La commission auditionne Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2014 (programme 185 : Diplomatie culturelle et d'influence de la mission « Action extérieure de l'État » et programme 209 : Solidarité de la mission « Aide publique au développement »).
Je vous remercie de me donner l'occasion de venir vous présenter les deux programmes 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » et 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » dont je suis la nouvelle responsable comme Directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats depuis début septembre.
Nous concentrons nos actions autour de deux objectifs principaux :
- tout d'abord, la politique d'influence, thème retenu pour la dernière conférence des Ambassadeurs, constitue un axe prioritaire de notre action extérieure. Pour ce faire, notre diplomatie économique, en particulier vers les pays émergents, doit trouver à se conjuguer avec notre diplomatie culturelle ;
- ensuite, l'évolution de notre aide au développement selon les principes adoptés par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 31 juillet dernier afin de renforcer notre pilotage stratégique de l'aide.
La récente réforme de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) repose sur des logiques sectorielles -culture, développement, économie- qui permettent d'identifier les responsabilités et qu'il importe de croiser au quotidien pour dépasser les cloisonnements. Cette répartition des compétences devrait contribuer par ailleurs à un exercice plus rationnel de la tutelle du ministère des affaires étrangères (MAE) sur l'ensemble des opérateurs culturel, universitaire ou scolaire (l'Institut Français (IF), CAMPUSFRANCE, Canal France International (CFI), l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et du partenariat avec l'Alliance française.
Je souhaiterais tout d'abord préciser le cadre de notre diplomatie économique qui s'appuie sur tous les instruments du ministère (politique des visas, influence culturelle, bourses et stages, expertise internationale, lobbying économique et politique). Cette politique est au service des entreprises et de l'emploi, avec l'objectif de redressement du commerce extérieur et de l'attraction des investissements étrangers.
Le ministère se réorganise autour de cette priorité avec la création à Paris de la nouvelle direction des entreprises et de l'économie internationale depuis le 1er mars dernier (75 agents) et à l'étranger avec la forte mobilisation du réseau diplomatique. De nouvelles formules sont imaginées dans un esprit pragmatique et efficace avec notamment la nomination de représentants spéciaux du ministre dans des pays porteurs (Algérie, Chine, Russie, Mexique,...).
Nous devons travailler également à coordonner notre offre publique française d'expertise internationale qui est un sujet suivi notamment par le sénateur Jacques Berthou. Il s'agit pour nous autant d'être en mesure de répondre à des appels d'offre, que de placer des experts dans des pays en développement ou des pays émergents pour promouvoir nos normes.
Naturellement, la mise en oeuvre de cette politique est menée en lien étroit avec le ministère de l'économie et des finances, y compris à l'étranger où l'ambassadeur joue pleinement son rôle de coordination et d'animation des services de l'Etat.
Notre diplomatie culturelle est amenée à être réorientée. Les liens entre diplomatie d'influence et diplomatie économique sont plus que jamais affirmés et le réseau doit agir et être adapté en ce sens.
C'est dans cet esprit qu'une stratégie culturelle a été approuvée par le Ministre qui en a fait l'annonce devant les Conseillers culturels et de coopération réunis à l'occasion des « journées annuelles du réseau » les 17 et 18 juillet dernier à Lille. Ce document de synthèse reprend un certain nombre d'orientations comprises dans des stratégies sectorielles (scientifique, scolaire...) et développe des axes nouveaux à partir desquels s'ordonnera notre action d'influence.
Les stratégies culturelles ou d'influence ont vocation à se décliner localement. C'est pourquoi, en plus de lignes directrices, il convient de faire preuve de pragmatisme et de tenir compte du contexte propre à chacun des pays où nous intervenons.
Parallèlement, notre réseau culturel à l'étranger devra :
- développer une meilleure connaissance des publics pour adapter notre réponse aux attentes locales en ciblant les jeunes et les classes moyennes ;
- investir les outils innovants d'influence comme l'audiovisuel numérique et promouvoir les conceptions françaises dans le domaine culturel (mécanisme de soutien à la création, exception et diversité culturelle) ;
- porter une attention renforcée à nos industries culturelles et créatives.
Concrètement, ce soutien aux industries culturelles et créatives (ICC) se traduit, d'ores et déjà, par :
1/ des réunions, de caractère régulier, du ministre ou du secrétaire général avec les acteurs économiques, ainsi qu'au niveau des ambassades, par la mise en place d'un « conseil d'influence » (en charge de l'action culturelle, de l'éducation et de l'attractivité) ;
2/ des partenariats avec les opérateurs de promotion des ICC : Bureau Export, TVFI, Unifrance... ;
3/ l'accent mis sur les formations du réseau aux ICC (à titre d'exemple, cette semaine était organisée pour les agents du réseau une formation aux musiques actuelles) et tout spécialement celle des attachés audiovisuels (au coeur du dispositif de soutien).
Cette évolution de notre diplomatie d'influence se double d'un appui renouvelé de notre aide dans les pays en développement.
Dans le domaine de l'aide au développement, la France demeure le quatrième contributeur mondial d'APD en 2012 (12 Mds$), derrière les Etats-Unis (30 Mds$), le Royaume Uni (13 Mds$) et l'Allemagne (13 Mds€). Avec un ratio de 0,45% du RNB, la France se positionne comme 2e contributeur au sein du G7.
Entre 2012 et 2013, les prévisions actuelles prévoient une hausse de l'APD française de 550 M€, passant ainsi de 0,45% à 0,47% du RNB. Cette hausse résulterait notamment de la hausse de versements nets sur les prêts bilatéraux AFD. Dans le contexte du redressement des finances publiques, le Président de la République a indiqué l'objectif de reprendre une trajectoire ascendante vers les objectifs internationaux que nous nous sommes fixés, dès lors que nous renouerons avec la croissance.
Le Premier ministre a réuni un Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) le 31 juillet dernier qui a permis de redéfinir les principes et les priorités de notre aide. L'enjeu est notamment d'adapter les priorités et les instruments de notre aide en prenant en compte les défis de la mondialisation à commencer par la différenciation des pays en développement, la généralisation des aspirations démocratiques et la dégradation progressive de l'environnement.
Je retiendrais en particulier la redéfinition de nos priorités géographique avec la suppression de la Zone de solidarité géographique et la concentration des aides vers l'Afrique, notamment les pays les plus pauvres et les pays de la Méditerranée selon les critères suivants :
- à partir de 2014, la France concentrera la moitié de ses subventions et les deux tiers de ceux de l'AFD vers les 16 pays pauvres prioritaires ;
- les pays en crise et en sortie de crise ou en situation de fragilité bénéficieront d'une attention particulière, notamment Haïti ;
- enfin 85% de l'effort financier en faveur du développement seront dirigés vers les pays de l'Afrique subsaharienne et les pays voisins du Sud et de l'Est de la Méditerranée.
Dans ce cadre, l'Agence française de développement a vocation à intervenir dans l'ensemble des pays en développement éligibles à l'aide au sens du CAD de l'OCDE, sous réserve de l'accord de son Conseil d'administration. L'Agence est aujourd'hui à un tournant : l'enjeu est de l'aider à consolider son modèle et de lui permettre de répondre avec efficacité aux orientations stratégiques fixées par le CICID. Les décisions à prendre dans le cadre de la préparation du prochain COM pour la période 2014-2016 devront prioritairement porter sur la clarification de son mandat dans les grands émergents et les critères d'extension du champ géographique, ainsi que sur la trajectoire de croissance, en rapport avec la soutenabilité financière du modèle.
La France continuera par ailleurs à être active dans les zones en crise ou post-crise, notamment au Sahel. Lors de la conférence de Bruxelles du 15 mai, la France s'est engagée, par la voix du Président de la République, à fournir un effort bilatéral à hauteur de 280 M€ pour 2013-2014 au Mali, au-delà de son appui militaire. L'ampleur de cette aide fait de la France le 1er donateur bilatéral alors qu'avant les événements de 2012, la France était le 3e bailleur bilatéral avec des versements d'environ 50 M€. L'aide française comprend notamment 208 M€ de financements de projets portés par l'AFD et 15 M€ d'aide diverse du MAE (aide humanitaire, aide alimentaire et projets du fonds de solidarité prioritaire et du fonds social de développement).
Au Sahel, où la France compte parmi les premiers bailleurs bilatéraux, la France a apporté dès fin 2011 une réponse d'urgence en mobilisant 24 M€ d'aide alimentaire.
