Intervention de Kader Arif

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 4 février 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Kader Arif ministre délégué aux anciens combattants

Kader Arif, ministre délégué :

J'ai également répondu à Mme Demessine, il y a peu...

Monsieur Néri, vous avez évoqué certains points qui font partie des priorités. Vous avez eu raison de les rappeler. Je n'ai pas cité tous les événements liés aux commémorations du centenaire. Le rôle de la femme dans l'effort de guerre et dans la reconstruction sera un des points qui sera pris en compte dans ce cycle commémoratif du premier conflit mondial. Il existe autour de ce thème quinze projets labellisés à l'échelle nationale ; ils sont de différente nature, et d'autres seront certainement labellisés, cette question étant majeure. Chacun a une histoire personnelle dans ce domaine ; l'arrière-grand-mère de ma femme, dont l'époux est décédé lors du premier conflit mondial, a ainsi reçu un bureau de tabac à côté de Pézenas, à Tourbes...

La Société des nations (SDN) a vu le jour à l'issue du premier conflit mondial ; le président Wilson en avait proposé la création autour de l'idée de reconstruction mondiale, dans un monde qui change à l'évidence. On peut ensuite ouvrir tout un débat historique, pour savoir si le premier conflit mondial a ou non conduit au second. Il y a un débat d'historiens fort nourri à ce sujet. C'est une question qu'il faut avoir à l'esprit...

Sur le plan éducatif, trente conseils académiques ont été mis en place pour évoquer la question du centenaire. J'ai eu l'occasion d'en lancer un dans le Sud-Ouest, il y a peu, en région Midi-Pyrénées. Le monde enseignant est très mobilisé sur cette question, à la demande du ministre de l'éducation nationale. Il existe un référent académique concernant la mémoire et la citoyenneté dans chaque académie, que l'on peut solliciter. Je vais demander à chacun d'eux, par l'intermédiaire des recteurs et des rectrices, que des écoles soient présentes à chaque manifestation, afin de faire en sorte que le lien armée-Nation figure en bonne place dans le quotidien de nos commémorations, date après date.

Vous pouvez aussi vous appuyer sur la proposition de loi relative au 27 mai, qui porte sur la reconnaissance du CNR, mais aussi sur le rôle que doit jouer l'éducation nationale dans le cadre du CNR. Ce sera le moment d'exploiter ce lien avec la jeunesse.

Vous ne m'avez pas posé la question légitime des programmes, que j'ai évoquée avec le ministre de l'éducation nationale. Cette partie de notre histoire mériterait d'être traitée davantage dans les manuels. Je suis très sensible à cette question.

Monsieur Berthou, vous avez raison de rappeler les événements de Dien Bien Phu. Le choix a été fait de commémorer les cent ans de la Première Guerre mondiale et les 70 ans de la seconde, deux événements qui bouleversent le monde au XXe siècle.

Par ailleurs, la guerre d'Indochine nous a bouleversés dans notre histoire, mais pas à la même échelle que les deux conflits mondiaux. La réflexion s'est également portée sur cette question, afin qu'il n'y ait pas de confusion mémorielle, qu'il s'agisse de l'Indochine, ou de l'Algérie. Qu'aurait-on retenu si l'on avait tout associé ? C'est très compliqué. Ceci ne veut pas dire que l'on doit pour autant laisser ces événements tomber dans l'oubli.

Si le devoir de mémoire de la guerre d'Indochine n'est pas guère aisé, les choses sont en place. Nous avons marqué le lien de la Nation lors du transfert des cendres du général Bigeard à Fréjus. Nous allons continuer, puisque des initiatives sont prises à ce sujet. Des commémorations se dérouleront durant une semaine, du 26 avril au 3 mai ; une cérémonie aura lieu à Fréjus le 26 avril ; la flamme sera ravivée à l'Arc de Triomphe le 3 mai et les cérémonies auront lieu dans les départements le 29 avril. Cette mémoire ne pourra être traitée de la même manière que les cérémonies du centième ou du 70e anniversaire, mais des initiatives seront prises à l'échelle locale et nationale.

La mémoire liée aux événements de la guerre d'Algérie, quant à elle, n'est pas encore apaisée. Je puis en parler : je suis né à Alger... Je m'inscris, dans mon histoire personnelle, dans un souci de réconciliation. On doit être capable, collectivement, quels qu'aient été les choix des uns et des autres, quelles que soient nos appartenances partisanes, de dépasser une mémoire vive, compliquée, parfois violente dans les mots. Je dois me déplacer une troisième fois en Algérie, à la suite du déplacement du Président de la République, pour essayer de travailler avec nos amis algériens sur la réconciliation, qui suscite encore des blocages. Ce serait raconter des histoires de dire que tout va bien, mais il existe des bonnes volontés et de nouvelles générations arrivent. Nous pourrons les accompagner, même si rien n'est encore prévu pour 2014.

