Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 25 octobre 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AFD

La réunion

Source

La commission auditionne M. Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement (AFD), sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « Solidarité » de la mission Aide publique au développement).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Monsieur le Directeur général, Mes chers collègues, je suis heureux de vous accueillir, à nouveau, devant notre commission pour cette audition consacrée au projet de loi de finances pour 2012. Vous êtes à la tête du principal opérateur français de coopération au développement.

Je rappelle à nos collègues que l'AFD est à la fois un établissement bancaire de par son statut, ses méthodes et son bilan comptable, mais aussi une agence de coopération qui intervient comme bras séculier de la diplomatie française dans les pays du Sud.

L'essentiel des ressources de l'AFD provient des marchés, une part résiduelle de l'Etat, des programmes 209, pour les subventions, et 110 pour les bonifications de prêts.

La tentation est forte de vous juger à l'aune des 200 millions de subventions que gère l'agence, en ignorant les 7 milliards qu'engage la banque. Nous n'y céderons pas, en cherchant avec nos rapporteurs à comprendre et à évaluer l'activité de votre agence dans son ensemble.

C'est d'ailleurs ce que la commission a fait lors de la dernière session, en adoptant, à l'unanimité, un rapport fort documenté sur le nouveau contrat d'objectifs et de moyens de votre agence.

Je comprends que le caractère hybride de l'institution que vous dirigez présente un réel intérêt. En même temps, elle rend plus difficile la compréhension de son action.

Nous attendons donc de vous que vous nous éclairiez sur l'action de l'agence à un moment où, selon l'expression utilisée l'année dernière par les deux rapporteurs de l'aide au développement, « votre établissement est à la croisée des chemins » entre la poursuite de la croissance et la stabilisation, entre la poursuite de la diversification et la concentration.

Au-delà des crédits pour 2012, je souhaiterais que vous nous exposiez la stratégie de votre agence sur quatre points :

- l'accompagnement du printemps arabe : c'est un défi majeur : ces révolutions démocratiques ne doivent pas échouer, faute de développement économique et social. Nous devons les accompagner. Nous, l'Europe, la communauté internationale ;

- le Sahel ensuite : nous ne pouvons pas laisser cette région s'enfoncer dans le non-développement et devenir une zone de non-droit. C'est leur intérêt, c'est notre intérêt. En ce sens, l'action de l'AFD est stratégique.

- l'Afrique : en attendant un hypothétique automne africain, qu'il faudra lui aussi, le cas échéant, accompagner, l'Afrique devra faire face, vous le savez, d'ici trente ans, au défi du doublement de sa population. La croissance de ce continent devra être à la hauteur d'un défi démographique, économique, alimentaire et environnemental majeur. Le développement de ce continent de 1,8 milliard d'habitants, c'est avant tout l'affaire des Africains, mais cela risque, si la croissance n'est pas au rendez-vous, d'être aussi la nôtre.

- le réchauffement climatique : considérez-vous que l'AFD soit le principal opérateur de la lutte contre le réchauffement climatique à l'international ? Quelles sont selon vous les perspectives de la conférence de Durban ? Comment s'articule l'action de l'AFD, celle du Quai et celle du ministère du développement durable ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement (AFD)

L'AFD est aujourd'hui l'opérateur pivot de la France en matière d'aide au développement. Il y a 10 ans, les dispositifs de coopération français étaient beaucoup plus éclatés qu'aujourd'hui. L'AFD était concentrée sur ce que l'on appelait le « champ de la coopération », la direction du Trésor et la direction des relations économiques extérieures (DREE) géraient les protocoles financiers dans la zone dite « hors champ » et le quai d'Orsay avait la responsabilité des relations culturelles et scientifiques extérieures. La réforme du ministère de la coopération et du ministère des affaires étrangères a conduit progressivement à unifier au sein de l'AFD la majeure partie des compétences relatives à l'aide au développement.

Ce processus s'est accompagné d'une croissance continue des activités de l'AFD. Cette croissance a été obtenue par une diversification géographique de ses champs d'intervention et par une diversification sectorielle de ses centres d'intérêts. L'AFD a développé ses activités en Afrique, en Méditerranée, mais également dans des nouvelles zones géographiques, en Asie et en Amérique latine. Elle a poursuivi son action en faveur du développement des infrastructures mais s'est également investie dans la lutte contre le réchauffement climatique. L'AFD a poursuivi sa croissance grâce au développement de ses prêts et a poursuivi la gestion des dons pour le compte de l'Etat. Le système auquel nous avons abouti est bon, il est performant, il permet à la France d'être présent sur presque tous les continents, contrairement à d'autres bailleurs bilatéraux. Nous avons réussi à étendre nos activités sans pour autant perdre notre identité et notre coeur de métier qui est la lutte contre la pauvreté. Mais il est vrai que nous avons considérablement enrichi nos missions en intégrant pleinement la lutte contre le réchauffement climatique et la poursuite d'un modèle de développement durable dans nos objectifs.

Il y a aujourd'hui quatre partenariats clairement identifiés avec l'Afrique subsaharienne, le monde arabo-musulman, les pays émergents et les pays en crise. L'AFD concentre l'essentiel des moyens qui lui sont fournis par l'Etat à l'Afrique subsaharienne et aux secteurs sociaux. En revanche, dans les pays émergents, l'AFD entend intervenir sans « coût-Etat ». Ce n'était initialement pas le cas en Chine ou en Inde car il nous fallait bâtir des partenariats avec ces pays, mais aujourd'hui, nous entendons y poursuivre nos activités, dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique avec des prêts non bonifiés. Nous sommes devenus une référence mondiale dans le domaine de l'expertise en matière de développement durable et nous participons à ce titre à la préparation par la France des rendez-vous internationaux sur la lutte contre le réchauffement climatique à Durban et à Rio pour la conférence « Rio+20 ».

Comme vous le voyez, l'activité de l'agence se polarise actuellement sur deux thèmes essentiels : la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne et le développement durable. Nous poursuivons nos activités avec une dotation de l'Etat limitée, 400 millions d'euros au titre des bonifications de prêts consentis par la direction générale du Trésor et de 200 millions de subventions de la part du ministère des affaires étrangères. Avec 600 millions d'euros de crédit budgétaire, nos interventions s'élèvent à 7 milliards d'euros, c'est dire si nous avons un effet de levier conséquent. Nous obtenons ainsi un maximum d'effets en faveur du développement avec un coût minimal et c'est pourquoi je considère que ce modèle est bon. Il permet accessoirement de dégager un dividende de 98 millions cette année et de 220 millions l'année dernière. Je tiens à souligner que nous reversons la quasi intégralité de notre résultat net à l'Etat qui a ainsi bénéficié depuis 2004 de pas moins de 1,2 milliard d'euros de dividende de la part de l'AFD.

L'AFD a un mandat de lutte contre la pauvreté et de développement économique des pays du Sud, mais il a également une mission au titre de la politique d'influence de la France. Nos interventions en Chine, au Brésil, ont vocation à promouvoir l'expertise française. C'est ce que nous faisons dans le cadre du financement du métro à Medellin ou à Bogota. Qu'on ne s'y méprenne pas, nous intervenons dans le cadre d'une aide déliée. Conformément aux engagements de la France, nos financements ne sont pas conditionnés par l'obtention par les entreprises françaises des marchés concernés. Mais nous prenons soin dans ces interventions de choisir les secteurs dans lesquels il existe des partenaires français. Nos financements dans les pays émergents sans « coût-Etat » demeurent des financements intéressants pour nos pays partenaires car nous leur faisons bénéficier de la signature « triple A » de l'AFD. Les taux d'intérêts de ces prêts permettent en outre aux pouvoirs publics de les déclarer auprès de l'OCDE au titre de l'aide publique au développement alors même qu'ils ne comportent pas de bonification.