Au-delà de cette réponse d'urgence, plus de 140 M€ sont investis par l'AFD pour le renforcement de la sécurité alimentaire des pays sahéliens.
La France a adopté en 2008 un plan Sahel interministériel fondé sur le renforcement de la capacité des Etats du Sahel en matière de lutte contre le terrorisme et le développement des régions du Nord. A la demande de l'Elysée, le SGDSN est chargé d'établir d'ici fin 2013 une nouvelle stratégie saharo-sahélienne interministérielle, qui s'étend au pays du Maghreb. Elle comprendra un volet développement, car sans développement, la sécurité ne peut être garantie, et inversement. Cette stratégie régionale intégrée devra aider le Sahel à sortir du cycle d'aide d'urgence et assurer à moyen terme un développement plus résilient et durable. L'objectif est de présenter un rapport, sur ce sujet, au Président de la République avant la fin de l'année.
Je souhaiterais enfin insister sur les deux échéances majeures qui vont nous mobiliser en 2014 et 2015.
Nous avons déjà engagé la préparation du rendez-vous des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), lancés en 2000 et dont l'échéance arrive en 2015. La France est particulièrement mobilisée dans le domaine de la santé où ses contributions sont de l'ordre de 1 Md€ par an. Nous travaillons à présent à l'élaboration du nouvel agenda du développement après 2015, pour passer d'un agenda focalisé sur les services sociaux de base à des objectifs universels axés vers un développement durable.
En parallèle, comme vous le savez, la France accueillera en décembre 2015 au Bourget la COP 21 ou 21e conférence des parties à la conventions-cadre des Nations unies sur le changement climatique. Cette conférence vise à l'adoption d'un accord global pour limiter la hausse des températures à 2° C maximum. Le rapport du GIEC vient encore de nous rappeler l'urgence qui s'y attache. Nous sommes pleinement mobilisés avec le ministère de l'environnement pour la réussite de cette conférence et travaillons déjà très étroitement avec les présidences polonaises et péruviennes qui nous précèdent.
J'en viens aux moyens de ma direction générale qui sont inscrits au PLF 2014. Bien évidemment, la contrainte budgétaire en PLF 2014 a conduit à devoir resserrer encore un peu plus encore les arbitrages autour de nos priorités. Nous contribuons autant que les autres administrations à la réduction des déficits publics, mais avec le discernement qui doit permettre de poursuivre nos priorités.
En ce qui concerne les effectifs tout d'abord, le PLF 2014 prévoit 2 905 agents (ou ETP) dédiés au suivi des sujets de la mondialisation et inscrits sur les deux programmes 185 et 209. Nous devrons réduire nos effectifs de 76 ETP ou -2,5% en 2014.
La moitié de ces suppressions concernera les effectifs du secteur culturel et relèvera des exercices menés par l'ensemble du ministère au titre de l'évolution de ses réseaux à l'étranger, notamment la transformation de 13 petits postes en format à effectif réduit, la réduction des postes à grands réseaux ou la fermeture d'antennes culturelles. L'autre moitié des suppressions portera sur le dispositif d'experts techniques internationaux.
Au-delà de ces suppressions sèches, nous allons nous attacher à poursuivre des redéploiements d'effectifs engagés en 2013 pour un total d'environ 50 ETP d'experts techniques internationaux.
Il s'agit notamment de renforcer nos positions dans des secteurs jugés prioritaires, comme par exemple la préparation de la Cop 21 ou l'affectation d'ETI spécialisés dans l'innovation technologique.
Il s'agit également d'accentuer notre présence dans les pays émergents, et de reformater progressivement nos dispositifs dans l'UE et dans les pays développés - notamment dans le réseau scientifique - ainsi que d'établir le lien entre diplomatie d'influence et diplomatie économique.
Pour ce qui est des budgets, je crois plus simple de distinguer les deux programmes 185 et 209 pour la clarté de mon propos.
Commençons par le programme 209 qui constitue, avec le programme 110 de la DG Trésor, la Mission « Aide publique au développement ».
Ce programme comprend uniquement des dons et se répartit de manière schématique entre un tiers d'aide bilatérale, un tiers d'aide multilatérale et un tiers de contribution au Fonds européen de développement (FED). Cet équilibre varie d'une année sur l'autre, compte tenu notamment des fluctuations des appels de fonds du FED qui s'analyse comme une dépense obligatoire.
Les crédits du programme 209 s'établissent à 1 620 millions d'euros en crédits de paiements en PLF 2014 (hors masse salariale de 200 M€), soit une baisse de 129 M€ en crédits de paiements ou de près de -7% par rapport à la LFI 2013. En réalité, cette baisse recouvre principalement un important transfert de notre contribution au Fonds mondial du programme 209 vers les financements innovants, pour un montant de 83 M€. Hors cette mesure de périmètre, les crédits du programme 209 diminuent de 46 M€, soit seulement de - 2,6% en crédits de paiements.
Je soulignerais les principales évolutions des enveloppes du programme 209.
Tout d'abord, le PLF 2014 préserve nos moyens bilatéraux de coopération qui demeurent stables au sein du programme (36%) avec :
- la priorité accordée à la poursuite du doublement sur cinq ans de l'aide aux ONG sur gestion déléguée à l'AFD (passage de 45 à 90 M€ en autorisation d'engagement) et de son élargissement aux ONG humanitaires (rallonge de 1 M€ au Fonds d'urgence humanitaire géré par le Centre de crise, soit 10 M€ en 2014) ;
- la stabilisation de l'instrument bilatéral de don-projet à hauteur de 330 M€ en autorisations d'engagement (FSP, FSP Muskoka et projets AFD), ainsi que des autres enveloppes bilatérales d'aide alimentaire (37 M€), de gouvernance démocratique (19 M€ largement mis en oeuvre par les postes), d'appui à la sortie de crise (23 M€) et de coopération décentralisée (9,3 M€, stabilisés et même légèrement augmentés de 100 K€ à la suite du rapport Laignel).
La contribution française au Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme est stabilisée à hauteur de 360 M€ par an pour la période 2014-2016, soit 1,08 Md€ sur trois ans. Les perspectives actuelles de reconstitution sont de 15 Mds€ sur trois ans, ce qui semble ambitieux. La contribution britannique est susceptible de se hisser en seconde position en étant portée à 400 M€ par an, sous réserve d'une augmentation des contributions d'autres donateurs, faisant ainsi passer la France au troisième rang. Les perspectives de contributions américaine et allemande sont respectivement de l'ordre de 1 Mds€/an et 200 M€/an.
Enfin, la négociation du 11e FED conclue au printemps 2013 a permis de conforter l'engagement européen en faveur des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Le 11e FED s'élève à 30,5 Mds€ sur 6 ans, contre 22,7 Mds€ pour le 10e FED (5 ans). La clef de contribution française est ramenée à 17,81%, contre 19,55%, ce qui permet de se rapprocher vers la budgétisation.
J'en viens maintenant au programme 185 qui porte les moyens de notre diplomatie d'influence et relève de la mission « Action extérieure de l'Etat » du ministère des affaires étrangères.
Il s'articule autour de trois priorités principales, à commencer par l'enseignement français à l'étranger qui représente près des 2/3 du programme, notre politique d'attractivité et notre coopération culturelle. Le programme s'appuie essentiellement sur des opérateurs, avec l'AEFE et les deux EPIC -Institut français et CampusFrance- créés par la loi sur l'Action extérieure de juillet 2010, ainsi que sur le réseau de coopération et d'action culturelle à l'étranger, avec les Instituts français et les Alliances françaises.
La dotation du programme 185 s'élève à 645 millions d'euros en PLF 2014 (hors masse salariale de 80 M€). La réduction des crédits entre la LFI 2013 et le PLF 2014 est de 3%, soit la même proportion d'évolution que l'ensemble du budget du ministère. Les réductions sont réparties de manière équilibrée entre les instruments, y compris sur les subventions aux opérateurs qui sont désormais associés à l'effort de désendettement.
La dotation pour l'Agence de l'Enseignement français à l'étranger est ajustée compte tenu de la stabilisation du taux de contribution aux pensions civiles (alors que le budget triennal reposait sur une hypothèse de progression) et des économies à rechercher sur le fonctionnement courant. La dotation est fixée à 416 M€, en baisse de 2% (-8,5 M€). L'Agence est autorisée à recruter 100 agents supplémentaires en hors plafond pour accompagner la progression du nombre d'élèves. En parallèle, le gouvernement poursuit le recyclage des crédits de la PEC pour 8,5 M€ supplémentaires en PLF 2014, soit une enveloppe de 118,8 M€ sur le programme 151.
