Je suis effectivement souvent en relation avec le Parlement allemand. J'ai été reçue récemment par Mme Susanne Kastner, présidente de la commission de la défense, de façon très chaleureuse. Je suis convaincue que l'Europe de la défense nécessite une impulsion politique, et que cette impulsion politique passe également par les Parlements nationaux. C'est une clef essentielle du succès. Hubert Védrine dit qu'il faut en finir avec ce qu'il appelle le « moulin à prière », je suis d'accord avec lui si cela veut dire qu'il ne faut pas s'accrocher à des mots. En revanche, je pense que le pessimisme sur l'Europe de la défense (ou, plus précisément, de la Politique de sécurité et de défense commune, seul vocable qu'utilisent les partenaires européens), de ses succès et de ses atouts doit être éclairé par une appréciation pragmatique pour soutenir tout ce qui va dans le sens du partage des capacités militaires et la recherche de résultats concrets.
Pour ce qui est de l'air du temps, vu de Bruxelles, l'atmosphère est effectivement à l'euroscepticisme. Il y a à la fois un euroscepticisme militant, du type britannique et puis l'euroscepticisme plus subtil qui consiste à dire : « on aimerait bien - mais ça ne marche pas - et donc ce n'est pas la peine d'essayer ».
Or, il n'est pas d'opération militaire menée sous le leadership de l'Union qui n'ait atteint ses objectifs. Par deux fois au Congo, l'intervention de l'Union a permis d'éviter un bain de sang. Au Tchad, elle a permis d'éviter la déstabilisation du régime du fait des évènements au Darfour. En matière de piraterie, l'intervention de l'Union est un succès.
En matière de capacités, c'est la même chose. On peut toujours penser que c'est en deçà de ce que les Français attendent. Mais il y a eu de vrais succès. Je pense en particulier aux normes d'aéronavigabilité pour les aéronefs militaires et leur insertion dans l'espace aérien; mais aussi à l'entraînement des pilotes d'hélicoptères. Le ravitaillement en vol est un projet phare de l'AED, à partir d'une lacune sérieuse, illustrée en Libye et de vrais atouts industriels avec l'Airbus A330 MRTT qui représente une solution européenne, tout à fait à la pointe de la technologie, ou l'A400M pour le ravitaillement tactique. Ne soyons pas naïfs. Pour allouer des crédits à la défense, il faut aussi des résultats en termes d'emplois. C'est vrai pour les Américains mais c'est vrai également pour les Européens. Par ailleurs, on me demande de faire connaître l'Agence Européenne de défense, j'ai déjà beaucoup fait pour accroître la visibilité de l'Agence européenne de défense. Il faut aussi que les pays européens s'approprient la communication sur l'AED, qui est leur instrument. C'est leur instrument. Et, pour aller de l'avant, à l'AED ou plus largement dans la PSDC, il faut que la France joue un rôle moteur pour entraîner les autres partenaires. On a parfois pu reprocher à la France d'être trop présente, on lui reproche tout autant quand elle ne joue plus son rôle d'initiative.
S'agissant du projet de fusion EADS-BAE, je dirai simplement que nous avons, au sein de l'AED, toujours plaidé en faveur de la consolidation de la base industrielle et technologique de défense : le projet de fusion allait dans ce sens, naturellement.