Monsieur le Ministre, nous sommes heureux de vous accueillir devant notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Comme vous le savez, notre commission ne procède pas à l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » qui relèvent, au Sénat, de la commission des affaires sociales. Nous n'avons donc pas de rendez-vous réguliers.
Nous nous intéressons néanmoins de près à votre département, sous l'angle de sa contribution au resserrement des liens armée-Nation, qui sont à la base du soutien à l'effort de défense, et un élément important de cohésion sociale.
Commémorer, se souvenir ensemble, est évidemment un moyen d'exprimer notre reconnaissance à ceux qui, Français ou étrangers, ont sacrifié leur vie, ou une partie de leur vie, à la défense de la France, mais c'est aussi soutenir ceux qui, aujourd'hui, assurent cette défense, parfois loin de notre territoire, en opérations extérieures.
Commémorer, c'est aussi se souvenir que la guerre n'est pas l'achèvement des relations entre les peuples et les nations, que la réconciliation et la paix sont un aboutissement souhaitable, mais que la réconciliation et la paix se cultivent, non seulement par la diplomatie, mais par les relations humaines entre les peuples.
Nous entrons, en 2014, dans un cycle de commémorations : première année du centenaire de la Grande Guerre, 70e anniversaire de la libération de notre territoire national après les débarquements de Provence et de Normandie, soixantième anniversaire aussi de la bataille de Dien Bien Phu et du début de la guerre d'Algérie -il faut aussi se souvenir de notre histoire coloniale, même si elle n'eut pas que des pages glorieuses.
Notre commission a confié à nos collègues Alain Néri et Christian Namy le soin d'animer un groupe de travail qui sera chargé de suivre ces programmes de commémoration, et de nous présenter régulièrement des communications, de façon à ce que notre commission puisse y être associée le plus possible et évaluer le travail accompli pour mobiliser les énergies dans notre pays.
Je vous laisse donc le soin de nous présenter le dispositif que vous avez mis en place, les principales actions que vous entendez conduire, et les moyens dont vous disposez pour les réaliser.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'accueillir dans votre commission pour un échange consacré au sens que je souhaite donner à la politique mémorielle et à la présentation de l'année commémorative, qui s'annonce en 2014.
J'ai grand plaisir à travailler avec la commission des affaires sociales, mais il me serait également agréable d'échanger avec vous plus régulièrement, d'autant que c'est à l'initiative de sénateurs qu'un certain nombre de propositions de loi, qui marquent mon département ministériel, mais aussi notre mémoire collective, ont pu voir le jour, comme la question du 19 mars -qui a été gérée avec beaucoup de sagesse dans cette enceinte, dans un climat qui n'était pas très simple- ou celle du 27 mai, date de la reconnaissance de la création du Conseil national de la résistance (CNR). Ce sont là des initiatives sénatoriales auxquelles je suis très attaché.
Cette année 2014 inaugure le centenaire de la Première Guerre mondiale, et commémore le 70e anniversaire de la libération du territoire en 1944. C'est un moment important, où la Nation se recentre et se rassemble autour de son histoire commune. C'est une occasion unique de parler aux Français de termes parfois oubliés, ou dévoyés, ceux de Nation, de République, ou de patriotisme, au plus beau sens du terme. Romain Gary, compagnon de la Libération, disait qu'être patriote, c'est aimer les siens, et qu'être nationaliste, c'est la haine des autres. Je crois que nous pouvons considérer que nous sommes tous patriotes, et que nous devons nous battre contre le nationalisme exacerbé que l'on peut trouver ici ou là...
C'est également, pour notre pays, une occasion de rayonnement international, en direction des pays qui ont combattu sur notre sol, et dont la mémoire est inscrite dans la mémoire collective, de l'Australie à la Nouvelle-Zélande, en passant par les Etats-Unis, le Canada, mais aussi tout le continent africain, les pays européens, et ceux qui vinrent jadis défendre notre liberté. C'est aussi un moment de rencontre avec d'anciens adversaires, avec qui nous pourrons célébrer cette paix retrouvée et cette réconciliation.
C'est le cap que le Président de la République nous a fixé, à l'occasion du coup d'envoi des deux cycles de commémoration, d'une part le 4 octobre, en Corse, premier département français libéré, soutenu, entre autres par les goumiers marocains, et le 7 novembre, depuis le Palais de l'Élysée, donnant ainsi un cadre à ce cycle commémoratif.
Nous entrons dans un moment particulier où la France doute, où nos concitoyens s'interrogent quant à leur rapport à la Nation, à leur identité ou à celle de notre pays, vous le constatez chaque jour comme moi sur le terrain, au contact des habitants de nos circonscriptions.
