L'échec peut être partiel, mais seule une opération sur deux, en moyenne, donne lieu à la création d'un champion important, qui porte haut ses couleurs dans la compétition mondiale.
Quant aux manipulations de cours, je n'ai pas souvenir d'en avoir vu passer devant l'AMF. Il y en a bien eu quelques-unes, mais il s'agissait de manipulations mineures. Elles ne sont pas nombreuses. Toutes les opérations de salles de marché étant enregistrées, on peut ensuite retrouver ce qui s'est dit. Cela permet, en cas de manipulation, d'en poursuivre les auteurs. Je n'en ai pas vécu beaucoup, mais les plus sournoises, les plus importantes, sont les opérations comme celles qui ont eu lieu sur le Libor. Quasiment invisibles, elles portent sur des masses gigantesques, représentant des montants énormes.
Par ailleurs, l'Etat, quand il organise une privatisation ou une nationalisation, fait toujours appel aux banquiers d'affaires. L'un se trouve du côté du groupe, l'autre du côté de l'Etat.
L'Etat fait concourir les banquiers. J'ai concouru plusieurs fois, comparaissant devant une équipe de hauts fonctionnaires, qui m'ont torturé pour savoir si ma banque aurait les compétences nécessaires pour conseiller l'Etat. J'ai été choisi dans deux ou trois cas. J'ai gagné un concours sur sept ou huit. Je n'ai rien à dire sur la façon dont ce choix s'effectue. Les gens en face de moi étaient des gens que je ne connaissais pratiquement pas. Il n'y avait pas de conflit d'intérêts. Les questions posées étaient en général assez judicieuses. J'espère n'avoir pas été trop mauvais.
S'agissant des banques japonaises, le Japon vit depuis dix ans dans une crise provoquée par son système bancaire. Auparavant avait eu lieu la crise de certains autres pays d'Asie du Sud-Est -Corée du Sud, Malaisie, Indonésie. Il faut surveiller les banques comme le lait sur le feu. La vigilance de la commission bancaire et des nouveaux organismes qui se sont créés depuis doit être totale. C'est absolument essentiel, la crise bancaire étant vraiment la mère de crises capitales de toute nature. Les Japonais, dont l'économie stagne pour ces raisons, en savent quelque chose !
Un mot de l'euro. Abaisser de moins de 10 % le taux de notre monnaie ferait gagner plus d'un point de croissance à toutes les économies de la zone, ce qui prouve bien que l'euro joue un rôle énorme dans la solution de nos problèmes actuels. Nous avons plusieurs problèmes. Le premier est celui de la situation de la zone euro, à laquelle nous appartenons, face au reste du monde, d'où l'intérêt de faire baisser notre monnaie. Le second problème est celui de pouvoir cohabiter avec l'Allemagne et de nous confronter économiquement à elle.
Nous sommes actuellement dans la zone mark, telle que les Allemands l'imaginent et peuvent la supporter, compte tenu de leur économie. Nous n'avons plus la possibilité d'avoir une monnaie qui s'adapte à l'état de notre économie. Un ouvrage collectif, auquel j'avais participé avant la création de l'euro, conseillait, en substance, de vérifier que la convergence économique des nations soit suffisante pour que celles-ci n'aient pas à souffrir un jour de l'euro, au travers d'évolutions divergentes. Cet ouvrage estimait alors que ce jour-là, il serait trop tard, sauf à sortir de l'euro. Nous n'en sommes pas là, et je ne pense d'ailleurs pas que nous sortirons. Quelques-uns de mes amis le pensent, mais je ne le crois pas. Toutefois, si l'euro baissait de 10 %, 1,5 point de croissance en plus serait le bienvenu !
Cependant, on ne baisse pas l'euro ainsi. Le cours des monnaies relève, à chaque instant, de la loi de l'offre et de la demande. Or, sur le marché où s'échangent ces monnaies, la loi de l'offre et de la demande est liée à des phénomènes comme le taux à court terme. Pour lors, comme le disait le général de Gaulle : « On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en criant : « L'Europe ! L'Europe ! L'Europe ! », mais cela ne mène à rien ». Seuls les taux d'intérêt de l'euro, comparés aux taux d'intérêt des autres monnaies fortes -dollar essentiellement - peuvent y parvenir !
Si notre taux d'intérêt est beaucoup plus faible que celui du dollar, l'euro peut baisser ; si notre taux d'intérêt est plus attractif, les gens achèteront de l'euro et le feront monter. Tout le reste n'est qu'incantation, mais sans résultat.
Les conflits d'intérêts sont par ailleurs un domaine essentiel. Goldman Sachs nous l'a prouvé de façon aveuglante ! C'est un sujet sur lequel les régulateurs doivent veiller. Il faut interdire tout transfert d'informations d'un département bancaire à un autre. Cela conduit à évoquer le problème de la séparation entre les activités de banque d'affaires et de banques de dépôt...