Commission des affaires économiques

Réunion du 2 juillet 2014 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 10 h 30.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je suis heureux d'accueillir le président-directeur général de GDF Suez pour une audition qui s'inscrit dans un cycle de réunions consacré à la transition énergétique et aux enjeux du futur projet de loi dont nous aurons à débattre à la rentrée. Après avoir reçu les principaux opérateurs du secteur, je rappelle que nous organisons le 9 juillet une table ronde sur les enjeux des industries électrointensives au regard de la transition énergétique.

Peut-être pourriez-vous dans votre propos liminaire, Monsieur le Président-directeur général, resituer votre groupe à travers quelques chiffres, un aperçu de ses différents métiers et les sujets d'actualité qui le concernent, comme l'éolien en mer, votre projet nucléaire en Angleterre ou encore l'impact de la révision de la loi allemande sur les énergies renouvelables ?

Nous souhaiterions également recueillir vos observations sur les points particuliers suivants :

- tout d'abord, le renouvellement des concessions hydrauliques pour lesquelles le Gouvernement propose la constitution de sociétés d'économie mixte à majorité publique ; je me demande, à ce sujet, si ce processus aboutira à créer des entités se rapprochant de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et je me félicite en tous cas de l'accord quasi unanime ayant abouti à créer un nouvel outil à gouvernance publique grâce à la toute récente loi du 1er juillet 2014 permettant la création de sociétés d'économie mixte à opération unique (Semop) ;

- ensuite, les solutions pour pallier le caractère intermittent des énergies renouvelables : faut-il mettre plus particulièrement l'accent sur les centrales au gaz couplées au parc éolien ou sur les recherches destinées à améliorer le stockage de l'électricité ?

- enfin, quelle place attribuez-vous au nucléaire dans le mix énergétique en France et en Europe et avec quelle technologie ? Je regrette le retard pris par la France dans le domaine des réacteurs de quatrième génération - à neutrons rapides - qui facilitent le traitement des déchets.

Enfin, quelles sont vos prévisions en matière d'approvisionnement en gaz, compte tenu des tensions entre l'Ukraine et la Russie ?

Debut de section - Permalien
Gérard Mestrallet, président-directeur général de GDF SUEZ

Merci pour votre accueil.

Je vous présenterai d'abord brièvement GDF Suez, qui, dans sa configuration actuelle, est un acteur relativement récent dans le paysage énergétique international et procède de la décision du groupe bancaire Suez de se tourner vers les activités industrielles. Notre groupe est aujourd'hui concentré, à peu près à parts égales, sur trois activités : le gaz, l'électricité et les services à l'énergie. Le groupe rassemble 150 000 salariés dans l'énergie et 80 000 dans l'environnement avec un chiffre d'affaires qui avoisine 80 milliards d'euros. Premier mondial par sa capitalisation dans le secteur des « utilities » que sont l'électricité et le gaz, GDF Suez conserve une présence importante en France, avec 75 000 salariés dans l'énergie. Il est le premier recruteur du CAC 40 avec 10 000 embauches annuelles, et un plan de recrutement de 45 000 personnes au cours des cinq prochaines années, dont les deux tiers en CDI. Nos investissements en France s'établissent en moyenne à 3 milliards d'euros par an sur un total de 9 à 10 au niveau mondial. On peut noter, s'agissant du poids relatif des effectifs et des investissements localisés en France que nos services à l'énergie, assez peu capitalistiques mais riches en emplois et en croissance, sont très présents en France.

Notre stratégie se décompose en deux grands volets : être, d'une part, l'énergéticien de référence dans les pays émergents et, d'autre part, leader de la transition énergétique en Europe.

Le premier axe consiste à poursuivre une stratégie définie depuis 15 ans, en nous appuyant sur deux piliers. Le premier est la production indépendante d'électricité. Dans ce domaine, nous avons construit une position de leader mondial et sommes particulièrement présents au Brésil, au Chili ou au Pérou, au Moyen-Orient où nous occupons la première place, à Singapour, en Indonésie, en Thaïlande et en Chine. Nous avons construit en 15 ans des capacités qui avoisinent au total celle du parc nucléaire français.