C'est pourquoi, avec modestie et humilité, j'ai souhaité préparer ces cycles mémoriels, avec le souci permanent de la recherche de la cohésion nationale. Le sentiment d'appartenance à la Nation doit être renforcé. Nous devons veiller à ce que toutes les mémoires se retrouvent, dans un climat apaisé, au sein de la mémoire collective.
Cette cohésion nationale peut d'abord s'exprimer à travers le renforcement du lien intergénérationnel. Le 70e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale donnera la parole aux anciens, aux acteurs et témoins de cette histoire, afin qu'elle soit transmise à la jeune génération. C'est pour moi un l'enjeu de demain.
J'ai à coeur, à chaque fois que j'en ai l'occasion, d'associer notre jeunesse aux cérémonies qui nous réunissent : c'était le cas en Corse, en octobre dernier, avec le Président de la République, la semaine dernière, à Toulouse, pour rendre hommage aux victimes de l'Holocauste, en Moselle, la semaine dernière, pour inaugurer un monument aux morts, et dans la forêt de Bouconne, dimanche dernier, pour commémorer la mort de François Verdier, résistant du Sud-Ouest.
Je souhaite que nous puissions renforcer cette dimension tout au long de l'année, tout au long de ce cycle mémoriel, et que des pistes de réflexion soient lancées pour attirer la jeune génération dans ces manifestations.
Cette cohésion nationale doit aussi s'exprimer entre nos concitoyens, quelle que soit leur origine. Réintégrer toutes les Françaises et tous les Français dans la mémoire nationale, c'est aussi leur dire qu'ils y ont leur place, quelle que soit leur couleur de peau, leur origine, l'endroit où ils sont nés, ou quels que soient leurs parents.
Nous avons là une occasion unique de dire aux plus jeunes, notamment à ceux qui ne se sentent pas à leur place dans la société française, combien ils peuvent être fiers d'appartenir à cette histoire, une histoire marquée par les faits d'armes de leur père ou de leur grand-père.
Ces commémorations doivent être aussi l'occasion de rappeler le lien entre les générations du feu. En rendant hommage aux anciens, nous encourageons nos soldats engagés aujourd'hui sur des théâtres extérieurs, nous saluons toute cette histoire d'engagement pour laquelle j'ai la plus grande admiration.
Je souhaite que la dimension militaire ne soit pas oubliée au cours de ces commémorations. La Grande Guerre a touché toute la société. 8 millions de soldats ont été mobilisés en France, avec des régiments constitués pour aller au front, et 1,4 million de soldats morts pour la France.
Nous avons, avec le ministère de la culture, pris l'initiative, à partir du printemps, de créer un site gratuit où les fiches numérisées des 8,5 millions soldats engagés pendant le premier conflit mondial pourront être consultées, dès lors que l'on aura le nom et le prénom de son aïeul. On pourra ainsi savoir où il a été mobilisé, quel a été son parcours, et s'il est tombé au feu, l'endroit où cela s'est passé.
Je conçois la politique mémorielle non comme un élément tourné vers le passé, mais comme un élément dynamique, qui marque notre présent, mais qui doit aussi préparer l'avenir. Cela se fait à l'échelle nationale, ainsi que dans l'ensemble des territoires. C'est là une chance, pour nos collectivités et nos élus locaux, de se réapproprier cette mémoire locale, la valoriser, et la diffuser. Le premier conflit mondial représente 450 points de départ d'unités militaires différents...
Depuis presque deux ans, je prépare, avec les services du ministère de la défense, et tous nos opérateurs et interlocuteurs, cette année commémorative. Nous pouvons bénéficier de l'intérêt, du soutien et de l'engagement du chef de l'État, je l'ai rappelé tout à l'heure.
Les services du ministère de la défense et des huit ministères concernés au sein de la mission interministérielle des anniversaires des deux guerres mondiales, placés auprès de moi, sont très impliqués. Les collectivités locales jouent également un grand rôle. Les commissions du centenaire sont présidées par le préfet ou par son représentant, mais aussi par des présidents de conseil général, ou leur représentant. Tous les élus y sont invités.
Je sais les regrets des parlementaires sur cette question. J'ai saisi les préfets pour que députés et sénateurs soient mieux associés à ces commissions départementales et au cycle commémoratif lui-même.
Nous devons également répondre à l'attente de nos concitoyens, d'où la volonté d'associer l'ensemble de la population française. Selon un sondage de la direction de l'information du ministère de la défense, 85 % de nos concitoyens souhaitent pouvoir être associés, de près ou de loin, au cycle commémoratif, quelle que soit la tranche d'âge, ce qui démontre un formidable intérêt pour ce sujet.