Le réseau scolaire à l'étranger est confronté à une concurrence internationale accrue en même temps qu'une forte augmentation de la demande d'enseignement français dans le monde. Le nombre d'enfants inscrits a augmenté de 4% à la rentrée 2013, notamment en raison de la croissance des communautés françaises expatriées. Dans ce contexte, l'Agence doit concilier ces attentes liées à un enseignement de qualité avec les besoins en personnels et en structures immobilières répondant à des normes de sécurités optimales. L'Agence doit aussi conserver ses missions de scolarisation d'enfants français et d'instrument d'influence.
La réflexion sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger menée à la demande du ministre par la ministre déléguée en charge des Français de l'étranger a abouti à la présentation, fin août, d'une communication en Conseil des ministres définissant les orientations en vue d'un développement maîtrisé du réseau d'enseignement français à l'étranger, qui seront intégrées au prochain contrat d'objectifs de l'AEFE pour 2014-2016.
Ce plan d'action fixe cinq objectifs : un pilotage politique renforcé, la préservation des deux objectifs « scolarisation des français / accueil des élèves étrangers », un développement maitrisé du réseau, la garantie de la qualité de l'enseignement et une diversification de l'offre (développement des sections bilingues francophones et promotion du Label FrancEducation.)
La deuxième priorité concerne la politique d'attractivité dont les crédits, qui avaient été sanctuarisés ces dernières années, tiennent compte de la progression des programmes de bourses co-financés par des partenariats (61 M€ sur les 186 M€ de cofinancement en 2012) et des programmes de mobilité scientifique et de formation à la recherche (53 Partenariats Hubert Curien) cofinancés à parité avec les pays partenaires (8 M€ en 2012) qui génèrent environ 4 800 mobilités entrantes et sortantes par an. Les réductions portent sur les bourses (68 M€, -3,5%) et les échanges d'expertise et scientifiques (15,6 M€, -3%).
Ces moyens doivent nous permettre de conforter notre attractivité. Avec 290 000 étudiants internationaux en 2012-2013, la France est la 4e destination (après Etats-Unis, Royaume-Uni, Australie). Les étudiants originaires du continent africain représentent 41% des bénéficiaires. La part du continent asiatique est en progression (17% des bourses, contre 14% en 2000), de même que celle du continent américain (10% des bénéficiaires, contre 8% en 2000).
Face à une concurrence de plus en plus importante, notre stratégie consiste à :
- concentrer nos efforts de promotion de l'enseignement supérieur français en direction des pays émergents, des grands pays prescripteurs et de la zone francophone ;
- attirer les étudiants à fort potentiel qui soutiendront nos capacités de recherche et d'innovation ou deviendront demain autant de points d'appui de notre rayonnement ;
- accompagner les classes moyennes en proposant des cursus adaptés aux besoins des pays partenaires et en développant des coopérations axées sur la formation professionnelle.
Enfin, les dotations relevant de la coopération culturelle et de la promotion du français s'équilibrent de plus en plus avec les ressources propres des EAF et les co-financements. Les réductions sont réparties entre les dotations aux EAF (35,5 M€, -4%), la subvention à l'Institut français (39,5 M€, -6%) et la dotation pour la Fondation Alliance française et les associations (7 M€, -4,3%). Les Alliances continueront de bénéficier de mises à disposition de 300 agents.
Les ajustements de nos dotations impliquent que la mise en oeuvre de notre stratégie d'influence privilégie des moyens d'intervention capables de mobiliser des financements additionnels extra-budgétaires (ressources propres des Instituts français et Alliances françaises et programmes de partenariats qui donnent lieu à des cofinancements).
Les résultats en matière de ressources extra-budgétaires sont éloquents : près de 300 millions d'euros en 2012 (107 millions pour l'auto-financement et 187 millions de co-financement) qui complètent les dotations budgétaires des postes d'environ 150 M€ en 2014 (programmes 185 et 209).
L'importance de ces moyens extra-budgétaires soulève deux questions : le pilotage et la dépendance - relevée par la Cour - dans laquelle le réseau se trouve vis-à-vis de cette ressource : la recherche de financements extra-budgétaires relève de démarches locales et ne se prête donc pas à une logique de mutualisation centralisée. En tout état de cause, il ne faudrait pas non plus s'illusionner sur les marges de progression d'auto-financement et de co-financement qui ne sont pas illimitées.
Le mécénat (c'est-à-dire le co-financement) constitue une activité à temps plein. Notre réseau y est engagé et développe cette activité. Il importe, que nos Ambassadeurs s'y impliquent. C'est déjà souvent le cas. Les remontées de terrain témoignent du rôle déterminant de l'Ambassadeur et donc de l'Ambassade pour générer des recettes de ce type et mobiliser les donateurs.
L'auto-financement des EAF suppose de préserver, comme nous nous y employons, des capacités à former à bon niveau en français. Les recettes de cours de langue étant la principale ressource d'auto-financement (avec les certifications de diplômes). Ce point d'organisation et de moyens est essentiel. La diffusion du français mais aussi nos capacités d'auto-financement sont conditionnées en grande partie par la qualité de notre offre de cours de langue dans un environnement concurrentiel et donc la pertinence de la ressource humaine en charge de cette activité (directeurs de cours notamment).
C'est pourquoi, les arbitrages budgétaires rendus pour allouer les moyens au réseau répondent à un impératif : préserver l'instrument et lui permettre de fonctionner et de lever des recettes.
Le quotidien Le Monde évoque aujourd'hui un tournant de notre politique africaine vers l'est. Il y aurait un lobby de swahalistes au quai d'Orsay qui voudrait faire transférer une partie des moyens consacrés à l'ouest africain francophone vers l'est de l'Afrique plus anglophone. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Les moyens de la mission APD baissent de 7 % en 2014. Mais on dit que les moyens de la mission préservent les priorités fixées par le gouvernement grâce au développement de financements innovants.
L'augmentation de 10 à 15% de la part de la taxe sur les transactions financières affectée à l'aide au développement et la réévaluation de 12,7 % de la taxe de solidarité sur les billets d'avion permettent de maintenir pour les trois prochaines années la contribution de la France au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme et, en matière de lutte contre le changement climatique, de prévoir la contribution au nouveau Fonds vert pour le climat.
On perd en crédit budgétaires, mais on gage la diminution par le produit de deux taxes.
Est-ce que vous avez des garanties sur le montant des recettes de la TTF ?
Le CICID a décidé que l'Afrique subsaharienne ainsi que les pays du voisinage sud et de la Méditerranée représenteront au moins 85 % de l'effort financier de l'État en faveur du développement. Avant c'était 60 % + 20 %, donc on concentre 5% de plus mais est-ce que l'enveloppe va continuer à diminuer ? C'est cela la vraie question. Car les crédits de subventions du 209 ont diminué de 30 % depuis 2006. Donc on concentre de plus en plus une somme de plus en plus petite. On fait croire que cela augmente alors que cela baisse. C'est une question de moyens mais aussi de priorité.
Sur une aide publique au développement déclarée, estimée à près de dix milliards d'euros par an, dix millions d'euros par an pour un pays prioritaire, c'est un millième par pays, autrement dit, pour le moins, une priorité relative. La priorité africaine notamment dans les pays qui ne peuvent pas s'endetter est devenue, je les cite : « problématique ».
Le dernier bilan de la Coopération française par l'OCDE établissait que la France ne consacrait que 10% de son aide aux pays pauvres prioritaires d'Afrique francophone. Que faites-vous pour redresser cette situation ?
Vous assurez la tutelle de l'AFD, l'AFD a un problème de fonds propres. Elle ne peut plus prendre d'engagement dans des pays comme le Maroc. Va-t-on vers une solution ? Par ailleurs, l'AFD se développe, finance son développement grâce à son activité bancaire, mais ses effectifs sont plafonnés en valeur absolue alors qu'elle ne reçoit aucune subvention de fonctionnement. Avec ce système, on va finir pas faire en sorte que le développement de nouvelles activités se fasse au détriment d'autres. Êtes-vous favorable à la levée de ce plafond ?
Vous avez évoqué l'effort français en faveur de l'aide publique au développement déclarée à l'OCDE, en indiquant qu'une grande partie de cet effort correspondait à des prêts. Des récents travaux du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE ont montré que non seulement nous avons dépassé la proportion souhaitable de prêts dans notre APD, mais une partie de ces prêts sont des prêts à des taux proches du marché. Le CAD proposerait une révision des règles de comptabilisation qui conduiraient à une réduction de plus d'un milliard de notre APD déclarée. Ces informations sont-elles exactes et que comptez-vous faire à ce sujet ?