S'agissant du printemps arabe, la France et l'AFD ont été les premiers à proposer au sommet de Deauville un partenariat avec les pays arabes en transition et notamment avec la Tunisie. Nous avons réorienté notre soutien à la Tunisie vers l'emploi, la formation professionnelle, la rénovation urbaine et la micro-finance. Nous avons, après un long travail de concertation avec les nouvelles autorités tunisiennes, défini des objectifs clairs. La situation dans l'ensemble de la zone n'est cependant pas simple. Nous avons fermé notre agence en Syrie, nous sommes en train de redéfinir nos priorités en Egypte avec quelques difficultés à bien cerner les objectifs des autorités en place.

En ce qui concerne le Sahel, vous avez raison, c'est une véritable question. La situation sécuritaire et économique est préoccupante.

En Afrique subsaharienne, vous l'avez souligné, l'enjeu majeur face à la croissance démographique de ce continent, c'est la sécurité alimentaire. C'est pourquoi nous avons concentré notre effort sur le développement de l'agriculture et des industries agro-alimentaires. Le développement de ces secteurs exige par ailleurs de soutenir la croissance des infrastructures de transport et d'électricité. Nos interventions dans ce continent intègrent de façon transversale la dimension du développement durable. Ainsi, en matière de transport, nous souhaitons concentrer nos efforts sur le transport ferroviaire qui constitue une solution plus sobre en carbone que le transport routier. J'ai d'ailleurs bon espoir qu'au sommet de Cannes, du G20, soit annoncé le financement de plusieurs projets de transport ferroviaire. De même, en matière d'énergie, nous souhaitons nous investir dans l'énergie hydro-électrique pour orienter la production d'électricité africaine vers un chemin de croissance plus respectueux de l'environnement. Pour le reste, nos interventions en subvention en Afrique vont se concentrer dans les domaines de l'éducation et de la santé. Ces domaines sont essentiels au développement de ce continent, l'éducation des femmes et la santé maternelle et infantile sont notamment des éléments essentiels d'une maîtrise de la démographie africaine. Or l'intensité de cette croissance démographique constitue aujourd'hui un enjeu majeur car elle conditionne à bien des égards l'avenir.

En termes de méthodes, l'AFD cherche à développer ses actions en partenariat avec des fondations privées et des organisations de solidarité internationale. Il s'agit d'un axe stratégique important.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Lors du rapport sur le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD, nous avions constaté, pour nous en féliciter, le dynamisme de l'AFD en Afrique bien sûr mais également dans les pays émergents. Cette extension de vos activités d'un point de vue géographique et sectoriel, à un moment où vos moyens sont comptés, aboutit à une situation paradoxale à plusieurs égards. D'une part, nous constatons que vous rendez à l'Etat les dividendes conséquents, vous avez évoqué plus d'un milliard d'euros en 6 ans à un moment même où pour financer cette politique de coopération nous imaginons créer une nouvelle taxe sur les transactions financières. D'autre part, vous étendez vos activités en Asie, en Amérique latine, en Asie centrale et maintenant au Caucase alors même que nos moyens d'intervention dans les 14 pays prioritaires sont en diminution du fait de la réduction des moyens en subventions.

Quand on regarde le budget et les prévisions pour le trienum budgétaire on constate que de 2008 à 2013 les subventions gérées par l'AFD auront diminué de 20 % quand les bonifications de prêts auront augmenté du même pourcentage. N'y-a-t-il pas une contradiction entre les moyens et les objectifs ? L'année dernière la revue dite « à mi-parcours » de l'OCDE soulignait, je cite : « Les cinq secteurs sur lesquels la France veut se concentrer, d'après la décision du CICID, sont des secteurs dont la plupart sont susceptibles d'être appuyés par des dons, et ne se prêtent pas facilement aux prêts, puisqu'ils ne sont pas des secteurs productifs. Pourtant, la France a réduit ses dons. Ceci pose un défi pour la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de la France et le ciblage sur les PMA qu'elle a proposé. ». Qu'en pensez-vous et comment essayez-vous de dépasser cette contradiction ?

Le modèle de l'agence française de développement est un modèle non lucratif. L'activité de l'agence n'est ni conçue ni tarifée pour obtenir un excédent d'exploitation. Elle doit cependant dégager une rentabilité suffisante pour couvrir les frais d'activité non rémunérée comme la production intellectuelle ou d'activités déficitaires comme la gestion des subventions. Il y a là un équilibre subtil à maintenir qui a notamment été rendu possible par le développement de vos activités dans les pays émergents dans lesquels vos activités dégagent une certaine rentabilité. Quand nous avons fait notre mission en Inde nous avons compris que l'activité de prêts dans ce pays non seulement servait les intérêts français mais permettait de dégager une marge bancaire. Quand on vous a demandé de nous indiquer le montant de cette marge bancaire, vos services ont refusé de l'écrire parce que vos activités dans ce pays devaient rester sous le statut d'agence de développement. Pouvez-vous nous dire aujourd'hui, hors procès verbal, quelle est la rentabilité de l'activité bancaire de l'AFD en Inde ? Par ailleurs, je suis favorable au développement de vos activités dans ces pays émergents à partir du moment où cela ne coûte rien à l'État et où cela peut dégager des moyens financiers pour la politique de coopération dans les pays prioritaires, mais est-ce qu'on n'atteint pas la limite du système ? Est-ce que vous allez pouvoir longtemps comme ça mentir sur la réalité de l'activité ? Est-ce que quand vous financez des projets en Chine dans des secteurs porteurs liés à la croissance verte vous êtes encore en train de faire de l'aide au développement ?

J'ai une question subsidiaire qui concerne l'autorisation qui était faite à l'AFD d'intervenir en Asie centrale et dans le Caucase. La question est simple : qu'allez-vous faire ? Est-ce de l'aide au développement ? En quoi ces pays sont-ils prioritaires par rapport à l'Afrique ? Ces activités seront-elles rentables ? S'ils sont déficitaires, comment les financez-vous ? Si vous intervenez en Amérique latine, en Asie centrale, dans le Caucase, aux Philippines, en plus du Maghreb de la Méditerranée et de l'Afrique, votre champ d'action sera bien planétaire. J'ai la crainte que vous dispersiez vos activités. Vous me direz que dans ces zones géographiques l'AFD ne dépensera pas de l'argent public puisque les prêts seront faiblement bonifiés. C'est sans doute vrai, pas forcément au début mais dans un second temps. Mais il reste que cette diversification géographique entraîne des coûts de fonctionnement, mobilise les énergies et naturellement disperse les activités de l'agence.

D'un côté l'Europe semble être l'horizon naturel des politiques de coopération des Etats-membres. Il y a quelque chose d'absurde à maintenir 27 politiques d'aide au développement, 27 agences de coopération dans des pays comme la Mauritanie ou le Mali. De l'autre, nous n'avons encore jamais rencontré d'acteur de terrain qui soit satisfait de l'action des services de la commission en matière de développement. Certains disent sur le terrain que l'Union se comporte dans ce domaine comme un 28e État, d'autres que l'aide communautaire est enfermée dans des procédures kafkaïennes, que sa programmation est rigide et insensible aux priorités politiques du moment, bref.... il y a comme un désenchantement dans un domaine dont on pouvait penser qu'il était un domaine communautaire par excellence. Je sais que l'AFD participe à des programmations conjointes, se voit parfois déléguer la gestion de certains fonds européens. Quelle est votre vision ? Comment expliquez-vous cette déception ? Le commissaire européen vient de publier une communication relative aux nouvelles perspectives de cette politique. Pouvez-vous nous donner votre position sur ses propositions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

J'aurais souhaité vous demander quel est l'état de la coordination entre les services des ambassades et les agences de l'AFD sur le terrain. Ma deuxième question porte sur vos interventions en Haïti. J'ai pu constater lors de mon déplacement sur place au nom de la commission des finances, l'ampleur des dégâts et les difficultés de la gouvernance de ce pays. J'aurais voulu savoir où en étaient vos interventions et où en est-on des engagements de la France à l'égard de ce peuple durement touché par une catastrophe naturelle ?