Je me méfie beaucoup d'un cycle commémoratif qui ne recourrait qu'à des personnes ayant l'habitude d'évoquer le sujet, à travers des expositions, des colloques, etc., car on reste là dans un éventail de population très limité. Ma volonté est d'ouvrir ces commémorations au plus grand nombre. C'est le sens de certaines des initiatives que j'ai prises. C'est ainsi que l'équipe de France de rugby a joué avec le bleuet sur son maillot, samedi, contre l'Angleterre. C'est également le sens de l'initiative que nous avons prise dans le domaine du rugby avec la Nouvelle-Zélande. Il s'agit d'une convention signée avec la Fédération française de rugby et la Ligue, afin de pouvoir toucher une population qui ne serait pas forcément intéressée par cette commémoration mémorielle. Il en va de même de la Fédération française de football. Je signe par ailleurs une convention avec Jean Gachassin, président de la fédération française de tennis, pour que la finale hommes de Roland-Garros, le 8 juin prochain, se déroule à la mémoire de Roland Garros, aviateur de la Première Guerre, polytechnicien, rugbyman, et Réunionnais. Nous allons essayer de faire en sorte que le stade soit survolé ce jour-là par son monoplan, qui vient d'être restauré par des ingénieurs toulousains.
D'autres initiatives sont prises dans d'autres domaines : je me félicite que l'organisation du Tour de France organise trois étapes autour de la Première Guerre mondiale. L'équipe de la Française des Jeux sera également très impliquée.
Plus de 1 000 projets ont été labellisés à l'échelle nationale en ce qui concerne le centenaire. Plus de 800 sont en cours d'homologation pour le 70e anniversaire, dont 300 pour la seule région Basse-Normandie.
La date du 6 juin constituera un événement majeur ; la reine d'Angleterre sera présente, dans le cadre d'un voyage d'État, entre le 4 et le 6 juin, à l'invitation du Président de la République. Le président Obama devrait également être là, ainsi que l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement concernés par la bataille de Normandie. Enfin, même s'il n'y a pas encore de réponse officielle, la présence de Mme Merkel sera un moment fort de ces événements. Ces cérémonies auront lieu à Sword Beach, près d'Ouistreham. C'est la première fois que ces commémorations se dérouleront sur la plage où ont débarqué les Britanniques. Une dizaine de survivants rendront hommage au commando Kieffer, menés par Léon Gauthier, autour d'une association. Ces soldats ont refusé d'être relevés pendant 80 jours de combats, parce qu'ils étaient Français et avaient débarqué en France ! C'est la dernière fois qu'on le verra dans un cadre décennal, et il convient de leur rendre un magnifique hommage.
Cette cérémonie sera accompagnée d'une cérémonie bilatérale avec les Canadiens, à Juno Beach, avec les Américains, certainement à Omaha Beach, et avec les Polonais. Nous allons donc essayer de respecter la réalité de ce débarquement.
Quels seront les moyens mis en oeuvre pour assurer ces commémorations ? Une structuration s'est opérée autour de la mission du centenaire ; aucune structure ad hoc ne sera mise en place pour les 70 ans. Nous travaillons avec la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense, ainsi qu'avec la direction générale et les directions départementales de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG).
Sans vouloir polémiquer, lorsque je suis arrivé aux responsabilités, aucun budget n'avait été prévu pour le 70e anniversaire. Il a fallu que nous nous y attelions, car il me semblait impossible de ne pas commémorer les 70 ans. Nous sommes passés d'un budget peu important, inférieur à 10 millions d'euros lorsque je suis arrivé, à plus de 23 millions d'euros pour 2014, soit une augmentation substantielle, dans le contexte économique et financier que vous connaissez.
Parmi les dates du centième anniversaire, on trouvera le 14 juillet prochain. 74 États seront invités à défiler sur les Champs-Élysées, sous leur drapeau, accompagnés de jeunes, même si ces États appartenaient à un empire colonial pendant ce conflit mondial. Ce sera un grand moment, qui se déroulera en présence des ministres concernés.
Le 3 août, une initiative sera prise par le Président de la République et le Président allemand Gauck, avec un moment très fort, à la frontière franco-allemande, en Alsace.
Le 12 septembre aura lieu la commémoration de la bataille la Marne, avec la participation des Britanniques, des Allemands, des Russes, des Algériens, des Marocains.
Enfin, le 11 novembre, à Notre-Dame-de-Lorette, 600 000 noms de soldats représentant l'ensemble des pays belligérants, tombés dans le Nord-Pas-de-Calais durant le premier conflit mondial, seront inscrits sur le monument national par ordre alphabétique, sans distinction de leur nationalité ou de leur grade.
