Intervention de Mathilde Dupré

Commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre — Réunion du 22 mai 2013 : 1ère réunion
Audition de Mme Mathilde duPré chargée de plaidoyer au comité catholique contre la faim et pour le développement ccfd-terre solidaire coordinatrice de la plate-forme paradis fiscaux et judiciaires ; de Mm. Gérard Gourguechon membre du conseil scientifique de l'association attac et jean merckaert membre du conseil d'administration de l'association sherpa

Mathilde Dupré, (CCFD)-Terre solidaire, coordinatrice de la Plate-forme Paradis fiscaux et judiciaires :

Chargée de plaidoyer au Comité catholique contre la faim et pour le développement, (CCFD)-Terre solidaire, coordinatrice de la Plate-forme Paradis fiscaux et judiciaires. - Il existe plusieurs canaux par lesquels l'aide publique au développement peut être détournée. Aujourd'hui, nous constatons qu'une grande partie de celle accordée par la France passe par le soutien au secteur privé pour encourager la croissance et le dynamisme économique ; dès lors, les règles déterminant les conditions d'accès à des subventions de l'Agence française de développement ou de sa filiale PROPARCO doivent encore être renforcées dans le domaine de la responsabilité fiscale. L'Agence Française de Développement vient tout juste de se doter à ce sujet d'une règle interne stipulant que l'aide ne doit plus transiter par les paradis fiscaux. Aujourd'hui plus de la moitié de l'intervention de PROPARCO passe par des intermédiaires financiers (banques ou fonds d'investissements) localisés notamment dans des centres financiers offshore. La France vient donc d'établir une liste de territoires des centres désormais interdits, à partir d'une compilation de plusieurs listes (celle de l'OCDE utilisée par la Banque centrale, et la liste ETNC française, etc.). Ce texte de mesure a été annoncé hier par le ministre du Développement.

Nous pourrions aussi demander plus de transparence fiscale aux entreprises bénéficiant de ces soutiens et de ces financements publics, afin de s'assurer qu'elles paient effectivement des impôts à la hauteur de leur activité et de la richesse qu'elles créent dans les pays en développement. Nous avons porté cette proposition pendant la campagne présidentielle et législative, mais nous avons du mal à la faire passer. Les liens entre fiscalité et développement constituent des sujets traités par les Nations Unies, l'UE ou l'OCDE sur lesquels la France a été en pointe.

Je n'ai, par ailleurs, pas particulièrement travaillé sur le thème du fonctionnement bancaire en Afrique, je ne me hasarderai donc pas à vous répondre sur ce point.

En termes de points d'amélioration, nombre d'événements sont notables depuis l'année dernière. En quelques mois, les déclarations se sont considérablement accélérées. Parmi les avancées, nous retenons évidemment le reporting par pays qui représente l'aboutissement de dix ans de mobilisation de la société civile. Nous avons entendu les annonces du Président de la République et du Premier ministre sur l'importance de l'étendre à d'autres secteurs d'activité et nous serons bien sûr vigilants sur ces sujets.

Notons également que l'OCDE a ouvert un processus BEPS (Base Erosion and Profit Shifting), relatif aux érosions des assiettes fiscales et aux transferts de profits. Pour la première fois, l'OCDE reconnaît qu'il ne s'agit pas seulement d'un problème spécifique aux pays en développement, en raison de leur administration fiscale qui serait corrompue, mal formée ou mal payée. Un pré-rapport publié en février 2013 détecte en effet un véritable problème avec la fiscalité des entreprises multinationales au niveau mondial, pensée dans les années 1920 et qui n'est plus adaptée à notre époque. Ainsi, aujourd'hui, le contournement de l'impôt est devenu la règle. Les accords qui permettent d'éviter la double imposition aboutissent à ce que les entreprises ne paient plus d'impôt nulle part. En conséquence, tout le monde est perdant, sauf les paradis fiscaux qui attirent des activités artificielles pour enregistrer des profits en réalité générés ailleurs. Sur ces questions, nous commençons à rencontrer un écho favorable. Reste à savoir quelles seront les mesures concrètes retenues.

Nous sommes toutefois un peu inquiets. En effet, au niveau français, à travers les discussions menées avec Bercy, nous sentons une volonté d'agir sur le secteur du numérique, mais pas forcément sur l'ensemble des secteurs d'activité. Je pense pourtant que les mêmes dispositifs prévalent pour Google et les grandes multinationales françaises lorsqu'elles tentent de contourner l'impôt.

En dernière avancée, il apparaît clairement que tout le monde partage désormais ce sentiment qu'il faut développer les échanges automatiques d'informations. Cette contrainte pourrait constituer un nouveau critère d'évaluation des pays dans le Forum fiscal mondial. La liste française des paradis fiscaux pourrait aussi reprendre ce critère-là.

Enfin, concernant le financement du CCFD, il est assuré à hauteur de 9180 % environ par des dons privés individuels, et en partie par un financement public, notamment pour soutenir l'activité de nos partenaires dans des pays africains, asiatiques, et d'Amérique Latine. Nous ne menons pas d'action directe en justice, parce que ce n'est pas notre mandat.

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