La commission auditionne les représentants des syndicats des personnels civils de la défense, sur la loi de programmation militaire.
Je vous remercie d'avoir bien voulu accepter de venir devant notre commission pour échanger sur le projet de loi de programmation militaire. Je tenais à avoir le point de vue des représentants des syndicats des personnels civils de la défense :
- MM. Gilles Goulm et Yves Peyffer, de la Fédération syndicaliste FO de la défense, des industries de l'armement et des secteurs assimilés ;
- MM. Christophe Henri et Gildas Peron de la CFDT - Fédération des établissements et arsenaux de l'Etat ;
- MM. Alain Le Cornec et Flavien Labille, de la Fédération des travailleurs de l'Etat - FNTE-CGT ;
- Mme Véronique Denancé et M. Laurent Tintignac, de l'UNSA Défense ;
- MM. Henri-Philippe Bailly et Roland Denis, de la Fédération CGC-Défense ;
- MM. Yves Naudin et Erick Archat, de la Fédération CFTC du personnel du ministère de la défense et des établissements et structures connexes.
J'ai souhaité en effet que les syndicats des personnels civils de la défense puissent nous apporter leur éclairage sur ce projet de loi. Cette réforme met largement à contribution les personnels civils aussi bien dans la diminution des effectifs que dans les restructurations ou la mise en place des bases de défense. Sans plus attendre, je vous laisse la parole.
Pour Force Ouvrière, le projet de loi de programmation militaire (LPM) pose plus de questions qu'il ne donne de réponse. Nous ne nous exprimerons pas sur la politique de défense de la France, qui n'est pas de notre responsabilité, mais sur trois points.
Tout d'abord, la question budgétaire se présente comme constante sur les prochaines années, néanmoins elle pose des questions tout comme la précédente. En particulier, nous émettons des réserves sur les recettes exceptionnelles, comme c'était déjà le cas lors de la dernière LPM. Celles-ci ont servi, dès le projet de loi de finances 2009, à équilibrer le budget de la défense, mais n'ont jamais été réalisées à hauteur de ce qui était envisagé, expliquant en partie le manque de 3 milliards d'euros pour finaliser la précédent loi.
Le Ministre de la défense, cette année, insiste sur le fait que c'est un engagement du Président de la République et donc sera réalisé. Néanmoins nous souhaitons que la représentation nationale vérifie que ces recettes exceptionnelles sont bien au rendez-vous.
Ensuite, concernant les effectifs, la LPM supprime 24 000 emplois ! C'est encore le personnel qui fait l'effort. Nous rappelons que la RGPP au Ministère de la défense s'est poursuivie et qu'il reste, à ce titre, 10 000 suppressions d'emplois à effectuer. Ce n'est pas acceptable ! Nous sommes aux limites de l'exercice concernant les fonctions de soutien ! La réforme territoriale de 2008 a aggravé la situation, et le soutien n'est pas à hauteur de ce qu'il devrait être ! Cela influe sur les conditions de vie, d'hygiène, de sécurité ou encore les conditions de travail.
Les personnels civils, qui étaient de 145 000 il y a quinze ans et moins de 64 000 aujourd'hui, devront supporter encore 7 400 suppressions d'emplois, dont la moitié concernera les ouvriers d'État. Cela va à l'encontre de la civilianisation des effectifs sur les fonctions de soutien ! La proportion de civils par rapport aux militaires est globalement restée la même en début et en fin de RGPP. Nous demandons le rééquilibrage des effectifs militaires et civils sur les fonctions de soutien.
Concernant la réserve opérationnelle, nous demandons que des études soient menées quant à l'utilisation de cette réserve. Nous avons le sentiment qu'une vision idyllique prévaut, et qui se traduit par un budget, maintenu, de 70 millions d'euros. Certes, c'est un point important, néanmoins leur utilisation est trop souvent dévoyée, trop de réservistes sont employés pour combler les baisses d'effectifs des personnels civils sur des tâches administratives et de soutien.
Enfin, s'agissant des équipements, nous insistons sur le maintien en condition opérationnelle (MCO). Il y a pour nous une incohérence quand on parle du SIAé (service industriel de l'aéronautique) et des suppressions d'emplois : comment peut-on dire dans le projet de LPM que les suppressions d'emplois porteront exclusivement sur les dépenses de personnel du ministère de la défense titre II, et dans le rapport annexé indiquer que certaines porteront sur le service industriel de l'aéronautique, qui ne rémunère pas ses personnels sur le titre II ?
Sur les recettes exceptionnelles, nous travaillons actuellement pour qu'elles soient intégrées dans la partie normative et non annexée. Nos préoccupations sont les mêmes que les vôtres, et nous emploierons les mêmes termes que ceux employés récemment par le Président de la République : qu'il y ait plusieurs séquences de prise en compte des recettes exceptionnelles ne nous désole pas, mais à la fin, si elles ne sont pas réalisées, que ce soit des crédits budgétaires.
Concernant les effectifs, notre modèle d'armée est différent du modèle précédent. Ce modèle, plutôt préconisé par le Livre blanc, ne projette pas le même nombre d'hommes, mais 30 000, nous avons donc fatalement une vision réduite. Le budget actuel de l'Etat ne permet pas de faire face aux effectifs que vous souhaiteriez, mais nous souhaitons introduire dans la loi les termes de notre volonté politique à tous : le niveau plancher auquel nous aspirons, comme étant le moins mauvais, doit évoluer jusqu'à atteindre 2 points de PIB norme OTAN en cas de retour à bonne fortune économique.