Ce sera également un moment important pour les enjeux économiques. Je veux évoquer ici le tourisme de mémoire. Pour la première fois, une enveloppe lui est dédiée dans mon budget, pour 1,5 million d'euros. Ceci a permis de soutenir un certain nombre de projets. Le tourisme de mémoire représente, pour notre pays, 45 millions d'euros de recettes, en ne comptant que la billetterie de nos musées. Je n'y inclus pas l'hôtellerie, pas plus que la restauration, les déplacements ou les dépenses annexes. Il existe une très forte attente de beaucoup de pays. 70 000 Australiens sont attendus sur le sol national pendant ce cycle mémoriel. C'est environ le même nombre pour les Canadiens. Je n'ai pas de chiffre concernant les Américains. Il faudra pouvoir répondre à cette attente sur le plan touristique. Ce sera un formidable outil avec, à la clef, de la croissance, de l'activité, des échanges et, certainement, de l'emploi.
Ces cycles mémoriels sont une occasion privilégiée de mettre en valeur les institutions républicaines, dont le Sénat fait partie, qui ont maintenu, durant les quatre années de guerre, la vie politique et parlementaire, à travers la réunion de comités secrets. Je sais que des choses ont déjà été entreprises par le Sénat. Je ne peux que m'en réjouir. Je pense notamment à l'initiative de mettre en ligne, à la disposition du grand public, mais aussi des chercheurs, les procès-verbaux numérisés des travaux des commissions pendant la Première Guerre mondiale, jusqu'à la signature des traités.
C'est aussi l'occasion d'un réel travail de diplomatie parlementaire. C'est une dimension très importante, en particulier pour la commission qui est la vôtre.
Il faut notamment travailler sur le volet européen, et réfléchir aux initiatives que nous pourrions prendre, même si certaines initiatives sont d'ores et déjà lancées, comme la réunion du Parlement européen des jeunes, au Mémorial de Caen, avant le 6 juin.
Nous réfléchissons, avec les parlementaires européens, au lancement d'une initiative à Strasbourg. Je suis à votre disposition pour répondre à vos projets ou à vos initiatives. Je souhaite enfin que tous les parlementaires puissent se sentir investis sur l'ensemble des territoires, du front comme de l'arrière.
Nous pourrons travailler ensemble à la mise en valeur de tous les sénateurs qui ont été les victimes de ces guerres. Je pense à Alfred Mezières, sénateur de Meurthe-et-Moselle, fait prisonnier dans sa propre maison, à Réhon, par les soldats ennemis durant la Grande Guerre, où il mourut en 1915. Il avait installé un dispensaire dans sa propriété pour soigner les blessés et accueillir les réfugiés.
Je pense à Charles Sébline, sénateur de l'Aisne, qui voulut vivre cette guerre et attendre l'ennemi auprès des Françaises et des Français qu'il représentait depuis trente ans, ce qui lui valut de mourir de froid et de fatigue dans la gare d'Aulnoy, en 1917, alors que les soldats ennemis occupaient sa maison.
Les bustes de ces deux anciens sénateurs sont érigés aujourd'hui dans la galerie menant à la Salle des Séances.
Je pense aussi à M. Michel Tony-Révillon, sénateur de l'Ain, le seul à embarquer en 1940 sur le Massilia, aux côtés de 26 députés, afin de poursuivre la lutte contre le nazisme depuis l'Afrique du Nord.
Je pense enfin à Pierre Masse, soldat décoré pour son courage en 1917, sous-secrétaire d'État à la guerre, puis sénateur de l'Hérault, déporté en septembre 1942 au camp d'Auschwitz, dont il ne reviendra pas.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, vous êtes aujourd'hui les légataires de ces hommes qui ont risqué leur vie et se sont levés à la tribune parlementaire pour défendre la République ! Il nous appartient donc de célébrer la victoire de ces valeurs républicaines.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le Sénat organise, à partir du 4 avril, une exposition de photographies sur les grilles du Jardin du Luxembourg, consacrée à la Grande Guerre « Fields battle et terre de paix - 1914-1918 ».
Nous revenons par ailleurs de Russie, avec un certain nombre de mes collègues, dont Mme Demessine, et MM. Cambon et Pozzo di Borgo. Les Russes ont fait plusieurs fois référence à la Grande Guerre en nous demandant de les associer aux célébrations. Je vois que c'est le cas. Dont acte. Ils y tiennent...
Le président Poutine sera certainement présent le 6 juin. Les Russes seront en nombre à la célébration de la bataille la Marne, ainsi qu'ils l'ont souhaité. J'ai eu l'occasion de recevoir leur ministre de la culture, qui est chargé de ces questions, il y a quelques semaines, dans le cadre d'un entretien bilatéral, afin de lui signifier notre volonté de travailler ensemble.