S'agissant de la sécurité alimentaire, je constate qu'après avoir abandonné l'agriculture, nous redécouvrons les vertus de l'agriculture familiale. Je me demande si des éléments d'évaluation de nos actions n'auraient pas pu conduire à plus de cohérence et de constance dans le temps ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Je souhaite savoir si, dans le cadre de vos activités de prêts, vous avez des cas de sinistres et comment vous gérez ces situations ? En matière d'annulation de dettes, je souhaiterais savoir si les contrats de développement et de désendettement font l'objet d'une programmation et d'un suivi de la part de l'AFD. Je voudrais enfin connaître votre stratégie en matière de coopération décentralisée.

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement (AFD)

Il ne m'appartient pas de juger du niveau de subventions que l'Etat accorde à l'AFD. Notre mission est de maximiser la contribution de l'AFD au développement de nos pays partenaires avec les moyens que l'on nous donne. Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'AFD a commencé la croissance de ses interventions dans les années 2000 avec un ratio de solvabilité supérieur à 50 %. De ce point de vue, vous avez raison de dire que le schéma sur lequel nous avons fonctionné pendant cette décennie arrive à ses limites, puisque notre ratio de solvabilité est aujourd'hui inférieur à 30 %. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à nos autorités de tutelle une augmentation des fonds propres. Cette demande n'a pour l'instant pas reçu de réponse positive. Nous avons proposé différentes modalités dont certaines sont indolores pour les finances publiques. L'accord auquel sont parvenues nos autorités de tutelle en marge du contrat d'objectifs et de moyens sur les conditions de distribution du résultat net ne constitue pas un moyen d'amélioration significative de nos fonds propres. Nous avions proposé des modalités plus simples, à savoir un prélèvement à hauteur de 35 %, niveau qui me paraît logique dans la mesure où nous ne sommes pas assujettis à l'impôt sur le revenu.

Vous vous demandez si l'on peut distinguer dans notre action ce qui relève de l'aide au développement de ce qui relève du réchauffement climatique. On a peu écrit sur l'aide au développement, politique bâtie par des praticiens. Depuis les années 60, il y a des priorités acceptées par tous, comme les ajustements structurels, les objectifs du Millénaire pour le développement. Aujourd'hui, c'est le réchauffement climatique qui est à l'ordre du jour des développeurs. C'est à la fois une dimension verticale de notre action avec des secteurs bien déterminés comme les énergies renouvelables et une dimension horizontale de notre action, car aujourd'hui tous les projets de développement contiennent une dimension relative au développement durable. On ne conçoit plus des infrastructures ou des projets d'urbanisme sans prendre en compte les aspects liés à la lutte contre le réchauffement climatique.

En ce qui concerne la sécurité alimentaire, je voudrais souligner que c'est désormais une priorité absolue de l'agence. Nous avons augmenté nos financements en matière d'agriculture mais aussi pour soutenir les infrastructures de transport, de stockage et de transformation qui sont liées. Sur le long terme, il faut avoir à l'esprit une exigence de cohérence entre nos politiques de coopération et les politiques de soutien aux agricultures des pays développés. On ne peut pas, d'un côté, soutenir l'agriculture africaine et, de l'autre, empêcher par différents moyens que les produits de cette agriculture viennent concurrencer les nôtres.

Vous avez évoqué l'Europe des 27, mais, en réalité, il y a quatre ou cinq pays qui sont présents dans le domaine de la coopération. Il reste que nous travaillons à une meilleure coordination et à une meilleure division du travail. L'AFD est ainsi partie prenante à un processus de reconnaissance mutuelle des procédures, avec la KFW et la BEI. Cette reconnaissance mutuelle des procédures nous permet de mettre en oeuvre des projets instruits par nos homologues ou inversement. C'est un dispositif très efficace que nous expérimentons, par exemple, pour le financement du RER de Tunis.

S'agissant des relations entre les services de coopération des ambassades et les agences de l'AFD, je dois souligner qu'elles sont dans l'ensemble excellentes. Haïti est une situation particulière pour laquelle j'ai mandaté une inspection de mes services. La réforme du dispositif de coopération engagée en 1998 est un succès. Aujourd'hui, les ambassades sont demandeurs d'une intervention accrue des agences de l'AFD. Nous sommes les accompagnateurs de l'action des ambassades.

En réponse à Mme Keller, je souhaiterais la rassurer et lui indiquer que l'AFD veille scrupuleusement à maîtriser les risques qu'elle prend en finançant les projets de développement qu'elle sélectionne. Il est dans la vocation de l'agence de prendre des risques en faveur du développement. En revanche, j'ai tenu, à mon arrivée, à renforcer les moyens de suivi de ces risques, à créer une direction du risque et à revisiter l'ensemble de nos procédures. Nous veillons à la pertinence économique des projets que nous finançons, mais également à la probité des partenaires avec lesquels nous travaillons. En matière de corruption, la gouvernance mondiale progresse avec l'établissement de listes de personnes signalées présentant des risques. Il nous faut renforcer nos moyens d'information dans ce domaine de façon à éviter toute affaire qui pourrait nuire à l'image de l'AFD, en particulier, et à l'aide au développement, en général. De ce point de vue, la France gagnerait à renforcer ses moyens en matière d'intelligence économique.

S'agissant de la gestion des contrats de désendettement et de développement (C2D), l'ensemble des remboursements transite par un compte qui finance des projets de développement que nous instruisons en commun avec les Etats concernés. L'ensemble de la procédure est suivie très attentivement par l'AFD.

Vous avez raison de souligner le rôle essentiel de la coopération décentralisée. Au-delà du financement, ce type de coopération permet des échanges extrêmement fructueux d'expériences entre responsables locaux. Les projets financés par les collectivités territoriales bénéficient en outre de l'assistance des services techniques de ces collectivités, qui apportent un concours précieux aux collectivités en voie de développement. Cette assistance est d'autant plus précieuse que l'Etat a réduit à la portion congrue le nombre de ses assistants techniques dont les effectifs sont passés de 10 000 dans les années 80 à moins de 350 aujourd'hui. Or il y a manifestement une forte demande de coopération technique dans le monde. Dans des pays comme la Chine, l'Inde ou la Colombie, les projets de l'AFD sont recherchés tout autant pour leur financement que pour l'expertise technique que nous apportons. De ce point de vue, je crois qu'il faut renforcer nos moyens dans ce domaine. Sans revenir à la coopération de substitution qui avait cours dans les années 60, je crois qu'il nous faut renforcer les effectifs de la coopération technique et c'est pourquoi j'ai fait la proposition de créer un fonds dédié au financement de ce type de coopération.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Besson

Vous nous avez indiqué que les interventions de l'AFD en Chine consommeraient bientôt plus de crédits budgétaires et qu'en tout état de cause, vos engagements dans les pays émergents seront limités à 10 % de l'effort financier de l'Etat. En tant que président du groupe d'amitié France-Chine, je ne peux que me féliciter de vos interventions dans ce pays, qui ne se résument pas à l'économie florissante de la côte Est, mais je comprends l'étonnement de mes collègues de voir que l'opérateur pivot de notre coopération au développement intervient dans un pays qui est aujourd'hui la deuxième puissance économique mondiale et la première puissance financière de la planète. Pouvez-vous nous indiquer des exemples concrets d'intervention de l'AFD en Chine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Le 7 juillet dernier, à l'occasion de la réunion du conseil d'administration, un mouvement social s'est déclaré à l'AFD pour contester la gestion actuelle de la direction générale. Pouvez-vous nous indiquer quelles étaient les revendications de ce mouvement et l'évolution de la situation ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement (AFD)

Les interventions de l'AFD en Chine se feront désormais sans coût-Etat. Elles portent sur les secteurs énergétiques et urbains. La gestion de ces projets permet à nos équipes de participer à des groupes de travail chinois à travers lesquels nous apprenons beaucoup sur le développement de l'économie verte. Aujourd'hui, une stratégie de coopération passe par la création de réseaux d'expertise. Ces projets en Chine participent de cette stratégie.

