Il ne m'appartient pas de juger du niveau de subventions que l'Etat accorde à l'AFD. Notre mission est de maximiser la contribution de l'AFD au développement de nos pays partenaires avec les moyens que l'on nous donne. Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'AFD a commencé la croissance de ses interventions dans les années 2000 avec un ratio de solvabilité supérieur à 50 %. De ce point de vue, vous avez raison de dire que le schéma sur lequel nous avons fonctionné pendant cette décennie arrive à ses limites, puisque notre ratio de solvabilité est aujourd'hui inférieur à 30 %. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à nos autorités de tutelle une augmentation des fonds propres. Cette demande n'a pour l'instant pas reçu de réponse positive. Nous avons proposé différentes modalités dont certaines sont indolores pour les finances publiques. L'accord auquel sont parvenues nos autorités de tutelle en marge du contrat d'objectifs et de moyens sur les conditions de distribution du résultat net ne constitue pas un moyen d'amélioration significative de nos fonds propres. Nous avions proposé des modalités plus simples, à savoir un prélèvement à hauteur de 35 %, niveau qui me paraît logique dans la mesure où nous ne sommes pas assujettis à l'impôt sur le revenu.
Vous vous demandez si l'on peut distinguer dans notre action ce qui relève de l'aide au développement de ce qui relève du réchauffement climatique. On a peu écrit sur l'aide au développement, politique bâtie par des praticiens. Depuis les années 60, il y a des priorités acceptées par tous, comme les ajustements structurels, les objectifs du Millénaire pour le développement. Aujourd'hui, c'est le réchauffement climatique qui est à l'ordre du jour des développeurs. C'est à la fois une dimension verticale de notre action avec des secteurs bien déterminés comme les énergies renouvelables et une dimension horizontale de notre action, car aujourd'hui tous les projets de développement contiennent une dimension relative au développement durable. On ne conçoit plus des infrastructures ou des projets d'urbanisme sans prendre en compte les aspects liés à la lutte contre le réchauffement climatique.
En ce qui concerne la sécurité alimentaire, je voudrais souligner que c'est désormais une priorité absolue de l'agence. Nous avons augmenté nos financements en matière d'agriculture mais aussi pour soutenir les infrastructures de transport, de stockage et de transformation qui sont liées. Sur le long terme, il faut avoir à l'esprit une exigence de cohérence entre nos politiques de coopération et les politiques de soutien aux agricultures des pays développés. On ne peut pas, d'un côté, soutenir l'agriculture africaine et, de l'autre, empêcher par différents moyens que les produits de cette agriculture viennent concurrencer les nôtres.
Vous avez évoqué l'Europe des 27, mais, en réalité, il y a quatre ou cinq pays qui sont présents dans le domaine de la coopération. Il reste que nous travaillons à une meilleure coordination et à une meilleure division du travail. L'AFD est ainsi partie prenante à un processus de reconnaissance mutuelle des procédures, avec la KFW et la BEI. Cette reconnaissance mutuelle des procédures nous permet de mettre en oeuvre des projets instruits par nos homologues ou inversement. C'est un dispositif très efficace que nous expérimentons, par exemple, pour le financement du RER de Tunis.
S'agissant des relations entre les services de coopération des ambassades et les agences de l'AFD, je dois souligner qu'elles sont dans l'ensemble excellentes. Haïti est une situation particulière pour laquelle j'ai mandaté une inspection de mes services. La réforme du dispositif de coopération engagée en 1998 est un succès. Aujourd'hui, les ambassades sont demandeurs d'une intervention accrue des agences de l'AFD. Nous sommes les accompagnateurs de l'action des ambassades.
En réponse à Mme Keller, je souhaiterais la rassurer et lui indiquer que l'AFD veille scrupuleusement à maîtriser les risques qu'elle prend en finançant les projets de développement qu'elle sélectionne. Il est dans la vocation de l'agence de prendre des risques en faveur du développement. En revanche, j'ai tenu, à mon arrivée, à renforcer les moyens de suivi de ces risques, à créer une direction du risque et à revisiter l'ensemble de nos procédures. Nous veillons à la pertinence économique des projets que nous finançons, mais également à la probité des partenaires avec lesquels nous travaillons. En matière de corruption, la gouvernance mondiale progresse avec l'établissement de listes de personnes signalées présentant des risques. Il nous faut renforcer nos moyens d'information dans ce domaine de façon à éviter toute affaire qui pourrait nuire à l'image de l'AFD, en particulier, et à l'aide au développement, en général. De ce point de vue, la France gagnerait à renforcer ses moyens en matière d'intelligence économique.
S'agissant de la gestion des contrats de désendettement et de développement (C2D), l'ensemble des remboursements transite par un compte qui finance des projets de développement que nous instruisons en commun avec les Etats concernés. L'ensemble de la procédure est suivie très attentivement par l'AFD.
Vous avez raison de souligner le rôle essentiel de la coopération décentralisée. Au-delà du financement, ce type de coopération permet des échanges extrêmement fructueux d'expériences entre responsables locaux. Les projets financés par les collectivités territoriales bénéficient en outre de l'assistance des services techniques de ces collectivités, qui apportent un concours précieux aux collectivités en voie de développement. Cette assistance est d'autant plus précieuse que l'Etat a réduit à la portion congrue le nombre de ses assistants techniques dont les effectifs sont passés de 10 000 dans les années 80 à moins de 350 aujourd'hui. Or il y a manifestement une forte demande de coopération technique dans le monde. Dans des pays comme la Chine, l'Inde ou la Colombie, les projets de l'AFD sont recherchés tout autant pour leur financement que pour l'expertise technique que nous apportons. De ce point de vue, je crois qu'il faut renforcer nos moyens dans ce domaine. Sans revenir à la coopération de substitution qui avait cours dans les années 60, je crois qu'il nous faut renforcer les effectifs de la coopération technique et c'est pourquoi j'ai fait la proposition de créer un fonds dédié au financement de ce type de coopération.