Il est important de rappeler à nos concitoyens que nous ne commémorons pas le centenaire de la déclaration de guerre. On ne commémore jamais le début d'une guerre ! Toutefois, la guerre de 1914-1918 marque la véritable naissance du XXe siècle, avec des transformations extraordinaires sur le plan politique, international, des empires démembrés, des nations qui disparaissent et d'autres qui naissent, bouleversant complètement l'échiquier international.
C'est aussi, au plan national, une évolution considérable de la société, avec la prise de conscience du rôle des femmes qui, pendant que les hommes sont au front, soutiennent le développement économique, tant dans les zones rurales, parfois avec l'aide des enfants, que dans les zones urbaines, où on les voit pour la première fois entrer dans les usines.
Ce sont aussi les formidables progrès de l'industrie en matière d'efforts de guerre, et la prise de conscience, de la part de nos concitoyens, de l'unité à trouver devant les difficultés. Il s'agit de rassembler ses forces pour défendre la patrie et les siens, mais surtout sans haïr les autres, ainsi que vous l'avez rappelé, Monsieur le Ministre ! Les différentes actions qu'on a pu connaître entre les ennemis d'hier, rassemblés dans leurs souffrances le lendemain, sont très intéressantes...
Il faut d'autre part prendre en compte le volet économique, vous l'avez dit.
Un important effort enfin devra être accompli dans nos départements, nos régions, nos communes, qui devront être associés, pour que ces diverses commémorations, soient un moment important de cohésion et de coopération nationale et internationale, en collaboration avec de nombreux écoles, collèges et lycées, et en partenariat avec l'éducation nationale. Je regrette personnellement que l'on trouve de moins en moins d'enfants devant les monuments aux morts ! J'ai dans ma commune des élus municipaux enseignants qui sont peut-être plus impliqués, mais il faudrait en profiter pour alerter M. Peillon pour qu'il demande aux rectorats et aux inspections académiques d'associer les enfants aux manifestations patriotiques qui se dérouleront durant cette année de commémorations !
Nous sommes à votre disposition pour travailler avec vous et, ensemble, faire en sorte que l'année 2014 soit une grande année de rassemblement et d'unité de la Nation au service de la défense de la République !
Monsieur le Ministre, j'interviens en tant qu'ancien combattant de Dien Bien Phu. Nous allons célébrer le 60e anniversaire de cette bataille, durant laquelle ont disparu près de 10 000 de nos soldats, soit sur le champ de bataille, soit dans les camps d'internement.
Il en reste cependant encore un certain nombre qui a vécu ces événements, et nous ne pouvons passer cet épisode sous silence ! 80 % des volontaires qui ont sauté sur Dien Bien Phu sont morts lors de la bataille. Quoi que l'on pense de la guerre d'Indochine, nous devons rendre hommage à la mémoire de ces Français !
Monsieur le Ministre, je voudrais dire ici, en tant que président du conseil général de la Meuse, combien vous aidez le département dans ses actions. Ceci mérite d'être souligné...
J'ai toutefois l'impression, en vous écoutant, que le 70e anniversaire prend le pas sur le centième. Mon département, la Meuse, est le coeur même de la Première Guerre mondiale. Or, je crains qu'on n'en parle pas avant 1916 !
En second lieu, la Mairie de Paris organise en ce moment une excellente exposition sur les fusillés pour l'exemple. Je n'ai pas l'impression que le sujet, en dehors de la mention du Président de République, lors de son discours à l'Élysée, il y a quelque temps, ressorte vraiment. Fait-on quelque chose à ce sujet ?
Votre intervention, Monsieur le Ministre, m'a fait chaud au coeur ! Je tenais à le dire.
Je vous félicite également pour ce qui concerne la plaquette, qui est fort bien faite...
Une remarque par ailleurs au sujet du courage de la société civile, et surtout des femmes, principalement des ouvrières, qui ont travaillé dans les cartoucheries, mais aussi les agricultrices. Ma grand-mère est devenue chef d'exploitation en août 1914. En 1918, mon grand-père avait perdu une partie de son pouvoir, et le rappelait souvent. Ceci mérite que l'on n'oublie pas la société civile lors des commémorations.
Je relève par ailleurs que, dans ces temps difficiles, vous êtes parvenu à augmenter votre budget ! Je crois que vous êtes le seul !
Je vous remercie, Monsieur le Ministre, pour toutes les informations que vous nous avez apportées au sujet de la commémoration armée-Nation, mais aussi des commémorations de la paix. Nous nous en félicitons, car ce n'est pas toujours gagné d'avance.