S'agissant du mouvement social du 7 juillet 2011, il s'inscrit dans le contexte d'une année particulièrement difficile. Au-delà de la succession d'un directeur général qui était resté neuf ans, l'année a été marquée par la définition, pour la première fois, d'une part, d'une stratégie nationale de coopération, à travers le document-cadre de coopération et, d'autre part, d'un contrat d'objectifs et de moyens unique pour l'agence. Les dispositions de ce contrat nous ont conduits à réduire considérablement la progression des frais de fonctionnement de l'agence, puisque nous sommes passés d'une croissance de 12 % par an à une croissance annuelle de 1 %. Cette évolution a naturellement suscité des mécontentements. Par ailleurs, ma prise de fonction m'a conduit à être fréquemment en déplacement pour effectuer des visites de courtoisie à nos très nombreux partenaires, ce qui a pu limiter les moments de dialogue avec le personnel parisien.

J'ai pris la mesure de l'inquiétude et j'ai souhaité que l'on restructure la politique des ressources humaines. Un accord en faveur de l'égalité hommes-femmes a d'ores et déjà été signé par tous les syndicats. De même, les réorganisations relatives à la création de la direction des risques ou à la structuration de la direction des ressources humaines ont été approuvées à l'unanimité en CE. Pour l'avenir, j'ai notamment pris l'engagement que l'agence fasse l'objet d'une certification en matière de responsabilité sociale et environnementale avant 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Votre politique vous conduit-elle à conditionner votre aide à des améliorations en matière de gouvernance ? Vous arrive-t-il d'établir des coopérations avec la fondation de M. Bill Gates ? Dans quels pays du Caucase intervenez-vous ? Dans cette région, des pays dont les ressources naturelles sont très inégales, j'imagine que les besoins des pays comme l'Arménie ou la Géorgie sont plus importants que l'Azerbaïdjan qui dispose de ressources financières conséquentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Quand j'entends que l'AFD a distribué à l'Etat plus de 1,2 milliard d'euros de dividende, je suis extrêmement surpris. Il me semble qu'il y a une contradiction majeure à ce que la principale agence en faveur du développement contribue à renflouer les caisses de l'Etat à un moment où notre politique de coopération manque de moyens. Je suis en contradiction totale avec cette démarche. J'observe que nous avons abandonné l'agriculture familiale africaine dans les années 80 pour redécouvrir aujourd'hui ses bienfaits. Ne serait-il pas préférable que ces politiques sectorielles fassent l'objet d'un suivi et d'une évaluation sur le long terme, de sorte qu'elles ne subissent pas de tels à-coups.

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement (AFD)

La gouvernance ne fait pas partie des secteurs qui ont été transférés à l'AFD. Mais, évidemment, nous suivons la gestion du projet que nous finançons de façon très attentive. Nous ne sommes cependant pas en mesure de donner des leçons de gouvernance aux pays partenaires que nous aidons. Nous apportons un soutien technique à cette gouvernance sans interférer dans la gestion des affaires intérieures de nos partenaires. Les rumeurs relatives à la France-Afrique ont, de ce point de vue, considérablement nuit à l'image de l'AFD. Je me dois de rappeler que nos financements ne sont en aucune manière liés à l'obtention par les entreprises françaises des marchés financés par l'AFD.

S'agissant des fondations, nous avons des partenariats très structurés avec la fondation Bill Gates mais aussi avec la fondation de l'Aga Khan.

En ce qui concerne les interventions de l'AFD dans le Caucase, nous avons la possibilité d'intervenir en Géorgie, en Arménie, mais aussi en Azerbaïdjan. Dans ces zones géographiques, nous participerons à la promotion de l'expertise française sur des secteurs comme le développement urbain ou l'eau et l'assainissement.

En réponse à M. Hue, je veux lui dire que je comprends sa position et c'est pourquoi j'avais demandé à ce que les reversements de l'AFD à l'Etat au titre du dividende soient limités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Lorgeoux

Ne pourriez-vous pas considérer que ces dividendes sont des excédents réversibles ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement (AFD)

Je me permets de rappeler que le reversement des dividendes est notamment le résultat d'un amendement sénatorial déposé, en son temps, par Michel Charasse.

En ce qui concerne l'agriculture familiale, je rejoins là aussi les propos de M. Hue. Dans les années 90, la Banque mondiale a conduit la majorité des pays africains à fermer les caisses de stabilisation et à réduire les subventions au secteur agricole. Or, nous constatons aujourd'hui qu'il faut continuer à aider et à subventionner le développement de l'agriculture africaine pour accroître sa productivité. Je constate, dans le domaine du coton, que les Etats-Unis et l'Europe, mais aussi la Chine et l'Inde, continuent à subventionner leur production. L'accroissement des productions de ces pays et la diminution des cours qui en a découlé ont entraîné une crise très brutale des exploitations africaines dont la production a chuté de 50 % sur les années 2000. Cette concurrence déloyale a ainsi ruiné cinquante ans de coopération française dans ce secteur où on avait atteint des résultats très satisfaisants. Dans le même temps, la production indienne, pour ne prendre que cet exemple, s'est accrue de 50 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

Je trouve que l'on manque de moyens d'intervention en Amérique latine alors même que les expériences, en Colombie, notamment dans le domaine des transports urbains, sont tout à fait positives. J'aurais voulu savoir si les projets en Chine et en Inde entraînaient des transferts de technologies.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gillot

Pouvez-vous nous faire le point sur l'état d'avancement de vos opérations en Haïti ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement (AFD)

Nos interventions en Inde et en Chine n'entraînent pas de transferts de technologies. Nos interventions en Amérique latine sont pour l'instant concentrées en Colombie mais ne concernent pas des pays comme le Venezuela. A Haïti, nous travaillons, entre autres, en collaboration avec l'USAID pour la rénovation de l'hôpital de Port-au-Prince et la rénovation d'un quartier de la capitale.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Quels sont les critères environnementaux que vous utilisez pour la sélection des projets que vous financez ? Un des problèmes majeurs des pays en développement reste la corruption. Quelles dispositions prenez-vous pour limiter ce fléau ?

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

Pouvez-vous nous préciser les objectifs de vos interventions en Asie centrale ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement (AFD)

En Asie centrale, nous interviendrons dans les domaines de l'énergie et de l'eau, en collaboration avec la Banque asiatique de développement.

Nous analysons tous nos projets avec à l'esprit des objectifs de protection de l'environnement. C'est ce qui nous conduit, par exemple, dans le domaine de l'énergie, à financer exclusivement des barrages hydroélectriques.

En ce qui concerne la corruption, je vous rejoins pour considérer qu'il s'agit d'un fléau, mais, quitte à être provocateur, je voudrais souligner que le principal fléau de l'Afrique c'est avant tout l'absence d'infrastructures qui coûte chaque année au moins 2 % de croissance à ce continent. Il reste que la corruption est un enjeu majeur pour l'agence pour lequel nous visons un risque zéro.

La commission auditionne M. Alain Juppé, ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le projet de loi de finances pour 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Monsieur le ministre d'Etat, nous sommes heureux de vous accueillir pour cette audition consacrée aux crédits du ministère des affaires étrangères et européennes dans le projet de loi de finances pour 2012. Je salue la présence de votre nouveau directeur de cabinet, M. Jérôme Bonnafont, dont nous avons apprécié les qualités en tant qu'ambassadeur à New Delhi. En dépit d'une actualité très riche, nous limiterons cette audition à la préparation du budget. Vous serez condamné à revenir devant notre commission pour une audition consacrée à l'actualité internationale. Je proposerai également à la conférence des présidents d'inscrire à notre ordre du jour un débat de politique étrangère auquel pourront participer l'ensemble de nos collègues.

Les crédits de votre ministère sont regroupés au sein de la mission « Action extérieure de l'Etat ». Il s'agit des programmes 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », et 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ». Il faut y ajouter le programme ponctuel qui concerne notre présidence du G8 et du G20. Nous n'aborderons pas le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement », puisque nous entendrons jeudi M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération.

