Intervention de Laurent Fabius

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 16 octobre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Audition de M. Laurent Fabius ministre des affaires étrangères

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères :

La diplomatie économique n'est pas l'apanage du ministère des affaires étrangères. Le ministère du commerce extérieur et celui des finances s'y emploient également. Je n'ai pas voulu me lancer dans un meccano institutionnel. Je suis parti des faits. Juridiquement et pratiquement, l'ambassadeur de France est le représentant de la France à l'étranger et a autorité sur tous les services. C'est lui le patron. C'est à lui d'organiser pour que cela fonctionne dans le même sens et en général cela fonctionne bien. Des difficultés administratives peuvent survenir, mais on arrive à les surmonter. On a créé des mécanismes qui contribuent à la circulation de l'information comme les conseils ou comités économiques qui regroupent les administrations en charge des affaires économiques l'ensemble des acteurs spécialisés, les représentants des entreprises, les conseillers du commerce extérieur. Au niveau ministériel, j'ai créé une direction des entreprises, avec Jacques Maire, un diplomate qui a travaillé pendant de longues années en entreprise, qui dépend de la direction générale de la mondialisation. J'ai nommé des représentants spéciaux pour certains pays, qui sont susceptibles par leur réputation et leur compétence de faciliter les relations économiques dont certains de vos collègues Jean-Pierre Raffarin pour l'Algérie, Jean-Pierre Chevènement pour la Russie. Ce sont de structures légères, on trouvera le mouvement en marchant. Ce concept satisfait les entreprises comme les diplomates. Cette optique plus économique, va sans doute nous amener dans l'avenir à faire évoluer le recrutement du ministère des affaires étrangères. Il faut qu'il y ait un va et vient entre les entreprises et la diplomatie.

L'Institut Français fonctionne bien, il assure des prestations de qualité pour l'ensemble du réseau culturel. S'agissant des résultats de l'expérimentation du rattachement direct des établissements à autonomie financière, nous allons avoir une décision à prendre rapidement. Je constate que la généralisation aura un coût important et qu'il y a nécessité de conforter l'ambassadeur en lui laissant l'autorité sur les services.

La Mongolie est un pays intéressant dans lequel je vais me rendre prochainement. Il a un taux de croissance élevé. C'est une démocratie. La peine de mort y est abolie. Il suscite l'intérêt des entreprises françaises. Nous allons signer un certain nombre de contrats.

S'agissant de l'immobilier, nous regroupons dans les grandes villes où il y a plusieurs postes notamment auprès d'organisations internationales à Vienne, à Bruxelles, à Washington, à Montréal et à Genève. Pour les organismes dépendant de différents ministères, la mutualisation est aussi spontanée que ce que nous constatons dans nos collectivités locales. Pour l'accessibilité, nous essayons de faire du mieux possible, mais cela a effectivement un coût.

Avant d'aborder la situation en République Centrafricaine en réponse à M. Lorgeoux, je dirai quelques mots, comme vous m'y avez invité sur l'Iran, puis sur le Mali.

Vous le savez des négociations sont en cours à Genève entre les partenaires du 5+1 et l'Iran sur la question du nucléaire. L'attitude l'Iran paraît, depuis le changement de gouvernement, plus ouverte, mais à ce stade leurs positions sur le dossier n'ont guère évolué : pas de propositions sur la limitation de l'enrichissement, ni sur le démantèlement des installations d'Arak, ni sur l'arrêt du centre de Fordow, ni sur le transfert des stocks d'uranium enrichi à l'étranger. Cela étant nous sommes au tout début de la négociation. Il va y avoir une session au niveau des ministres. A ce stade, il ne faut ni sur-réagir, ni baisser la garde.

Le Mali est entré dans la période de préparation des élections législatives. Le Président Keita est une personnalité responsable. La question liée au Capitaine Sanogo est désormais derrière nous. Il a repris les contacts avec les populations du Nord en application des accords d'Ouagadougou, mais la période des élections législatives ralentit bien sûr les discussions. Il faut avancer pas à pas et ne pas se précipiter. Il y a eu quelques incidents au Nord qui nous amènent à conserver des effectifs militaires sur place. Nous réduirons la voilure petit à petit. Je n'ai pas d'inquiétude à court terme, mais à plus long terme, il va falloir régler les problèmes de développement économique et de discussions entre les différentes composantes du peuple malien.

En République Centrafricaine, il y a un Etat très affaibli. La pauvreté est effrayante. Dans un pays de 4,8 millions d'habitants, il y a 450 000 personnes déplacées. Le taux de mortalité infantile atteint les 10%. Les salaires ne sont plus versés aux fonctionnaires et aux militaires depuis 4 mois. Pour la première fois dans l'histoire de ce pays des affrontements entre communautés religieuses, chrétiens contre musulmans, se sont produits. L'ancienne Seleka qui avait pris le pouvoir a été dissoute, laissant la place à un assemblage de petits chefs de guerre qui vivent sur la population.

Sur le plan de la sécurité, 4 pays ont envoyé des contingents militaires dans le cadre de la force des Nations-Unies : le Tchad, le Congo, le Gabon et le Cameroun. Ils sont actuellement 2100 et ce contingent devrait être porté à 3500. Nous avons sur place 410 militaires français qui sécurisent l'aéroport et effectuent des patrouilles à Bangui. La dernière résolution du Conseil de sécurité des Nations unies a donné mission au Secrétaire général de lui présenter un rapport dans les 30 jours. Une nouvelle résolution en décembre devrait donner mandat aux forces africaines et à la France d'intervenir pour traiter le problème de la Seleka qui représente 5000 personnes, mais certains sont retournés à la vie civile et d'autres doivent être intégrés dans l'armée ce qui pose problème. Lorsque nous aurons mandat pour intervenir, des risques d'affrontements ne doivent pas être écartés mais les éléments de l'ex-Seleka ne disposent pas d'un armement considérable. Entretemps il peut y avoir une dégradation de la situation et des massacres sous des prétextes religieux.

La restructuration de l'armée centrafricaine pourrait être engagée avec l'appui de l'Union européennes selon le même schéma qui est mis en oeuvre au Mali. La commissaire Gueorguieva m'a accompagné lors de mon dernier déplacement, car il est important d'anticiper.

Sur le plan humanitaire, la situation est abominable. Il faut réunir des fonds pour aider la population. L'Europe s'engage. Nous envisageons une conférence des donateurs.

Sur le plan politique, des élections sont prévues en février 2015, le Président et le Premier ministre se sont engagés à ne pas se présenter. Mais qui sera candidat ? Il est difficile de le dire.

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