Les Français établis hors de France ont également un certain nombre de projets de commémoration du centième anniversaire de la Première Guerre mondiale. L'implication est grande, en particulier dans les écoles, où les enfants sont toujours devant les monuments aux morts, en présence des autorités du pays de résidence.
Peut-être votre plaquette pourra-t-elle s'enrichir des événements concomitants à l'étranger, certains États commémorant ces événements dans le même sens que nous. On pourrait-on avoir une vision mondiale de ce sujet...
Enfin, je ne puis m'empêcher de vous poser une question qui vous a déjà été posée par plusieurs parlementaires concernant les Opérations extérieures (OPEX) et la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL). Où en est-on de la reconnaissance du statut d'ancien combattant au sein du 420e détachement de soutien logistique de la FINUL ? Vous aviez répondu, fin juillet 2013, que l'arrêté de 1994 était en cours de révision. Peut-on espérer que ces soldats obtiennent enfin le statut d'anciens combattants ?
Le ministre m'a répondu par écrit. Je puis vous transmettre copie de sa réponse...
J'ai également répondu à Mme Demessine, il y a peu...
Monsieur Néri, vous avez évoqué certains points qui font partie des priorités. Vous avez eu raison de les rappeler. Je n'ai pas cité tous les événements liés aux commémorations du centenaire. Le rôle de la femme dans l'effort de guerre et dans la reconstruction sera un des points qui sera pris en compte dans ce cycle commémoratif du premier conflit mondial. Il existe autour de ce thème quinze projets labellisés à l'échelle nationale ; ils sont de différente nature, et d'autres seront certainement labellisés, cette question étant majeure. Chacun a une histoire personnelle dans ce domaine ; l'arrière-grand-mère de ma femme, dont l'époux est décédé lors du premier conflit mondial, a ainsi reçu un bureau de tabac à côté de Pézenas, à Tourbes...
La Société des nations (SDN) a vu le jour à l'issue du premier conflit mondial ; le président Wilson en avait proposé la création autour de l'idée de reconstruction mondiale, dans un monde qui change à l'évidence. On peut ensuite ouvrir tout un débat historique, pour savoir si le premier conflit mondial a ou non conduit au second. Il y a un débat d'historiens fort nourri à ce sujet. C'est une question qu'il faut avoir à l'esprit...
Sur le plan éducatif, trente conseils académiques ont été mis en place pour évoquer la question du centenaire. J'ai eu l'occasion d'en lancer un dans le Sud-Ouest, il y a peu, en région Midi-Pyrénées. Le monde enseignant est très mobilisé sur cette question, à la demande du ministre de l'éducation nationale. Il existe un référent académique concernant la mémoire et la citoyenneté dans chaque académie, que l'on peut solliciter. Je vais demander à chacun d'eux, par l'intermédiaire des recteurs et des rectrices, que des écoles soient présentes à chaque manifestation, afin de faire en sorte que le lien armée-Nation figure en bonne place dans le quotidien de nos commémorations, date après date.
Vous pouvez aussi vous appuyer sur la proposition de loi relative au 27 mai, qui porte sur la reconnaissance du CNR, mais aussi sur le rôle que doit jouer l'éducation nationale dans le cadre du CNR. Ce sera le moment d'exploiter ce lien avec la jeunesse.
Vous ne m'avez pas posé la question légitime des programmes, que j'ai évoquée avec le ministre de l'éducation nationale. Cette partie de notre histoire mériterait d'être traitée davantage dans les manuels. Je suis très sensible à cette question.
Monsieur Berthou, vous avez raison de rappeler les événements de Dien Bien Phu. Le choix a été fait de commémorer les cent ans de la Première Guerre mondiale et les 70 ans de la seconde, deux événements qui bouleversent le monde au XXe siècle.
Par ailleurs, la guerre d'Indochine nous a bouleversés dans notre histoire, mais pas à la même échelle que les deux conflits mondiaux. La réflexion s'est également portée sur cette question, afin qu'il n'y ait pas de confusion mémorielle, qu'il s'agisse de l'Indochine, ou de l'Algérie. Qu'aurait-on retenu si l'on avait tout associé ? C'est très compliqué. Ceci ne veut pas dire que l'on doit pour autant laisser ces événements tomber dans l'oubli.
Si le devoir de mémoire de la guerre d'Indochine n'est pas guère aisé, les choses sont en place. Nous avons marqué le lien de la Nation lors du transfert des cendres du général Bigeard à Fréjus. Nous allons continuer, puisque des initiatives sont prises à ce sujet. Des commémorations se dérouleront durant une semaine, du 26 avril au 3 mai ; une cérémonie aura lieu à Fréjus le 26 avril ; la flamme sera ravivée à l'Arc de Triomphe le 3 mai et les cérémonies auront lieu dans les départements le 29 avril. Cette mémoire ne pourra être traitée de la même manière que les cérémonies du centième ou du 70e anniversaire, mais des initiatives seront prises à l'échelle locale et nationale.