C'est devenu une banalité de dire que votre budget s'inscrit dans un contexte où la crise économique et financière et l'impérieuse nécessité de redresser nos finances publiques imposent leurs contraintes. Je vais laisser à nos rapporteurs le soin de vous interroger précisément sur les évolutions de votre budget. Dans le Livre blanc de 2008 sur la politique étrangère de la France, vous écriviez que nous avions atteint l'étiage. Déjà ! M. Hubert Védrine partage, je crois, ce diagnostic. Pouvons-nous concilier l'indispensable redressement de nos finances publiques, condition évidente de notre indépendance, et la préservation d'un outil diplomatique tel que le nôtre ? Je me pose la même question en matière de défense, et j'ai l'impression, dans un cas comme dans l'autre, que l'on nous propose des budgets d'attente, rendez-vous étant pris pour la seconde moitié de 2012.

Nous disposons d'un outil diplomatique de premier ordre. Sa performance, son efficacité, nous avons pu en juger en Côte-d'Ivoire ou en Libye. Les propositions de la France comptent au Conseil de sécurité, en Afghanistan, en Afrique. Au-delà de ces opérations très médiatisées, nous voyons à travers les télégrammes le travail quotidien fait par chacun de nos postes et par l'administration centrale. Cette influence française retrouvée est d'autant plus nécessaire que la mondialisation rend notre pays toujours plus interdépendant. Il nous faut donc agir plus efficacement au-delà de nos frontières traditionnelles, fussent-elles celles de l'Europe. Cette fonction si importante pour nos intérêts coûte 2,9 milliards d'euros, soit 1 % des dépenses globales.

Votre budget diminue de 1, 2 % à structure constante. Votre force de conviction et votre position au sein du Gouvernement ont permis des arbitrages favorables sur les suppressions de postes et les contributions aux opérations de maintien de la paix et au Fonds européen de développement. Mais cela ne suffit pas à inverser la trajectoire. Pouvez-vous nous dire à quel niveau d'étiage nous sommes ?

Debut de section - Permalien
Alain Juppé, ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes

Quinze jours après avoir rencontré informellement les nouveaux rapporteurs de votre commission, j'ai plaisir à venir présenter devant vous les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat ». Je me soumettrai très volontiers à la condamnation de M. le président qui veut que je revienne devant vous parler de l'actualité internationale : je prends toujours plaisir à nos échanges.

Notre diplomatie a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Le ministère des affaires étrangères a récemment été en butte à des critiques injustes, qui ont affaibli la confiance que lui portent nos concitoyens et nos agents eux-mêmes. Il est vrai que le Quai d'Orsay a été fragilisé par la lente érosion de ses effectifs et de son budget, qui ne date pas de la révision générale des politiques publiques : comme M. Hubert Védrine et moi-même le soulignions dans un article cosigné, les emplois relevant des ministères des affaires étrangères et européennes ont diminué de 20 % en quinze ans ; entre 1995 et 2005, la baisse a été de 15 %, quand l'effectif des autres ministères civils augmentait en moyenne de 5 %. J'ai dit que nous étions arrivés à l'étiage, et même « à l'os ». Je ne ferai pas de miracle : dans le contexte budgétaire que nous connaissons, chacun doit participer à l'effort collectif. L'économie mondiale traverse une crise d'une extrême gravité : crise du surendettement de quelques grandes zones économiques - Etats-Unis, Japon, zone euro - et crise de confiance, qui se traduit par la baisse des perspectives de croissance. J'étais la semaine dernière en Chine et en Inde, et j'ai eu avec le vice-premier ministre chinois en charge du G20, sur la gestion budgétaire des pays européens, ce que l'on appelle en langage diplomatique un entretien franc... J'ai bon espoir que les dirigeants européens trouveront demain un accord, mais quoi qu'il arrive la discipline budgétaire restera indispensable.

Les crédits de la mission pour 2012 respectent les plafonds de la loi de programmation triennale, et les principes de la RGPP sur la maîtrise des dépenses. Toutefois le ministère amorce une correction de trajectoire grâce aux marges de manoeuvre conservées ou restituées. Le budget des opérations de maintien de la paix baisse de 65 millions d'euros grâce à la fin de plusieurs missions dont la MINURCAT en République centrafricaine et au Tchad et à un taux de change euro-dollar plus favorable : si le marché le permet, nous tenterons de consolider ce gain en achetant des dollars. En revanche, les contributions au budget des organisations et de la justice internationales sont en hausse de 25 millions : sur ce point, les prévisions triennales étaient trop faibles, et il faut faire face à des dépenses exceptionnelles comme la rénovation du siège de la Cour pénale internationale. Les contributions internationales et européennes obligatoires, dont le montant d'élève à 841 millions d'euros, représentent 40 % de la mission « Action extérieure de l'Etat ». Au total, nous disposons donc de 40 millions d'euros supplémentaires. Certes, nous ne sommes pas à l'abri d'opérations imprévues de maintien de la paix, mais la règle est de ne pas provisionner d'opérations nouvelles en loi de finances initiale.

Cet argent servira d'abord à financer des dépenses insuffisamment budgétées dans le cadre du triennal budgétaire, comme l'aide à la scolarité des Français de l'étranger : dans l'esprit du rapport Colot-Joissains, nous y consacrerons 13,5 millions supplémentaires. Le coût de la prise en charge (PEC) a été stabilisé par le plafonnement voté l'an dernier, et diminue même légèrement : 31,9 millions au lieu de 33,7. En revanche, le montant total des bourses passe de 84 à 93 millions, en raison de la croissance des communautés françaises à l'étranger, de la paupérisation de certains ménages suite à la crise, de la hausse des frais de scolarité, et parce que l'instauration de la PEC a conduit certaines familles à déposer pour la première fois une demande de bourse.

Les économies réalisées seront aussi redéployées en direction de la masse salariale, pour couvrir l'effet change-prix : 17 millions y seront consacrés dans le cadre de la mission « Action extérieure de l'Etat », 6 millions dans la mission « Aide publique au développement ». Le ministère respecte strictement le plafond de masse salariale qui lui a été fixé, mais l'effet change-prix est financé en exécution et pris en compte dans la loi de finances avec un retard de deux ans.

Au-delà de ces dépenses obligatoires, nous pourrons aussi faire un effort supplémentaire sur certains secteurs prioritaires et ciblés. Au titre de notre politique d'influence et d'attractivité en direction de nos partenaires méditerranéens et des émergents, ce budget prévoit ainsi une augmentation de l'enveloppe dédiée aux bourses. Initialement prévu à 3,3 millions d'euros, cet effort complémentaire sera ramené à 2 millions d'euros en raison de la contribution du MAEE au plan d'économies du Gouvernement, le « rabot d'un milliard ». L'impératif de sécurisation de nos implantations dans les zones sensibles, notamment au Sahel, nous a en outre conduit à prévoir une hausse de 3 millions d'euros des crédits de sécurité. Enfin, pour l'organisation des premières élections législatives ouvertes aux Français de l'étranger, outre les 8 millions d'euros transférés du ministère de l'intérieur, nous consacrerons 1 million d'euros aux campagnes d'information et de communication.

S'agissant des dépenses de fonctionnement, si le ministère doit se plier globalement à la norme gouvernementale d'une baisse de 8 % en trois ans, il faut tenir compte des contraintes spécifiques qui s'imposent à notre réseau diplomatique : les crédits de coopération de défense et de sécurité ont été stabilisés à 35 millions d'euros sur la période triennale, en raison de notre action au Sahel et des opérations de maintien de la paix en Afrique ; certains services, comme le centre de crise et le service du protocole, sont extrêmement sensibles aux aléas de la conjoncture internationale et ne peuvent absorber sans dommage une diminution de leur crédits de fonctionnement ; enfin les dépenses de fonctionnement des postes à l'étranger sont soumises à des facteurs non maîtrisables comme le niveau des loyers ou le prix de l'énergie, des fluides et des transports aériens. Nous avons donc renoncé à une nouvelle baisse des dépenses de fonctionnement dans les postes à l'étranger en 2012, en échange de quoi nous ferons un effort supplémentaire pour réduire les crédits de communication, d'informatique, les frais de représentation et de mission et les dépenses de fonctionnement des établissements culturels.