Quelles sont les raisons qui vous ont conduite à réabonder le Fonds mondial de lutte contre le sida à hauteur de 360 millions ? C'est un formidable instrument, mais tout le monde sait que, dans cette période, il manque 200 à 500 millions dans l'aide bilatérale pour être suffisamment réactif dans des régions comme le Sahel où l'aide européenne va mettre longtemps à se mettre en oeuvre ou à Madagascar. Tout le monde aurait compris qu'on baisse. Il y a un déséquilibre, même au sein de la coopération santé, entre les trois maladies du fonds et les autres. Pourquoi ne pas laisser à l'Europe le soin d'abonder le Fonds sida ? On dit que le Fonds Sida est conforme à nos priorités, c'est vrai. Mais d'un autre côté, 200 millions d'aide projet pour l'AFD dans les 16 pays prioritaires, ce n'est pas cohérent.
La dernière revue par les pairs de l'OCDE souligne que : « Sur le terrain, dans un contexte où les crédits de coopération gérés par les SCAC diminuent fortement, la question se pose d'une rationalisation du réseau afin de diminuer les frais de structure, ainsi que le recommande la Cour des comptes.
L'intégration prochaine des SCAC dans l'Institut Français posera de toute façon la question de l'avenir des compétences développement des SCAC.
La Cour des compte juge que « la gestion des FSP par le ministère chargé des affaires étrangères s'est révélée insuffisamment rigoureuse. », aussi bien au niveau central qu'au niveau des ambassades.
N'est-il pas temps d'achever le transfert vers l'AFD de toutes les responsabilités opérationnelles, de simplifier l'organisation du réseau en mettant fin à la double compétence des SCAC et des agences de l'AFD et de réduire ainsi son coût en s'appuyant principalement sur les agences de l'AFD, sous l'autorité des ambassadeurs.
Au sujet de la mutualisation des opérateurs de promotions de l'expertise française à l'étranger, le regroupement des opérateurs, (il y en a plus d'une dizaine dont trois gros) et la mutualisation des moyens pour mettre fin à des gaspillages est sur la table depuis de trop nombreuses années. Le rapport Tenzer, celui de la Cour des comptes, datent d'il y a cinq ans. Il y a trois ans, le Parlement, sur proposition de la commission, a adopté l'article 13 de la loi sur l'action extérieure de l'État. Cet article demandait au gouvernement de formuler des propositions pour, je cite, « un renforcement de la cohérence du dispositif public de l'expertise technique internationale ». Depuis nous avons eu le rapport Maugüé, le rapport de notre collègue Berthou. Les parlementaires ont le sentiment qu'il convient maintenant d'agir. On attend avec impatiences des propositions vers une « une unicité et une lisibilité du dispositif, des regroupements et rapprochements pertinents ». Ce sont les termes du mandat qui a été donné par le Premier ministre. Est-ce que ce dossier avance ? Il y aura un débat au Parlement dès janvier 2014 sur la loi d'orientation et de programmation relative à l'aide au développement. L'expertise fera naturellement partie des sujets discutés.
On parle de la fusion des agendas entre les objectifs du millénaire pour le développement (les OMD) et ceux de la préservation du climat, c'est l'enjeu de l'agenda post 2015. Pouvez-vous nous décrire très concrètement ce que cela signifie au quotidien pour notre coopération ?
Face au drame de Lampedusa, nous devons réfléchir aux interactions entre les phénomènes migratoires et le développement. Où en est la stratégie de votre direction en matière de développement solidaire ?
Je ne peux pas vous répondre sur l'ensemble de la politique africaine qui dépasse la compétence de la direction générale. En revanche je puis vous indiquer que le CICID a confirmé la volonté du gouvernement de concentrer les subventions consacrées à des projets de développement dans 16 pays pauvres prioritaires qui se situent essentiellement en Afrique de l'Ouest et dans la zone sahélienne.
Alimenter le financement de la politique d'aide au développement par des financements innovants nous permet de maintenir notre effort mais comporte, il est vrai, une part de risque liée à l'évolution des taxes. C'est pourquoi nous avons une attitude particulièrement prudente qui nous conduit à relever le pourcentage des recettes qui sont consacrées à la coopération, aussi bien au niveau de la taxe sur les billets d'avion qui sera relevée pour abonder le fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, que la taxe sur les transactions financières. Vous avez raison de souligner que l'augmentation du taux de concentration de l'effort financier de l'Etat en faveur du développement dans la zone Méditerranée et Afrique sub-saharienne est relative. On passe en effet de 80 à 85 % et il s'agit d'une proportion sur une enveloppe que nous essayons de sanctuariser.
S'agissant des fonds propres de l'AFD, les discussions sont en cours avec la direction générale du Trésor et la direction du budget. Il convient de conforter le modèle économique de l'AFD. Cela sera un des sujets centraux du prochain contrat d'objectifs et de moyens qui sera très prochainement discuté.
Il conviendra de consulter les parlementaires sur ce contrat d'objectifs et de moyens.
Non seulement les parlementaires membres du conseil d'administration seront consultés mais le contrat d'objectifs et de moyens sera soumis pour avis aux commissions compétentes.
S'agissant de la mesure de l'APD, nous travaillons avec le CAD sur la définition technique des prêts éligibles. C'est un sujet que nous suivons avec attention.
En ce qui concerne la reconduction de la contribution française au fonds de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, c'est une décision du Président de la République qui s'inscrit dans la tradition française de forte implication dans le domaine de la santé publique, en général, et de la lutte contre ces trois maladies, en particulier.
Vous avez soulevé la question du réseau et des compétences respectives des agences de l'AFD et des services de coopération et d'action culturelle. Depuis la réforme de 1998 et des transferts de compétences, il y a une répartition des rôles entre ces deux services, qui peut faire l'objet de discussions, mais qui sont aujourd'hui très complémentaires.
La convergence des agendas des objectifs du millénaire pour le développement et des objectifs du développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique est un thème majeur de l'année 2015 sur lequel l'ensemble de mes équipes est mobilisé.
S'agissant du drame de Lampedusa, vous avez raison de dire qu'il y a des interactions très fortes entre les problématiques migratoires et les problématiques de développement. C'est un thème de discussion aussi bien au niveau des Nations unies qu'au niveau européen.
Le MAE affiche de grandes ambitions en matière de diplomatie économique. Autant en matière de diplomatie culturelle, il dispose d'opérateurs sous tutelle (Instituts français, Campus France, établissements à autonomie financière...), autant en matière de diplomatie économique il en est dépourvu, les opérateurs (Ubifrance, Coface, AFII, AFD, missions économiques) sont placés dans la mouvance du ministère de l'économie et des finances. Comment travaille votre direction ? La structure mise en place pour piloter la diplomatie économique n'est-elle pas redondante avec celles du ministère du commerce extérieur et la direction du Trésor ? Dans quelles actions du programme 185 trouve-t-on les crédits correspondants à cette priorité ?
Quand aurons-nous communication du 3e rapport sur l'expérimentation du rattachement direct de 12 EAF à l'Institut français ? Ce rapport qui doit être en cours de rédaction. Contiendra-t-il les compléments que nous avions demandés expressément au Secrétaire général du MAE lors de son audition en juillet dernier ?
Quels sont les enseignements et décisions issues de la consultation sur les objectifs, les priorités et le modèle économique du dispositif d'enseignement français à l'étranger conduite par Mme Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger ?
La négociation d'une nouvelle convention avec la Fondation Alliances Françaises est annoncée. Quel bilan tirez-vous la mise en oeuvre de la précédente convention ? L'Etat estime-t-il avoir tenu ses engagements à l'égard de la Fondation et du réseau des Alliances françaises ? Quelles évolutions l'Etat souhaite-t-il voir mettre en oeuvre grâce à la nouvelle convention ?
La diplomatie économique est en effet une priorité. Il y a désormais une direction dédiée au sein du ministère avec 75 agents qui travaillent sous la direction de Jacques Maire. Cela marque la volonté du ministère de soutenir de façon proactive les entreprises. Pour autant, ce n'est pas nouveau et beaucoup d'ambassadeurs ont eu l'occasion de travailler notamment avec les grandes entreprises publiques. Aujourd'hui, il s'agit de soutenir toutes les entreprises car le contexte a changé. Les grandes entreprises continuent à être soutenues. Nous venons récemment de nous réjouir du succès d'Airbus au Japon. Dans certains cas, les entreprises peuvent agir seules, mais dans un certain nombre de pays, où la parole officielle doit être portée, c'est souvent indispensable. C'est une des raisons pour lesquelles le ministre, M. Laurent Fabius, a nommé des personnalités comme représentants spéciaux pour tel ou tel pays.
