Intervention de Alain Juppé

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 25 octobre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Audition de M. Alain Juppé ministre d'etat ministre des affaires étrangères et européennes

Alain Juppé, ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes :

Quinze jours après avoir rencontré informellement les nouveaux rapporteurs de votre commission, j'ai plaisir à venir présenter devant vous les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat ». Je me soumettrai très volontiers à la condamnation de M. le président qui veut que je revienne devant vous parler de l'actualité internationale : je prends toujours plaisir à nos échanges.

Notre diplomatie a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Le ministère des affaires étrangères a récemment été en butte à des critiques injustes, qui ont affaibli la confiance que lui portent nos concitoyens et nos agents eux-mêmes. Il est vrai que le Quai d'Orsay a été fragilisé par la lente érosion de ses effectifs et de son budget, qui ne date pas de la révision générale des politiques publiques : comme M. Hubert Védrine et moi-même le soulignions dans un article cosigné, les emplois relevant des ministères des affaires étrangères et européennes ont diminué de 20 % en quinze ans ; entre 1995 et 2005, la baisse a été de 15 %, quand l'effectif des autres ministères civils augmentait en moyenne de 5 %. J'ai dit que nous étions arrivés à l'étiage, et même « à l'os ». Je ne ferai pas de miracle : dans le contexte budgétaire que nous connaissons, chacun doit participer à l'effort collectif. L'économie mondiale traverse une crise d'une extrême gravité : crise du surendettement de quelques grandes zones économiques - Etats-Unis, Japon, zone euro - et crise de confiance, qui se traduit par la baisse des perspectives de croissance. J'étais la semaine dernière en Chine et en Inde, et j'ai eu avec le vice-premier ministre chinois en charge du G20, sur la gestion budgétaire des pays européens, ce que l'on appelle en langage diplomatique un entretien franc... J'ai bon espoir que les dirigeants européens trouveront demain un accord, mais quoi qu'il arrive la discipline budgétaire restera indispensable.

Les crédits de la mission pour 2012 respectent les plafonds de la loi de programmation triennale, et les principes de la RGPP sur la maîtrise des dépenses. Toutefois le ministère amorce une correction de trajectoire grâce aux marges de manoeuvre conservées ou restituées. Le budget des opérations de maintien de la paix baisse de 65 millions d'euros grâce à la fin de plusieurs missions dont la MINURCAT en République centrafricaine et au Tchad et à un taux de change euro-dollar plus favorable : si le marché le permet, nous tenterons de consolider ce gain en achetant des dollars. En revanche, les contributions au budget des organisations et de la justice internationales sont en hausse de 25 millions : sur ce point, les prévisions triennales étaient trop faibles, et il faut faire face à des dépenses exceptionnelles comme la rénovation du siège de la Cour pénale internationale. Les contributions internationales et européennes obligatoires, dont le montant d'élève à 841 millions d'euros, représentent 40 % de la mission « Action extérieure de l'Etat ». Au total, nous disposons donc de 40 millions d'euros supplémentaires. Certes, nous ne sommes pas à l'abri d'opérations imprévues de maintien de la paix, mais la règle est de ne pas provisionner d'opérations nouvelles en loi de finances initiale.

Cet argent servira d'abord à financer des dépenses insuffisamment budgétées dans le cadre du triennal budgétaire, comme l'aide à la scolarité des Français de l'étranger : dans l'esprit du rapport Colot-Joissains, nous y consacrerons 13,5 millions supplémentaires. Le coût de la prise en charge (PEC) a été stabilisé par le plafonnement voté l'an dernier, et diminue même légèrement : 31,9 millions au lieu de 33,7. En revanche, le montant total des bourses passe de 84 à 93 millions, en raison de la croissance des communautés françaises à l'étranger, de la paupérisation de certains ménages suite à la crise, de la hausse des frais de scolarité, et parce que l'instauration de la PEC a conduit certaines familles à déposer pour la première fois une demande de bourse.

Les économies réalisées seront aussi redéployées en direction de la masse salariale, pour couvrir l'effet change-prix : 17 millions y seront consacrés dans le cadre de la mission « Action extérieure de l'Etat », 6 millions dans la mission « Aide publique au développement ». Le ministère respecte strictement le plafond de masse salariale qui lui a été fixé, mais l'effet change-prix est financé en exécution et pris en compte dans la loi de finances avec un retard de deux ans.

Au-delà de ces dépenses obligatoires, nous pourrons aussi faire un effort supplémentaire sur certains secteurs prioritaires et ciblés. Au titre de notre politique d'influence et d'attractivité en direction de nos partenaires méditerranéens et des émergents, ce budget prévoit ainsi une augmentation de l'enveloppe dédiée aux bourses. Initialement prévu à 3,3 millions d'euros, cet effort complémentaire sera ramené à 2 millions d'euros en raison de la contribution du MAEE au plan d'économies du Gouvernement, le « rabot d'un milliard ». L'impératif de sécurisation de nos implantations dans les zones sensibles, notamment au Sahel, nous a en outre conduit à prévoir une hausse de 3 millions d'euros des crédits de sécurité. Enfin, pour l'organisation des premières élections législatives ouvertes aux Français de l'étranger, outre les 8 millions d'euros transférés du ministère de l'intérieur, nous consacrerons 1 million d'euros aux campagnes d'information et de communication.

S'agissant des dépenses de fonctionnement, si le ministère doit se plier globalement à la norme gouvernementale d'une baisse de 8 % en trois ans, il faut tenir compte des contraintes spécifiques qui s'imposent à notre réseau diplomatique : les crédits de coopération de défense et de sécurité ont été stabilisés à 35 millions d'euros sur la période triennale, en raison de notre action au Sahel et des opérations de maintien de la paix en Afrique ; certains services, comme le centre de crise et le service du protocole, sont extrêmement sensibles aux aléas de la conjoncture internationale et ne peuvent absorber sans dommage une diminution de leur crédits de fonctionnement ; enfin les dépenses de fonctionnement des postes à l'étranger sont soumises à des facteurs non maîtrisables comme le niveau des loyers ou le prix de l'énergie, des fluides et des transports aériens. Nous avons donc renoncé à une nouvelle baisse des dépenses de fonctionnement dans les postes à l'étranger en 2012, en échange de quoi nous ferons un effort supplémentaire pour réduire les crédits de communication, d'informatique, les frais de représentation et de mission et les dépenses de fonctionnement des établissements culturels.

Quant aux effectifs, la trajectoire doit aussi être revue pour tenir compte des efforts antérieurs du ministère, qui en 2010 notamment a anticipé les effets de la RGPP. J'ai donc obtenu du Premier ministre que les suppressions d'emplois prévues en 2011-2013 soient revues à la baisse : 75 ETP en 2011 au lieu de 160, 140 en 2012 au lieu de 226.

Il faut enfin évoquer la contribution du ministère au train de mesures anti-déficit annoncé par le Premier ministre le 24 août. L'aide publique au développement en a été exonérée, mais la mission « Action extérieure de l'Etat » supportera une baisse de 13 millions d'euros de ses crédits. La contribution attendue du MAEE devait initialement être plus élevée, mais j'ai obtenu que soient prises en compte les dépenses obligatoires comme les versements aux organisations internationales, les opérations de maintien de la paix ou l'aide à la scolarité. Le Gouvernement souhaitant que les opérateurs de l'Etat soient mis à contribution, 6 millions sur 13 seront prélevés sur les subventions à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et à l'Institut français, auxquels leurs fonds de roulement permettront de poursuivre sans peine leurs activités. S'y ajoutent 100 000 euros du programme 151 relatif aux consulats, 2,4 millions destinés aux interventions culturelles dans le cadre du programme 185, et 4,5 millions de dépenses d'entretien immobilier et de fonctionnement.

Mon ministère doit porter sa part du fardeau commun, et c'est donc avec un enthousiasme que j'espère communicatif que je vous présente ce budget ! Nous faisons de belles choses à l'étranger. La nouvelle ambassade de France à Pékin, par exemple, est à la mesure des ambitions de notre pays.

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