Intervention de Gérard Mestrallet

Commission des affaires économiques — Réunion du 2 juillet 2014 : 1ère réunion
Transition énergétique — Audition de M. Gérard Mestrallet président-directeur général de gdf suez

Gérard Mestrallet, président-directeur général de GDF SUEZ :

Concernant le rôle du gaz dans la transition énergétique, certains y voient une énergie propre et lui attribuent une large place, tandis que d'autres le limitent à une énergie de transition pendant les quarante années à venir. Je constate que les réserves de gaz sont abondantes et qu'il s'agit du moyen le plus rapide, à l'échelle du globe, pour remplacer le charbon et réduire ainsi les émissions de CO2. C'est le cas aux États-Unis qui, par le simple effet du marché, ont vu leurs émissions baisser.

S'il est important de réduire les émissions de gaz à effet de serre, il convient de souligner la différence de situation entre les différents carburants fossiles. En effet, le gaz, contrairement au pétrole et au charbon, n'émet pas de particules et ne contribue donc pas à la pollution de l'air qui constitue un problème majeur dans nos villes à cause du diesel, ainsi qu'en Chine en raison de l'utilisation massive de charbon. De plus, le gaz peut être d'origine renouvelable sous la forme du biogaz. Il constituera enfin une offre de secours indispensable lors des périodes de non-production des énergies renouvelables intermittentes.

L'objectif de porter à 80 % la part du gaz d'origine renouvelable dans les réseaux en 2050 paraît ainsi atteignable, mais il faut surtout fixer des objectifs intermédiaires, tels que 5 % en 2020 et 10 % en 2030. Ces objectifs devraient être inscrits dans la loi.

Il est nécessaire de faire une loi, car il s'agit d'une question d'intérêt général. Sans une réglementation spécifique, la transition n'aurait pas lieu aussi vite. Ainsi, la diminution spectaculaire des coûts du solaire photovoltaïque n'aurait peut-être pas eu lieu sans l'attribution de subventions au démarrage, même si le niveau de celles-ci a été très élevé en Europe. Le développement a été moins rapide en France que dans d'autres pays, mais c'est peut-être le résultat de la lourdeur administrative des processus.

La politique allemande a échoué et les pouvoirs publics le reconnaissent. Comme l'a recommandé la Commission européenne, l'Allemagne a décidé de mettre fin aux tarifs d'achat de l'électricité, qui représentent un coût de 25 milliards d'euros par an pendant vingt ans, soit un coût supérieur à celui de la réunification.

Nous conduisons des recherches sur la biomasse, mais pas sur les biocarburants. Le biométhane offre un complément de revenu très utile à l'agriculture française et notamment à l'élevage. Nous sommes engagés dans les recherches sur les hydroliennes et nous avons répondu, en association avec Alstom, à l'appel à projets lancé par l'État sur le raz Blanchard.

Le stockage est un enjeu essentiel pour la sécurité d'approvisionnement. Aux sites de stockage, il faut y ajouter les canalisations elles-mêmes, ainsi que notre flotte de méthaniers. Il y a toutefois un débat avec les pouvoirs publics pour renforcer les obligations de stockage. Il serait intéressant, en Allemagne, de transformer en gaz l'électricité produite de manière surabondante au nord pour l'acheminer, par les réseaux de gaz déjà existants, vers le sud du pays.

Concernant l'emploi, nous avons parfois des difficultés à trouver des spécialistes dans certains métiers, notamment des femmes.

Le gaz de schiste a eu pour effet de porter à deux siècles les réserves mondiales de gaz, qui n'étaient que de soixante ans avec les gaz conventionnels. Nous ne sommes pas producteurs de gaz de schiste, mais nous avons acheté des licences en Grande-Bretagne. Nous portons également notre attention sur l'Allemagne, la Pologne, le Brésil, l'Algérie, la Chine. Nous avons décidé, avec un partenaire américain, de construire une usine de liquéfaction en Louisiane ; le gaz produit sera exporté plutôt vers l'Asie, car c'est là que se situe la principale demande aujourd'hui.