Le Ministère des affaires étrangères n'a pas créé de nouveaux opérateurs à côté de ceux qui dépendent du ministère des finances, il ne duplique rien et il s'appuie sur l'ensemble du réseau et sur le terrain l'ambassadeur a autorité sur les différents services et il travaille étroitement avec Ubifrance, les missions économiques, les chambres de commerce...
En fait, il s'agit de mettre l'ensemble des services de la direction générale au service de la diplomatie économique, bien sûr pour soutenir à l'étranger nos industries culturelles et de la communication, mais plus largement pour articuler diplomatie culturelle et diplomatie économique. Historiquement, grâce à son action dans le domaine de l'enseignement, de l'accueil d'étudiants étrangers, de l'action culturelle, la recherche, la France a constitué de multiples réseaux que nous utilisons de façon insuffisante. Elle a consenti des investissements considérables. Il s'agit de faire de ceux qui ont bénéficié de ces actions des relais d'influence et de mettre cet ensemble de réseaux en relation. Il y a une action à mener et nos opérateurs à l'exportation en ont besoin.
Nous essayons de travailler en bonne intelligence avec les services du ministère des finances. Nos actions sont complémentaires.
Chacun doit rester sur son créneau. Nous n'avons pas les moyens de nous substituer à des opérateurs comme Ubifrance ou l'AFII. Lorsqu'un ambassadeur va soutenir le dossier d'une entreprise, il le fait en consultant ces acteurs qui sont ses interlocuteurs réguliers en matière économique.
Nous travaillons aussi beaucoup avec l'AFII pour rechercher des investisseurs étrangers susceptibles de venir investir en France.
Notre rôle est aussi d'accompagner des PME et les collectivités locales qui sont très impliquées pour soutenir les entreprises de leur bassin d'emplois. Nous sommes en mesure de leur fournir de l'information et si elles le souhaitent de soutenir leur démarche. C'est le rôle des ambassadeurs en région.
Je ressens beaucoup de compétences, plutôt des juxtapositions d'efforts, mais je suis partisan d'une diplomatie économique qui ait du souffle. Je ne le sens pas suffisamment pour le moment. Sans doute faut-il du temps...
Je pense qu'il faut qu'il y ait une unicité. Sur le terrain, c'est le rôle des ambassadeurs. Il faut les reconnaître dans ce rôle-là. Il y a une volonté politique extrêmement forte. C'est une préoccupation partagée par l'ensemble des ministres, nous essayons à l'étranger de la coordonner.
J'en viens à l'Institut Français.
L'Institut Français connaît, il est vrai, une baisse des crédits. S'agissant de l'expérimentation du rattachement de 12 établissements à autonomie financière à l'Institut Français, le 3e rapport est en effet prévu pour la fin du mois d'octobre, mais il est possible que nous attendions la sortie du rapport que prépare la Cour des comptes sur le réseau culturel pour pouvoir tenir compte de ses observations. Le projet de rapport contient des éléments assez clairs sur le coût d'une généralisation et je pense que cela pèsera sur la décision finale.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée, a conduit une grande consultation sur l'enseignement français à l'étranger. Le constat est globalement positif. Dans un environnement concurrentiel, le service est compétitif et attractif.
C'est à la fois une chance et une difficulté pour l'Etat qui souhaite accompagner les familles d'expatriés et en faire un instrument du rayonnement culturel en y accueillant des étrangers. Pour répondre à ces objectifs, il faut en maintenir la qualité, ce qui implique des moyens budgétaires, ou par autofinancement, mais surtout des moyens en personnels enseignants. Il convient également de mener un exercice de rationalisation et de redéploiement des moyens afin d'accompagner le développement de la demande dans les grands pays émergents notamment en Asie, sans délaisser les autres pays où nous étions très présents. Cela veut dire également, qu'à partir de l'AEFE, il faudra réfléchir à des solutions complémentaires, je pense naturellement au réseau FLAM (français langue maternelle) pour élèves scolarisés dans le système local et à la labélisation des établissements étrangers qui mettent en place des filières bilingue en français.
La convention triennale avec la Fondation des Alliances Françaises arrive à son terme. Nous allons conclure une nouvelle convention pour la période 2014-2016 pour assurer la poursuite du soutien du gouvernement dans un contexte budgétaire plus contraint. Malgré un léger fléchissement, les moyens sont maintenus puisque l'Etat apporte 7 millions d'euros de dotation aux 400 alliances françaises à travers la Fondation ou par des subventions des postes aux alliances locales. Il met également à disposition des alliances conventionnées 300 agents qu'il rémunère, soit au total 40 millions d'euros. Les alliances restent pleinement intégrées dans le réseau culturel.
On n'a pas entendu parler des frais de scolarité. Est-ce encore un sujet ?
Le sujet est moins présent. Nous avons changé de dispositif en 2013 avec la suppression de la prise en charge de la gratuité de la scolarité au lycée. C'est un enseignement de qualité, qui a un coût, qui est largement subventionné. En général les familles en ont conscience et sont très impliquées dans les établissements. Elles contribuent volontiers aux investissements immobiliers, pédagogiques ou innovants des établissements.
L'Afrique comptera en 2050 2 milliards d'habitants, hypothèse basse. Dans la meilleure des hypothèses les francophones pourraient être 750 millions mais chaque jour la place de la langue française, même créolisée, s'érode. Sans volontarisme pour le maintien de son enseignement dans les pays d'Afrique, ils risquent d'être beaucoup moins nombreux. Il y a là un vaste sujet. Il ne faut pas se priver d'une politique ambitieuse. Partagez-vous cet avis ?
Le constat et les hypothèses sont connus. Le besoin est certain. Il y a une forte concurrence d'autres modèles éducatifs. C'est dans l'aide à apporter aux pays à mettre en place ou de rénover leur système éducatif que cela se joue. Cela va au-delà de la seule mission de l'AEFE.
Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée à la francophonie, a lancé une initiative, 100 000 professeurs pour l'Afrique, qui sera financé par un fonds de solidarité prioritaire (FSP) dans le cadre de la stratégie de l'enseignement du français qu'elle a présenté. Cette mobilisation existe. Dans certains pays, comme le Maroc, est mené un travail spécifique avec les autorités marocaines pour reconstruire un système éducatif de qualité. Nous avons également des projets au Sénégal et en Côte d'Ivoire pour reconstruire et transformer le Lycée Jean Mermoz en lycée franco-ivoirien. Le réseau de l'AEFE est un levier à travers la labélisation. Nous sommes conscients de l'enjeu. Le problème est de trouver les moyens financiers et de mobiliser de nouveaux moyens notamment peut-être par l'enseignement numérique.
Je reviens sur le coût de l'enseignement français à l'étranger. Il est vrai que l'introduction de la scolarité gratuite au lycée avait suscité des réserves. Le transfert sous forme de bourses a aidé les plus défavorisés. Quelle est l'implication du ministère de l'éducation nationale dans le système ?
La question est d'actualité en effet. La consultation engagée par Mme Hélène Conway-Mouret a abordé cet aspect. La question de la double tutelle ne se pose pas, mais il est nécessaire que le ministère de l'éducation nationale (MEN) s'implique au plus haut niveau, ne serait-ce que parce que 98% des personnels de l'AEFE sont issus du MEN. La relation est donc extrêmement forte et quotidienne entre les services. Dans la contrainte, pour répondre à la demande qui s'exprime, il faudrait être capable de mettre plus d'enseignants titulaires devant les élèves mais cela suppose un engagement stratégique du ministre de l'éducation nationale, pour répartir les effectifs entre les besoins en France et à l'étranger. C'est lui qui autorise les détachements (actuellement 6 500). Il est donc important qu'il puisse faire connaître ses orientations sur la promotion du modèle éducatif français à l'étranger et sa participation à la diplomatie d'influence. Il y aura des réunions ministérielles sur ce sujet. Ce sera l'occasion de donner ces orientations.
La commission auditionne M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2014.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, chers collègues, c'est avec un grand plaisir que nous vous retrouvons, cher Laurent Fabius, un mois après une audition à huis clos sur la situation syrienne, qui fut tout à fait passionnante.
