Intervention de Philippe Errera

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 24 octobre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Audition de M. Philippe Errera directeur de la délégation aux affaires stratégiques au ministère de la défense programme 144 « environnement et prospective » de la mission défense

Philippe Errera, directeur de la délégation aux affaires stratégiques (DAS) au ministère de la défense :

Nous sommes au seuil d'une année charnière pour la DAS comme pour la programmation. La DAS connaît une métamorphose. Le ministre a en effet décidé de créer une direction générale d'administration centrale unique qui lui sera directement rattachée et qui pilotera l'action internationale et les affaires stratégiques du ministère. Elle intégrera des fonctions et des personnels de la DAS, de l'état-major des armées (EMA) et de la DGA, selon un partage qui reste à préciser. Les objectifs visés sont un pilotage plus efficace, une réduction des redondances et une amélioration de la gouvernance de la prospective et de la stratégie internationale.

Le Livre blanc, paru cette année, a réaffirmé l'importance particulière de la fonction stratégique « connaissance et anticipation » : elle fournit une capacité d'appréciation autonome des situations, condition de décisions libres et souveraines. Aussi la loi de programmation a-t-elle renforcé les fonctions de renseignement et de prospective, en maintenant le niveau des crédits des études amont et en augmentant ceux de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD). La direction du renseignement militaire (DRM) ne relève pas du programme 144 mais concourt à cette fonction.

La programmation maintient à un niveau élevé les crédits consacrés aux deux priorités majeures du programme 144, recherche de défense et renseignement. Le gouvernement a jugé indispensable de poursuivre développement de nos capacités technologiques, qui est au fondement de notre autonomie militaire et de notre souveraineté. Les études amont, pilotées par la DGA, sont un levier essentiel de cette politique. Le drone Neuron par exemple a effectué son premier vol en décembre 2012 et poursuit ses essais en France avant d'être testé en Suède et en Italie. Premier drone de combat furtif, il est aussi le premier construit dans le cadre d'une coopération européenne et le premier complètement conçu et développé sur un plateau coopératif virtuel. Les simulations numériques, les essais en vol et en laboratoire font appel aux nouvelles technologies développées dans les études amont. Lesquelles soutiennent l'industrie de défense, les bureaux d'études, de recherche et les PME. Les efforts de l'État en ce domaine ont des répercussions sur les technologies à usage civil. Ces crédits participent à la politique industrielle et à la politique de recherche. Le budget correspondant sera de 730 millions d'euros annuels sur la période 2014-2019 : l'effort consenti en 2013 est pérennisé.

Le renforcement de la fonction stratégique de renseignement portera sur les ressources humaines et sur des investissements complémentaires. Le développement de nos capacités de recueil, de traitement et de diffusion du renseignement étant prioritaire, l'accent est mis sur les composantes spatiales et aériennes : renseignement d'origine électromagnétique (Roem) et renseignement d'origine images spatiales (Roim) avec les programmes Ceres et Musis, développement de la capacité drone Male et acquisition d'une capacité de recueil piloté légère en complément des capacités existantes. Les capacités de maîtrise et de traitement de l'information seront également développées. Les effectifs croîtront, dans la continuité de la programmation précédente - 689 ETPT supplémentaire entre 2009 et 2014. Les effectifs de la DPSD seront maintenus afin de préserver les moyens de contre-ingérence. Nous sommes néanmoins concernés par l'exigence de maîtrise financière. Celle-ci se concentre sur les lignes de fonctionnement et sur les ressources accordées aux opérateurs de l'État.

Les effectifs et le budget correspondants au programme 144 augmentent en 2014, ce qui est exceptionnel au sein du ministère. Les crédits se montent à 1 979,5 millions d'euros, en hausse de 3,9%. Le schéma d'emplois augmente de 1,8%, passant de 8 820 à 8 848 ETPT. La dotation en masse salariale passe de 633 à 644 millions d'euros. La politique de ressources humaines restera axée sur l'ouverture d'emplois d'encadrement et de haute technicité et sur la préservation d'une proportion de civils, fixée à un tiers. Hors titre II, les crédits du programme 144 s'élèvent à 1 335 millions d'euros : une baisse de 1,08% en autorisations d'engagement et une hausse de 4,94% en crédits de paiement.

