Intervention de Jean Merckaert

Commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre — Réunion du 22 mai 2013 : 1ère réunion
Audition de Mme Mathilde duPré chargée de plaidoyer au comité catholique contre la faim et pour le développement ccfd-terre solidaire coordinatrice de la plate-forme paradis fiscaux et judiciaires ; de Mm. Gérard Gourguechon membre du conseil scientifique de l'association attac et jean merckaert membre du conseil d'administration de l'association sherpa

Jean Merckaert, Membre du conseil d'administration de l'association Sherpa :

Nous serons assez modestes dans nos réponses ; en effet, aucun de nous n'est banquier de profession.

Que font les banques dans les paradis fiscaux ? Elles seules pourraient fournir une réponse précise. Plusieurs motifs clairs apparaissent toutefois. Ainsi, dans certains territoires que nous considérons comme des paradis fiscaux, peut exister une activité de crédit classique et une véritable clientèle de banque. Ensuite, il existe potentiellement des activités pour compte propre de contournement des législations prudentielles. Jean Pierre Jouyet, que j'ai interviewé pour la Revue Projet sur la question de la lutte contre les paradis fiscaux lorsqu'il était à la tête de l'AMF, avait notamment reconnu le manque patent d'avancée sur le sujet. Enfin, il existe aussi, à en croire les banques, un certain nombre d'activités ou de schémas financiers que seuls les paradis fiscaux permettent. Par exemple, les Iles Caïman sont spécialisées dans le leasing et dans les montages financiers pour le secteur aérien - c'est l'une des justifications de BNP-Paribas sur sa présence sur ce territoire. Nous savons également que le Luxembourg permet des montages financiers spécifiques, parfois pour des activités d'intérêt général comme le financement des micro-crédits.

Les moyens de contrôle s'améliorent toutefois de manière importante depuis plus de dix ans, afin de lutter contre le blanchiment de l'argent. Depuis l'affaire du Sentier et après que Monsieur Bouton ait été menacé de se retrouver derrière les barreaux, les équipes dédiées à ces contrôles ont été renforcées ; elles font preuve d'une vigilance accrue quant à la provenance des fonds. Est-ce pour autant satisfaisant ?

Dans les statistiques de Tracfin, qui recueille les déclarations de soupçons, les banques apparaissent comme les bons élèves. En effet, sur 19 000 déclarations de soupçons reçues en 2010 par Tracfin, 13 000 proviennent des banques. Pour autant, depuis la troisième directive anti-blanchiment, les établissements financiers doivent théoriquement effectuer une déclaration lorsqu'elles soupçonnent certains fonds d'être le fruit de la fraude fiscale. Or, les déclarations de soupçons reçues par Tracfin n'ont un motif fiscal que dans 8,6 % des cas (chiffres de 2010), un taux estimé comme faible.

Quels sont les contrôles effectués dans les banques sur l'effectivité des contrôles anti-blanchiment ? Il serait intéressant de poser la question à la Banque de France. Je souhaite par ailleurs revenir sur un exemple sur lequel a travaillé SHERPA ces dernières semaines. Il apparaît notamment que selon un rapport interne à la BNP, la filiale monégasque de BNP-Paribas a reçu entre 2008 et 2011, en provenance de plusieurs pays d'Afrique ainsi que de Madagascar, des milliers de chèques libellés en euros, détournés de leur raison économique à l'insu des autorités de contrôle des changes. Nous pouvons donc imaginer qu'il existe à la base une fraude fiscale. Les personnes qui ont intérêt à rapatrier des fonds sans que les autorités le sachent cherchent peut-être à cacher les bénéfices de leur entreprise. Pour autant, à aucun moment, BNP Paribas-Monaco n'a fait de déclaration de soupçon à Sicfin, équivalent monégasque de Tracfin. Nous voyons bien ici qu'il y a encore des progrès à faire en matière de vigilance sur la provenance des fonds. J'ajouterais que dans cette affaire, la justice monégasque que nous avons alertée dès la mi-avril 2013, n'a pas jugé bon, à ce jour, d'ouvrir une information judiciaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion