Portons-nous plainte sur ces affaires fiscales ? Aujourd'hui, seule la commission fiscale de Bercy a le monopole de la transmission des dossiers fiscaux au Parquet, ce qui pose une vraie question. En matière de corruption le problème était similaire. Il existait notamment un monopole de l'action publique, réservée à l'Etat, jusqu'à ce qu'un arrêt de la Cour de Cassation du 9 novembre 2010 (dans l'affaire dite des biens mal acquis) estime que des associations anti-corruption pouvaient engager l'action publique.
Il est important, concernant ces affaires de fraude fiscale, de ne pas compter uniquement sur l'administration fiscale pour déclencher l'action judiciaire. Aujourd'hui, il existe environ un millier de condamnations pénales dans des dossiers fiscaux. Pour autant, une soixantaine seulement aboutit à des peines de prison. Je m'interroge quant à moi sur le nombre d'intermédiaires condamnés chaque année.
Qu'est-ce qui a changé aujourd'hui ? Nous entendons le Premier ministre britannique déclarer qu'il n'est plus acceptable d'avoir une structure juridique au monde dont on ne connaisse pas le propriétaire. Sans doute y a-t-il une part d'hypocrisie importante dans ce propos sachant la prospérité que le Royaume-Uni doit au trust mais faisons-lui confianceprenons-le au mot ! Si le Luxembourg, la Suisse et l'Autriche, pour leur part, résistent à céder sur l'échange automatique d'information, c'est qu'ils ont peur que le marché parte au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. Ce serait une grande hypocrisie si le G8 ne s'achevait pas avec l'engagement de chacun des Etats à disposer d'un registre public des trusts. Les banques jouent un rôle important dans ce contrat à trois que constitue le trust.
Concernant les moyens d'investigation, nous sommes une petite équipe ; nous n'avons pas mené d'investigation approfondie au sein des banques. En revanche, j'ai trouvé très intéressante l'annonce de l'autorité allemande des marchés financiers (la BaFin) relative à la mise en place d'inspections au sein des banques sur leurs activités dans les paradis fiscaux, notamment l'activité de gestion de patrimoine. Si les autorités allemandes le font, rien n'empêchera le les autorités françaises de les `imiter !
Quant aux moyens de l'administration fiscale, depuis des années, nous constatons une réduction assez sévère des postes de vérificateurs. Pourtant, selon les chiffres du syndicat des impôts, chaque vérificateur rapporterait environ 2,3 millions d'euros. Même si on peut penser que ce syndicat est un peu juge et partie, le renforcement des équipes pourrait s'avérer très rentable.
Dernier point, que peut-on faire au niveau français ? Depuis le début de l'Offshore Leaks, et avec l'affaire Cahuzac, le gouvernement semble renvoyer le problème au niveau européen. Je n'ai entendu aucun argument qui justifierait de ne pas mettre en place la loi Fatca en France. Les Etats-Unis l'ont fait, pourquoi la France ne pourrait-elle pas le faire également ? L'échanges d'informations au niveau international est intéressant, mais un échange franco-français semble également une piste intéressante. Par exemple, si l'on en croit les déclarations d'Antoine Peillon sur l'affaire UBS, la DCRI elle-même non seulement n'aurait pas transmis les informations à l'administration fiscale mais les aurait détruites pour ne pas qu'elles lui parviennent.
Concernant le financement de SHERPA, nous sommes une petite équipe et nous recevons des fonds de la part de fondations allemandes, françaises, américaines ou africaines. Moi-même je suis bénévole.