Vous avez mentionné que le président Bachar el-Assad était soutenu par une majorité de Syriens. Comment le vérifier ?
SE M. Ali Ahani - Je répondrai tout d'abord à Mme Nathalie Goulet et la remercie de sa question car nous sommes effectivement victimes d'un traitement qui consiste à faire « deux poids et deux mesures ». S'agissant des droits de l'homme, l'Iran est un pays qui tente de les respecter et de les promouvoir, même si des lacunes demeurent. Aucun Etat ne peut prétendre les respecter parfaitement. Après la révolution, nous avons modifié un grand nombre de lois et créé les conditions de la promotion de ces droits. La situation des personnes incarcérées dans les prisons iraniennes ainsi que la mise en oeuvre des droits civiques ne sont comparables, à tout le moins, avec certains pays dans le voisinage immédiat de l'Iran. Le dialogue tend à favoriser la promotion des droits de l'homme. Ainsi que Mme Nathalie Goulet y a fait allusion, beaucoup de critiques sont formulées contre l'Iran mais jamais contre certains autres pays.
Je suis convaincu qu'il faut dialoguer afin de promouvoir les droits de l'homme et surtout favoriser la coopération judiciaire. Vous pouvez, si vous le jugez pertinent, proposer à votre gouvernement de préparer ce dialogue.
En ce qui concerne les moudjahidine, ils forment une secte terroriste. Ils abusent aujourd'hui des facilités que leur procure la loi afin de préparer leurs plans. Ils ont joué un rôle destructif en Irak, aux côtés de Saddam Hussein, contre les chiites et les kurdes. Ils ont assassiné plus de 16 000 citoyens iraniens. Ils ont incendié plusieurs bus à Téhéran et dans d'autres villes. Ce sont des terroristes. Je regrette qu'après être récemment parvenus à ne plus figurer sur la liste européenne et américaine des groupes terroristes, ceux-ci aient obtenu une liberté d'action dans votre pays. Ils ont ainsi organisé un colloque à l'Assemblée nationale. C'est vraiment regrettable !
Ils n'ont pas été reçus devant la commission, au Sénat.
SE M. Ali Ahani - J'espère que vos collègues parlementaires, sénateurs et députés, seront plus vigilants afin de ne pas être piégés par les moudjahidine.
Pour revenir aux relations économiques, nous sommes désolés que les entreprises françaises soient privées du marché iranien. J'ai participé, il y a plus de vingt-deux ans, à la conclusion de l'accord avec Peugeot qui a permis la mise en oeuvre d'une coopération qui a duré plus de vingt ans. Malheureusement, le partenariat de Peugeot avec General Motors les a conduits à devoir cesser leur collaboration avec l'Iran. C'est dommage car d'autres sociétés vont la remplacer rapidement. Or les entreprises françaises ont pourtant laissé une bonne image en Iran. En outre, la plupart des secteurs économiques ne sont pas affectés par les sanctions. Les entreprises françaises craignent de nouer des relations avec l'Iran, par peur des États-Unis.
A titre de prolongement, je regrette la décision de Total de ne plus approvisionner Iran Air ici depuis plus d'un an. Les Etats-Unis ont décidé, il y a deux ans, d'interdire aux compagnies pétrolières de vendre plus de cinq millions de dollars de fuel par an à Iran Air. Aujourd'hui, Total refuse de vendre du fuel à Iran Air même dans le plafond imposé par les Américains.
Quant au conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, nous avons de bonnes relations avec les deux parties. Nous cherchons à jouer un rôle qui vise à calmer les positions des deux protagonistes. Nous ne mettons pas d'huile sur le feu. Malheureusement, notre pays a été cerné par les crises dans les dernières décennies. Nous nous sommes toujours efforcés de jouer un rôle stabilisateur et de calmer les crises. C'est ce que nous avons fait à propos de l'Irak, de l'Afghanistan, et du conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
S'agissant de l'AEIA, nous attendons qu'elle respecte nos droits légitimes. Nous avons demandé, dans le cadre des négociations en cours, qu'un plan de travail soit établi, avant la visite des sites convenus avec leurs représentants. Il est également important que les règles de procédure soient respectées. Ainsi, les Etats Unis ont fourni à l'Agence des documents permettant de suspecter l'Iran de ne pas se conformer à ses obligations. Il serait normal que nous puissions en prendre connaissance afin d'y répondre. Cependant les Etats-Unis n'autorisent pas l'Agence à mettre ces documents à notre disposition. Ce n'est ni normal ni acceptable.
