Le Dialogue méditerranéen et l'Initiative de coopération d'Istanbul qui structure le dialogue politique et la coopération pratique entre l'OTAN et quatre pays du Golfe à savoir le Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït et le Qatar, constituent deux cadres de partenariats importants pour l'Alliance. On l'a vu notamment en 2011 dans le cadre de l'Opération « Protecteur unifié » en Libye au cours de laquelle la contribution du Qatar, des Emirats arabes unis, du Maroc et de la Jordanie s'est révélée déterminante.
S'agissant du Dialogue méditerranéen, qui je le rappelle, regroupe actuellement six pays arabes (l'Algérie, l'Egypte, la Jordanie, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie) et Israël, l'Alliance travaille actuellement en collaboration avec ces sept pays, à la rédaction d'une déclaration politique qui servirait de cadre à ce partenariat. Ce travail se heurte toutefois à un certain nombre de difficultés politiques qui découlent des divergences de positions de ces pays sur le conflit israélo-palestinien/israélo-arabe et sur le différend bilatéral turco-israélien.
En ce qui concerne l'initiative de coopération d'Istanbul, le dialogue politique et la coopération pratique avec ces quatre pays du Golfe continuent de se développer de façon satisfaisante à nos yeux. Le Koweït a d'ailleurs proposé récemment de créer sur son territoire un centre d'excellence de l'ICI et cette proposition a été accueillie positivement par les vingt-huit pays de l'Alliance.
Ces pays ont toutefois exprimé un certain nombre d'attentes vis-à-vis de l'OTAN, en particulier en matière de garantie de sécurité, que nous estimons que l'OTAN n'est pas à même de satisfaire. Si nous comprenons les inquiétudes des pays du Golfe vis-à-vis de l'Iran, l'OTAN n'est pas en mesure d'accorder, explicitement ou implicitement d'ailleurs, des garanties de sécurité collective à des pays qui ne sont pas membres de l'Alliance. Accéder à une telle demande reviendrait par ailleurs à créer un précédent qui pourrait conduire d'autres pays partenaires de l'OTAN à exprimer des demandes similaires, impossibles à satisfaire. Ce sont, en revanche, des alliés à titre individuel, comme par exemple les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou la France qui peuvent nouer des partenariats de défense forts et prendre des engagements clairs. Je pense que nos alliés du Golfe le savent bien, d'ailleurs.
La Géorgie a fait d'importants progrès en matière de démocratie, comme en témoigne la récente alternance pacifique, après une campagne pour les élections législatives pourtant marquée par une rhétorique très agressive et des allégations de fraude ou d'intimidation de part et d'autre ; des réformes restent bien sûr à mener pour consolider les acquis démocratiques et l'Etat de droit, notamment au regard des inquiétudes concernant les poursuites judiciaires engagées contre les anciens dirigeants. Les chefs d'Etat et de gouvernement des Alliés ont, à plusieurs reprises, affirmé que la Géorgie avait vocation à adhérer à terme à l'Alliance, et la France assume pleinement cette décision. Pour autant, nous estimons que certaines questions doivent être résolues avant que la Géorgie ne soit prête à rejoindre le Plan d'action pour l'adhésion, et l'OTAN à plus forte raison. Le nouveau gouvernement s'inscrit à cet égard dans la continuité du précédent en matière d'orientations euro-atlantiques, et a par ailleurs annoncé son intention d'établir un dialogue constructif avec la Russie, le nouveau Premier ministre ayant nommé à cet effet un représentant spécial pour les relations avec Moscou. Nous nous félicitons bien entendu de ces évolutions.
S'agissant de l'Europe de la défense, et au-delà des querelles sémantiques sur le point de savoir s'il faut parler de « l'Europe de la défense », de la « défense européenne » ou d'un « pilier » européen au sein de l'OTAN, il faut bien admettre que, pour la majorité, si ce n'est la totalité de nos partenaires européens, la défense, en Europe, c'est d'abord l'affaire de l'OTAN. Nous ne partageons pas cette vision mais, sauf à vouloir faire l'Europe de la défense à nous seuls, nous devons bien prendre en compte ce constat, non pas pour l'accepter mais pour en tenir compte, car nous n'arriverons pas à faire l'Europe de la défense sans nos partenaires européens.
