Pour la mise en orbite, mais pas pour les services. Des études ont été effectuées pour la conférence de Naples, l'ESA tablant sur une Ariane 5 ME pour 2018 et la France sur une Ariane 6 pour 2021. À Naples, un compromis a été trouvé, consistant à continuer l'exploitation d'Ariane 5 dans sa version actuelle et à mettre à l'étude les deux versions d'Ariane 5 ME et d'Ariane 6, pour prendre une décision ferme en décembre 2014 à Luxembourg. Depuis quinze mois, les études ont bien avancé. L'ESA a confirmé l'hypothèse du lancement d'Ariane 5 ME pour 2018 ; quant au scénario Ariane 6, les hypothèses centrales de coût -3 milliards d'euros pour le développement et 70 millions d'euros par lancement- viennent d'être validées par les industriels, c'est un pas très important. En revanche, le retour de la concurrence, en particulier américaine avec l'offensive de SpaceX et de son lanceur Falcon 9, rend nécessaire d'augmenter le soutien public à l'exploitation de la version actuelle d'Ariane 5.
Dans ces conditions, la poursuite de tous les programmes paraît difficile à concilier avec les positions budgétaires des différents Etats membres de l'ESA. L'Allemagne soutient Ariane 5 ME, qui lui paraît le meilleur lanceur face à la concurrence américaine et aussi, il ne faut pas se le cacher, parce que ce scénario est plus favorable à sa propre industrie. Nos voisins d'Outre-Rhin ont cependant pu manquer de cohérence en retenant, comme ils l'ont fait, Falcon 9 pour le lancement de leurs propres satellites gouvernementaux d'observation... Nous allons voir à présent comment les choses évoluent avec l'arrivée de la nouvelle coordonnatrice spatiale pour la partie allemande. L'Italie, de son côté, soutient Ariane 6, parce que le nouveau lanceur utilisera de la poudre, grande spécialité de l'industrie italienne ; cependant, la situation gouvernementale italienne, les changements récents intervenus à la tête de l'ASI, laissent planer des incertitudes.
La plupart des autres Etats membres, ensuite, comprennent bien l'utilité qu'il y a d'avancer vers Ariane 6. La France, enfin, est à l'origine d'Ariane 6, mais elle est également très attentive aux conséquences d'un changement de lanceur sur son industrie, ce qui la pousse, à ce stade, à financer l'exploitation d'Ariane 5 dans sa version actuelle, le développement de ME et aussi celui d'Ariane 6 ainsi qu'à rechercher la meilleure voie pour passer d'un lanceur à l'autre. Aujourd'hui, toutefois, il faut bien être conscient que le compromis trouvé à Naples, consistant à tout faire, ne semble pas tenable sur le plan budgétaire, compte tenu des limites imposées par les Etats membres. Nous devrons donc recourir à un scénario alternatif pour tenir nos objectifs stratégiques - maintenir notre accès à l'espace, un plan de charge conséquent pour nos bureaux d'études et tenir nos engagements budgétaires. Ce dossier de l'avenir du lanceur européen a donc bien avancé, au-delà même de ce que j'imaginais en prenant mes fonctions et je me félicite que les hypothèses financières initiales viennent d'être validées par les industriels, dans les offres qu'ils ont remises le 14 février. L'arrivée de la concurrence américaine s'est confirmée, faisant évoluer l'environnement plus rapidement que prévu : SpaceX, avec son lanceur mono charge Falcon 9, vient de réussir trois vols -le 29 septembre, le 3 décembre et le 6 janvier derniers- et signe des contrats à des prix bien en-deçà d'Ariane 5 ; comme nous avons déjà réduit considérablement nos coûts, nous pouvons difficilement diminuer nos tarifs sans un supplément d'aide publique, ce qui ne pourrait se faire, à enveloppe constante, sans limiter l'aide aux autres parties du programme d'ensemble. Car c'est une donnée déterminante du dossier : les difficultés de la conjoncture se traduisent par une pression très forte sur notre budget, particulièrement en France.