C'est un véritable honneur d'être une nouvelle fois invité en tant que représentant de la société civile. L'enquête que le Sénat a menée l'année dernière, notamment, a permis l'élaboration d'un rapport très impressionnant de plus de 1 000 pages. Un projet de loi sera par ailleurs bientôt à l'étude à l'Assemblée nationale. Notre espoir est que des recommandations soient faites, grâce auxquelles la France pourra avancer sans nécessairement attendre un consensus de l'ensemble de ses partenaires au niveau international.
Beaucoup de nos concitoyens ont été très surpris, en ouvrant leur journal cette semaine, d'apprendre que des millions de données tombées dans les mains de journalistes avaient échappé jusqu'à présent aux radars des autorités de contrôle. Pour notre part, nous ne disposions pas de ces données, tout simplement parce que le secret est devenu une industrie, avec ses places fortes. Les montants des fortunes détenues offshore sont difficiles à estimer et sont évalués entre 5 900 milliards de dollars et 32 000 milliards de dollars. La Suisse représenterait environ 28 % de ce marché, suivie de l'Angleterre ainsi que ses satellites et l'Irlande - un quart du marché - puis des Caraïbes et Panama, avec 13 % du marché. Hong Kong et Singapour représenteraient également 13 % de ce marché. Les Etats-Unis et le Luxembourg complètent le tableau.
Selon une étude de Tax Justice Network, réseau international auquel nous appartenons, une poignée de banques - UBS, Crédit Suisse, City Group, SSB, Morgan Stanley, Deutsche Bank, Bank of America, Merrill Lynch, JP Morgan Chase, BNP Paribas, HSBC, Pictet & cie, Goldman Sax, ABN AMRO, Barclays, Crédit Agricole, Julius Baer, Société Générale, Lombard Odier - gérerait entre 62 et 74 % de la fortune privée détenue offshore.
Depuis 25 ans maintenant, la communauté internationale montre du doigt un certain nombre d'Etats récalcitrants ; elle doit continuer à le faire. On ne peut pas tolérer qu'Encore aujourd'hui encore, au sommet européen, des petits Etats parviennent à bloquer des négociations à 27. Mais cela ne suffit pas. Nous considérons dès lors indispensable de s'attaquer aux leaders de cette industrie. Il existe notamment des paradis fiscaux qui bien souvent ne constituent que les terrains d'atterrissage d'une activité menée ailleurs et qui les dépasse largement. Il suffit de voir la densité des banques par paradis fiscal. Ainsi, pour 10 000 habitants, on compte en France 0,1 banque, 2,5 au Luxembourg 13 à Monaco, mais et 45 aux Iles Caïman. ! Cette activité est donc exercée dans certains Etats de façon largement fictive.
Cette industrie du secret est dommageable à la fois pour nos finances publiques, pour celles des pays en voie de développement et pour la cohésion sociale. Nous recommandons donc de la démanteler parce qu'elle est nocive pour la société. En témoigne
Un rapport d'un think tank britannique (A Bit Rich, 2009), la New Economics Foundation qui a essayé de mesurer l'utilité sociale de quelques professions. Il apparaît que pour chaque euro reçu en guise de rémunération, un employé de crèche crée 9 euros de valeur sociale, quand un banquier de la City en détruit 7 et un comptable fiscaliste 47.
Nous avons donc affaire à des professionnels qui se sont structurés, enrichis par la recherche d'évitement de l'impôt et par le contournement des règles qui s'appliquent chez nous. Nous connaissons bien les grands leaders de cette industrie, ils ont pignon sur rue en France et dans les grands pays voisins. Aujourd'hui, nos deux grandes attentes portent sur la transparence et sur la répression de la fraude.