Face à ce constat, comment la France peut-elle jouer un rôle moteur en faveur de l'Europe de la défense auprès de ses partenaires ?
Il me semble que nous devrions avant tout nous montrer pragmatiques. Je suis frappé, en effet, par le fait que, lorsque nous mettons en avant des arguments pragmatiques, tels que la crainte d'une duplication en matière capacitaire entre l'Union européenne et l'OTAN, par exemple en ce qui concerne les projets lancés dans le cadre de l'initiative « partage et mutualisation » sous l'égide de l'Agence européenne de défense et ceux lancés dans le cadre de la « Smart Defence » de l'OTAN, nous arrivons à convaincre nos partenaires de renforcer les relations et la coopération entre l'OTAN et l'Union européenne.
Nous ne devons pas renoncer, pour autant, à avoir une vision car il y a une différence fondamentale entre l'Europe de la défense et des Européens qui exercent davantage de responsabilités au sein de l'OTAN. Seule l'Union européenne est en mesure d'offrir un cadre aux Européens pour définir des intérêts communs, puis à décider et lancer des opérations qui répondraient à ces intérêts. Je pense, en effet, que nous assisterons, de plus en plus à l'avenir, à des situations où les Etats-Unis n'auront pas le même ordre de priorités que les Européens, et qu'ils seront réticents à engager l'OTAN dans une opération. Dans ce type de situation, les Européens doivent avoir la capacité de mener des opérations dans le cadre de l'Union européenne, car sinon l'Europe sera condamnée à rester passive et inactive face à une situation de crise qui menace directement ses intérêts. De surcroît, pour la France, la défense reste une dimension essentielle de la construction européenne, une condition de l'Europe politique. Cela répond aussi à notre intérêt. Et, pour promouvoir cette Europe de la défense, le Royaume-Uni me paraît être un partenaire naturel, compte tenu de ses capacités militaires. Certes, il ne faut pas sous-estimer les difficultés et les réticences britanniques à l'égard de l'Union européenne, en particulier sur les questions de défense. Mais, les Britanniques se rendent compte aussi qu'ils ne pourront pas toujours compter sur le soutien indéfectible des Etats-Unis aux européens et ils gardent sans doute en mémoire les cas passés où les soldats européens se sont retrouvés seuls sur le terrain, à l'image de la Bosnie, ou des situations où les Européens se sont trouvés en première ligne, comme lors de l'intervention en Libye. Cette prise de conscience peut favoriser une plus grande responsabilité des européens sur les questions de défense. Mais ce n'est pas un jeu à somme nulle. Je pense que plus les Européens assument leurs responsabilités, plus la relation transatlantique sera équilibrée, plus elle sera donc viable et durable.
Afficher l'ambition de constituer un « pilier » européen au sein de l'OTAN me paraît, personnellement, comporter plus d'inconvénients que d'avantages. Cela serait à la fois trop et pas assez. Cette expression peut apparaître comme trop institutionnelle et pas assez opérationnelle. Elle est vue par les américains comme une provocation dès lors qu'elle est formalisée, et donc il est très difficile de susciter l'adhésion de nos partenaires européens. Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas poursuivre et même développer la concertation informelle entre les européens au sein de l'OTAN. Cela aide à ce qu'ils prennent davantage leurs responsabilités, tant au sein de l'OTAN que de l'Union européenne sur les questions de défense.
