Intervention de Vincent Peillon

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 27 mars 2013 : 3ème réunion
Refondation de l'école de la république — Audition de M. Vincent Peillon ministre de l'éducation nationale

Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale :

Les débats sur l'école sont porteurs de contradictions. Chacun souhaite attribuer à l'école l'enseignement de telle ou telle nouvelle matière, tout en déplorant les rythmes scolaires trop lourds. D'autres ambiguïtés demeurent s'agissant de l'accueil des enfants handicapés ou de l'enseignement des langues régionales. Nous devons répondre à ces demandes tout en préservant la capacité de l'école à accomplir ses missions essentielles.

Madame Cartron, le rapport annexe aborde la question des parents. Des associations de parents d'élèves souhaitent accroître le rôle des parents en matière d'orientation. Dans le même temps, certains rapports soulignent la nécessité de protéger les professeurs contre les parents, ou déplorent leur manque d'autorité. En ce domaine, l'action des parents n'est pas univoque : certains parents, de milieux sociaux modestes, dans un mécanisme d'intériorisation et de reproduction, témoignent d'un manque d'ambition à l'égard de leurs enfants, à la différence parfois des enseignants. L'inverse peut être vrai.

Il est difficile, de surcroît, de gérer les flux scolaires en cédant aux souhaits des parents, idée certes généreuse, car chacun risque de vouloir la même chose. L'instauration d'un parcours d'orientation et d'information résout cette difficulté. Il existe des grandes inégalités sociales : certains milieux sont démunis pour guider et offrir un aperçu exact des filières professionnelles et des débouchés. Le système ne comble pas cette lacune, comme en témoigne le décalage entre les représentations des élèves à l'égard des métiers et la réalité. Dans un lycée de centre-ville, les parents sont conviés à présenter leur métier. Il en va différemment dans d'autres lycées. Tous les enfants doivent avoir accès à cette connaissance. Inutile de rallumer la guerre scolaire en retirant cette mission d'orientation aux enseignants, revendication d'une association de parents d'élèves. Nous procéderons néanmoins à une expérimentation à la rentrée pour apprécier si ce système produit les effets pervers attendus ou contribue à mieux réguler les attentes des parents.

Sur l'accueil des enfants handicapés, nous nous inscrivons dans la continuité de la loi de 2005, et des dispositions ont été ajoutées, comme sur l'école inclusive. Un amendement parlementaire sur les prescriptions des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) a fait polémique à l'Assemblée nationale. La situation est complexe. Des postes seront ouverts dans le cadre du plan autisme à venir. Certaines écoles maternelles seront dotées de plateformes d'accueil adaptées et de personnels spécialisés. Si la France fait ce choix, alors l'éducation nationale doit recevoir les moyens d'accueillir ces enfants dignement. Les bonnes intentions doivent s'appuyer sur un budget : comment former les auxiliaires de vie scolaire ? Quelles perspectives leur donner ? Même les spécialistes débattent de l'école inclusive. Je soutiens cette idée, mais tel n'est pas le métier premier des enseignants. Certains textes envisagés attribuaient aux professeurs des responsabilités médicales. Quelle responsabilité ! Depuis la loi Handicap de 2005, un effort a été fait mais nous manquons d'auxiliaires de vie scolaire.

Nous devons faire preuve de responsabilité dans ce débat. L'école sera confrontée à de fortes attentes, à commencer par celles, poignantes et parfois empreintes de colère, des familles concernées. Certaines associations réclament un suivi individuel permanent. La charge en incombera aux collectivités locales. J'ai organisé un réseau des coordinateurs dans nos académies. Madame Férat, la coordinatrice de la Marne m'a alerté sur les difficultés à répondre aux demandes. La demande sociale excède nos capacités de réponse.

Un rapport demandé à Mmes Carlotti et Pau-Langevin paraîtra bientôt. Nous devrons en tirer les conséquences. Donnons-nous les moyens de nos choix. Tout le monde s'accorde avec des trémolos dans la voix à réclamer une meilleure prise en charge, peu seront d'accord pour en acquitter le prix, dans un contexte budgétaire contraint.