La mémoire liée aux événements de la guerre d'Algérie, quant à elle, n'est pas encore apaisée. Je puis en parler : je suis né à Alger... Je m'inscris, dans mon histoire personnelle, dans un souci de réconciliation. On doit être capable, collectivement, quels qu'aient été les choix des uns et des autres, quelles que soient nos appartenances partisanes, de dépasser une mémoire vive, compliquée, parfois violente dans les mots. Je dois me déplacer une troisième fois en Algérie, à la suite du déplacement du Président de la République, pour essayer de travailler avec nos amis algériens sur la réconciliation, qui suscite encore des blocages. Ce serait raconter des histoires de dire que tout va bien, mais il existe des bonnes volontés et de nouvelles générations arrivent. Nous pourrons les accompagner, même si rien n'est encore prévu pour 2014.
Qu'en est-il concernant les fusillés pour l'exemple ? Le rapport Prost proposait quatre pistes de réflexions. La première était de ne rien faire. La seconde consistait en une réhabilitation générale, impossible à envisager. La troisième envisageait une réhabilitation au cas par cas, ce qui nécessitait une proposition de loi ou un projet de loi, et d'entrer dans un débat juridique sans fin. Le meilleur choix est donc celui d'une intégration des fusillées pour l'exemple dans la mémoire collective. Une salle consacrée aux fusillés pour l'exemple sera donc ouverte au Musée de l'armée, afin de ne pas les oublier. C'est le meilleur choix, au-delà des débats que l'on peut avoir avec M. Blondel, qui porte cette question. Je l'ai reçu à deux reprises, et il s'est exprimé, mais nous n'irons pas plus loin que la proposition faite par Président de la République. Je pense qu'elle est sage et qu'elle se situe dans la continuité des déclarations de Lionel Jospin, en 1998, à Craonne, et du Président Sarkozy, en 2008.
Quant aux Français de l'étranger, l'acte de reconnaissance à l'égard des pays alliés doit se faire sur notre territoire national, mais aussi sur leur propre territoire. J'ai, en la matière, participé à une cérémonie au Canada, où j'ai rendu hommage au 22e régiment créé lors du premier conflit mondial. Je suis allé à Québec voir les officiels, les sous-officiers et les soldats du 22e régiment. Avec les autorités canadiennes, lors d'une manifestation à Ottawa, j'ai rencontré les anciens combattants français vivant au Canada. Je l'ai également fait à Sydney. Ce n'est pas toujours simple, les anciens combattants de l'étranger étant souvent divisés en plusieurs chapelles. Tout ceci a été mené dans un contexte d'apaisement, et les choses se sont très bien passées. Je suis également allé en Grande-Bretagne et, sans vouloir dévoiler de secret, des décisions seront prises, lors du déplacement du Président de la République, à partir du 11 février, à Washington, dans le cadre de la relation bilatérale qui nous unit à nos amis américains.
De la même manière, nous avons pris des initiatives au Maroc et en Algérie, où nous travaillons avec l'ONACVG. Beaucoup de choses ont été réalisées autour de cette question, et les Français de l'étranger y sont associés. J'y veille personnellement.
J'ai par ailleurs réuni, pour la première fois, au mois d'avril dernier, à Paris, trente pays, représentés par leurs ministres, venus des cinq continents, pour préparer le cycle commémoratif. Ceci ne s'était jamais fait, je le dis sans aucune prétention personnelle. Ils seront de nouveau invités en avril prochain, juste avant d'entrer dans les cycles des grandes dates, afin de faire ensemble un dernier point, pour savoir comment ils seront associés dans le cadre bilatéral, mais aussi multilatéral. Un document sera signé par l'ensemble des pays présents, ce qui donnera une certaine force à ces commémorations.
Les pays concernés, dans une grande marque de confiance, ont souhaité que nous soyons les ordonnateurs, mais aussi les coordonnateurs de ce qui pourra se faire. Des initiatives sont prises dans beaucoup de pays. Nous sommes informés et avons des relations avec chaque ambassade. Je rencontre les ambassadeurs ou mes homologues à chaque fois que je le peux, en France ou à l'étranger. Nous avançons de la meilleure des manières sur ce point.
