Intervention de Jean-Claude Peyronnet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 30 avril 2014 : 1ère réunion
Politique de développement et de solidarité internationale — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Claude PeyronnetJean-Claude Peyronnet, rapporteur :

C'est dans ce contexte en profonde mutation que le projet de loi fixe la feuille de route de la politique française de développement et de solidarité internationale. Il comporte douze articles et un long rapport annexé. Quoique son caractère normatif soit faible, il s'impose aux acteurs français du développement, et d'abord au Gouvernement et à l'AFD. S'il est un peu verbeux - vous n'y êtes pour rien madame la Ministre - il s'organise autour de quelques mots-clefs.

L'efficacité, d'abord. Dans le contexte contraint des finances publiques françaises et de croissance forte dans de nombreux pays, la politique de développement doit concentrer ses efforts. La France ne peut pas être efficace si elle se disperse. Le projet de loi instaure donc une logique de partenariats différenciés : l'aide française ne peut pas être la même dans tous les pays, elle doit s'adapter à leurs besoins et à leur situation économique et sociale.

Quatre catégories de pays sont définies. D'abord, les pays pauvres prioritaires (PPP), au bénéfice desquels les subventions doivent être concentrées : au moins la moitié des subventions de l'État iront aux seize pays qui ont été choisis par le CICID de juillet dernier, et l'AFD devra concentrer sur eux les deux tiers des subventions qu'elle verse au nom de l'État. Tous ces pays sont en Afrique et l'établissement de la liste a bien sûr suscité des débats...

La deuxième catégorie, Afrique et la Méditerranée, concentrera au moins 85 % de l'effort financier global de l'État. En Afrique subsaharienne, dont le texte indique qu'elle « demeure la priorité de la France », notre pays mobilisera toute la gamme des instruments de l'aide : dons, aides budgétaires, prêts, prises de participation, garanties... Au sud et à l'est de la Méditerranée, « région qui représente un enjeu essentiel », la France utilisera prioritairement l'instrument des prêts, car il s'agit de pays à revenus intermédiaires.

La troisième catégorie regroupe les pays en crise ou fragiles. La France entend utiliser des instruments souples, principalement des subventions. Même si le projet de loi ne l'indique pas clairement, cette catégorie comprend notamment Haïti ou l'Afghanistan, voire les territoires palestiniens qui appartiennent aussi à la zone méditerranéenne.

La dernière catégorie comprend le reste du monde. Dans les pays qui en relèvent, la France entend promouvoir une croissance verte et solidaire, notamment en y favorisant des partenariats économiques. Dans les très grands émergents, il est prévu que la politique de développement n'occasionne aucun coût financier pour l'État, hors expertise technique.

On peut regretter que la concentration affichée ne corresponde qu'aux réalités actuelles, du moins pour les pays pauvres prioritaires, auxquels la France a consacré 48 % de ses subventions en 2013, l'AFD ayant atteint pour sa part 70 % en 2012 et 62 % en 2013.

Pourtant, comme nous l'avons indiqué dans plusieurs rapports budgétaires, l'aide française a tendance à baisser dans les pays pauvres prioritaires depuis une dizaine d'années : en effet, notre aide ne continue à croître globalement que grâce aux prêts, mais ces pays n'étant pas en mesure de s'endetter, ils n'en bénéficient pas. Ce paradoxe entraîne un sentiment de décalage entre nos ambitions et nos moyens ; malheureusement, le projet de loi ne répond pas à cette question essentielle.

La zone Afrique et Méditerranée représente environ 80 % de notre effort financier global : l'objectif de 85 % apparaît réaliste, même s'il dépend au fond du volume d'aides que nous versons aux pays fragiles et en crise, catégorie par nature fluctuante.

L'aide française devra aussi se concentrer sur certains champs d'intervention. La France et chaque pays partenaire devront définir trois secteurs prioritaires d'intervention parmi les dix prévus dans le projet de loi : santé et protection sociale ; agriculture, sécurité alimentaire et nutritionnelle ; éducation et formation ; secteur privé et responsabilité sociale et environnementale ; développement des territoires ; environnement et énergie ; eau et assainissement ; gouvernance et lutte contre la corruption ; mobilité et migration ; commerce et intégration régionale.

En amont, le projet de loi fixe deux priorités transversales. D'une part, la place des femmes et les inégalités qu'elles subissent : le projet de loi s'inscrit dans le prolongement de la stratégie « genre et développement » adoptée par le CICID de juillet dernier, qui prévoit notamment que, d'ici 2017, la moitié des projets de développement français ait comme objectif principal ou significatif l'amélioration de l'égalité entre les femmes et les hommes. D'autre part, la lutte contre le changement climatique. La moitié des financements de l'AFD dans les pays tiers devrait comporter des « cobénéfices climat » dans les secteurs pertinents.

La cohérence et la transparence, ensuite. La politique de développement doit être cohérente avec les autres politiques publiques et complémentaire des actions d'autres acteurs, comme les autres États et bailleurs de fonds internationaux. Le projet de loi souligne l'importance des actions des collectivités territoriales, de la société civile et des entreprises dans le domaine du développement. Pour ces dernières, la responsabilité sociale et environnementale et la transparence fiscale sont des impératifs.

Enfin, le texte insiste sur l'indispensable transparence de la politique de développement. Il prévoit notamment que le Gouvernement remette tous les deux ans au Parlement un rapport de synthèse sur cette politique.

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