Enfin, s'agissant du MCO, nous tenons à tout ce qui englobe la préparation des forces, et maintien en condition opérationnelle. On veut un parc qui corresponde à nos besoins et qui soit maintenu en condition opérationnelle.
La CFDT avait remis un document retraçant ses analyses et propositions pour la défense de demain et a saisi le chef des armées sur les risques d'une trop grande réduction de la part consacrée au budget de la défense. Nous préconisons la tenue d'États Généraux de la défense, rassemblant tous les acteurs concernés, afin de débattre des choix visant à préparer la défense de demain.
Le projet de LPM suit les principes posés par le Livre blanc, évitant un scénario catastrophe, tout en ajoutant 24 000 suppressions d'emplois au plan social en cours.
Nous avons été reçus par le Ministre de la défense et fait part de nos inquiétudes sur plusieurs sujets. Déjà, nous demandons à être associés aux travaux de la civilianisation, dont la feuille de route a été confiée à la direction des ressources humaines du ministère.
Les services du ministère de la défense sont en sous-effectifs et en surcharge de travail, nous contestons donc toute nouvelle coupe, prévue d'ici à 2019, qui ne pourra qu'ajouter de la souffrance au travail et des risques à la qualité du soutien aux armées.
La DGA, qui compte environ 10 000 agents, s'oriente vers un renforcement de sa capacité d'ingénierie. Elle a réduit ses implantations géographiques et subi de fortes réorganisations en termes de soutien. Ainsi, le transfert du soutien de l'infrastructure des centres d'essais vers le SID ne donne pas aujourd'hui satisfaction ! Les relations entre agents soutenants et soutenus sont dégradées, les procédures cloisonnées et inadaptées à la réactivité attendue de la DGA. En matière de cyberdéfense, pour être à même de faire face aux enjeux, la DGA doit maintenir ses effectifs et son soutien logistique. La réorganisation, depuis 2008, a eu des répercussions sur le moral des personnels. Or, l'efficacité de la DGA est déterminante !
Concernant les secteurs industriels sous tutelle, les salariés de DCNS et NEXTER ont démontré qu'une entreprise publique pouvait être performante et se développer. L'Etat actionnaire doit désormais leur donner les moyens de construire leur avenir.
Pour DCNS, les programmes FREMM et BARRACUDA sont maintenus dans leur intégralité mais avec un calendrier de livraison modifié. Pour le FREMM, cela aura des conséquences sur le plan de charge des établissements. DCNS se positionne également dans le secteur de l'énergie et a besoin de ces développements adjacents pour maintenir et développer les emplois industriels.
Pour NEXTER, c'est l'attente d'une vente de VBCI à l'export. Quant aux VBMR et EBRC, nous attendons que la notification de ces programmes coïncide avec la fin des programmes en cours pour lisser les plans de charge.
L'heure est au soutien de l'innovation, des études amont et aux recrutements nécessaires, ainsi qu'au développement d'activités duales. Le contexte de crise ne doit pas inciter à baisser la garde, au contraire ! La CFDT attend de l'Etat actionnaire un autre comportement face aux dividendes issus des résultats des entreprises et de l'implication de leurs salariés.
Enfin, nous sommes favorables à une Europe de la défense, synonyme de progrès, cohésion, au service des Etats membres, mais sans oublier les enjeux d'emploi et le progrès social.
Nous notons 3 éléments depuis 2012 : le sommet de Chicago, qui a réaffirmé la place de la France au sein du commandement intégré de l'OTAN ; l'arrêté de suppression de 7 200 emplois au sein du ministère de la défense pour l'année 2013 ; et enfin le blocage des revalorisations des traitements et salaires des personnels civils.
A cela il faut ajouter la parution du nouveau Livre blanc dont découle la LPM. Celui-ci consacre son analyse à la structuration d'une armée de corps expéditionnaire prête à de multiples interventions extérieures, à la cybercriminalité, à l'Europe de la défense, aux éventuelles restructurations et disparitions d'emplois et d'entreprises et à la consolidation de l'OTAN pour s'occuper de la défense de l'Europe. Tout ceci dans un climat social et économique tendu.
Concernant la LPM, comment expliquer que la loi de finances va être présentée avant que les débats de la LPM n'aient eu lieu ? Quid du travail des Parlementaires sur cette LPM ? Le budget prévisionnel est de 190 milliards d'euros.
Concernant les recettes exceptionnelles, elles s'élèvent à 6,12 milliards d'euros, après la vente des fréquences et de biens immobiliers. Néanmoins, nous émettons de forts doutes quant à la possibilité de faire rentrer entièrement ces recettes. Un manque éventuel pourrait être pallié par la vente de parts de l'Etat dans les secteurs industriels de défense et autres, mais pour nous, rien ne peut justifier un tel bradage de notre industrie !
Concernant le budget, il est prévu des rentrées financières en fonction des multiples exportations d'armement. Nous estimons néanmoins que la France doit mener une réflexion sur sa politique d'exportation, car les armes ne sont pas des marchandises comme les autres. Nous notons également la signature du traité sur le commerce des armes.
Autre point, la consécration de 3 milliards par an à la force de dissuasion nucléaire pour les deux composantes océanique et aérienne. La CGT prône une défense suffisante et non agressive et s'oppose au maintien de cette arme de destruction massive.
Enfin, dernier point, nous souhaitons le respect des montants et de l'exécution budgétaire de la LPM.
