Intervention de Maxime Lombardini

Commission des affaires économiques — Réunion du 21 mai 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Maxime Lombardini directeur général d'iliad

Maxime Lombardini, directeur général d'Illiad :

Je structurerai mon propos en cinq points qui, je l'espère, répondront aux différentes problématiques que vous avez évoquées, Monsieur le Président.

Premièrement, quelles sont les grandes tendances du marché des télécommunications et de l'internet ? Tout d'abord, l'intégration entre le fixe et le mobile, débutée en 2008, s'est confirmée et continue de générer des rapprochements entre opérateurs. Cette tendance légitime également la demande de licence mobile, à l'instar de la démarche de notre société dès 2007. Ce rapprochement obéit à l'impératif technique d'assurer, via des réseaux communs, les communications, qu'elles soient fixes ou mobiles. L'exigence d'une telle convergence transparaît dans les dernières opérations industrielles, comme l'acquisition par Vodafone du plus important opérateur de câble Outre-Rhin et de l'unique cablo-opérateur en Espagne.

Le poids grandissant des grandes plateformes américaines doit également être noté parmi les tendances fortes du marché. Proposant des produits de qualité, souvent gratuits pour l'utilisateur, elles captent une part importante de la valeur et acquièrent, en continu, des données. Bénéficiant du soutien tacite du gouvernement américain, ces plateformes s'intègrent progressivement dans notre paysage numérique, à l'instar de Netflix qui prévoit d'arriver en fin d'année. N'oublions pas que Google représente, à lui tout seul, quelque 96 % des recherches sur le réseau internet et entraîne un usage croissant de la bande passante. Cette société est aujourd'hui la première régie publicitaire en France, devant TF1. Netflix est quant à lui appelé à concurrencer fortement les chaînes de télévision dont Canal+, avec toutes les conséquences que l'on peut entrevoir en matière de financement du cinéma français. Les succès de ces deux grands groupes ne sont d'ailleurs pas les seuls : Amazon, par exemple, a réussi à apporter un très bon service, notamment en matière de livraison, prenant de vitesse les acteurs locaux. De telles réussites s'opèrent en suscitant le désir chez les consommateurs et en s'appuyant sur un vide réglementaire !

Le marché des télécommunications est assez largement concentré en Europe : près de 70 % du chiffre d'affaires du secteur sont assurés par quatre grands opérateurs. L'absence d'opérateurs paneuropéens est sans doute due à la carence de réglementation communautaire dans ce secteur. Chaque État attribue ses fréquences et calibre sa réglementation. Le modèle américain nous paraît cependant contre-productif : avec trois opérateurs nationaux, mais une myriade de petits opérateurs dont certains ne dépassent pas l'échelle d'un État, le réseau proposé aux utilisateurs s'avère de qualité très médiocre et les tarifs sont extrêmement élevés. Les deux opérateurs Verizon et AT&T arrivent à maintenir ces prix parce qu'ils ont capté quasiment l'ensemble des fréquences. Je ne pense pas que ce soit le modèle que nous souhaitons en France.

J'en viens, en deuxième lieu, à la position de Free sur le marché des télécoms. Les grandes lignes de la stratégie de notre société n'ont guère évolué ces quinze dernières années : il s'agit de proposer aux consommateurs des offres simples, telles que dans le mobile avec seulement deux forfaits mensuels (2 ou 20 euros). Deux ans après notre arrivée dans ce secteur, nous disposons au total de près de neuf millions d'abonnés. Notre groupe, qui a dégagé un chiffre d'affaires proche de 4 milliards d'euros, est celui qui investit le plus en valeur relative. Jusqu'à la moitié du chiffre d'affaires a pu être consacrée à l'investissement ces dernières années. Le taux d'investissement est aujourd'hui de l'ordre de 25 %, bien au-dessus de la moyenne du secteur.

Dans quels secteurs notre société investit-elle ? Tout d'abord, dans le déploiement de ses réseaux, notamment le réseau mobile qui couvre pour le moment 65 % de la population et qui en desservira 75 % en janvier 2015. Notre investissement dans les réseaux est le moyen pour nous d'être leader en matière d'innovation et d'être rentable. C'est d'ailleurs ce qu'il s'est passé sur le marché de l'Adsl ou seuls les trois opérateurs qui ont investi dans les réseaux sont présents aujourd'hui.

Troisièmement, nous nous inscrivons en faux contre ceux, comme récemment encore le rapport de l'Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe (IDATE), qui dressent un paysage noir du secteur des télécoms en France. Au contraire, de nombreux éléments plaident en faveur de l'avance française dans le secteur numérique : la bonne culture des ménages français dans ce domaine, avec près de 80 % de taux d'équipement en triple play, soit un niveau supérieur aux Allemands, aux Espagnols et aux Italiens et identique aux Anglais ; d'excellents réseaux fixes et mobile, un démarrage très rapide de la 4G sans doute dû à notre présence comme quatrième opérateur. Rappelez-vous combien de temps il a fallu pour lancer la 3G du temps de l'oligopole...

Les opérateurs historiques, contrairement à ce qu'ils indiquent souvent, dégagent les cash-flow nécessaires au financement de leurs investissements : SFR parvient même à atteindre un milliard d'euros de bénéfices et Bouygues Telecom, qui doit désormais investir massivement dans le fixe, dispose d'une trésorerie couvrant l'ensemble de ses investissements.

L'approche française en matière de réseau de fibre optique jusqu'au domicile (FTTH) nous paraît singulière : l'objectif ambitieux, annoncé par le précédent président de la République et confirmé par son successeur, de couvrir l'essentiel du territoire d'ici à 2022, nous paraît irréaliste. Il nous semble, en revanche, préférable d'adopter un timing plus raisonnable et de jouer de la complémentarité des technologies. Il faut bien sûr déployer le FTTH, mais aussi moderniser le réseau cuivre existant en complémentarité avec celui de la fibre optique.

S'agissant de la consolidation, qui constituera mon quatrième point, le rapprochement en cours entre Numericable et SFR devrait avoir un impact sur le plan du très haut débit et entraîner la concentration des efforts d'investissement de tous les acteurs sur la zone dense là où le câble est déjà déployé.

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