Compte tenu de l'état du monde, et je pense notamment à la situation en République centrafricaine, d'où vous revenez, et dont vous nous direz peut être un mot, il nous sera difficile aujourd'hui de cantonner nos questions aux seuls enjeux budgétaires.
C'est pourtant ce que nous tenterons de faire, tant il est vrai que les moyens d'action dévolus au Quai d'Orsay sont la condition nécessaire -mais pas suffisante- pour maintenir le rayonnement de notre diplomatie, sa capacité à orienter le cours des choses, bref la puissance d'influence de notre pays.
Les questions ne manquent pas, qu'il s'agisse du dimensionnement du réseau diplomatique et consulaire, de la sécurité diplomatique ou de l'adaptation de notre outil à l'émergence de nouvelles puissances.
Avant de céder la parole aux rapporteurs budgétaires pour leurs questions, c'est à vous, Monsieur le ministre, pour la présentation de votre budget.
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les sénateurs, le budget de la mission « Action extérieure de l'Etat » s'inscrit dans les orientations que je vous avais présentées l'année passée, dans un contexte où la dépense publique doit être contenue. C'est un budget que j'ai souhaité efficace et économe.
Économe, car le budget de la mission « Action extérieure de l'État » s'élève à 2 952,3M€, y compris la masse salariale, en diminution de 0,7% par rapport à 2013. Il diminue de 2,1% hors masse salariale. Le plafond d'emplois s'élève à 14 505 emplois équivalent temps plein, en diminution de 196 ETP. Ce chiffre inclut la création de 28 ETP dans le secteur des visas. Il prend aussi en compte le redéploiement vers nos géographies prioritaires d'une centaine d'emplois en 2014 et de 300 sur l'ensemble du triennum. J'y reviendrai.
Efficace, car les économies proposées sont cohérentes avec les objectifs que j'ai fixés au ministère des affaires étrangères : diplomatie économique pour participer au redressement économique de la France, un service public efficace, puissance d'influence, nous renforcer dans les pays d'avenir.
Pour mettre en oeuvre ces priorités nous adaptons le réseau, je devrais dire les réseaux du ministère. Il n'est pas question de revenir sur son universalité, qui est un atout de notre diplomatie.
Le nouveau dispositif permet en revanche d'être davantage présent là où nos intérêts l'exigent, d'assurer nos missions essentielles et de proposer des économies, qui produiront encore leurs effets dans les années à venir.
Le réseau se redéploie vers nos géographies prioritaires, les pays émergents et les pays en sortie de crise, à hauteur de 300 agents sur trois ans, principalement à partir des effectifs d'Europe et d'Amérique du Nord. Il y aura ainsi par exemple des créations d'emplois en Chine, en Inde, en Afrique du Sud, en Indonésie, également au Mali (+4) et en Birmanie.
Le réseau se renforce sur ses missions prioritaires. Un examen a été fait pays par pays et a conduit à établir une liste de treize pays où les postes seront très allégés et travailleront sur deux à trois missions exclusivement. En 2014, cela concernera la Jamaïque, le Népal, la Papouasie Nouvelle guinée, le Libéria, la Kirghizistan, la Guinée Bissao, le Honduras et le Cap Vert. En 2015, s'y ajouteront Brunei, l'Erythrée, le Tadjikistan, Trinité et Tobago et la Zambie, d'autres peut être. Tous ces pays conserveront les missions de représentation politique et diplomatique, de protection consulaire et de suivi et d'accompagnement de l'action économique ou commerciale de nos entreprises.
Autre évolution du dispositif, les missions assurées par quatre antennes diplomatiques seront rapatriées vers les capitales de rattachement : en 2013, nous l'avons fait au Malawi. En 2014, ce seront la Sierra Leone et la Gambie. Et en 2015, Sao Tomé. Il n'y avait pas d'ambassadeur physiquement présent dans ces pays. Nous avions des ambassadeurs accrédités. Nous les gardons.
A côté des évolutions liées à la réorganisation du réseau diplomatique, le réseau consulaire se réoriente pour accompagner les populations expatriées qui en ont le plus besoin. Certains réseaux s'adapteront. C'est le cas au Canada. Des agences consulaires seront ouvertes à Edmonton, capitale de l'Alberta, et à Calgary. C'est également le cas en Europe où nous rationalisons nos implantations sans fermer de consulat général mais en mettant fin au cloisonnement entre les diplomaties (politique, économique, culturelle, scientifique). Des consulats dits « à gestion simplifiée » verront leurs missions recentrées sur la diplomatie d'influence et adossés aux structures publiques ou associatives les plus pertinentes, afin de décloisonner les missions. Notre consulat à Hambourg a déjà adopté ce profil ; Stuttgart, Düsseldorf et Naples devraient suivre.
Il faut également achever la réforme du réseau culturel. La fusion de nos services de coopération et d'action culturelle avec les établissements à autonomie financière (EAF) est arrivée à son terme. Nous devons maintenant envisager l'évolution du dispositif des antennes et instituts, notamment ceux durablement déficitaires. Je compte pour cela suivre la même méthode que pour les réseaux diplomatiques et consulaires : sur la base de propositions des services, engager le dialogue avec les organisations syndicales. Ce dialogue a lieu actuellement.
En ce qui concerne la sécurité de nos implantations et la rationalisation immobilière, ces choix structurels opérés et qu'il faudra poursuivre permettent de redistribuer des moyens aux postes et, également, de mener à bien le plan de sécurisation de nos implantations auquel 20M€ seront consacrés en 2014, 40 M€ sur trois ans.
Quelques exemples : 3,3 M€ sont programmés à Tripoli pour un budget de construction global de 15 M€ environ ; 3 M€ sont inscrits pour le relogement et la sécurisation des déplacements des agents. Je rappelle qu'en 2007, 6 ambassadeurs bénéficiaient de protection. Ils sont 20 aujourd'hui. Les préoccupations sécuritaires s'accumulent : Sanaa, Le Caire, Tunis et les capitales de la zone sahélienne. La donne évolue, après l'attentat de Nairobi. Il faut sans cesse s'adapter à l'évolution de la menace.
La moitié de ces crédits est gagée par des ventes d'immeubles (22M€) car la poursuite de la rationalisation de nos implantations immobilières le permet et que la sécurité de nos bâtiments, de nos personnels et de la communauté française est une priorité. La problématique immobilière se posera à terme. Certains d'entre vous le soulignent, il sera difficile de poursuivre indéfiniment le financement des travaux d'entretien lourd de notre parc immobilier par la vente d'immeubles. Mais il reste encore des marges de manoeuvre.
À New York, la vente de la résidence de notre ambassadeur auprès de l'ONU sera lancée dans les prochains mois. En Malaisie, nous cèderons une parcelle de terrain.
Pour ce qui est de l'appui aux Français de l'étranger, l'appui à nos communautés expatriées demeure une priorité de notre action. Nous maintenons l'aide sociale pour les Français défavorisés.
La réforme des bourses a été mise en place à la rentrée. Vous en avez eu les premiers résultats. Ils seront s complétés par les résultats de la prochaine Commission nationale des bourses en décembre. Le nouveau modèle proposé, plus juste et plus équitable, a, je crois, rencontré une large adhésion, même si, comme toujours lorsqu'on change de système, il faut un temps d'adaptation. Il faut souligner le travail effectué par les commissions locales des bourses et je souhaite les en remercier. C'est leur connaissance des populations françaises qui permet d'adapter un mécanisme aux réalités locales. La redistribution a été réelle. 10% des familles bénéficiaires de bourses le sont pour la première fois cette année. Il y aura des adaptations marginales : la prise en compte des familles monoparentales notamment. Nous retravaillerons ensemble à ces améliorations.
La diplomatie culturelle et d'influence n'est pas séparée du reste de notre action. Elle s'y insère et en est complémentaire. Cela vaut notamment pour la diplomatie économique, qui bénéficie de notre rayonnement culturel.
Le réseau culturel est très dynamique. Cela lui permet de s'autofinancer à plus de 60% et de lever plus de 180 M€ de cofinancements. Ce réseau est atout majeur pour l'influence de la France et l'attractivité de notre culture et de notre langue.
Nous consacrons 68M€ aux boursiers du gouvernement français, quel que soit l'instrument : les BGF, bien sûr, mais aussi les bourses Eiffel, les bourses Major, les bourses cofinancées, la contribution que nous versons à l'Université franco-allemande...
S'y ajoutent 60M€ de programmes de bourses financés par les Etats tiers, ce qu'on appelle les boursiers des gouvernements étrangers.