Il doit y avoir des effectifs suffisants pour faire le travail, or nous constatons une déflation des effectifs de 34 000 postes, dont 7 400 postes de personnels civils, parmi lesquels 6 000 seront des personnels d'exécution. La mise en place d'environ 1 milliard d'euros pour encourager au départ est un gâchis financier, cette somme aurait été mieux employée à la revalorisation salariale de l'ensemble des personnels civils du ministère. La LPM marque un plan d'extinction des personnels d'exécution, nous ne devons pas transférer aux industriels nos savoir-faire. Ainsi la SIMMAD vient de donner le marché de MCO des hélicoptères PUMA à une entreprise espagnole pour la maintenance en métropole et à une entreprise portugaise pour celle hors métropole. La SIMMAD considère que nous ne pouvons satisfaire les commandes, mais comment le faire sans le personnel nécessaire en nombre et en qualification ?
Le corollaire à la suppression de 34 000 emplois est la fermeture de bases, de régiments et établissements. La liste connue des futures bases impactées ne cesse de croître, tant dans l'armée de l'air que l'armée de terre, particulièrement dans l'est de la France.
Pour les équipements, le projet de LPM prévoit la réduction approximative de 1 300 équipements. Cela ne tient pas compte de l'approvisionnement Félin, mais des avions, chars, camions, bateaux ... De nouveaux équipements devraient également être mis en place, d'autres mis à l'étude.
Néanmoins, la réduction du parc d'engins va poser la question du MCO. En effet, l'entretien se fait le plus souvent par des personnels de niveau 3, or le projet de loi préconise la suppression de 6 000 emplois d'exécution. Pour la CGT, il n'est nul besoin de prévoir 1 milliard pour faire partir les personnels, mais il faut des ressources financières pour un plan d'embauche à la hauteur de notre indépendance. Toute externalisation du MCO vers des entreprises privées a un coût financier, humain, ainsi qu'en termes d'aménagement du territoire. Nous encourageons les parlementaires que vous êtes à prévoir les amendements nécessaires pour le maintien des compétences au sein du ministère de la défense.
Concernant DCNS, les salariés et sous-traitants sont dans une situation incertaine. Outre l'incertitude du nombre de FREMM pour la France, entre 8 et 11, certains discours lors des dernières universités d'été annoncent la suppression de 2 000 postes à DCNS si l'Etat ne prend pas de position ferme quant au respect de la LPM.
Les PDG des industries majeures de défense ont écrit au Président de la République à propos de l'avenir de leurs entreprises. Nous n'accepterons pas la destruction des droits statutaires des agents pour les seuls intérêts financiers des grands groupes.
Nous notons aussi, dans ce projet de LPM, un manque d'ambition concernant la mise en place et le financement de filières de déconstruction de navires et d'aéronefs, porteurs d'emplois industriels.
Enfin, nous ne pouvons passer sous silence la question de la mise en place d'une Europe de la défense et d'une industrie de défense européenne, chère à ce gouvernement. Puisque la France a consolidé sa place au sein du commandement intégré de l'OTAN, l'idée de défense européenne est nulle et non avenue ! Nous ne pouvons soutenir les deux doctrines financièrement. Le secteur industriel insiste pour que soit mise en place une industrie de défense européenne. Deux axes peuvent émerger : la coopération, sur laquelle la CGT ne s'oppose pas car cela permet à chaque pays de garder son autonomie de défense, ou la mutualisation, à laquelle nous nous opposons car elle provoquerait de facto la fermeture de sites.
La CGT prône une industrie souveraine et indépendante, structurée autour d'une doctrine de défense suffisante, dénucléarisée et non agressive.
Merci de recevoir les organisations syndicales dans le cadre du débat sur le projet de loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019. Cette loi sur laquelle vous allez avoir à vous prononcer engagera la nation sur une durée bien plus longue que les six années à venir.
En préambule, UNSA Défense et Défense CGC veulent exprimer leur attachement à préserver une capacité de défense et de sécurité nationale assurant la souveraineté de la France. Elles sont néanmoins conscientes de la nécessité de préserver les finances publiques. Trouver un équilibre entre ces deux enjeux pour la nation nécessite la mise en place de modèles de gestion modernisés et efficients. Des enjeux qui nécessitent de la représentation nationale, comme de toutes les parties prenantes, une réelle volonté de changement traduite par des décisions courageuses, des actions volontaristes validées dans leur opportunité et leur faisabilité, un accompagnement à visage humain et une évaluation objective.
UNSA Défense et Défense CGC veulent aussi affirmer l'intérêt qu'elles portent à un dialogue responsable, innovant, toujours constructif mais sans faiblesse. Dialogue qui cherchera toujours à concilier développement économique, service public, progrès social et développement durable. Sans parti pris et sans corporatisme.
Fidèles à leurs engagements, nos organisations, dans le cadre de l'élaboration du Livre blanc 2013 sur la défense et la sécurité nationale et de la loi de programmation militaire 2014-2019, ont porté à tous les niveaux de décision leur analyse de la situation et leurs contributions positives principalement articulées autour de quatre axes :
- la Défense a déjà payé un lourd tribut aux restructurations perdant une grande partie de sa capacité industrielle et réduisant à un seuil critique son niveau de compétence technique. Dans le même temps, de nombreuses emprises et établissements ont été fermés ou restructurés, engendrant localement des situations sociales difficiles, très difficiles même. Dans les choix à venir, la compétence technique doit être préservée, les efforts devant porter principalement sur la réduction des coûts de structures.
L'armée française doit être dimensionnée, entraînée et dotée d'équipements et d'un soutien logistique opérationnel performants, adaptés à ses missions de défense et de sécurité nationale. Elle doit être respectée et reconnue dans son rôle ;
- les emplois à caractère non opérationnel (ceux qui ne nécessitent pas l'emploi des armes) doivent être civilianisés et valorisés au travers de parcours professionnels attractifs. Ces derniers, par le biais d'une gestion unique des ressources humaines, devront assurer une complémentarité entre personnels militaires et civils. La civilianisation sera porteuse de gains significatifs sur la masse salariale du ministère que nos organisations estiment de l'ordre de 3 Md€ par an au terme de la démarche de rééquilibrage, hors gains induits sur les autres dépenses (habillement, restauration, logement, mobilité, formation, équipement des forces,...) ;
- le dialogue social doit être réellement modernisé et s'ouvrir sans tabou à l'organisation et au fonctionnement des services conformément à la loi sur la modernisation du dialogue social. Les comités techniques doivent avoir compétences pour traiter de ces aspects. Pour cela, il conviendra d'abandonner la dérogation propre à la Défense interdisant le dialogue à ce niveau (loi 84-16 - article 15).
UNSA Défense et Défense CGC ont retrouvé dans le Livre blanc et dans le projet de LPM des lignes d'actions qu'elles ont défendues. Elles sont néanmoins conscientes, compte tenu des forts enjeux de modernisation du ministère dans sa culture, son organisation et son fonctionnement, du manque d'ambition de certaines et des risques d'affaiblissement, voire de dénaturation d'autres.
Parmi les mesures qui manquent d'ambition, citons :
- la cible 2019 en matière d'effectifs qui, au-delà d'un simple repyramidage, ne consacre en rien une civilianisation des emplois, tout juste une stagnation du ratio entre personnels militaires et personnels civils (3 militaires pour 1 civil). Une cible qui n'optimise donc pas les gains sur la masse salariale ;
- des dispositions en faveur des départs volontaires (IDV) des personnels civils fonctionnaires qui restent insuffisantes et surtout continuent de marquer une iniquité de traitement avec les personnels militaires et civils à statut ouvrier. Comme pour ces derniers, l'IDV des fonctionnaires doit être défiscalisée ;
- des dispositions très insuffisantes en matière d'encouragement et d'accompagnement de la mobilité des personnels civils. Ces dispositions sont essentielles pour mettre en oeuvre une politique dynamique de parcours et d'évolutions professionnels.
Parmi les mesures qui présentent des risques d'affaiblissement, voire de dénaturation, figurent les ressources exceptionnelles (6,1 Md€ pour la période 2014-2019), certes détaillées dans le projet de LPM mais qui demeurent incertaines, voire hypothétiques ou basées sur l'abandon par l'Etat de certaines de ses participations industrielles. Le budget n'est pas encore voté, mais c'est malheureusement déjà une quasi-certitude : il ne sera pas tenu. Or l'expérience du passé démontre que les personnels sont les premières victimes des dépassements. Pour nos organisations, c'est totalement inenvisageable tant la contribution des personnels avec 34 000 suppressions de poste est hors norme. La LPM doit sanctuariser le fait que ces ressources exceptionnelles seront obligatoirement compensées chaque année par un abondement équivalent des crédits budgétaires si elles venaient à ne pas être réalisées en totalité ou en partie.
De la même façon, il nous paraît important d'évoquer ici la conduite des opérations industrielles, souvent envisagées sous l'angle du « faire faire » plutôt que du « faire ». Ainsi, nombre de mesures d'externalisations semblent conduites de façon dogmatique, occultant les compétences internes et privilégiant des économies à court terme. Les opérations de maintien en conditions opérationnelles (MCO) des matériels, pour ne citer qu'elles, sont de celles-ci. Les établissements du ministère qui concourent à ce dernier doivent être au contraire soutenus et avoir la confiance des armées. De trop nombreux exemples récents démontrent que, parfois, tout semble fait pour éviter de recourir aux prestations internes au bénéfice de l'externalisation.
Ceci n'est pas acceptable pour nos organisations et nous sommes prêts à débattre de façon particulière sur ce thème à la lumière d'exemples concrets.
L'analyse fonctionnelle des emplois du ministère demandée par le ministre au directeur des ressources humaines : ce mandat ministériel qui ne fait l'objet que de quelques lignes laconiques dans le rapport annexé du projet de LPM (page 41) doit dresser l'état des postes opérationnels (ceux qui nécessitent l'emploi des armes) et non opérationnels. Pour ce faire, il est absolument nécessaire que le projet de LPM chiffre et planifie le rééquilibrage entre personnels militaires et personnels civils. Nos organisations estiment l'équilibre à 120 000 militaires et 120 000 civils dont une partie pourra être composée des anciens militaires poursuivant leur carrière en tant que civils (donc réservistes potentiels) ou des militaires dans un emploi dit « de respiration » (donc non projetables durant cette période sauf absolue nécessité). Cette mission, essentielle pour la réforme de l'organisation et de la gouvernance du ministère, devra rouvrir la porte aux recrutements externes pour pouvoir faire face au renouvellement des compétences et au rajeunissement de la communauté des personnels civils. Elle doit donc être mieux décrite en termes d'organisation, de calendrier, d'objectifs, ainsi que d'engagement à donner suite dans les domaines tels que la caractérisation de parcours professionnels, l'accompagnement de la mobilité, les évolutions statutaires et règles de gestion associées. Une mission hautement sensible où il n'est pas question de « jouer aux apprentis sorciers » comme de la laisser dénaturer par corporatisme, d'un côté comme de l'autre.
