Intervention de Eric Chevallier

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 novembre 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Eric Chevallier ambassadeur de france en syrie

Eric Chevallier, ambassadeur de France pour la Syrie :

C'est une question très sérieuse et importante. Les chrétiens de Syrie sont au nombre d'un million et demi de personnes. Il y a une bonne douzaine d'églises, mais ils sont pour l'essentiel dans la mouvance orthodoxe. Ils ont, dans leur majorité, le sentiment que le père Assad les protégeait, et que le fils continuait l'oeuvre du père. Ce qui a pu, pour partie, être vrai. Mais il ne faut pas oublier que quand le mouvement de révolte a commencé, il y avait des chrétiens dans le mouvement, y compris des figures historiques comme l'opposant Michel Kilo ou Georges Sabra. Cela parce que le moteur de la révolte n'était pas religieux, mais était l'aspiration à la liberté et à la dignité. Avec la confessionnalisation progressive de la crise, largement provoquée par le régime et qu'il faut relativiser, les chrétiens ont eu peur et ont eu tendance, pour une large part, à se ranger du côté du régime. Certains ont suggéré d'aller leur dire : « vous avez tort d'avoir peur de l'opposition ». J'ai refusé. Nous n'avons pas de leçons à leur donner. En revanche, le message de la France, le discours que nous leur avons tenu et leur tenons est le suivant : « ne donnez pas l'impression que vous collez sans nuance à ce régime, car le jour où ce régime tombera, vous serez alors bien plus en difficulté. Ne faites pas de zèle, ni de surenchère, ni de déclarations de soutien inutiles et dangereuses. » On a demandé à tous les groupes de l'opposition de faire une place aux chrétiens, mais pas sur une base de quota, cela afin de faciliter le basculement de la communauté chrétienne dans l'opposition.

Ceci dit la Syrie est majoritairement sunnite. Il faut aussi être à leur écoute, et à celle de toutes les communautés, sans distinction. Si on arrive à persuader les opposants d'aujourd'hui, qui seront les chefs de demain, que c'est leur intérêt de protéger toutes les communautés, nous aurons fait notre travail. Une bonne part le pense. Et notamment les responsables de la nouvelle Coalition.

Les chrétiens n'ont pas de base géographique. C'est vrai. Certains se sont déjà réfugiés vers Tartous. D'autres ont quitté le pays. Ceux qui ont le moins peur sont allés au contact. Si le régime s'effondre, où iront-ils ? J'espère que la grande majorité, la totalité même, trouvera sa place dans la nouvelle Syrie. Ils ont aussi parfois peur car ils ont accueilli les 100 000 réfugiés chrétiens irakiens. Ils les ont accueillis chez eux et les réfugiés leur ont raconté ce qu'ils ont vécu en Irak pendant la guerre civile. Les Arméniens d'Alep nous ont alerté des attaques dont ils auraient fait l'objet de la part de certaines katibas. Mais en y regardant de plus près, c'était avant tout parce que le quartier arménien est sur le chemin de la conquête plus qu'une volonté de cibler les chrétiens. Il y a donc parfois, derrière les apparences, des dynamiques subtiles à l'oeuvre.

Pour ce qui concerne l'armement, je redis ce que le Président de la République a déclaré. Ni plus ni moins.

Le fait est que les choses ne seront plus jamais comme avant et que rien ne sert de regretter le passé, si tant est qu'il faille le regretter, ce qui n'est pas souhaitable. Il nous faut donc accompagner le mouvement, pour éviter qu'il ne bascule vers la radicalité. Cela me semble plus utile.

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