Notre action doit être efficace et non ponctuelle voire anecdotique. Pour cela, il faut assurer un suivi de ces étudiants, qui étudient parfois dans le système éducatif français depuis leur plus jeune âge, grâce au réseau de l'AEFE. Je tiens à ce qu'il conserve son ouverture sur les étrangers ; en particulier j'ai demandé à nos ambassadeurs de s'investir pour faire vivre les réseaux d'anciens élèves, en liaison avec l'AEFE. C'est là aussi inscrire notre action dans le long terme.
Voilà, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, comment ce budget accompagne les priorités de notre action extérieure.
Je suis à présent à votre disposition pour répondre à vos questions.
Pouvez-vous nous indiquer, compte tenu de l'actualité, quelles seront les orientations de la France en Afrique dans les années à venir ?
Sur le plan budgétaire, une partie du produit des cessions immobilières ne reviendra pas au Quai d'Orsay mais ira au budget général de l'État ; les ressources disponibles seront diminuées d'autant. Quelles seront en conséquence vos priorités géographiques ?
Plus globalement, nous souhaiterions naturellement vous entendre sur l'Iran, la République Centrafricaine ou le Nord Mali.
Le concept d'ambassade « low cost » nous laisse un peu sceptiques ; de même que nous attristent les réceptions du 14 juillet financées par des entreprises privées... Sans doute cela est-il inévitable... Ne pourrait-on pas parallèlement envisager des partages d'ambassades au niveau européen ?
L'accroissement annoncé des crédits pour le développement au Mali nous pousse aussi à relancer aussi la réflexion sur l'évaluation : nous avons par le passé déversé des sommes importantes sur ce pays, sans résultat tangible. Nous aurions besoin en réalité d'une véritable « conférence de méthodologie » pour que l'aide soit dépensée à meilleur escient.
20 000 personnes ont péri en tentant de rejoindre Lampedusa : quelle action concertée, de développement solidaire, allons-nous pouvoir enfin mettre en oeuvre ?
Nous nous entretiendrons la semaine prochaine avec de hauts responsables de l'ONU, quelle explication pourrons-nous donner aux évolutions parfois difficilement compréhensibles de nos contributions, qu'il s'agisse du PNUD ou du fonds SIDA...
La réforme des bourses pour la scolarité des Français de l'étranger a posé des problèmes aux familles monoparentales. Je m'interroge en plus, au vu des premières remontées des consulats, sur la méthode, en deux temps, retenue pour déterminer les enveloppes, avec à mon sens une sous-estimation, dans un premier temps, des montants nécessaires. De nombreuses familles qui se sont vues refuser une bourse vont redéposer une demande pour la deuxième réunion des commissions locales des bourses.
Le consulat de Calgary avait été créé pour des raisons économiques, aujourd'hui l'intérêt n'est plus le même. Quels autres consulats seront concernés, et quels consulats généraux dans les capitales ?
Un article du journal « Le Monde » affirme que nous allons abandonner l'Afrique francophone pour nous concentrer sur l'Afrique anglophone. Telle n'est pas notre intention : nous devons être partout en Afrique, qu'elle soit francophone, anglophone ou lusophone - je me rends prochainement en Angola-. La francophonie, qui comptera demain 750 millions de locuteurs, est un point d'entrée irremplaçable, mais la France ne peut se désintéresser de grands pays comme le Nigéria ou l'Afrique du Sud. J'observe d'ailleurs que notre intervention au Mali a été bien perçue par ces pays ; la France est écoutée et son expertise respectée sur les enjeux africains.
En effet, une partie du produit des cessions immobilières du réseau diplomatique à l'étranger sera affectée au désendettement de l'État. Sur les 52 millions d'euros de cessions prévus sur le triennum, 30 seront affectés à l'amélioration de la sécurité diplomatique, soit 10 millions d'euros par an. Notre plan de sécurisation inclut nos postes à : Nouakchott, Dakar, Beyrouth, Ndjamena, Brazzaville, Alger, Téhéran, Djakarta, Bamako, Tallin, Tunis et Bangui. Les 10 millions d'euros iront en priorité à la sécurisation des postes dans la bande sahélienne.
Nous avons des projets d'implantation commune avec l'Allemagne, notamment au Bangladesh, en Corée, au Koweït, où nous avons deux parcelles contiguës, ou encore à Rio où nous partageons les mêmes locaux de la Maison de France. Je pense que notre réflexion devrait aussi englober les représentations du Service européen d'action extérieure.
S'agissant de l'aide au Mali, je souscris pleinement aux propos de M. Cambon et je sais que la traçabilité et l'évaluation des aides sont des préoccupations fortes tant de mon collègue en charge du développement Pascal CANFIN que de l'ambassadeur au Mali Gilles HUBERSON. Nous avons besoin d'une méthode qui rompe avec les pratiques passées.
La diplomatie économique française obtient des résultats et nous nous en réjouissons. La vente d'Airbus au japon en est un exemple. Vous avez mis en place une direction au quai d'Orsay dans ce but, mais il existe également dans la sphère du ministre de l'économie et des finances, une ministre du commerce extérieur et des opérateurs centraux et locaux (Ubifrance, AFII...). Comment vous organisez-vous ?
L'Institut français va connaître une nouvelle baisse de son budget (- 6%). Un nouveau contrat d'objectifs et de performances va être préparé. Dans le projet annuel de performances, il est écrit que « les objectifs de l'Institut français vont être recentrés ». Quelles orientations allez-vous donner à cet opérateur de la diplomatie culturelle ?
Je reviens de Mongolie. C'est pays au potentiel intéressant. Nous avons sur place une équipe resserrée mais qui m'a paru efficace. Je souhaitais vous en faire part.
Dans certains postes diplomatiques, et parfois dans des pays où notre représentation est peu nombreuse - j'ai en tête l'exemple du Kosovo - la résidence de l'ambassadeur est séparée de l'ambassade. Ne serait-il pas utile de les regrouper, éventuellement de mutualiser avec les Allemands ne serait-ce que pour des raisons de sécurité ?
La mutualisation des charges de fonctionnement est souhaitée et vous avez raison. Dans certaines grandes villes européennes, la France dispose de plusieurs établissements. Je ne parle pas que des locaux diplomatiques, mais aussi de ceux dépendant d'autres ministères comme la Villa Médicis à Rome ou la Casa Velázquez à Madrid. A-t-on envisagé une gestion commune de ces différents établissements ? Vous ont-ils spontanément proposé de gérer le fonctionnement en commun ?
Dans certaines de nos représentations anciennes, les immeubles souffrent de problèmes d'accessibilité du public. A-t-on un petit budget dédié à la mise aux normes de ces immeubles, sachant que cela peut représenter des coûts de travaux importants ?
L'immeuble du Consulat à Hong-Kong a-t-il été cédé ?
Oui et il a été vendu pour un montant important, 52 millions d'euros.
Je suis parfois surpris de voir que dans des villes où nous avons plusieurs postes diplomatiques - parfois d'ailleurs avec des effectifs peu importants, les gens s'ignorent. Vous avez entrepris des rattachements de postes dans les mêmes villes, lorsqu'il y a plusieurs ambassades. De quelles villes s'agit-il ?
Vous revenez de République Centrafricaine. La situation est catastrophique. Comment appréhendez-vous la mise en oeuvre d'un processus politique dans un Etat qui n'existe pas ? Comment faire émerger de nouveaux dirigeants fiables et compétents ? Et comment obtenir des instances internationales capacité à intervenir et arrêter cette tragédie ? Je constate que les crédits destinés à la coopération de défense baissent de 4% au moment où nous devons aider se structurer une architecture africaine d'armée.
La diplomatie économique n'est pas l'apanage du ministère des affaires étrangères. Le ministère du commerce extérieur et celui des finances s'y emploient également. Je n'ai pas voulu me lancer dans un meccano institutionnel. Je suis parti des faits. Juridiquement et pratiquement, l'ambassadeur de France est le représentant de la France à l'étranger et a autorité sur tous les services. C'est lui le patron. C'est à lui d'organiser pour que cela fonctionne dans le même sens et en général cela fonctionne bien. Des difficultés administratives peuvent survenir, mais on arrive à les surmonter. On a créé des mécanismes qui contribuent à la circulation de l'information comme les conseils ou comités économiques qui regroupent les administrations en charge des affaires économiques l'ensemble des acteurs spécialisés, les représentants des entreprises, les conseillers du commerce extérieur. Au niveau ministériel, j'ai créé une direction des entreprises, avec Jacques Maire, un diplomate qui a travaillé pendant de longues années en entreprise, qui dépend de la direction générale de la mondialisation. J'ai nommé des représentants spéciaux pour certains pays, qui sont susceptibles par leur réputation et leur compétence de faciliter les relations économiques dont certains de vos collègues Jean-Pierre Raffarin pour l'Algérie, Jean-Pierre Chevènement pour la Russie. Ce sont de structures légères, on trouvera le mouvement en marchant. Ce concept satisfait les entreprises comme les diplomates. Cette optique plus économique, va sans doute nous amener dans l'avenir à faire évoluer le recrutement du ministère des affaires étrangères. Il faut qu'il y ait un va et vient entre les entreprises et la diplomatie.