Le second pilier est celui du gaz, en particulier naturel liquéfié : nous y occupons la troisième place mondiale, Gaz de France ayant été un pionnier dans ce domaine avec le gaz algérien. Le centre de gravité traditionnellement localisé dans le bassin atlantique est en train de se déplacer vers l'Asie où la demande est la plus forte. Nous construisons également aux Etats-Unis une entité de liquéfaction du gaz de schiste afin que celui-ci puisse être exporté.

Notre conseil d'administration vient de décider de compléter ce développement réussi en l'élargissant désormais aux infrastructures gazières et aux services d'efficacité énergétique sur lesquels nous avons des positions fortes, essentiellement en Europe.

En France et en Europe, notre ambition est d'être leader de la transition énergétique, ce qui implique de tenir compte des transformations majeures en cours. Le monde énergétique ancien, hérité des monopoles, était structuré techniquement autour de grandes centrales thermiques, nucléaires, à gaz ou au charbon, articulées avec de grosses lignes à haute tension. Ces installations subsistent mais nous sommes en train de migrer vers un monde énergétique nouveau, à la fois, décarbonné, décentralisé, connecté, digitalisé et miniaturisé. Les échelles de grandeur changent : l'unité de mesure, pour les centrales que j'évoquais est le millier de mégawatts ; pour les éoliennes c'est quelques mégawatts soit mille fois moins, et, pour les panneaux solaires, il faut encore diviser ces mégawatts par mille. On a donc diminué d'un facteur d'un million la dimension des unités de production d'électricité, ce qui les rend plus accessibles aux consommateurs, les rapproche des territoires et légitime la volonté des collectivités territoriales de s'impliquer dans les stratégies énergétiques.

Nous avons pris acte de ces changements, qui amènent plusieurs nouvelles orientations pour notre groupe. Tout d'abord, nous conservons les anciennes centrales qui représentent environ 40 000 mégawatts - ou 40 gigawatts (un gigawatt correspondant à la capacité d'une centrale nucléaire), dont un quart en France, un quart en Belgique, où nous gérons sept centrales nucléaires et le solde dans le reste de l'Europe. Je fais observer que les centrales classiques sont à présent marginalisées : GDF SUEZ a fermé plus de 10 gigawatts de centrales à gaz en Europe (sur un total de 50 fermés en Europe en prenant en compte tous les opérateurs) et ces entités ont été massivement dépréciées dans nos comptes à la fin de 2013.

Dans un contexte de décroissance de la consommation d'énergie, les services d'efficacité énergétique sont, en revanche, une activité en progression d'environ 2,5 %.

La transition énergétique comporte, pour GDF-Suez, trois principaux volets. Il s'agit, tout d'abord, de l'énergie renouvelable, qui ne se limite pas à l'électricité renouvelable, laquelle ne représente que moins de 20 % du total. Dans ce domaine, GDF Suez est cependant numéro un dans l'éolien terrestre, il investit dans des opérations d'éolien offshore, et est également présent dans le solaire photovoltaïque ainsi que dans le solaire à concentration. La chaleur renouvelable est ensuite un segment très important : nous sommes leader européen dans l'utilisation de la biomasse et très présents dans la géothermie à haute température, par exemple en Indonésie, ainsi que dans la géothermie dite douce, à Paris ou à Bruxelles. Je signale au passage que la chaleur se stocke plus facilement que l'électricité. Enfin, nous sommes très favorables au développement du gaz renouvelable - biogaz ou bio-méthane - et nous nous engageons très fortement dans la méthanisation en France ; nous avons d'ailleurs signé plusieurs accords avec les organisations et institutions agricoles sur ce point. En France, il nous semble qu'un seuil de 10 % - voire 20 % en étant très volontariste - de bio-méthane à l'horizon 2030 devrait figurer dans la loi sur la transition énergétique. Nous produirions ainsi 10 % du gaz que nous consommons.

GDF Suez est également leader en matière d'efficacité énergétique, qui est le deuxième pilier de notre stratégie de transition énergétique, et nous employons 90 000 personnes, essentiellement en Europe, avec une présence encore modeste aux Etats-Unis ainsi que dans les pays émergents qui constituent des marchés d'avenir.

Enfin, nous développons le volet digital. Nous allons, par exemple, installer des compteurs communicants chez tous les consommateurs d'ici une dizaine d'années. J'ajoute que les technologies numériques et énergétiques sont en train de converger et vont à terme transformer le paysage.