UNSA Défense et Défense CGC concluront sur une contribution qui n'a pas formellement trouvé échos dans le projet de LPM malgré l'écoute qu'elle a reçue du ministre de la défense : un dialogue social qui se doit d'être ouvert sur les questions d'organisation et de fonctionnement du ministère. La lourdeur de la modification du Code de la défense a été évoquée. A la lecture du projet de LPM force est de constater le nombre important d'articles de ce dernier qui vont faire l'objet de modifications. Le frein est donc ailleurs. Pour répondre aux enjeux de la modernisation du ministère et se mettre aussi dans l'esprit de la loi sur la modernisation du dialogue social, les questions d'organisation et de fonctionnement du ministère doivent pouvoir être librement débattues avec les organisations syndicales du ministère afin de leur permettre de tenir leur rôle.
Le calendrier parlementaire proposé par le gouvernement fait que le projet de LPM passe en 1ère lecture devant vous avant l'Assemblée nationale, et pour la 1ère fois, de manière très singulière, avant que le ministre de la Défense nous l'ait présenté lui-même en tant que membre de l'exécutif ! Nous vous l'avons dit. Devant cet exercice nouveau, nous vous demandons d'excuser par avance la nature de certaines de nos remarques ou de nos questions pour lesquelles l'éclairage du ministre prévu lors de la réunion du 4 septembre mais reportée par lui à cause de la Syrie aurait été nécessaire !
La LPM contient des choses positives comme le maintien en euros constants de l'effort budgétaire Défense ou le lissage de programmes d'armement au lieu d'une simple suppression..., ce qui amoindrit les craintes que nous avions d'entendre, pendant les campagnes électorales, certaines composantes de la nouvelle majorité de remettre en cause profondément les choix militaires de la France ! « Trouver le bon équilibre entre les contraintes budgétaires de l'État tout en préservant un outil de défense performant ; vérité et ambition, c'est cette double volonté qui apparaît déjà dans le livre blanc et que je compte mettre en exergue dans la préparation de la loi de programmation militaire », comme le disait M. Le Drian lors de la présentation du Livre blanc, nous voulons bien le croire mais son projet comprend beaucoup de flou dans les questions relatives aux personnels.
Donc de manière très scolaire qui n'est pas pour vous déplaire, nous avons feuilleté ce projet de loi, la partie normative (avec une version à 36 articles répartis en 7 chapitres) et la partie annexée de 43 pages.
A l'article 3 : 190 milliards de CP euros courants, hors pensions, de 2014 à 2019 complétés par 6,1 milliards de ressources exceptionnelles ! Faut-il croire ces prévisions de ressources ?
A l'article 34, qui autorise le gouvernement à procéder par ordonnances dans 8 domaines différents, concernant 29 sous-rubriques, sorte de panier à la Prévert, de l'accessoire au plus sérieux, le 5° paragraphe s'intitulant « modifier les dispositions statutaires relatives aux militaires et aux fonctionnaires civils » a particulièrement retenu notre attention : « e) modifier les dispositions organisant l'accès à la fonction publique afin notamment de modifier les titres II, III et IV du statut général des fonctionnaires, afin de permettre aux militaires de se porter candidat aux concours internes des 3 FP ». Quelle est la nécessité d'une telle mesure, et quelles sont les modalités d'application d'un article L.4139-1 qui existe déjà ?
Nous demandons une ordonnance pour l'harmonisation fiscale des primes de restructuration des fonctionnaires sur celles des OE et des PM.
L'Europe de la Défense est en panne. Nous sommes d'accord avec Monsieur Reiner, auteur du rapport du 3 juillet 2013 « Pour en finir avec L'Europe de la défense- vers une défense européenne » ! Oui c'est une nécessité que de la relancer toujours et encore. Il est écrit dans le rapport annexé (page 7) qu'en raison des menaces et des risques auxquels les Européens sont pareillement exposés, une impulsion - nous rajoutons très forte - provienne du Conseil européen : opérations conjointes de prévention, sur les opérations extérieures et sur des programmes d'armements les plus onéreux ! On peut regretter qu'il n'y ait aucune perspective de coopération pour remplacer le Charles de Gaulle...
Au moment où la France s'apprête à consacrer 190 milliards d'euros courants sur la période à raison de 31 milliards par an, elle continue à s'obliger de respecter les fameux 3% d'endettement de son PIB, tout comme le Luxembourg ou les autres pays aux budgets de la Défense si ridiculement bas ! Nous continuons à vous pousser de demander à déroger à ce critère dit de Maastricht, qui s'applique de la même façon à tous les partenaires européens, quel que soit le pourcentage budgétaire consacré à leur défense et rapporté à leur PIB !
A la page 32 du rapport annexé : Coopération industrielle : « La dispersion et la fragmentation actuelles de l'industrie de défense en Europe sont une source de duplications inutiles et coûteuses, un facteur de faiblesse sur le plan de la compétitivité économique comme sur le plan politique par les divisions qu'elles entraînent ». Ce n'est pas la 1ère LPM qui dresse ce constat ; on en est toujours au même point ! Quelle initiative la nouvelle majorité peut-elle prendre pour que dans 6 ans on ne ré-écrive pas encore la même chose ?
Nous notons, non sans perplexité, que nous continuerons à consacrer près de 4 milliards d'euros par an pour le maintien en condition de notre force nucléaire à deux composantes. Certains parlementaires s'en étonnent aussi en disant qu'on aurait dû réviser la force de dissuasion. Peut-on encore s'offrir deux composantes, au moment où nous avons trop de trous capacitaires ? Le chef des armées en a décidé ainsi.