Nous voulons que cette dernière accomplisse sa mission professionnelle, en dépit des pressions politiques qui, jusqu'à présent, l'en ont empêchée. L'Iran est un membre responsable du TNP qui en respecte les règles et insiste sur ses droits légitimes. Aux termes de l'article 4 du traité, tout pays membre a le droit d'enrichir de l'uranium à des fins d'utilisation civile, sous la surveillance de l'Agence. C'est ce que nous désirons et, nous insistons, c'est notre droit. Des divergences existent quant aux modalités de cette surveillance. Il convient donc de dialoguer pour parvenir à un compromis. Nous sommes ouverts et disponibles.
En ce qui concerne l'élection présidentielle, elle se déroulera en juin. Les esprits s'animent. Les enjeux sont importants, notamment en termes de chômage et d'inflation.
Ce qu'il convient de retenir, c'est qu'en dépit des sanctions destinées à déstabiliser et paralyser notre pays, nous sommes parvenus à progresser et aller de l'avant. Notre peuple a bien résisté. Il va résister encore. Ces sanctions ont renforcé l'unité nationale. L'explosion interne tant attendue n'est pas intervenue. La vie quotidienne des Iraniens continue, indépendamment des sanctions et des difficultés. Cela fait trente ans que nous vivons sous le coup de sanctions. Leur récent durcissement peut créer des difficultés mais ne va pas nous paralyser. L'Iran est un grand pays avec ses ressources humaines et énergétiques et sa situation géopolitique. Il est doté d'une quinzaine de voisins et bénéficie de plus de 1 200 kilomètres de côtes. Nous n'acceptons pas de telles sanctions illégales. Toutefois, nous parvenons à franchir les obstacles que celles-ci dressent devant nous avec courage et pragmatisme. Quant à son rôle diplomatique, encore une fois, permettez-moi de vous dire que l'Iran s'efforce de jouer un rôle stabilisateur. Je prends un exemple : lorsque Saddam Hussein a envahi le Koweït, nous avons accueilli des réfugiés koweïtis, alors même que ce pays avait soutenu l'Irak pendant la guerre contre nous pendant les huit années qu'a duré le conflit. Nous ne nous sommes pas vengés.
Pour revenir sur la déclaration du président Mahmoud Ahmadinejad, il n'a jamais proféré les menaces auxquelles vous faites allusion. Ces propos ont été déformés par les médias. Je tiens à vous citer les paroles de M. Dan Meridor, ministre israélien, en charge du Renseignement et de l'Énergie atomique, qui ont été tenues lors d'une interview, donnée en avril 2012, à Al Jazeera, et qui ont été reprises par le New York times. Il a admis que le président iranien n'avait jamais prononcé la phrase « Israël doit être rayé de la carte ». C'est quand même un ministre israélien qui le reconnaît ! Pour autant, ces propos que le président Ahmadinejad n'a pas tenus lui sont toujours reprochés. Certes, nous avons une position claire sur le régime sioniste. Cependant, l'Iran n'a jamais menacé d'envoyer des troupes afin de rayer Israël de la carte. Il faut être vigilant afin de ne pas se laisser piéger par certains médias.
Nous avons choisi de mener une politique constante de stabilité fondée sur la connaissance de notre région. Nous ne sommes malheureusement pas écoutés. A titre d'illustration, je mentionnerai qu'en janvier 2012, lors de la cérémonie des voeux pour le corps diplomatique, et après l'assassinat de quatre soldats français en Afghanistan, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a reconnu l'échec du talibanisme et du Quartet. Le jour même, je rencontrais le conseiller diplomatique du Président et je lui ai rappelé que deux années auparavant, nous avions prévenu que la négociation des Américains et des Anglais avec les talibans en Afghanistan n'aboutirait pas. De même, quand le Quartet a été mis en place, l'Iran a été le seul pays qui, bénéficiant d'une parfaite connaissance de la région, a averti que la procédure de Quartet n'aboutirait pas et que ce ne pouvait être qu'un échec. Cela a été finalement reconnu après plusieurs années par M. Nicolas Sarkozy.
S'agissant de la crise syrienne, l'Iran a insisté sur le fait de devoir respecter la démocratie. Si vous défendez la démocratie, vous devez l'accepter pour tout le monde. Il faut accorder les droits à l'ensemble des pays, selon le procédé démocratique, une voix, un vote. Il faut l'accepter aussi pour le Bahreïn, pour la Palestine. Les réfugiés palestiniens doivent pouvoir être entendus et se prononcer aussi sur leur avenir.
Il convient toutefois de s'entendre sur le sens du mot démocratie.
SE M. Ali Ahani - Vous pouvez contribuer à définir ce sens commun et dialoguer pour parvenir à un compromis.
Il n'y a pas de compromis, s'agissant de la démocratie.