La nomenclature, inchangée, se compose des actions 3, 7 et 8 : recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France, prospective de défense, diplomatie de défense. L'action des services de renseignement sera renforcée et consolidée, les moyens mutualisés, l'interopérabilité accrue, et les effectifs augmenteront de 65 agents. Le budget augmentera, hors masse salariale, de 39 millions d'euros.

L'action 7 est la plus importante en volume. Elle comprend l'analyse prospective, qui est l'un des domaines majeurs de la fonction stratégique de connaissance et d'anticipation. Ces études sont commandées à des instituts de recherche politico-militaire, géopolitique, économique et sociale afin de répondre aux besoins, divers, de tous les services. Les études opérationnelles et technico-opérationnelles (Eoto) éclairent les réflexions sur l'équipement et l'emploi des forces. Les études amont représentent le plus gros effort du programme en matière de prospective de défense.

La sous-action 7.1 rassemble les études prospectives et stratégiques, qui est au coeur de la mission de la DAS, les aides à la publication, le soutien aux personnalités d'avenir et au post-doctorat. Elle représente en 2014 6 millions d'euros en autorisations d'engagement, en baisse de 25%, et 6,9 millions d'euros en crédits de paiement, en hausse de 35%. Ces évolutions contrastées traduisent des ajustements de gestion. La sous-action 7.2 rassemble les Eoto qu'il est prévu d'engager en 2014 conformément aux orientations du plan prospectif à 30 ans. Ces études, pilotées par l'état-major des armées, visent à identifier les besoins militaires et préparer en conséquence les opérations d'armement. Les sous-actions 7.3 et 7.4 forment l'agrégat « recherche et technologie ».

Le budget prévu en 2014 pour les études amont, auxquelles s'ajoutent les subventions de recherche et technologie, est de 868 millions d'euros en crédits de paiement, en baisse par rapport à 2013, du fait de la baisse des crédits de fonctionnement des opérateurs. Cet agrégat représente environ 2% du budget de la défense français ; les Anglais et les Allemands y consacrent respectivement 1,5% et 1%, les autres pays européens encore moins. Les crédits des études amont ne sont plus répartis par systèmes de force mais par domaines sectoriels. Ces études représenteront l'an prochain 60,6% des autorisations d'engagement et 56% des crédits de paiement du programme, 809 et 746 millions d'euros.

La sous-action action 7.4 concerne les subventions à des opérateurs qui participent aux études et recherches, comme les écoles de la DGA - Ecole polytechnique, Ecole nationale supérieure de techniques avancées, Ecole nationale supérieure de techniques avancées Bretagne, Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace - mais aussi l'Onera ou l'institut Saint-Louis. Ces subventions s'élèvent en 2014 à 253 millions d'euros, en baisse d'environ 12 millions d'euros, ce qui compensera la hausse du budget des études amont.

L'action 8 regroupe les crédits consacrés au soutien aux exportations d'armement et à la diplomatie de défense. Les crédits de paiement, 35 millions d'euros, sont en baisse de 19,6% : c'est que le salon du Bourget se tient un an sur deux seulement... La sous action 8.1 concerne le soutien aux industriels exportateurs, notamment à travers l'organisation de manifestations renforçant leur visibilité. Les crédits sont de 6,5 millions d'euros environ.

La sous action 8.2 regroupe les crédits nécessaires au fonctionnement des postes permanents à l'étranger des 88 missions de défense, l'aide versée par la France au gouvernement de la République de Djibouti en compensation de l'implantation des forces françaises, soit 21millions d'euros, et la contribution financière au partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes (PMG8). Son budget diminue de près de 22%, et s'établit à 28,6 millions d'euros. Les dépenses d'activité des missions de défense représentent, hors titre II, 6,3 millions d'euros : le nombre des missions de défense reste à peu près constant mais, le nombre d'attachés de défense résidents diminuant, les dépenses de déplacement des non-résidents augmentent logiquement.

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