Le calendrier parlementaire proposé par le gouvernement fait que le projet de LPM passe en 1ère lecture devant vous avant l'Assemblée nationale, et pour la 1ère fois, de manière très singulière, avant que le ministre de la Défense nous l'ait présenté lui-même en tant que membre de l'exécutif ! Nous vous l'avons dit. Devant cet exercice nouveau, nous vous demandons d'excuser par avance la nature de certaines de nos remarques ou de nos questions pour lesquelles l'éclairage du ministre prévu lors de la réunion du 4 septembre mais reportée par lui à cause de la Syrie aurait été nécessaire !
La LPM contient des choses positives comme le maintien en euros constants de l'effort budgétaire Défense ou le lissage de programmes d'armement au lieu d'une simple suppression..., ce qui amoindrit les craintes que nous avions d'entendre, pendant les campagnes électorales, certaines composantes de la nouvelle majorité de remettre en cause profondément les choix militaires de la France ! « Trouver le bon équilibre entre les contraintes budgétaires de l'État tout en préservant un outil de défense performant ; vérité et ambition, c'est cette double volonté qui apparaît déjà dans le livre blanc et que je compte mettre en exergue dans la préparation de la loi de programmation militaire », comme le disait M. Le Drian lors de la présentation du Livre blanc, nous voulons bien le croire mais son projet comprend beaucoup de flou dans les questions relatives aux personnels.
Donc de manière très scolaire qui n'est pas pour vous déplaire, nous avons feuilleté ce projet de loi, la partie normative (avec une version à 36 articles répartis en 7 chapitres) et la partie annexée de 43 pages.
A l'article 3 : 190 milliards de CP euros courants, hors pensions, de 2014 à 2019 complétés par 6,1 milliards de ressources exceptionnelles ! Faut-il croire ces prévisions de ressources ?
A l'article 34, qui autorise le gouvernement à procéder par ordonnances dans 8 domaines différents, concernant 29 sous-rubriques, sorte de panier à la Prévert, de l'accessoire au plus sérieux, le 5° paragraphe s'intitulant « modifier les dispositions statutaires relatives aux militaires et aux fonctionnaires civils » a particulièrement retenu notre attention : « e) modifier les dispositions organisant l'accès à la fonction publique afin notamment de modifier les titres II, III et IV du statut général des fonctionnaires, afin de permettre aux militaires de se porter candidat aux concours internes des 3 FP ». Quelle est la nécessité d'une telle mesure, et quelles sont les modalités d'application d'un article L.4139-1 qui existe déjà ?
Nous demandons une ordonnance pour l'harmonisation fiscale des primes de restructuration des fonctionnaires sur celles des OE et des PM.
L'Europe de la Défense est en panne. Nous sommes d'accord avec Monsieur Reiner, auteur du rapport du 3 juillet 2013 « Pour en finir avec L'Europe de la défense- vers une défense européenne » ! Oui c'est une nécessité que de la relancer toujours et encore. Il est écrit dans le rapport annexé (page 7) qu'en raison des menaces et des risques auxquels les Européens sont pareillement exposés, une impulsion - nous rajoutons très forte - provienne du Conseil européen : opérations conjointes de prévention, sur les opérations extérieures et sur des programmes d'armements les plus onéreux ! On peut regretter qu'il n'y ait aucune perspective de coopération pour remplacer le Charles de Gaulle...
Au moment où la France s'apprête à consacrer 190 milliards d'euros courants sur la période à raison de 31 milliards par an, elle continue à s'obliger de respecter les fameux 3% d'endettement de son PIB, tout comme le Luxembourg ou les autres pays aux budgets de la Défense si ridiculement bas ! Nous continuons à vous pousser de demander à déroger à ce critère dit de Maastricht, qui s'applique de la même façon à tous les partenaires européens, quel que soit le pourcentage budgétaire consacré à leur défense et rapporté à leur PIB !
A la page 32 du rapport annexé : Coopération industrielle : « La dispersion et la fragmentation actuelles de l'industrie de défense en Europe sont une source de duplications inutiles et coûteuses, un facteur de faiblesse sur le plan de la compétitivité économique comme sur le plan politique par les divisions qu'elles entraînent ». Ce n'est pas la 1ère LPM qui dresse ce constat ; on en est toujours au même point ! Quelle initiative la nouvelle majorité peut-elle prendre pour que dans 6 ans on ne ré-écrive pas encore la même chose ?
Nous notons, non sans perplexité, que nous continuerons à consacrer près de 4 milliards d'euros par an pour le maintien en condition de notre force nucléaire à deux composantes. Certains parlementaires s'en étonnent aussi en disant qu'on aurait dû réviser la force de dissuasion. Peut-on encore s'offrir deux composantes, au moment où nous avons trop de trous capacitaires ? Le chef des armées en a décidé ainsi.
A la page 14, cyberdéfense : « les ressources humaines seront accrues grâce à un plan de renforcement concernant notamment plusieurs centaines de spécialistes ». De quelle nature est le statut du recrutement ?
A la page 20 : « 26 nouveaux Rafale -seulement- seront livrés sur la période à l'armée de l'air et à la marine, livraisons à l'exportation de Rafale comprises, hypothétiques, bien sûr, à moins que vous ayez des éléments plus concrets.
A la page 21 : « ce nouveau format d'armée induit de nouvelles restructurations ... », que pouvez-vous nous dire sur l'impact de ces nouvelles restructurations sur le soutien central et déconcentré et l'impact sur le personnel civil ?