Qu'en est-il concernant les fusillés pour l'exemple ? Le rapport Prost proposait quatre pistes de réflexions. La première était de ne rien faire. La seconde consistait en une réhabilitation générale, impossible à envisager. La troisième envisageait une réhabilitation au cas par cas, ce qui nécessitait une proposition de loi ou un projet de loi, et d'entrer dans un débat juridique sans fin. Le meilleur choix est donc celui d'une intégration des fusillées pour l'exemple dans la mémoire collective. Une salle consacrée aux fusillés pour l'exemple sera donc ouverte au Musée de l'armée, afin de ne pas les oublier. C'est le meilleur choix, au-delà des débats que l'on peut avoir avec M. Blondel, qui porte cette question. Je l'ai reçu à deux reprises, et il s'est exprimé, mais nous n'irons pas plus loin que la proposition faite par Président de la République. Je pense qu'elle est sage et qu'elle se situe dans la continuité des déclarations de Lionel Jospin, en 1998, à Craonne, et du Président Sarkozy, en 2008.

Quant aux Français de l'étranger, l'acte de reconnaissance à l'égard des pays alliés doit se faire sur notre territoire national, mais aussi sur leur propre territoire. J'ai, en la matière, participé à une cérémonie au Canada, où j'ai rendu hommage au 22e régiment créé lors du premier conflit mondial. Je suis allé à Québec voir les officiels, les sous-officiers et les soldats du 22e régiment. Avec les autorités canadiennes, lors d'une manifestation à Ottawa, j'ai rencontré les anciens combattants français vivant au Canada. Je l'ai également fait à Sydney. Ce n'est pas toujours simple, les anciens combattants de l'étranger étant souvent divisés en plusieurs chapelles. Tout ceci a été mené dans un contexte d'apaisement, et les choses se sont très bien passées. Je suis également allé en Grande-Bretagne et, sans vouloir dévoiler de secret, des décisions seront prises, lors du déplacement du Président de la République, à partir du 11 février, à Washington, dans le cadre de la relation bilatérale qui nous unit à nos amis américains.

De la même manière, nous avons pris des initiatives au Maroc et en Algérie, où nous travaillons avec l'ONACVG. Beaucoup de choses ont été réalisées autour de cette question, et les Français de l'étranger y sont associés. J'y veille personnellement.

J'ai par ailleurs réuni, pour la première fois, au mois d'avril dernier, à Paris, trente pays, représentés par leurs ministres, venus des cinq continents, pour préparer le cycle commémoratif. Ceci ne s'était jamais fait, je le dis sans aucune prétention personnelle. Ils seront de nouveau invités en avril prochain, juste avant d'entrer dans les cycles des grandes dates, afin de faire ensemble un dernier point, pour savoir comment ils seront associés dans le cadre bilatéral, mais aussi multilatéral. Un document sera signé par l'ensemble des pays présents, ce qui donnera une certaine force à ces commémorations.

Les pays concernés, dans une grande marque de confiance, ont souhaité que nous soyons les ordonnateurs, mais aussi les coordonnateurs de ce qui pourra se faire. Des initiatives sont prises dans beaucoup de pays. Nous sommes informés et avons des relations avec chaque ambassade. Je rencontre les ambassadeurs ou mes homologues à chaque fois que je le peux, en France ou à l'étranger. Nous avançons de la meilleure des manières sur ce point.

Enfin, concernant les OPEX, je crois avoir répondu, l'évolution des critères d'attribution de la carte du combattant faisant partie du débat budgétaire. Mon souhait est de rester sur le modèle retenu pour l'Afrique du Nord, soit quatre mois de présence. Le nombre de cartes a augmenté de manière très importante. Le retard, en matière de traitement de ces dossiers, était colossal. Nous repartons des dossiers les plus anciens, ceux du Liban, avant de traiter les dossiers les plus récents, mais nous rattrapons le retard. Je continue d'avancer dans cette logique, mais je pourrais vous faire une réponse plus précise, par courrier, comme je l'ai fait à vos collègues et au président. C'est un sujet qui est à l'ordre du jour, et qui constitue une de mes priorités.

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