Intervention de Jean-Paul Bodin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 11 septembre 2013 : 1ère réunion
Loi de programmation militaire — Audition de M. Jean-Paul Bodin secrétaire général pour l'administration

Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration :

Je reviendrai en premier lieu sur les ressources humaines et la maîtrise de la masse salariale, enjeux très lourds de la prochaine loi de programmation (LPM). Le ministre l'a dit à plusieurs reprises : c'est un des sujets les plus difficiles pour nous, les réductions d'effectifs qui s'annoncent venant après des mouvements déjà très importants. L'objectif politique a été de préserver cependant au maximum l'outil opérationnel. Je dirai ensuite quelques mots de la mobilisation des ressources financières et des recettes exceptionnelles. Je reviendrai sur les restructurations et l'infrastructure et dirai quelques mots de la mise en place du nouveau mode de gouvernance du ministère.

La mise en oeuvre de la LPM est conditionnée par la réussite de la manoeuvre liée aux ressources humaines et la maîtrise de la base salariale. La LPM prévoit une déflation de 33 675 équivalents temps plein (ETP), 10 175 au titre des réformes précédentes et 23 500 au titre de la nouvelle déflation. 645 postes seront créés dans des domaines bien spécifiques -lutte informatique défensive, DGSE, prise en compte des exigences liées à sûreté de la propulsion nucléaire.

Comme par le passé, la nature des déflations des 23 500 ETP, est double. Une part résulte de l'adaptation des armées aux nouveaux objectifs capacitaires ; elle se monte à environ 8 000 ETP, auxquels il convient d'ajouter une part du reste à faire au titre de la LPM 2009-2014 et environ 1 000 ETP sur les forces prépositionnées. Une des priorités du projet de LPM étant de préserver les forces opérationnelles, la plus grande part des déflations (14 500) proviendra de la transformation de l'environnement des forces.

On reproduira un taux d'effort proche de celui de la précédente LPM. Toutefois, la volonté étant d'augmenter la place des civils dans les services de soutien, ce taux se répartira entre 78 % pour les militaires et 22 % pour les personnels civils contre 75/25 lors de la précédente loi.

Comment allons-nous faire ? On s'est fixé comme objectif principal de rechercher des gains de productivité dans l'ensemble du dispositif de soutien, d'administration et dans les états-majors. Cela va nous conduire à un travail en profondeur sur l'ensemble des processus, afin d'essayer de simplifier les modes de travail au sein du ministère.

C'est une démarche complexe, qui s'inscrit dans le cadre de la modernisation de l'action publique et qui concerne l'ensemble de l'Etat. La semaine dernière, nous avons arrêté, avec le major général des armées et l'adjoint du DGA, une liste de trente chantiers, qui vont faire l'objet d'une analyse en profondeur afin d'essayer de dégager des gains de productivité. Ces grandes fonctions sont par exemple la fonction achats, la fonction financière, le traitement des factures, ou la maintenance immobilière.

Comme dans la précédente programmation, chaque responsable de chantier recevra une lettre de mission avec un calendrier, et rendra compte périodiquement de l'état d'avancement.

Je ne cache pas que les choses vont être assez difficiles, car nous avons déjà profondément réorganisé la chaîne des soutiens, avec la création des bases de défense et le développement de structures interarmées. Mais, nous allons capitaliser sur tout cela, par exemple dans le domaine financier, en nous appuyant bien plus sur les services du commissariat des armées, en particulier les plateformes achats finances, pour accroître la productivité de ces plateformes et leur faire remonter un certain nombre de tâches administratives qui peuvent être aujourd'hui exercées par les bases de défense.

Pour autant, la manoeuvre va également reposer sur des mécanismes de départ des personnels avec tout un dispositif d'accompagnement.

Plusieurs mesures en faveur du personnel militaire doivent faciliter la mise en oeuvre de la LPM, comme les mécanismes de promotion fonctionnelle ou de paiement de pensions au grade supérieur, afin de soutenir le flux des départs. Le mécanisme des pécules, qui existe déjà, sera reconduit mais aménagé, le pécule étant antérieurement versé en deux fractions, la seconde partie étant conditionnée à la reprise d'une activité professionnelle dans le secteur privé. Cette condition de reprise d'activité sera supprimée.

On modifiera aussi le mécanisme de disponibilité, en rémunérant mieux les militaires qui choisiront de profiter de ce dispositif.

Nous avons essayé de calibrer ces dispositifs de telle sorte qu'ils nous permettent d'atteindre le dépyramidage, la LPM prévoyant de supprimer 5 800 postes d'officiers, à hauteur de 1 000 par an, afin d'essayer de retrouver un taux d'encadrement de 16 %. Nous étions environ à 15,5 % en 2007, et sommes actuellement à 16,75 %. Nous voudrions revenir à 16 % de la population militaire.

C'est un objectif ambitieux. La suppression de 5 800 postes d'officiers sous-entend, en effet, de revoir les conditions d'emploi de ce personnel en veillant à ce que les armées ne privilégient pas la satisfaction de leurs besoins propres au détriment de l'ensemble du dispositif interarmées qui s'est mis peu à peu en place.

La présence d'officiers dans des structures interarmées est indispensable. J'ai besoin dans mes services d'officiers ayant eu un parcours opérationnel. Quand on traite de crédits relatifs au programme d'armement à la direction des affaires financières, il faut avoir des ingénieurs de l'armement et des officiers des armes qui savent parfaitement de quoi on parle pour traduire tout cela sous l'angle financier.