Quant aux effectifs, la trajectoire doit aussi être revue pour tenir compte des efforts antérieurs du ministère, qui en 2010 notamment a anticipé les effets de la RGPP. J'ai donc obtenu du Premier ministre que les suppressions d'emplois prévues en 2011-2013 soient revues à la baisse : 75 ETP en 2011 au lieu de 160, 140 en 2012 au lieu de 226.

Il faut enfin évoquer la contribution du ministère au train de mesures anti-déficit annoncé par le Premier ministre le 24 août. L'aide publique au développement en a été exonérée, mais la mission « Action extérieure de l'Etat » supportera une baisse de 13 millions d'euros de ses crédits. La contribution attendue du MAEE devait initialement être plus élevée, mais j'ai obtenu que soient prises en compte les dépenses obligatoires comme les versements aux organisations internationales, les opérations de maintien de la paix ou l'aide à la scolarité. Le Gouvernement souhaitant que les opérateurs de l'Etat soient mis à contribution, 6 millions sur 13 seront prélevés sur les subventions à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et à l'Institut français, auxquels leurs fonds de roulement permettront de poursuivre sans peine leurs activités. S'y ajoutent 100 000 euros du programme 151 relatif aux consulats, 2,4 millions destinés aux interventions culturelles dans le cadre du programme 185, et 4,5 millions de dépenses d'entretien immobilier et de fonctionnement.

Mon ministère doit porter sa part du fardeau commun, et c'est donc avec un enthousiasme que j'espère communicatif que je vous présente ce budget ! Nous faisons de belles choses à l'étranger. La nouvelle ambassade de France à Pékin, par exemple, est à la mesure des ambitions de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Quelles actions la direction de la coopération de sécurité et de défense prévoit-elle, dans le cadre du programme 105, pour stabiliser la situation politique et sécuritaire du Sahel ?

Pas moins de 60 % des crédits de ce programme sont consacrés aux opérations de maintien de la paix décidées par l'ONU et aux contributions obligatoires aux organisations internationales. Ne pourrait-on transférer aux ministères compétents la charge des contributions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Jadis, la qualité d'un budget se mesurait à la hausse des crédits, aujourd'hui c'est à la part prise au redressement des finances publiques du pays. Mais tous les esprits sont-ils convertis à cette évolution ? Ce sera l'enjeu du prochain débat budgétaire. Comme le relevait M. Trillard l'an dernier dans son rapport pour avis, la France, avec 279 implantations, est dotée du premier réseau diplomatique et consulaire du monde ; par le nombre de ses ambassades - 162 - elle se classe au deuxième rang, après les Etats-Unis et à égalité avec la Chine ; elle dispose enfin de 21 représentations multilatérales, contre 9 pour les Etats-Unis et 8 pour la Chine. Ces chiffres doivent nous inciter à la réflexion. Notre pays, avec ses 1 700 milliards de dette, a-t-il encore les moyens d'entretenir un si vaste réseau ? Peut-il se contenter d'ajustements, ou doit-il envisager des réformes structurelles ? De quelle efficacité pourrait être l'appareil diplomatique d'un pays à l'économie atone ? Des synergies ne sont-elles pas possibles avec d'autres pays européens, pour réaliser des économies d'échelle ? Vous avez parlé de « fédéralisme » européen, et je vous en félicite. Ce principe vaut aussi pour les affaires étrangères, même si elles sont au coeur de la souveraineté nationale - mais celle-ci devient relative à l'heure de la mondialisation. Des efforts ont été faits, comme en témoignent la classification en quatre catégories de nos services extérieurs, ou encore les ambassades thématiques ; cette année, les crédits du programme 105 baissent de 2,6 %. Mais les évolutions économiques récentes n'imposent-elles pas un changement de format ?

Debut de section - Permalien
Alain Juppé, ministre d'Etat

La situation au Sahel est très préoccupante. Le conflit en Libye a sans doute favorisé le transfert dans cette région d'armes dangereuses comme des missiles sol-air, et le repli d'éventuelles recrues d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Aux efforts financiers consentis en 2010 et 2011 pour sécuriser cette région viendra s'ajouter en 2012 le plan de renforcement des capacités nigériennes. La coopération structurelle de long terme, quant à elle, vise à rendre ces pays capables de se stabiliser. En 2011, la coopération de sécurité et de défense a mobilisé 2,3 millions d'euros et huit coopérants en Mauritanie, 4,4 millions et dix-neuf coopérants au Mali, 4,3 millions et dix-sept coopérants au Niger. Nous encourageons la coopération interrégionale, malgré les résistances du Mali. L'Algérie a organisé un sommet à ce sujet il y a quelques semaines, mais des efforts restent à faire.

S'agissant des contributions de la France aux budgets des organisations internationales, 76 de ces contributions ont déjà été transférées à d'autres ministères depuis 2008, pour un montant de 25,6 millions d'euros. Ce transfert est donc presque achevé. Les discussions relatives à la contribution à l'Assemblée parlementaire de l'Otan sont en bonne voie avec l'Assemblée nationale et le Sénat, puisque M. le président Accoyer a déjà donné son accord. En revanche, nous nous sommes heurtés au refus de Bercy s'agissant du transfert du budget des pensions et de l'ajustement fiscal des pensions des organisations coordonnées.

Suivant les orientations du Livre blanc, la France a fait le choix de conserver un réseau diplomatique et consulaire à vocation universelle, le deuxième au monde après celui des Etats-Unis : 160 ambassades, 17 missions multilatérales et plus d'une centaine de consulats généraux. Pour plus de clarté, nous avons distingué 30 ambassades à missions élargies - dont 8 à format d'exception -, une centaine d'ambassades à missions prioritaires, et 30 postes de présence diplomatique. On pourrait envisager de supprimer ces derniers, mais elles représentent 1 % seulement des crédits de fonctionnement de la mission. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Même à l'heure d'internet, la présence d'une ambassade dans un pays est source de rayonnement. Peut-être faudra-t-il un jour réduire notre présence dans le monde, mais ce n'est pas le choix que je défends aujourd'hui.

Il faut d'ailleurs mesurer les efforts de productivité réalisés par nos consulats. A Shanghai, un agent français traite 7 000 demandes de visa par an, quand la moyenne européenne est de 4 000. Je tiens à cet égard à rappeler que si un agent consulaire représente évidemment un coût pour l'Etat, les visas qu'il délivre engendrent en revanche un gain net de 200 000 euros pour l'Etat ! Il faut aussi préserver l'influence et l'attractivité de la France. A Shanghai, si la queue pour obtenir un visa est trop longue, les touristes chinois se tournent vers le consulat d'Allemagne et prennent un vol pour Berlin ou Francfort !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Le service public consulaire, vous l'avez dit, est « à l'os ». La création de cinq pôles consulaires régionaux a-t-elle fait économiser des emplois, et envisage-t-on d'en créer d'autres ? Bercy plaide pour la réduction de notre réseau consulaire au sein de l'Union européenne, qu'en pensez-vous ?

Le nouveau secrétaire d'Etat chargé des Français de l'étranger, M. Edouard Courtial, multiplie les visites sur le terrain, ce qui est une très bonne chose, mais son décret d'attribution n'est toujours pas paru. Peut-être en connaissez-vous déjà la teneur ? Pouvez-vous nous confirmer que le budget de fonctionnement et les dépenses de personnel du secrétariat d'Etat relèvent du programme 105, mais l'emploi du secrétaire d'Etat du programme 151 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Les écoles françaises à l'étranger sont victimes de leur succès : pour faire face à la demande, elles doivent acheter des terrains, construire des bâtiments et augmenter leurs dépenses de fonctionnement, mais l'Etat n'assume qu'une partie des frais supplémentaires, le reste incombant aux familles par le biais des frais de scolarité. A Alger et Pondichéry, ceux-ci ont triplé depuis 2007-2008, et ne sont plus pris en charge que dans la limite d'un tiers depuis le plafonnement ; les parents paient donc deux fois plus qu'avant la création de la PEC. Ni un coefficient correcteur, ni des bourses qui ne touchent que 17 % des familles ne résoudront le problème. Je comprends bien qu'il soit impossible de revenir à une prise en charge totale, mais ne pourrait-on prendre comme période de référence l'année scolaire 2009-2010, comme le demande l'Assemblée des Français de l'étranger ? Cela coûterait 3 millions d'euros, mais le plafonnement de la PEC en a fait économiser 9. Les parents y seraient sensibles, car ce sont eux qui font les frais de l'extension du réseau.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé, ministre d'Etat

Les pôles consulaires régionaux sont chargés de l'administration des Français installés à l'étranger, de l'état-civil et des visas. Il en existe cinq, et il n'est pas prévu d'en créer d'autres pour le moment.

