Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 30 avril 2014 : 1ère réunion
Politique de développement et de solidarité internationale — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Christian CambonChristian Cambon, rapporteur :

Le projet de loi n'évoque pas ces questions. Il mentionne, certes, la contribution de la France aux organismes multilatéraux, mais timidement. Il appelle à « contribuer à une plus grande rationalisation du paysage multilatéral » et évoque un « objectif de maîtrise de la fragmentation de l'aide », ce qui est bien peu volontariste. Les organisations internationales apportent à la fois une plus-value et une taille critique, mais nous pourrions être plus offensifs sur la mutualisation des moyens et la diminution du nombre d'organismes qui, c'est flagrant dans le domaine de la santé, interviennent dans les mêmes secteurs sans coordination ni cohérence.

Le Gouvernement propose de créer des fonds de dotation mettant en commun différentes sources de financement pour rendre l'aide plus efficace. Nous avons tous deux vu en Centrafrique que ce dispositif est particulièrement adapté aux pays en crise, car les acteurs internationaux peuvent manquer d'instruments, voire de relais physiques. Nous devons nous orienter vers ces outils qui améliorent le pilotage de l'aide dans un pays, quitte à montrer notre volontarisme en transférant certains crédits à des fonds gérés par l'un de nos partenaires : l'efficacité passe par un meilleur travail en commun entre l'ensemble des bailleurs.

Le projet ne dit mot de la programmation financière. À vrai dire, il ne comporte de programmation que dans son titre... Les députés ont ajouté l'objectif - auquel la France s'est engagé de longue date sur le plan international - de consacrer 0,7 % de son revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement (APD) et d'affecter une part de 0,2 % du RNB en faveur des pays les moins avancés. Inséré dans le rapport annexé, cet ajout ne constitue qu'un rappel d'un objectif international que la France a déjà pris. Certes, le contexte de nos finances publiques ne nous donne aucune visibilité sur les années à venir. Le rapport précise toutefois que « la France reprendra une trajectoire ascendante vers les objectifs internationaux dès lors qu'elle renouera avec la croissance ».

Le dernier rapport du Comité d'aide au développement de l'OCDE révèle toutefois que l'APD française a baissé de 10 % en 2013, en raison d'allègements de dette moins importants qu'en 2012, année exceptionnelle au titre de la Côte d'Ivoire. Si la France reste un contributeur important en volume, elle passe de la quatrième à la cinquième place et consacre 0,41 % de son RNB à l'APD. Dans le même temps, l'APD britannique a progressé de 28 % en 2013 : le Royaume-Uni atteint désormais l'objectif de 0,7 %.

Ce texte va dans la bonne direction ; son existence même, réclamée depuis des années, et le débat qu'il suscite, constituent des avancées, mais il nous laisse sur notre faim - durant les auditions, j'ai parlé d'une occasion manquée.

Nos amendements visent d'abord à mieux structurer le projet de loi et à clarifier sa rédaction, ce qui nous a paru important au regard de l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la loi. Le deuxième axe de notre travail a été le pilotage et l'évaluation. La politique française de développement, comme toutes nos politiques publiques, est trop peu évaluée. Les anglo-saxons ou les pays nordiques sont bien meilleurs que nous pour appréhender une politique publique, l'évaluer et en tirer les conséquences dans sa définition et sa mise en oeuvre. Par exemple, le Royaume-Uni a cessé les dons en Inde après une évaluation précise de leur impact. Dans le secteur du développement, le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'économie et l'AFD disposent chacun d'un service d'évaluation propre. Le projet de loi propose, certes, que ces trois services établissent une programmation pluriannuelle conjointe. Cela semble tout de même la moindre des choses ! Nous proposons d'aller plus loin et de regrouper ces services. Nous souhaitons également une séparation entre les évaluateurs de cette politique et les donneurs d'ordre : les ministères passent souvent un contrat avec des cabinets extérieurs mais ils restent commanditaires de l'évaluation. Ce service unique pourrait par exemple être rattaché au Premier ministre.

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