L'Institut Français fonctionne bien, il assure des prestations de qualité pour l'ensemble du réseau culturel. S'agissant des résultats de l'expérimentation du rattachement direct des établissements à autonomie financière, nous allons avoir une décision à prendre rapidement. Je constate que la généralisation aura un coût important et qu'il y a nécessité de conforter l'ambassadeur en lui laissant l'autorité sur les services.
La Mongolie est un pays intéressant dans lequel je vais me rendre prochainement. Il a un taux de croissance élevé. C'est une démocratie. La peine de mort y est abolie. Il suscite l'intérêt des entreprises françaises. Nous allons signer un certain nombre de contrats.
S'agissant de l'immobilier, nous regroupons dans les grandes villes où il y a plusieurs postes notamment auprès d'organisations internationales à Vienne, à Bruxelles, à Washington, à Montréal et à Genève. Pour les organismes dépendant de différents ministères, la mutualisation est aussi spontanée que ce que nous constatons dans nos collectivités locales. Pour l'accessibilité, nous essayons de faire du mieux possible, mais cela a effectivement un coût.
Avant d'aborder la situation en République Centrafricaine en réponse à M. Lorgeoux, je dirai quelques mots, comme vous m'y avez invité sur l'Iran, puis sur le Mali.
Vous le savez des négociations sont en cours à Genève entre les partenaires du 5+1 et l'Iran sur la question du nucléaire. L'attitude l'Iran paraît, depuis le changement de gouvernement, plus ouverte, mais à ce stade leurs positions sur le dossier n'ont guère évolué : pas de propositions sur la limitation de l'enrichissement, ni sur le démantèlement des installations d'Arak, ni sur l'arrêt du centre de Fordow, ni sur le transfert des stocks d'uranium enrichi à l'étranger. Cela étant nous sommes au tout début de la négociation. Il va y avoir une session au niveau des ministres. A ce stade, il ne faut ni sur-réagir, ni baisser la garde.
Le Mali est entré dans la période de préparation des élections législatives. Le Président Keita est une personnalité responsable. La question liée au Capitaine Sanogo est désormais derrière nous. Il a repris les contacts avec les populations du Nord en application des accords d'Ouagadougou, mais la période des élections législatives ralentit bien sûr les discussions. Il faut avancer pas à pas et ne pas se précipiter. Il y a eu quelques incidents au Nord qui nous amènent à conserver des effectifs militaires sur place. Nous réduirons la voilure petit à petit. Je n'ai pas d'inquiétude à court terme, mais à plus long terme, il va falloir régler les problèmes de développement économique et de discussions entre les différentes composantes du peuple malien.
En République Centrafricaine, il y a un Etat très affaibli. La pauvreté est effrayante. Dans un pays de 4,8 millions d'habitants, il y a 450 000 personnes déplacées. Le taux de mortalité infantile atteint les 10%. Les salaires ne sont plus versés aux fonctionnaires et aux militaires depuis 4 mois. Pour la première fois dans l'histoire de ce pays des affrontements entre communautés religieuses, chrétiens contre musulmans, se sont produits. L'ancienne Seleka qui avait pris le pouvoir a été dissoute, laissant la place à un assemblage de petits chefs de guerre qui vivent sur la population.
Sur le plan de la sécurité, 4 pays ont envoyé des contingents militaires dans le cadre de la force des Nations-Unies : le Tchad, le Congo, le Gabon et le Cameroun. Ils sont actuellement 2100 et ce contingent devrait être porté à 3500. Nous avons sur place 410 militaires français qui sécurisent l'aéroport et effectuent des patrouilles à Bangui. La dernière résolution du Conseil de sécurité des Nations unies a donné mission au Secrétaire général de lui présenter un rapport dans les 30 jours. Une nouvelle résolution en décembre devrait donner mandat aux forces africaines et à la France d'intervenir pour traiter le problème de la Seleka qui représente 5000 personnes, mais certains sont retournés à la vie civile et d'autres doivent être intégrés dans l'armée ce qui pose problème. Lorsque nous aurons mandat pour intervenir, des risques d'affrontements ne doivent pas être écartés mais les éléments de l'ex-Seleka ne disposent pas d'un armement considérable. Entretemps il peut y avoir une dégradation de la situation et des massacres sous des prétextes religieux.
La restructuration de l'armée centrafricaine pourrait être engagée avec l'appui de l'Union européennes selon le même schéma qui est mis en oeuvre au Mali. La commissaire Gueorguieva m'a accompagné lors de mon dernier déplacement, car il est important d'anticiper.
Sur le plan humanitaire, la situation est abominable. Il faut réunir des fonds pour aider la population. L'Europe s'engage. Nous envisageons une conférence des donateurs.
Sur le plan politique, des élections sont prévues en février 2015, le Président et le Premier ministre se sont engagés à ne pas se présenter. Mais qui sera candidat ? Il est difficile de le dire.
Nous n'avons pas établi de liens avec Boko Aram.
Dans la perspective des élections législatives de février 2015, il faut au préalable un referendum sur la constitution et reconstituer les listes électorales, une grande partie des registres de l'état-civil ont été détruits. Une mission des Nations unies est attendue en novembre. La France apportera une aide.
Aux Nations unies, une résolution sera présentée en décembre et une autre est envisagée en mars ou avril pour mettre en oeuvre soit une opération de maintien de la paix sous casques bleus, soit une opération associant les forces africaines et la France.
La restauration de la stabilité est importante car si la RCA s'effondre, c'est l'ensemble des pays de la zone qui seront menacé : il y aura risque de développement du terrorisme au Tchad, dans les Soudans, au Congo et au Gabon. L'Union africaine et sa secrétaire générale Mme Zuma, partagent notre analyse. L'Afrique du Sud qui s'est engagée en République centrafricaine, mais a retiré ses troupes après des pertes importantes comprend notre position. M. Bozizé, l'ancien président, a quitté la France pour rejoindre un pays africain de la région.
Les Africains, la communauté internationale avec le soutien de la France doivent s'engager pour reconstruire l'État. Le sujet n'est pas d'intervenir militairement mais de soutenir la population et d'aider les Africains. Il y a des attentes fortes de la population. Et il y a urgence. C'est le message que le Président de la République a porté lors de son intervention devant l'Assemblée générale des Nations-Unies.
Comment préparez-vous le sommet de décembre avec les chefs d'État africains consacré à la sécurité ?
Le Premier ministre des Vanuatu a attiré notre attention sur la fermeture de la représentation diplomatique de l'Union européenne dans ce pays francophone. J'aimerais vous interroger sur le sort de notre otage au Niger dont la famille est de mon département.
Que répondre lorsque nous sommes interpellés par des concitoyens d'origine ivoirienne -c'est mon cas en Seine-Saint-Denis- sur l'évolution politique de ce pays ?
Le Premier ministre s'est entretenu avec le Premier ministre des Vanuatu et nous avons alerté les institutions de l'Union européenne sur ce sujet.
Je ne m'exprimerai pas sur la question des otages, sauf pour dire que le Président de la République et moi-même, qui avons reçu personnellement les familles, comprenons la situation très difficile dans laquelle elles sont placées.
En Côte d'Ivoire, la situation s'améliore sur le plan économique mais il reste des tensions en termes politiques et sociaux.
Le sommet de décembre sera consacré à la sécurité du continent africain. De nombreux chefs d'État devraient y participer, pour aboutir à une méthodologie commune permettant d'envisager la prise en charge de leur sécurité par les Africains directement. Mettre en place des forces d'action rapide sous-régionales (pour la CEDEAO par exemple), voire une force d'action africaine, est une idée intéressante qui pourra être débattue. Nous devons approfondir notre dialogue avec les pays africains, tant sur les questions de sécurité que dans la perspective de la conférence de 2015 sur le climat.