Je vous confirme que les crédits de fonctionnement et de personnel du secrétariat d'Etat chargé des Français de l'étranger relèvent du programme 105 et l'emploi du secrétaire d'Etat du programme 151. Le décret d'attribution de M. Courtial reprendra pour l'essentiel celui de M. Douillet. Comme son prédécesseur, il a su se faire apprécier par nos compatriotes expatriés, en témoignant du fait que l'administration centrale est prête à les écouter. (M. Robert del Picchia le confirme)

Les familles paient plus pour l'AEFE, mais l'Etat beaucoup plus : 120 millions au lieu de 50 ! J'ai eu du mal à défendre la PEC devant la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale ; je n'en pensais pas grand bien lorsque j'ai rédigé le Livre blanc, mais j'applique la loi... Il nous sera difficile d'en faire beaucoup plus : conformément aux recommandations de Mmes Colot et Joissains, nous avons décidé de maintenir le dispositif existant pour le lycée, de ne pas l'étendre au collège et de stabiliser les dépenses au niveau de 2006-2007. Cependant, certains établissements ayant profité de l'apport financier de l'Etat pour réaliser des travaux importants, nous essaierons de corriger au cas par cas les disparités les plus flagrantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Besson

Je n'insiste pas sur le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » : M. Beaumont et moi-même devons auditionner dans les prochains jours vos collaborateurs ainsi que M. Xavier Darcos. Je constate que le niveau des autorisations d'engagement et des crédits de paiement est stable.

Pour revenir sur l'étendue de notre réseau diplomatique, pourquoi ne pas mutualiser nos moyens avec l'Allemagne ou d'autres pays de l'Union européenne dans de petits pays de 4 ou 5 millions d'habitants ?

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Le Gouvernement a fait de l'enseignement du français à l'étranger une de ses priorités, et ce budget s'en ressent. Le coup de rabot de 13 millions d'euros, réparti équitablement sur les crédits de l'Institut français et de l'AEFE, ne devrait pas peser excessivement sur leur budget, compte tenu de leurs réserves. L'enseignement du français à l'étranger a un coût, mais il rapporte aussi de l'argent, par le biais de l'AEFE ou des Alliances françaises. Savez-vous combien ?

Debut de section - Permalien
Alain Juppé, ministre d'Etat

Dans son principe, l'idée de faire cohabiter dans les mêmes locaux des services français et allemands est excellente. Depuis l'accord-cadre de mars 2008, une quinzaine de sites culturels communs ont été ouverts ; à Rio de Janeiro le consulat allemand est accueilli à la Maison de France ; à Dacca on projette de réunir tous les services français et allemands, et d'autres projets semblables existent pour Koweït et Séoul. Mais le rapprochement n'est pas toujours facile, et se limite souvent à la juxtaposition de services aux traditions et aux pratiques différentes. Un rapport de M. le président Carrère et de M. Gouteyron a d'ailleurs montré que les économies réalisées étaient moindres qu'attendu. Nous fermons aussi des postes, comme cette année les consulats d'Anvers et de Liège, mais nous nous exposons à chaque fois à un feu nourri de critiques...

M. Beaumont a raison de dire que nous disposons d'un exceptionnel réseau d'établissements linguistiques à l'étranger, l'un des plus vastes au monde. Son attractivité montre que la pédagogie française n'est pas si mauvaise qu'on le dit... L'enseignement du français coûte 1 milliard d'euros, mais les établissements en gestion directe ou conventionnés qui relèvent du programme 185 s'autofinancent à 55 %. Des partenariats très fructueux se développent, comme à Los Angeles ou à Bilbao où l'on peut s'appuyer sur des ressources locales. Les Alliances françaises participent aussi à la diffusion de notre langue, et en 2010 elles ont tiré des cours de français qu'elles dispensent 170 millions d'euros bruts. Les conseillers culturels des centres ont d'ailleurs bien compris l'intérêt d'ouvrir des cours de langue pour financer leurs autres actions culturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Qu'envisagez-vous de faire au Sahel ? Je veux plaider pour les Touaregs, ballottés depuis tant d'années entre Niger, Algérie et Mali, cornaqués par Kadhafi, si j'ose dire, et dont certains subissent l'influence pernicieuse des terroristes.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

L'ouverture le 1er janvier dernier du Service européen pour l'action extérieure (SEAE), dont le secrétaire général exécutif est notre compatriote M. Pierre Vimont, ne doit-elle pas nous conduire à redéfinir le format du ministère français des affaires étrangères ? Des agents ont été transférés, mais aussi des compétences. Il faudra à ce sujet un débat en séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

En ouvrant, il y a quelques jours, les états généraux de la promotion du français dans le monde, vous avez souligné la nécessité d'étendre ainsi notre influence. L'Audiovisuel extérieur de la France est aujourd'hui sous la tutelle du ministère de la culture. Je comprends qu'il ait pu y avoir une sorte de conflit d'intérêts lorsque la directrice générale déléguée de l'audiovisuel extérieur était l'épouse du ministre des affaires étrangères, mais n'est-il pas temps que cet organisme revienne dans le giron du Quai d'Orsay ?

France 24 émet en français et en arabe, et il faut s'en féliciter. Mais ne pourrait-on faire l'économie des programmes en anglais ?

Debut de section - Permalien
Alain Juppé, ministre d'Etat

J'ai déjà répondu sur le Sahel. Quant à notre politique vis-à-vis des Touaregs, je vous avoue n'avoir pas les éléments précis à disposition mais je vous ferai parvenir une réponse circonstanciée.

Dix-sept agents du ministère des affaires étrangères ont été transférés au SEAE, ainsi que quatre agents du ministère de la défense, deux du ministère de l'économie et des finances, un du ministère de l'éducation nationale et un autre du ministère de l'écologie : le transfert est donc limité. Il est très important en revanche que des diplomates français soient présents au plus haut niveau. La création d'un service extérieur européen n'implique pas que la France renonce à son appareil diplomatique, car nous avons notre propre vision des choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Mais ce nouveau service n'a-t-il aucune incidence sur le format du ministère français ? Dire que rien ne changera est pour le moins surprenant.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé, ministre d'Etat

Le SEAE n'est en place que depuis dix mois : il est trop tôt pour juger des conséquences pour la politique étrangère de l'Europe et de la France. Encore une fois, nous veillons à ce que des diplomates français occupent des postes de responsabilité, y compris dans les délégations européennes, et nous obtenons de bons résultats malgré la rude concurrence des Britanniques, dont la foi européenne semble pourtant chancelante, mais qui excellent à placer leurs diplomates... Pour l'heure, l'impact sur notre diplomatie est plus politique que budgétaire. Je ne suis pas aussi sévère que beaucoup avec la Haute représentante, Mme Ashton, qui s'est beaucoup impliquée au Proche-Orient, et qui a toujours respecté au sein du Quartet la feuille de route délivrée par le Conseil européen ou le conseil des ministres, malgré certaines pressions... On lui reproche parfois son manque de réactivité, mais c'est qu'elle doit recueillir l'accord des Vingt-sept avant de prendre position. Aujourd'hui elle ne peut même pas s'exprimer au nom de l'Union, car les Britanniques réclament qu'elle le fasse toujours aussi au nom des vingt-sept Etats membres... La diplomatie européenne reste balbutiante !