Concernant la défense anti-missiles et l'éventuelle contribution française, il appartient au pouvoir politique d'effectuer les arbitrages nécessaires. Je peux toutefois vous confirmer que notre capacité à déployer des systèmes d'alerte avancée sera décisive, d'abord du point de vue de nos besoins nationaux, qu'il s'agisse de la dissuasion ou du renseignement, mais aussi du point de vue des moyens et de notre place au sein du futur système de défense anti-missiles de l'OTAN. J'espère donc que le déploiement du système d'alerte avancée, qu'il s'agisse du satellite d'alerte avancée ou du radar très longue portée, seront confirmés par le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et par la future loi de programmation militaire. Je suis plus dubitatif en ce qui concerne les intercepteurs au regard des coûts, de la difficulté à dégager les ressources nécessaires et parce que les intercepteurs ne serviraient par définition qu'à la défense anti-missiles, à la différence des moyens d'alerte avancée. Certes, on ne peut exclure la possibilité que l'essentiel des intercepteurs et des moyens d'alerte soient américains. Mais, concernant le système de contrôle et de commandement, les décisions prises lors du Sommet de Chicago préservent le choix fait en faveur du consortium formé par Thalès et Raytheon Systems. Notre préoccupation est de nous assurer que ce consortium respecte le cahier des charges, qu'il tienne les délais et ne dépasse pas les financements prévus, car cela présente pour nous un enjeu industriel, mais aussi un enjeu politique et de crédibilité.
Comme vous l'avez souligné, lors du sommet de Lisbonne, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Alliance ont marqué leur souhait d'engager un processus de réforme dans plusieurs domaines, notamment pour réduire l'empreinte de la structure de commandement intégré et rationaliser le fonctionnement des agences de l'OTAN. La France a joué et continue de jouer un rôle moteur, avec d'autres pays engagés dans cette même dynamique (Royaume-Uni, Canada, Pays-Bas par exemple), pour que l'Organisation se réforme en profondeur. De ce point de vue, notre retour au sein du commandement militaire intégré a été bénéfique.
L'impératif actuel est de s'assurer de la bonne mise en oeuvre des décisions prises. Alors que la France prend à sa charge un peu plus de 11 % du budget de l'Alliance, nous poursuivons nos efforts afin que la réforme se traduise concrètement par des gains en termes d'efficacité et de réduction des coûts. Nous nous assurons que les ambassadeurs puissent régulièrement constater les progrès accomplis, ou souligner leur absence.
La nouvelle structure de commandement, décidée en juin 2011, est effective depuis le 1er décembre 2012 et sera complètement opérationnelle en décembre 2015. Cette structure, plus compacte que la précédente, est davantage articulée avec les états-majors nationaux. La chaîne de commandement pour les opérations comptera désormais un état-major stratégique, SHAPE, auquel seront subordonnés seulement deux états-majors interarmées, à Naples et à Brunssum, et seulement trois commandements spécialisés respectivement dans les domaines maritime, aérien et terrestre. Le commandement stratégique pour la Transformation (ACT) garde quant à lui la plénitude de ses attributions. Nous passerons ainsi de quelque 13 000 hommes à 8 900, voire moins.
Notre vigilance reste de mise pour que les objectifs de réduction d'effectifs se concrétisent, notamment en termes de contributions nationales, et que les nations honorent bien les postes subalternes qu'elles doivent remplir en fonction du nombre d'officiers généraux dont elles disposent dans la structure. Surtout, nous restons vigilants sur les économies à obtenir. Il existe, en effet, une tentation au sein de la structure, de compenser la diminution des effectifs par le recours à l'externalisation, avec des consultants, ce qui pourrait aboutir à une augmentation des coûts, qui serait inacceptable à nos yeux.
Dans le cadre de la réforme des agences, trois agences - Soutien, Acquisition, Communication et information - ont été mises sur pieds le 1er juillet dernier pour prendre la succession des quatorze entités existantes. Notre objectif est d'améliorer la gouvernance des agences, en laissant davantage de marges de manoeuvre à leurs directeurs généraux, tout en renforçant le contrôle des Nations, chargées de donner les grandes orientations et enfin de parvenir à des gains financiers de l'ordre de 20 %. En l'absence de candidat retenu pour le poste de direction de l'agence Acquisition, le directeur général de l'agence Soutien l'occupe à titre intérimaire. La question d'une fusion de ces deux agences est d'ores et déjà envisagée.