A la page 14, cyberdéfense : « les ressources humaines seront accrues grâce à un plan de renforcement concernant notamment plusieurs centaines de spécialistes ». De quelle nature est le statut du recrutement ?
A la page 20 : « 26 nouveaux Rafale -seulement- seront livrés sur la période à l'armée de l'air et à la marine, livraisons à l'exportation de Rafale comprises, hypothétiques, bien sûr, à moins que vous ayez des éléments plus concrets.
A la page 21 : « ce nouveau format d'armée induit de nouvelles restructurations ... », que pouvez-vous nous dire sur l'impact de ces nouvelles restructurations sur le soutien central et déconcentré et l'impact sur le personnel civil ?
« Le SSA engagera une reconfiguration obéissant à un double principe de concentration sur ses missions majeures et d'ouverture dynamique sur la santé publique » : des rumeurs fortes circulaient lors de la préparation du Livre blanc sur la possible fermeture de deux HIA. Qu'en est-il ? Surtout qu'en page 41, il est écrit : « il est nécessaire de mener une rénovation lourde des hôpitaux des armées ». Avec quelle enveloppe et suivant quelles priorités ?
A la page 28 : « la préparation opérationnelle Terre » passe de 150 jours annuels à 90 jours !
A la page 29 : « politique industrielle : l'État mettra en oeuvre une politique d'actionnaire dynamique, d'association des salariés, privilégiant l'accompagnement des entreprises dans leurs choix stratégiques, le contrôle des activités de souveraineté etc. » Nous demandons des précisions et notamment quelles seront les conséquences pour NEXTER, DCNS, etc.
A la page 34 : « le financement des opérations extérieures : 450 millions d'euros seulement sont prévus annuellement au lieu de 630 millions auparavant ». Pourquoi diminuer alors que les interventions conventionnelles pourraient se multiplier ? Quel fut le coût pour l'opération au Mali ? Des États européens pourraient-ils cofinancer au moins de telles opérations dans l'avenir s'ils ne peuvent engager des troupes ?
A la page 35 : « Politique de RH et évolution des effectifs », on peut lire : « ce sont 82 000 suppressions de postes, hors externalisation, qui auront été réalisées au ministère de la défense en 12 ans, entre 2008 et 2019 ». Ce sont des chiffres édifiants d'une même politique qui perdure quel que soit le gouvernement !
Comment mieux maîtriser la masse salariale qu'en redéployant du personnel civil sur les postes qui leur reviennent naturellement ? On ne cesse de vous le dire depuis 2008 : oui nous apprécierons à sa juste mesure, le moment venu, le « triple principe de prévisibilité, d'équité et de transparence », pour ce qui concernera les réductions d'effectifs, davantage de réductions d'officiers et de sous-officiers que de personnels civils notamment dans le soutien non opérationnel, par exemple. Nous ne résistons pas au plaisir de vous faire part d'une citation du rapport que viennent de rendre les députés Gosselin-Fleury et Meslot dans le cadre de leur mission sur le suivi de la réorganisation du ministère de la défense : « on assiste à un curieux paradoxe : moins le ministère a d'effectifs, plus il a de dépenses de personnel ! »
La recherche de l'équité entre des personnels relevant des différents statuts, mais appartenant tous à la même communauté de la défense nous semble une idée importante à défendre.
A la page 40, sur « la déconcentration en province des services dont le maintien en région parisienne n'est pas indispensable », nous demanderons au ministre sa liste définitivement détaillée.
« Des restructurations seront coordonnées afin d'optimiser le plan de stationnement du ministère de la défense, dans un souci de mutualisation des soutiens, de densification des emprises etc. Un accompagnement immobilier en découlera ». Nous n'avons aucune information sur ces questions immobilières concernant la convention SEVELOR SNI pour les agents contraints de revendre leurs logements, ou concernant le devenir des friches Défense pour lesquelles ces mêmes agents ont contribué à leur entretien, ou sur tous les schémas directeurs immobiliers des nouvelles BDD.
Au chapitre 6 : « Politique de Ressources humaines et évolutions des effectifs », le Livre blanc de 2008 préconisait un nouvel équilibre, au sein du ministère de la défense, entre personnel militaire et personnel civil, en appelant à un recentrage des militaires sur les fonctions opérationnelles et une spécialisation des civils sur les fonctions administratives et de soutien. La mise en oeuvre de la déflation de 40 000 postes entre 2008 et 2012, sur les 54 900 prévus par le Livre blanc de 2008 pour la période 2009-2015, n'a pas permis d'amorcer suffisamment ce rééquilibrage, qui doit être poursuivi de façon volontariste. Il s'agit d'orienter chacune des catégories, civiles et militaires, vers son coeur de métier. Autre citation du rapport des députés Gosselin-Fleury et Meslot dans le cadre de leur mission sur le suivi de la réorganisation du ministère: « c'est l'une des marges de manoeuvre dont dispose le ministre ; on pourrait dégager des marges de manoeuvre en augmentant la proportion de civils. »
Dans le cadre de la modernisation, de la simplification et de l'optimisation de l'organisation territoriale des soutiens, il est prévu que les groupements de soutien de base de défense (GSBDD) seront intégrés dans le service du commissariat. Voilà la belle affaire ! Le bruit courait depuis juin. Pourquoi une telle décision technique ? Quelle sera la mission résiduelle du Centre de pilotage et de conduite du soutien (CPCS) et des États-majors de soutien Défense (EMSD) ?