S'agissant de l'Audiovisuel extérieur de la France, Madame Garriaud-Maylam, vous seriez surprise que je ne souhaite pas son retour sous la tutelle de mon ministère. L'inspection générale des finances doit bientôt rendre un rapport sur son fonctionnement : ce sera l'occasion de prendre des décisions structurelles.

Vous m'avez aussi interrogé sur France 24. Faut-il financer une chaîne en arabe et en anglais par de l'argent public ? Je suis partagé. Tout dépend de la capacité de France 24 à exprimer dans ces langues une vision spécifique du monde et de la politique étrangère - sans pour autant se faire « la voix de la France », car les rédactions sont libres. En arabe, il est peu douteux que la chaîne exprime une vision différente de celle d'Al-Jazira ; l'audience des programmes en arabe est d'ailleurs en hausse. Mon directeur de cabinet me fait savoir qu'en Inde, France 24 fait aussi entendre une autre tonalité que la BBC ou Deutsche Welle. (M. Robert del Picchia renchérit) Quant à la chaîne TV5, elle est souvent critiquée, mais elle est diffusée partout dans le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Cette question n'ayant pas été abordée aujourd'hui, j'aimerais vous demander si vous aviez un éclairage à nous donner sur les déclarations de M. Moustapha Abdeljalil, président du conseil national de transition libyen relatif à l'application de la charia en Libye et en particulier sur le retour à l'autorisation de la polygamie.

Quelle est votre analyse des résultats provisoires des élections en Tunisie bien que ceux-ci ne soient pas encore officiels ? Certes, vous avez appelé à la vigilance. Mais comment peut-on concrètement concilier l'égalité entre les hommes et les femmes et l'autorisation de la polygamie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

J'en reviens à des questions ayant trait au budget de votre ministère.

Ma première question concerne le secrétariat d'Etat aux Français de l'étranger. En quoi consiste exactement son action ? Sa création, en soi, ne constituait-elle pas, surtout, une opportunité dans une année électorale ?

Ma seconde question concerne la prise en charge des frais de scolarité. Personne ne comprend que l'Etat, dans un contexte budgétaire contraint, mette en oeuvre une mesure coûteuse, décidée hâtivement, qui profite en fait aux entreprises.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé, ministre d'État

En réponse à la question de M. Jean-Pierre Chevènement concernant la Libye, je signale que M. Moustapha Abdeljalil a aussi indiqué que l'Islam libyen était un Islam modéré. En outre, il convient de rappeler que la référence à l'Islam figure dans les constitutions de tous les pays arabes. Mais comme je l'ai dit, nous resterons bien entendu vigilants, la polygamie étant, par exemple, incompatible avec notre conception de la dignité de la femme et de l'égalité entre les sexes.

S'agissant de la Tunisie, il fallait d'abord saluer la bonne nouvelle que constitue la tenue de ces élections, les premières depuis longtemps dans des conditions démocratiques avec une participation de plus de 80 %. Dans ces conditions, je me demande au nom de quoi nous serions fondés à nous substituer au peuple tunisien pour décider pour quoi il doit voter ou ne pas voter. Il apparaît à ce stade que les résultats sont favorables au parti islamique -terme plus approprié que celui d'islamiste - Ennahda, qui n'obtiendrait pas la majorité absolue mais exercerait le pouvoir dans le cadre d'une coalition. Quant à la question de fond, sur laquelle j'ai encore eu, récemment, l'occasion de réfléchir et de débattre à l'Institut du monde arabe avec Gilles Kepel, spécialiste du Proche-Orient et du neuf-trois, c'est la même que celle de savoir s'il faut par exemple stigmatiser les Frères musulmans en Égypte. La réponse est qu'il existe dans ces mouvements des hommes et des femmes qui sont attachés aux principes tels que l'alternance démocratique ou le respect de la femme, à la différence d'autres tendances extrémistes ou salafistes. Notre action doit consister, avec ceux qui partagent un certain nombre de nos valeurs, à être particulièrement vigilants vis-à-vis des autres. Cette question ne se posera pas seulement en Tunisie, mais aussi en Egypte ou en Syrie. Nous devons bien entendu poursuivre nos relations avec les forces politiques démocratiques ou laïques aux sens où nous l'entendons, mais nous devons aussi prendre en compte ces réalités. D'ailleurs, M. Amr Moussa, l'un des favoris de l'élection présidentielle égyptienne me faisait remarquer que dans son pays, les Frères musulmans représentaient environ 30 % des voix. De même vous savez qu'il existe au Maroc un parti islamique qui détient plus de trente sièges à la Chambre des représentants.

En réponse à M. Daniel Reiner, il convient tout d'abord de rappeler que deux millions et demi de Français vivent à l'étranger et qu'à chaque fois qu'un ministre des affaires étrangères se déplace dans un pays il rencontre cette communauté. Il était donc utile qu'un secrétaire d'Etat chargé des Français de l'étranger soit en charge d'assurer ce lien.

Debut de section - Permalien
Alain Juppé, ministre d'État

Très souvent, après voir rencontré la communauté française, le ministre consacre aussi un peu de temps à discuter avec nos compatriotes qui sont ses amis politiques. Mais il s'agit d'une rencontre bien distincte, tout le monde l'a fait et cela ne pose pas de problème.

Pour en revenir au secrétaire d'Etat, j'ai par exemple été heureux qu'il se rende au Canada pour expliquer aux autorités canadiennes qu'il fallait permettre aux Français qui y vivent de voter.

Voix socialistes.- Et pour orienter leur vote ?

Debut de section - Permalien
Alain Juppé, ministre d'État

J'ai dit seulement « de voter ». Vous savez, lorsque quelqu'un tente d'orienter le vote, généralement cela se passe mal. Et comme ces tentatives ne restent jamais confidentielles, c'est vraiment une mauvaise opération.

Concernant le remboursement des frais de scolarité, il est vrai que le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France avait été l'occasion d'émettre des réserves contre cette mesure qui est contestée, y compris d'ailleurs par certains de mes amis politiques. Mais la loi est intervenue pour fixer des règles : il faut les appliquer. Cela dit, une loi ça se change.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Merci Monsieur le ministre d'Etat pour cette présentation. Nous aurons plaisir à vous revoir bientôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Mes chers collègues, il nous revient maintenant la tâche de désigner ceux d'entre nous qui participeront aux groupes de travail créés dans le cadre de la révision du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale en se concentrant plus particulièrement sur les questions touchant aux évolutions du contexte stratégique intervenues depuis 2008. L'objectif n'est pas de nous pencher, à notre niveau, sur l'ensemble de ces évolutions mais d'en identifier les principales afin de préparer l'audition du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, M. Francis Delon, qui aura lieu au début du mois de décembre. Si nous ne procédons pas à notre propre travail avant sa venue, nous ne pourrons que nous en remettre à son analyse, ce qui serait dommage. Aussi je vous propose de nous organiser de la façon suivante : chaque groupe thématique procédera à des auditions qui donneront lieu à des communications devant la commission. Telle est la procédure qui me semble la plus adaptée au délai très court - un mois - dont nous disposons.

Quant à l'effectif de ces groupes, il devrait être volontairement limité pour en assurer à la fois la réactivité et l'unité.

Après avoir consulté les différents groupes politiques, je propose les noms de Mme Josette Durrieu, M. André Dulait, M. Yves Pozzo di Borgo et M. Robert Hue pour participer au premier groupe, traitant des conséquences du printemps arabe, M. Didier Boulaud, Mme Leila Aïchi, M. Jean-Marie Bockel et M. Jacques Gautier pour participer au deuxième groupe sur le thème OTAN, Union européenne et alliances en général, M. Daniel Reiner, M. Philippe Paul et M. Jeanny Lorgeoux pour participer au troisième groupe, relatif aux menaces transverses et M. Jean-Pierre Chevènement, Mme Nathalie Goulet et M. Raymond Couderc pour participer au quatrième groupe traitant des conséquences des crises économiques et financières.

Il en est ainsi décidé.