« Le SSA engagera une reconfiguration obéissant à un double principe de concentration sur ses missions majeures et d'ouverture dynamique sur la santé publique » : des rumeurs fortes circulaient lors de la préparation du Livre blanc sur la possible fermeture de deux HIA. Qu'en est-il ? Surtout qu'en page 41, il est écrit : « il est nécessaire de mener une rénovation lourde des hôpitaux des armées ». Avec quelle enveloppe et suivant quelles priorités ?
A la page 28 : « la préparation opérationnelle Terre » passe de 150 jours annuels à 90 jours !
A la page 29 : « politique industrielle : l'État mettra en oeuvre une politique d'actionnaire dynamique, d'association des salariés, privilégiant l'accompagnement des entreprises dans leurs choix stratégiques, le contrôle des activités de souveraineté etc. » Nous demandons des précisions et notamment quelles seront les conséquences pour NEXTER, DCNS, etc.
A la page 34 : « le financement des opérations extérieures : 450 millions d'euros seulement sont prévus annuellement au lieu de 630 millions auparavant ». Pourquoi diminuer alors que les interventions conventionnelles pourraient se multiplier ? Quel fut le coût pour l'opération au Mali ? Des États européens pourraient-ils cofinancer au moins de telles opérations dans l'avenir s'ils ne peuvent engager des troupes ?
A la page 35 : « Politique de RH et évolution des effectifs », on peut lire : « ce sont 82 000 suppressions de postes, hors externalisation, qui auront été réalisées au ministère de la défense en 12 ans, entre 2008 et 2019 ». Ce sont des chiffres édifiants d'une même politique qui perdure quel que soit le gouvernement !
Comment mieux maîtriser la masse salariale qu'en redéployant du personnel civil sur les postes qui leur reviennent naturellement ? On ne cesse de vous le dire depuis 2008 : oui nous apprécierons à sa juste mesure, le moment venu, le « triple principe de prévisibilité, d'équité et de transparence », pour ce qui concernera les réductions d'effectifs, davantage de réductions d'officiers et de sous-officiers que de personnels civils notamment dans le soutien non opérationnel, par exemple. Nous ne résistons pas au plaisir de vous faire part d'une citation du rapport que viennent de rendre les députés Gosselin-Fleury et Meslot dans le cadre de leur mission sur le suivi de la réorganisation du ministère de la défense : « on assiste à un curieux paradoxe : moins le ministère a d'effectifs, plus il a de dépenses de personnel ! »
La recherche de l'équité entre des personnels relevant des différents statuts, mais appartenant tous à la même communauté de la défense nous semble une idée importante à défendre.
A la page 40, sur « la déconcentration en province des services dont le maintien en région parisienne n'est pas indispensable », nous demanderons au ministre sa liste définitivement détaillée.
« Des restructurations seront coordonnées afin d'optimiser le plan de stationnement du ministère de la défense, dans un souci de mutualisation des soutiens, de densification des emprises etc. Un accompagnement immobilier en découlera ». Nous n'avons aucune information sur ces questions immobilières concernant la convention SEVELOR SNI pour les agents contraints de revendre leurs logements, ou concernant le devenir des friches Défense pour lesquelles ces mêmes agents ont contribué à leur entretien, ou sur tous les schémas directeurs immobiliers des nouvelles BDD.
Au chapitre 6 : « Politique de Ressources humaines et évolutions des effectifs », le Livre blanc de 2008 préconisait un nouvel équilibre, au sein du ministère de la défense, entre personnel militaire et personnel civil, en appelant à un recentrage des militaires sur les fonctions opérationnelles et une spécialisation des civils sur les fonctions administratives et de soutien. La mise en oeuvre de la déflation de 40 000 postes entre 2008 et 2012, sur les 54 900 prévus par le Livre blanc de 2008 pour la période 2009-2015, n'a pas permis d'amorcer suffisamment ce rééquilibrage, qui doit être poursuivi de façon volontariste. Il s'agit d'orienter chacune des catégories, civiles et militaires, vers son coeur de métier. Autre citation du rapport des députés Gosselin-Fleury et Meslot dans le cadre de leur mission sur le suivi de la réorganisation du ministère: « c'est l'une des marges de manoeuvre dont dispose le ministre ; on pourrait dégager des marges de manoeuvre en augmentant la proportion de civils. »
Dans le cadre de la modernisation, de la simplification et de l'optimisation de l'organisation territoriale des soutiens, il est prévu que les groupements de soutien de base de défense (GSBDD) seront intégrés dans le service du commissariat. Voilà la belle affaire ! Le bruit courait depuis juin. Pourquoi une telle décision technique ? Quelle sera la mission résiduelle du Centre de pilotage et de conduite du soutien (CPCS) et des États-majors de soutien Défense (EMSD) ?
Nous sommes enfin dans l'attente d'une communication du ministre sur l'employabilité de la réserve opérationnelle sur des postes extrêmement éloignés de l'opérationnel. Des postes d'administration générale et de soutien commun (AGSC).sont ainsi « cannibalisés par des réservistes.
« Le Président de la République a souhaité aussi, que la France tire le meilleur parti, pour sa défense, de la construction européenne et de son insertion au sein d'alliances, en particulier l'Alliance atlantique ». C'est la quatrième orientation du Livre Blanc, qui devra trouver un point d'orgue lors du prochain Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement qui se réunira à la fin décembre et qui aura cette grande question à l'ordre du jour.