Bangkok en février 2013.
Le socle actuel de notre coopération militaire repose sur un programme de formation, avec près de 200 officiers thaïlandais formés en France, créant un véritable réseau de francophones au sein des forces armées.
Au-delà de ce cycle de formation, un plan de coopération, signé en avril 2013, a mis à l'ordre du jour un programme d'échange d'expertise dans le domaine de l'artillerie, de la lutte contre les engins explosifs improvisés et des opérations de maintien de la paix. La France participera ainsi cette année, pour la première fois, à un exercice multinational organisé en Thaïlande par les forces armées royales thaïlandaises et malaisiennes, sur le thème des secours aux populations en cas de catastrophe naturelle. Des officiers français du commandement de la zone Pacifique (ALPACI) y participeront, la France étant le seul pays européen invité à cet exercice mené dans le cadre du forum de l'ADMM+, qui rassemble les pays de l'ASEAN ainsi que les Etats-Unis, la Chine, la Russie, le Japon, la Corée du Sud et l'Australie. Dans le même esprit, un exercice régional sur le thème des opérations de maintien de la paix organisé en juillet en Thaïlande pourrait également voir une participation française.
Dans le domaine de l'armement, notre relation se concrétise principalement au travers de l'essor récent de contrats. Eurocopter a vendu huit hélicoptères « Fennec » à l'armée de terre en 2011 et quatre hélicoptères « Caracal » à l'armée de l'air en 2012 (deux autres sont en commande). Dix autres hélicoptères « Caracal » pourraient suivre si le plan d'équipement annoncé par les Thaïlandais se concrétise. Par ailleurs la Marine est sur le point de contractualiser 6 hélicoptères EC 645. En outre, MBDA est actuellement bien positionné dans une compétition lancée par l'armée de terre thaïlandaise, qui vise à s'équiper d'un système de défense antiaérienne.
La Marine thaïlandaise souhaite s'équiper d'une sous-marinade moderne. DCNS a présenté l'« Andrasta », petit sous-marin côtier. L'Allemagne et la Corée du Sud se sont déjà positionnées.
L'armée de terre, équipée de canons CAESAR, pourrait aussi commander de nouvelles pièces.
Ainsi, même si la situation politique actuelle en Thaïlande ne paraît guère propice pour le moment, je considère que la France pourrait renforcer sa présence politique et militaire afin de se voir reconnaitre par les pays de la région comme une puissance globale de premier plan, présente en Asie Pacifique, et promouvoir ainsi nos industries de défense.