Concernant le nucléaire, la Belgique a décidé en 2003 que les centrales nucléaires s'arrêteraient après quarante ans de fonctionnement. Comme cela allait poser des difficultés pour la sécurité d'approvisionnement, nous avons négocié par la suite un allongement à cinquante ans de la durée de vie de ces réacteurs ; en contrepartie, nous devions verser 250 millions d'euros par an au budget de l'État. Ce compromis n'a toutefois pas pu passer au niveau législatif avec les difficultés qu'a connues la Belgique pour constituer un gouvernement. Actuellement, la nouvelle coalition a prévu que deux des trois réacteurs qui arriveront à l'âge de quarante ans l'an prochain seront fermés et que le troisième verra sa vie prolongée à cinquante ans. Enfin, la Belgique importera bien sûr de l'électricité d'origine nucléaire, car les électrons n'affichent pas leur origine une fois qu'ils sont injectés dans le réseau.

Nous avons surtout besoin de visibilité, aussi bien dans le secteur nucléaire que pour le marché du carbone. Il faudrait par exemple connaître les objectifs de réduction des émissions de CO2, ainsi que les modalités d'évolution du nombre de certificats en fonction de la croissance économique.

Je vous remercie d'avoir évoqué notre initiative Terr'innov : elle a pour objet d'aider les collectivités territoriales de tous niveaux, et jusqu'aux États, à élaborer leur stratégie énergétique.

Les coûts de production des énergies d'origine renouvelable ont en effet baissé, mais ils ne comprennent pas le coût causé par leur caractère intermittent. A l'inverse, la production nucléaire est de plus en plus chère, mais elle présente une bonne visibilité sur la production à long terme d'une centrale, car les variations du prix de l'uranium ne constituent qu'une composante limitée du coût total. Le coût de production de l'électricité à partir du gaz et du charbon dépend, lui, de l'évolution des prix de ces ressources, ainsi que du prix du CO2 : ce dernier se répercute directement dans le prix de l'électricité produite pour le charbon, de sorte qu'un prix élevé du CO2 pourrait éliminer le recours à celui-ci.

Les industries électro-intensives allemandes, traditionnellement favorisées par le gouvernement, bénéficient aujourd'hui d'une électricité moins chère que leurs homologues françaises. Je suis solidaire de ces industriels qui, en France, demandent un traitement privilégié : le projet de loi fait un premier pas en prévoyant un régime spécifique du tarif de transport pour ces industriels. Nous préconisons également la mise en place de marchés de capacité afin de garantir le financement des unités de production de pointe, tels que celui qui va être mis en place en France, mais ils devraient être coordonnés au niveau européen. Les risques de délocalisation liés au prix de l'énergie sont considérables : les États-Unis disposent aujourd'hui de la plus grande compétitivité énergétique.

L'Europe de l'énergie doit être construite. L'énergie devrait être un thème central pour la nouvelle Commission européenne et le nouveau Parlement européen, en prenant en compte notamment la précarité énergétique ainsi que le renforcement des infrastructures.

S'agissant du bâtiment, nous avons proposé dans le débat national sur la transition énergétique la mise en place d'un passeport énergétique, qui a été retenu sous une autre forme dans le projet de loi : il s'agit de réaliser des diagnostics et des recommandations énergétiques pour les habitants dont les logements consomment beaucoup d'énergie. Je suis également d'accord pour souligner l'importance de la pédagogie dans la mise en place des réseaux intelligents : les habitants doivent apprendre à utiliser les données produites et il faudra donc qu'ils aient accès aux informations produites par le compteur.

Enfin, concernant l'hydrogène, nous en produisons mais nous n'avons pas prévu de mettre en place des réseaux de distribution.

La réunion est levée à 12 h 30 .

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