Sur les langues régionales, des avancées sont là. Un article 27 bis a été introduit à l'Assemblée nationale. Depuis vingt ans, leur enseignement a progressé, quoique de manière inégale selon les régions. Le nombre de postes au Capes sera relevé ; elles feront l'objet d'une sensibilisation en maternelle au même titre que les autres langues ; l'information sera meilleure. Certains amendements se sont révélés anticonstitutionnels. L'avis des parents est tout de même nécessaire ! D'autres avancées peuvent concerner les moyens ou les coefficients des épreuves.

Monsieur Legendre, j'ai des réserves à afficher des objectifs, à plus forte raison quand on ne peut pas les atteindre, car cela entraîne des découragements. Mes objectifs sont classiques, à l'exception de cet indicateur judicieux sur la diminution des écarts entre les élèves de zones sensibles et les autres.

Que faire de ceux qui n'atteignent pas ces objectifs ? Telle est, en effet, la question fondamentale de tout système éducatif. Nous nous sommes fixés l'objectif ambitieux de diminuer les sorties sans qualification de 20 000 à la prochaine rentrée ; c'est plus que l'Europe à l'horizon de 2020.

Les plateformes de suivi et d'appui aux décrocheurs se sont révélées utiles, permettant de repérer les élèves sur le point de décrocher. Nous développons une offre à leur attention, en lien avec les régions ou l'Onisep.

En ce qui concerne l'enseignement des langues étrangères, notre mot d'ordre est évidemment la pluralité. Le choix des parents, toutefois, se porte dans 90 % des cas sur l'anglais.

Ce texte n'a pas vocation à traiter tous les sujets. Le lycée professionnel fera l'objet d'une réforme à venir. Avant de réformer, il faut évaluer ce qui existe, et créer le consensus. J'ai reçu les principaux acteurs : ce consensus n'existe pas encore sur la réforme du lycée, ni sur celle du lycée professionnel.

Vous avez évoqué le lycée agricole : j'étais hier dans l'un d'entre eux, en Seine-et-Marne, avec le ministre de l'agriculture. En France, nous avons longtemps cru qu'il fallait séparer les élèves pour qu'ils réussissent, à tous les niveaux. On ne cesse de critiquer l'individualisme et de réclamer de l'individualisation sans y voir de contradiction. Or, j'ai vu dans cet établissement un internat qui réunit des formations professionnelles et des filières générales. Stupéfaction de voir cohabiter des jeunes des quartiers difficiles en formation horticole et des jeunes de Terminale scientifique, tous réunis par la République et partageant des moments de vie ! Nous avons d'excellents lycées professionnels : leur réputation de filière de rebut n'est pas justifiée. Nous contribuons sans le vouloir à véhiculer l'idée que la culture générale, l'une des rares choses que l'éducation nationale exporte, n'a rien à y faire, alors que les entreprises ne cessent de réclamer des salariés sachant parler et rédiger correctement, et connaissant éventuellement plusieurs langues étrangères. Nous avons une grande ambition en la matière. Il ne s'agit pas de rafistolage.

Les régions contribuent au service public. Elles seront impliquées davantage dans la définition de l'offre de formation professionnelle, avec l'État, qui conserve la maîtrise des moyens. Les partenaires doivent mieux se respecter.

Madame Bouchoux, vos questions sont très générales. Comment changer les valeurs et les représentations de notre système éducatif ? À l'issue de la concertation, on n'a eu de cesse de parler d'école de la confiance et de la bienveillance. Force est de constater qu'il y a aujourd'hui une forte défiance, y compris entre les personnels de l'éducation nationale eux-mêmes. D'aucuns parlent, par exemple, d'inculquer l'esprit d'entreprise à l'école : s'il s'agit d'initiative, de coopération, de responsabilité, j'y suis évidemment favorable.

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