Enfin, concernant les OPEX, je crois avoir répondu, l'évolution des critères d'attribution de la carte du combattant faisant partie du débat budgétaire. Mon souhait est de rester sur le modèle retenu pour l'Afrique du Nord, soit quatre mois de présence. Le nombre de cartes a augmenté de manière très importante. Le retard, en matière de traitement de ces dossiers, était colossal. Nous repartons des dossiers les plus anciens, ceux du Liban, avant de traiter les dossiers les plus récents, mais nous rattrapons le retard. Je continue d'avancer dans cette logique, mais je pourrais vous faire une réponse plus précise, par courrier, comme je l'ai fait à vos collègues et au président. C'est un sujet qui est à l'ordre du jour, et qui constitue une de mes priorités.
J'appartiens à un département, le Nord, qui, comme celui de la Meuse, est marqué par le premier conflit mondial. Je suis en effet née sur la ligne de front, et j'ai vécu toute mon enfance parmi les cimetières militaires : c'est dire ce que cela représente !
Je voulais évoquer un projet de mémorial destiné à célébrer les fraternisations qui ont eu lieu durant la période de 1914, fort bien illustrées par le film « Joyeux Noël », qui s'est déroulé juste à côté de chez moi. L'équipe du film a continué à travailler sur cette question, avec l'espoir qu'un jour, au-delà du film, la trace de cette histoire soit pérennisée. Ce projet est localisé à Neuville-Saint-Vaast, où un terrain a été acheté dans le triangle de Notre-Dame-de-Lorette. Il va être porté par la communauté d'agglomération. Je les ai incités à venir vous voir. Ce projet doit tourner autour de 800 000 euros. L'objectif serait de poser la première pierre durant l'année des commémorations.
Il n'y a pas eu qu'une fraternisation, mais une dizaine sur toute la ligne de front, paraît-il ; il serait bon qu'à cette occasion, on marque tous les endroits où ces événements, prémices de la réconciliation, ont eu lieu. C'est, je pense, un message fort à faire passer !
Comme mon collègue Christian Namy, je crains que les commémorations qui doivent avoir lieu en Basse-Normandie ne prennent le pas sur les célébrations de 1914. C'est mon sentiment, et j'aimerais que ce ne soit pas le cas !
Le cycle des célébrations mémorielles de 1914-1918 va durer quatre ans, contrairement aux commémorations du 70e anniversaire du débarquement. Il faut que nous réussissent les célébrations de 1914, qui nous permettront de continuer, même si la France est présente, en 2015, aux côtés de nos amis néo-zélandais sur le front d'Orient.
De la même manière, nous serons aux côtés de nos amis britanniques pour célébrer l'année 1916, au-delà de Verdun, dans le cadre de la bataille de la Somme, ou aux côtés de nos amis américains, pour célébrer l'arrivée de leurs soldats dans les ports. C'est là une demande de nos élus. Nous ne pourrons pas non plus oublier l'année 1918 et la bataille de la Meuse, au-delà même de la fin de la guerre. Ceci va marquer les autres années.
J'ai évoqué les conditions du centenaire et la labellisation de 1 000 projets, contre 350 seulement pour les 70 ans, cycle qui s'arrêtera avec la libération des camps, début 2015. Des centaines d'autres projets relatifs au centenaire seront par ailleurs labellisées en cours d'année...
Bien des moyens financiers, publics et privés, ont été consacrés au centenaire plus qu'au 70e anniversaire -club des Mécènes, tirage spécial des « Gueules cassées » avec les 20 000 points de vente de la Française des jeux, etc... France Télévisions va faire passer en « prime time » le documentaire « Apocalypse », consacré au premier conflit mondial.
Lors de la dernière retransmission du match de rugby contre la Nouvelle-Zélande, 7 millions de téléspectateurs français ont pu se rendre compte de l'engagement des troupes néo-zélandaises dans le premier conflit mondial. Cela a également été le cas pour France-Angleterre...
Je sais enfin, Monsieur Namy, qu'il existe une proposition de loi sur la voie sacrée qui va remettre le centenaire sur le devant de la scène !
Monsieur le Ministre, je manquerais à tous mes devoirs si je n'attirais pas votre attention sur les travaux de mise hors d'eau du Mémorial La Fayette, à Marnes-la-Coquette. Le projet américain semble oublier que des travaux ont déjà eu lieu. Il faut revoir l'enveloppe financière à la baisse. Nous serons donc à vos côtés, mais il faut un leader pour faire avancer le dossier !
L'État français a fait savoir à l'ancien ambassadeur des Etats-Unis, Charles Rivkin, par ma voix, que nous serions présents sur le plan financier, avec les collectivités, mais qu'il fallait revoir l'enveloppe à la baisse, même si nous mesurons l'intérêt, pour la mémoire américaine, de ce mémorial de Marnes-la-Coquette, qui marque la création de l'aviation de chasse des États-Unis.
Charles Rivkin est maintenant un des hommes clés dans l'entourage du président Obama. J'aurai l'occasion de le revoir à Washington dans quelques jours...