Nous sommes enfin dans l'attente d'une communication du ministre sur l'employabilité de la réserve opérationnelle sur des postes extrêmement éloignés de l'opérationnel. Des postes d'administration générale et de soutien commun (AGSC).sont ainsi « cannibalisés par des réservistes.
« Le Président de la République a souhaité aussi, que la France tire le meilleur parti, pour sa défense, de la construction européenne et de son insertion au sein d'alliances, en particulier l'Alliance atlantique ». C'est la quatrième orientation du Livre Blanc, qui devra trouver un point d'orgue lors du prochain Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement qui se réunira à la fin décembre et qui aura cette grande question à l'ordre du jour.
Quelle est votre appréciation sur la reconversion des personnels après restructuration ? Disposez-vous d'éléments statistiques sur les personnels reconvertis ?
Nous ne disposons pas de chiffres précis. Les éléments qui ressortent des comités de suivi concernent les versements d'indemnités de départ volontaire ou les reclassements. Il faut également prendre en considération, chez les personnels reclassés, les conséquences indirectes, notamment celles des mobilités éloignées. Quant aux reclassements dans les autres fonctions publiques, sauf exception, les résultats ont été décevants. Ce n'est d'ailleurs pas anormal car l'ensemble des administrations d'État, locales et hospitalières connaissent des restructurations et des déflations d'effectifs.
Nous n'avons pas de chiffres. Il faut aussi insister sur les conséquences familiales : les cas de divorces ou de pertes d'emploi des conjoints. Nous avons demandé des études, mais en vain, au ministère de la défense.
Lors de la dernière commission de suivi des restructurations, il a été indiqué que 13 500 personnes avaient bénéficié d'une indemnisation sur la durée de la loi de programmation, cela inclut les déménagements après reclassement fonctionnel à plus de 20 km du lieu de travail précédent.
Le ministère de la défense a joué le jeu lorsque d'autres administrations ont connu des restructurations, mais les autres ministères n'ont pas joué le jeu vis-à-vis de la Défense, ni les collectivités territoriales, et notamment pour les ouvriers de l'Etat malgré le dispositif de mise à disposition compensée.
Nous partageons certains de vos commentaires sur le montant maintenu de l'enveloppe financière, sur le niveau des ressources exceptionnelles et sur les effectifs qui sont la conséquence du format défini par le Livre blanc.
Sur les équipements, il y a des programmes qui sont décalés dans le temps. Observons que 8 programmes majeurs consomment plus de 80% des crédits. Les décalages touchent l'ensemble des programmes y compris certains programmes majeurs comme le Rafale. Le pari est fait que les exportations viendront compenser pour l'industriel, cet étalement. A défaut, compte tenu des obligations contractuelles, il y aura une clause de revoyure, car on ne va pas laisser s'effondrer la filière de construction des avions de chasse.
La défense ne peut pas vivre sans les exportations d'armements. C'est une nécessité absolue pour maintenir l'effort de recherche et de développement pour l'ensemble des produits. Certains demandent un contrôle parlementaire comme dans certains pays européens, mais cela peut conduire à des difficultés à exporter un certain nombre de produits dès lors qu'il y a une multiplication des intervenants.
Nous sommes condamnés à trouver des solutions aussi intelligentes que possible pour réaliser des économies. Nous avons des exemples de mutualisations réussies et efficaces comme celle l'EATC (European Air transport Command). Si on trouve des formules de ce type, on ne peut qu'y être favorable. On ne peut être dogmatique sur ce sujet.
Les groupes de travail au sein de la commission du Livre blanc ont abordé la question de la répartition entre industriels et service de l'Etat pour l'entretien programmé du matériel. Ce qui doit nous guider, c'est la recherche de la solution la plus efficace, ce qui conduit à un partage. Il faut aussi aller raisonnablement, dans certains cas, au moindre coût, quitte à recourir à des marchés publics. Les coûts du maintien en conditions opérationnelles (MCO) augmentent de plus en plus et il est nécessaire de rechercher des solutions plus économes.
De la même façon, il n'y a pas de théologies sur le sujet des externalisations. Elles sont intéressantes, dans certains cas, mais l'objectif n'est pas d'élargir le périmètre de l'externalisation au-delà de ce qui est raisonnable. Nous sommes aussi conscients que pour maintenir le caractère opérationnel, il faut recourir à des forces propres.
Nous allons regarder de près le contenu de l'article 34. Le Parlement est toujours réticent lorsqu'il s'agit de confier au gouvernement le soin de légiférer par ordonnance.
S'agissant des reconversions, il faut souligner la spécificité de certains métiers de la défense que l'on ne retrouve pas dans d'autres collectivités ou administrations et sur l'insuffisance de la formation au sein de la défense qui ne permet pas des reconversions avec des parcours professionnels adaptés.
Nous devons aussi faire part de notre inquiétude, si les projets d'exportation du Rafale ne se concrétisaient pas et sur les conséquences que cela impliquerait sur le budget de la défense.
Il faut souligner que la coopération européenne ou internationale sur certains programmes d'armement peut induire des demandes particulières, qui, comme ce fut le cas pour l'A400M, peuvent conduire à renchérir le coût du programme.
S'agissant des externalisations, nous nous sommes souvent heurtés à une attitude dogmatique du ministère qui préfère souvent le « faire faire » au « faire ». On l'a vu dans le cas de du parc de véhicules de la gamme commerciale. Pour l'habillement, il semble que l'on s'oriente vers une régie rationalisée en interne, ce qui est plutôt positif. Mais nous avons un exemple tout récent où l'armée de l'air, qui est pourtant adossée à un service industriel interne pour réparer ses propres matériels, et qui vient de confier l'entretien de certains hélicoptères à une entreprise portugaise. Dans ce cas, au-delà de la question de l'externalisation, se pose la question du maintien des emplois en France. Il est choquant que le ministère de la défense confie son entretien à une entreprise étrangère.
Nous nous interrogeons sur la volonté de l'armée de l'air de conforter le SIAé (service industriel de l'aéronautique), qui pourtant lui appartient. Lorsque l'on relit les débats du comité de surveillance du SIAé, nous trouvons l'armée de l'air très frileuse s'agissant de l'entretien de l'A400M ou du MRTT : comment s'effectuera la répartition de l'entretien entre les escadrons, avec des personnels militaires, le SIAé, et les entreprises privées sous forme de prestations externalisées ? Il serait souhaitable que l'armée de l'air clarifie sa position.
On ne peut pas demander au SIAé de se comporter en industriel en lui mettant des boulets aux pieds. On ne lui demande pas aujourd'hui d'adapter ses effectifs à sa charge, mais d'adapter sa charge à ses effectifs. Il se retrouve alors en situation de refuser de la charge parce qu'il ne peut pas renouveler ses effectifs. On nous explique alors que l'externalisation est indispensable et qu'on ne peut pas faire autrement.
On doit s'interroger sur les 10% d'hypertechnologies qu'on a dans les programmes. Correspondent-ils toujours aux besoins des armées. Il y a souvent un décalage entre les besoins des armées et les « délires » d'ingénieurs qui se font ainsi financer de la recherche et développement sur les programmes d'armement.
Le défi du programme A400M est plus l'accord entre les Britanniques et les Allemands que l'accord franco-français !
La politique menée de suppressions d'emplois conduira nécessairement à l'externalisation ! En 1980, il y avait 85 000 ouvriers d'Etat, l'an dernier ils n'étaient plus que 21 000. Et on en supprime encore 3 700 ! A force, nous n'avons plus les personnels pour faire l'entretien.
On tourne en rond ! Si on n'a pas les effectifs qualifiés pour faire le travail, alors nécessairement le travail ne sera pas fait. Or, c'est une décision politique que celle du recrutement.
Autre point, il faut différencier industrie de défense européenne et défense européenne. Or, les deux sont parfois confondues. De plus, il va falloir choisir entre défense européenne et OTAN, car on ne peut pas financer les deux doctrines ! Nous prônons la conservation de notre indépendance et de notre industrie de défense.
Sur le MCO, la question va aussi se poser pour les armements terrestres.
Enfin, s'agissant des exportations, il convient d'être vigilant sur les destinataires de celles-ci !
Le dossier Louvois a été un véritable traumatisme. Or, actuellement, un problème latent à la sous-direction des pensions laisse présager un Louvois II ! 45 000 dossiers sont en souffrance. On envisage une nouvelle méthode de travail à la sous-direction, avec un sous-effectif chronique, ce n'est pas opportun dans ce contexte !
La Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées va recevoir les chefs d'État-major, nous porterons vos interrogations dans la mesure où elles relèvent de notre compétence.
Vous avez évoqué l'article 28, celui-ci exclut de l'assiette de l'impôt sur le revenu le pécule versé.
La CGT s'inquiète que les drones achetés sur étagère aux États-Unis soient testés au Niger par des personnels civils.
Pour nous, deux points sont essentiels : la démarche RH et ses enjeux pour moderniser le ministère, et l'ouverture nécessaire du dialogue social, avec des points de rendez-vous réguliers.
Enfin, nous considérons qu'il ne faut pas continuer à saupoudrer la réduction des effectifs mais regarder la valeur ajoutée dans les différentes structures !
Les législateurs doivent rester dans leur domaine de compétence ! Nous pouvons porter auprès des états-majors vos revendications sur lesquelles notre avis est légitime : le MCO, les équipements, la réserve opérationnelle, l'entrainement ... Mais ne revenez pas auprès de nous sur certaines problématiques, comme le nucléaire. Le Président de la République est le chef des armées et il a réaffirmé la conservation de la dissuasion nucléaire avec ses deux vecteurs !
Pour nous, la clause de revoyure à fin 2016 est très importante. Si d'aventure, il n'y avait pas de vente de Rafales sur la période, nous ne laisserons pas les capacités de production péricliter. Nous mettrons donc cette clause à profit pour chercher des solutions si jamais la mauvaise fortune empêchait les débouchés à l'international.
Nous insistons sur le codicille des 2 points de PIB norme OTAN pour pouvoir faire des ajustements en fonction de l'avenir économique ! Notre combat sera d'avoir une capacité d'expertise quasi-permanente sur l'exécution budgétaire annuelle, afin de conserver nos moyens, année après année.
Notre démarche au sein de la commission n'est pas d'éroder les différences, mais, sur les aspects de défense et de diplomatie, nous savons que l'accord, en interne, nous rend plus fort face à l'exécutif. Face à des tentations fortes d'entrainer le budget de la défense dans une spirale négative, nous avons tenu bon collectivement pour maintenir à un niveau le moins mauvais possible. Nous aspirons, aujourd'hui, à aller vers le meilleur. Nous serons attentifs à l'exécution budgétaire et au retour à bonne fortune économique.
Nous interpellerons les chefs d'État-major sur les remarques que vous avez portées auprès de nous aujourd'hui.