Intervention de Dov Zerah

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 25 octobre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission aide publique au développement - programme solidarité - Audition de M. Dov Zerah directeur de l'agence française de développement

Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement (AFD) :

L'AFD est aujourd'hui l'opérateur pivot de la France en matière d'aide au développement. Il y a 10 ans, les dispositifs de coopération français étaient beaucoup plus éclatés qu'aujourd'hui. L'AFD était concentrée sur ce que l'on appelait le « champ de la coopération », la direction du Trésor et la direction des relations économiques extérieures (DREE) géraient les protocoles financiers dans la zone dite « hors champ » et le quai d'Orsay avait la responsabilité des relations culturelles et scientifiques extérieures. La réforme du ministère de la coopération et du ministère des affaires étrangères a conduit progressivement à unifier au sein de l'AFD la majeure partie des compétences relatives à l'aide au développement.

Ce processus s'est accompagné d'une croissance continue des activités de l'AFD. Cette croissance a été obtenue par une diversification géographique de ses champs d'intervention et par une diversification sectorielle de ses centres d'intérêts. L'AFD a développé ses activités en Afrique, en Méditerranée, mais également dans des nouvelles zones géographiques, en Asie et en Amérique latine. Elle a poursuivi son action en faveur du développement des infrastructures mais s'est également investie dans la lutte contre le réchauffement climatique. L'AFD a poursuivi sa croissance grâce au développement de ses prêts et a poursuivi la gestion des dons pour le compte de l'Etat. Le système auquel nous avons abouti est bon, il est performant, il permet à la France d'être présent sur presque tous les continents, contrairement à d'autres bailleurs bilatéraux. Nous avons réussi à étendre nos activités sans pour autant perdre notre identité et notre coeur de métier qui est la lutte contre la pauvreté. Mais il est vrai que nous avons considérablement enrichi nos missions en intégrant pleinement la lutte contre le réchauffement climatique et la poursuite d'un modèle de développement durable dans nos objectifs.

Il y a aujourd'hui quatre partenariats clairement identifiés avec l'Afrique subsaharienne, le monde arabo-musulman, les pays émergents et les pays en crise. L'AFD concentre l'essentiel des moyens qui lui sont fournis par l'Etat à l'Afrique subsaharienne et aux secteurs sociaux. En revanche, dans les pays émergents, l'AFD entend intervenir sans « coût-Etat ». Ce n'était initialement pas le cas en Chine ou en Inde car il nous fallait bâtir des partenariats avec ces pays, mais aujourd'hui, nous entendons y poursuivre nos activités, dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique avec des prêts non bonifiés. Nous sommes devenus une référence mondiale dans le domaine de l'expertise en matière de développement durable et nous participons à ce titre à la préparation par la France des rendez-vous internationaux sur la lutte contre le réchauffement climatique à Durban et à Rio pour la conférence « Rio+20 ».

Comme vous le voyez, l'activité de l'agence se polarise actuellement sur deux thèmes essentiels : la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne et le développement durable. Nous poursuivons nos activités avec une dotation de l'Etat limitée, 400 millions d'euros au titre des bonifications de prêts consentis par la direction générale du Trésor et de 200 millions de subventions de la part du ministère des affaires étrangères. Avec 600 millions d'euros de crédit budgétaire, nos interventions s'élèvent à 7 milliards d'euros, c'est dire si nous avons un effet de levier conséquent. Nous obtenons ainsi un maximum d'effets en faveur du développement avec un coût minimal et c'est pourquoi je considère que ce modèle est bon. Il permet accessoirement de dégager un dividende de 98 millions cette année et de 220 millions l'année dernière. Je tiens à souligner que nous reversons la quasi intégralité de notre résultat net à l'Etat qui a ainsi bénéficié depuis 2004 de pas moins de 1,2 milliard d'euros de dividende de la part de l'AFD.

L'AFD a un mandat de lutte contre la pauvreté et de développement économique des pays du Sud, mais il a également une mission au titre de la politique d'influence de la France. Nos interventions en Chine, au Brésil, ont vocation à promouvoir l'expertise française. C'est ce que nous faisons dans le cadre du financement du métro à Medellin ou à Bogota. Qu'on ne s'y méprenne pas, nous intervenons dans le cadre d'une aide déliée. Conformément aux engagements de la France, nos financements ne sont pas conditionnés par l'obtention par les entreprises françaises des marchés concernés. Mais nous prenons soin dans ces interventions de choisir les secteurs dans lesquels il existe des partenaires français. Nos financements dans les pays émergents sans « coût-Etat » demeurent des financements intéressants pour nos pays partenaires car nous leur faisons bénéficier de la signature « triple A » de l'AFD. Les taux d'intérêts de ces prêts permettent en outre aux pouvoirs publics de les déclarer auprès de l'OCDE au titre de l'aide publique au développement alors même qu'ils ne comportent pas de bonification.

S'agissant du printemps arabe, la France et l'AFD ont été les premiers à proposer au sommet de Deauville un partenariat avec les pays arabes en transition et notamment avec la Tunisie. Nous avons réorienté notre soutien à la Tunisie vers l'emploi, la formation professionnelle, la rénovation urbaine et la micro-finance. Nous avons, après un long travail de concertation avec les nouvelles autorités tunisiennes, défini des objectifs clairs. La situation dans l'ensemble de la zone n'est cependant pas simple. Nous avons fermé notre agence en Syrie, nous sommes en train de redéfinir nos priorités en Egypte avec quelques difficultés à bien cerner les objectifs des autorités en place.

En ce qui concerne le Sahel, vous avez raison, c'est une véritable question. La situation sécuritaire et économique est préoccupante.

En Afrique subsaharienne, vous l'avez souligné, l'enjeu majeur face à la croissance démographique de ce continent, c'est la sécurité alimentaire. C'est pourquoi nous avons concentré notre effort sur le développement de l'agriculture et des industries agro-alimentaires. Le développement de ces secteurs exige par ailleurs de soutenir la croissance des infrastructures de transport et d'électricité. Nos interventions dans ce continent intègrent de façon transversale la dimension du développement durable. Ainsi, en matière de transport, nous souhaitons concentrer nos efforts sur le transport ferroviaire qui constitue une solution plus sobre en carbone que le transport routier. J'ai d'ailleurs bon espoir qu'au sommet de Cannes, du G20, soit annoncé le financement de plusieurs projets de transport ferroviaire. De même, en matière d'énergie, nous souhaitons nous investir dans l'énergie hydro-électrique pour orienter la production d'électricité africaine vers un chemin de croissance plus respectueux de l'environnement. Pour le reste, nos interventions en subvention en Afrique vont se concentrer dans les domaines de l'éducation et de la santé. Ces domaines sont essentiels au développement de ce continent, l'éducation des femmes et la santé maternelle et infantile sont notamment des éléments essentiels d'une maîtrise de la démographie africaine. Or l'intensité de cette croissance démographique constitue aujourd'hui un enjeu majeur car elle conditionne à bien des égards l'avenir.

En termes de méthodes, l'AFD cherche à développer ses actions en partenariat avec des fondations privées et des organisations de solidarité internationale. Il s'agit d'un axe stratégique important.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion