Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 25 octobre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission aide publique au développement - programme solidarité - Audition de M. Dov Zerah directeur de l'agence française de développement

Photo de Christian CambonChristian Cambon :

Lors du rapport sur le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD, nous avions constaté, pour nous en féliciter, le dynamisme de l'AFD en Afrique bien sûr mais également dans les pays émergents. Cette extension de vos activités d'un point de vue géographique et sectoriel, à un moment où vos moyens sont comptés, aboutit à une situation paradoxale à plusieurs égards. D'une part, nous constatons que vous rendez à l'Etat les dividendes conséquents, vous avez évoqué plus d'un milliard d'euros en 6 ans à un moment même où pour financer cette politique de coopération nous imaginons créer une nouvelle taxe sur les transactions financières. D'autre part, vous étendez vos activités en Asie, en Amérique latine, en Asie centrale et maintenant au Caucase alors même que nos moyens d'intervention dans les 14 pays prioritaires sont en diminution du fait de la réduction des moyens en subventions.

Quand on regarde le budget et les prévisions pour le trienum budgétaire on constate que de 2008 à 2013 les subventions gérées par l'AFD auront diminué de 20 % quand les bonifications de prêts auront augmenté du même pourcentage. N'y-a-t-il pas une contradiction entre les moyens et les objectifs ? L'année dernière la revue dite « à mi-parcours » de l'OCDE soulignait, je cite : « Les cinq secteurs sur lesquels la France veut se concentrer, d'après la décision du CICID, sont des secteurs dont la plupart sont susceptibles d'être appuyés par des dons, et ne se prêtent pas facilement aux prêts, puisqu'ils ne sont pas des secteurs productifs. Pourtant, la France a réduit ses dons. Ceci pose un défi pour la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de la France et le ciblage sur les PMA qu'elle a proposé. ». Qu'en pensez-vous et comment essayez-vous de dépasser cette contradiction ?

Le modèle de l'agence française de développement est un modèle non lucratif. L'activité de l'agence n'est ni conçue ni tarifée pour obtenir un excédent d'exploitation. Elle doit cependant dégager une rentabilité suffisante pour couvrir les frais d'activité non rémunérée comme la production intellectuelle ou d'activités déficitaires comme la gestion des subventions. Il y a là un équilibre subtil à maintenir qui a notamment été rendu possible par le développement de vos activités dans les pays émergents dans lesquels vos activités dégagent une certaine rentabilité. Quand nous avons fait notre mission en Inde nous avons compris que l'activité de prêts dans ce pays non seulement servait les intérêts français mais permettait de dégager une marge bancaire. Quand on vous a demandé de nous indiquer le montant de cette marge bancaire, vos services ont refusé de l'écrire parce que vos activités dans ce pays devaient rester sous le statut d'agence de développement. Pouvez-vous nous dire aujourd'hui, hors procès verbal, quelle est la rentabilité de l'activité bancaire de l'AFD en Inde ? Par ailleurs, je suis favorable au développement de vos activités dans ces pays émergents à partir du moment où cela ne coûte rien à l'État et où cela peut dégager des moyens financiers pour la politique de coopération dans les pays prioritaires, mais est-ce qu'on n'atteint pas la limite du système ? Est-ce que vous allez pouvoir longtemps comme ça mentir sur la réalité de l'activité ? Est-ce que quand vous financez des projets en Chine dans des secteurs porteurs liés à la croissance verte vous êtes encore en train de faire de l'aide au développement ?

J'ai une question subsidiaire qui concerne l'autorisation qui était faite à l'AFD d'intervenir en Asie centrale et dans le Caucase. La question est simple : qu'allez-vous faire ? Est-ce de l'aide au développement ? En quoi ces pays sont-ils prioritaires par rapport à l'Afrique ? Ces activités seront-elles rentables ? S'ils sont déficitaires, comment les financez-vous ? Si vous intervenez en Amérique latine, en Asie centrale, dans le Caucase, aux Philippines, en plus du Maghreb de la Méditerranée et de l'Afrique, votre champ d'action sera bien planétaire. J'ai la crainte que vous dispersiez vos activités. Vous me direz que dans ces zones géographiques l'AFD ne dépensera pas de l'argent public puisque les prêts seront faiblement bonifiés. C'est sans doute vrai, pas forcément au début mais dans un second temps. Mais il reste que cette diversification géographique entraîne des coûts de fonctionnement, mobilise les énergies et naturellement disperse les activités de l'agence.

D'un côté l'Europe semble être l'horizon naturel des politiques de coopération des Etats-membres. Il y a quelque chose d'absurde à maintenir 27 politiques d'aide au développement, 27 agences de coopération dans des pays comme la Mauritanie ou le Mali. De l'autre, nous n'avons encore jamais rencontré d'acteur de terrain qui soit satisfait de l'action des services de la commission en matière de développement. Certains disent sur le terrain que l'Union se comporte dans ce domaine comme un 28e État, d'autres que l'aide communautaire est enfermée dans des procédures kafkaïennes, que sa programmation est rigide et insensible aux priorités politiques du moment, bref.... il y a comme un désenchantement dans un domaine dont on pouvait penser qu'il était un domaine communautaire par excellence. Je sais que l'AFD participe à des programmations conjointes, se voit parfois déléguer la gestion de certains fonds européens. Quelle est votre vision ? Comment expliquez-vous cette déception ? Le commissaire européen vient de publier une communication relative aux nouvelles perspectives de cette politique. Pouvez-vous nous donner votre position sur ses propositions ?

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