La manoeuvre nécessitera la mise en oeuvre des mesures d'aide évoquées. L'ensemble du dispositif d'accompagnement des restructurations se situera à hauteur de 933 millions d'euros durant la période. C'est une somme conséquente. On devra par ailleurs renforcer le dispositif d'aide à la reconversion. On a créé, lors de la précédente LPM une agence de reconversion unique pour l'ensemble du personnel, défense mobilité, qui va se doter d'une structure dédiée, chargée de s'occuper des officiers supérieurs. Ce dispositif sera analogue à celui existant pour les officiers généraux.

On devra également travailler au rééquilibrage entre personnels civils et militaires, notamment dans les tâches de soutien. Le ministre a confié au directeur des ressources humaines une mission d'analyse des emplois. On s'aperçoit, à la fin de l'actuelle LMP, qu'il existe des sureffectifs de personnels civils localisés dans certains bassins d'emploi. Nous sommes en train de les analyser, nous recensons les compétences des personnels et étudions comment pourvoir certains emplois, par exemple dans les groupements de soutien des bases de défense, aujourd'hui occupés par du personnel militaire mais qui pourraient être occupés par du personnel civil.

En matière de ressources humaines, l'autre défi est bien sûr celui de la maîtrise de la masse salariale. Vous avez évoqué la réforme prévue par le ministre sur ce point : c'est une réforme qui porte sur deux volets. Le premier concerne le regroupement de l'ensemble des crédits de ressources humaines dans un programme unique. On ne sait pas encore si l'on créera un programme spécifique à côté du programme 212 ou si on intègrera ces crédits au programme 212. Des discussions sont en cours avec la direction du budget.

Le secrétaire général pour l'administration (SGA) aura la responsabilité de l'ensemble de ces crédits, qui seront répartis au sein de budgets opérationnels de programmes (BOP), vraisemblablement par gestionnaire d'armée. Ainsi, le gestionnaire du BOP terre serait le directeur des ressources humaines de l'armée de terre ; nous y retrouverons les crédits de rémunérations de l'ensemble des personnels portant un uniforme de l'armée de terre, qu'ils soient employés dans l'armée de terre ou dans d'autres structures du ministère.

Nous étudions aussi comment regrouper dans un BOP unique les crédits relatifs à certaines populations. Je pense au contrôle général des armées, aux ingénieurs du service d'infrastructures, aux personnels du service des essences. Il existera également un BOP unique pour l'ensemble du personnel civil, dont un service de la direction des ressources humaines sera gestionnaire.

Pour gouverner l'ensemble de ces crédits, le SGA s'appuiera sur la direction des ressources humaines du ministère, qui bénéficiera d'une autorité fonctionnelle renforcée vis-à-vis de l'ensemble des directions en charge des questions de ressources humaines au sein du ministère.

Nous avons eu en interne un débat sur l'autorité fonctionnelle renforcée et l'autorité hiérarchique. Nous n'avons pas retenu l'autorité hiérarchique ; la gestion des personnels devant rester de la responsabilité des armées. Ce n'est pas à la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) de s'occuper de notation, de discipline ou du moral ! En revanche, la DRH-MD doit étudier les processus de recrutement et d'avancement par exemple, afin de savoir à quel moment elle peut intervenir ? Comment intervenir avec un visa, un avis, un droit de veto ?, pour garantir le respect de la masse salariale.

Nous avons jusqu'à la fin de l'année pour jeter les bases de ce système. 2014 sera une année de calage pour tester le dispositif, qui se traduira en construction budgétaire dans le PLF 2015.

Le SGA s'appuiera aussi, dans ce domaine, sur la direction des affaires financières, car il existe, dans le suivi de la masse salariale, un certain nombre d'éléments que la direction des affaires financières maîtrise, par exemple l'appréciation du glissement vieillesse technicité (GVT).

Il s'agit d'une réforme très ambitieuse. Vous avez évoqué le fait que le transfert de responsabilités vers l'état-major des armées, intervenu en 2009, avait suscité quelques difficultés de mise en oeuvre. Il est bien évident que le SGA ne pourra pas résoudre par un coup de baguette magique le problème auquel est confronté le ministère depuis des années en matière de ressources humaines et de maîtrise de sa masse salariale. Cela nécessite donc un travail collectif.

Le directeur des ressources humaines aura notamment pour adjoint un officier général quatre étoiles, qui le secondera et sera l'interlocuteur des directions des ressources humaines d'armée. C'est un travail en commun que nous devons réaliser pour définir les responsabilités de chaque acteur -responsable de programmes, responsable de BOP, mais aussi gestionnaire et préciser les modalités d'exercice de cette autorité fonctionnelle.

Les objectifs en matière de masse salariale seront d'autant plus lourds que nous devons réaliser 4,4 milliards d'euros d'économies sur l'ensemble de la période. Or, si nous n'arrivons pas à maîtriser la masse salariale, nous devrons prendre sur nos propres ressources les moyens de retrouver l'équilibre -sauf pour les mesures résultant de l'application de mesures générales relative à la fonction publique comme la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.

Je pense que tout ceci nous conduira inévitablement, dans le cours de la LPM, à modifier la politique des ressources humaines, notamment en ce qui concerne les militaires. Nous allons en effet devoir nous interroger sur les processus de sélection, d'avancement, de déroulement de carrière. Nous devrons intégrer des mesures relatives à l'évolution des textes en matière de retraites, nécessitant de revoir les créneaux d'avancement de grade, l'allongement des carrières, etc.

Des questions se feront également jour en termes de recrutement : combien d'officiers recrutés dans les grandes écoles militaires, ou déjà formés à l'extérieur, mais pour des contrats et des périodes plus courtes ? Tous ces éléments de politique des ressources humaines devront être réexaminés en commun. L'état-major des armées y tiendra une place très importante : principal employeur du ministère, c'est à lui de définir les besoins relatifs à la politique des ressources humaines...

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