Nous avons ainsi une stratégie de leadership qui se réoriente vers la transition énergétique, particulièrement en Europe.

Je répondrai dès à présent aux questions posées par le Président Daniel Raoul.

S'agissant des appels d'offres sur les concessions hydroélectriques, nous sommes bien entendu favorables à l'ouverture de la concurrence car le marché français de la production d'électricité est aujourd'hui très concentré. Or nous estimons avoir un rôle à jouer dans le potentiel d'expansion en France de cette activité : nous construisons d'ores et déjà des grands barrages, par exemple au Brésil, et institutionnellement, nous avons expérimenté un schéma - similaire à celui de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) - dans lequel nous avons 49 % du capital, les autres 51 % étant détenus par la Caisse des dépôts et consignations et les collectivités publiques. Je souligne ici la nécessité de règles équitables. Or, aujourd'hui, elles ne le sont pas suffisamment puisque la CNR est la seule à payer une redevance sur son chiffre d'affaires (24 % sur chacun de ses 17 barrages). En revanche, les opérateurs, comme EDF, détenant d'autres barrages ne sont pas soumis à une telle charge. Cette distorsion de concurrence mérite, à notre sens, d'être corrigée. Il conviendrait, dans le même esprit, d'accorder à la CNR une durée de concession de 75 ans à partir de la mise en place des barrages.

En ce qui concerne votre deuxième question, l'intermittence des énergies renouvelables suscite effectivement de très grandes difficultés dont on ne mesure pas toute l'ampleur en France et en tous cas moins qu'en Allemagne où les ENR représentent 70 gigawatts, c'est-à-dire dix fois plus que dans notre pays.

Cette intermittence fait planer un grave risque de sécurité de l'approvisionnement en Europe. En effet, le meilleur complément aux ENR intermittentes est le gaz, en raison de sa flexibilité - le recours au charbon, certes utilisé en Allemagne, étant, pour sa part, moins conforme aux normes environnementales bien que son prix soit attractif - grâce aux exportations américaines. Or techniquement, un bon système énergétique est celui qui combine une production de base complétée par des énergies renouvelables, elles-mêmes complétées par des centrales fonctionnant de façon flexible et à la commande quand il n'y a ni vent, ni soleil.

Enfin le stockage, à l'heure actuelle, n'est pas en mesure de répondre au défi de l'intermittence. Nous travaillons cependant au développement de petites entités de batteries et surtout sur un mécanisme de « Power to gas», c'est-à-dire le stockage de l'électricité excédentaire grâce à sa transformation en hydrogène. Nous expérimentons ce procédé à Dunkerque en mélangeant l'hydrogène avec du gaz naturel pour faire fonctionner des autobus et distribuer de l'énergie dans un éco-quartier. L'étape suivante consiste à produire du méthane (CH4), ce qui est un système vertueux qui détruit du gaz carbonique, mais s'accompagne d'une certaine perte énergétique.

Le nucléaire a sa place dans le mix énergétique, à condition qu'il soit à un niveau maximal de sûreté. Il représente chez nous un peu moins de 10 % de la production totale, contre un peu moins de 15 % dans le monde. Nous avons sept centrales nucléaires, avec une capacité totale de 6 GW, c'est-à-dire entre 4 et 4,5 % de notre parc installé en puissance.

Sur nos sept centrales en Belgique, deux seront arrêtées l'année prochaine, conformément à la loi, car elles atteindront 40 ans d'existence. Mais par accord avec le gouvernement, une sera prolongée à 50 ans, après un investissement de 600 millions d'euros.

Nous avons de vrais savoir-faire d'exploitant, d'ingénieriste ... Nous avons participé à deux projets internationaux : l'un en Turquie, avec le Japon, où nous l'avons emporté sur les Coréens et les Chinois, pour quatre centrales de réacteurs de 1 100 MW chacun, d'un modèle que j'avais proposé - sans être suivi - d'implanter dans la vallée du Rhône ; l'autre en Grande-Bretagne, pour trois centrales.

La recherche sur les réacteurs de quatrième génération, qui permettent de mieux détruire les déchets, doit être poursuivie ; cela prendra du temps avant d'aboutir à la production d'électricité.

La crise russo-ukrainienne, s'agissant de nos approvisionnements énergétiques, ne nous préoccupe pas outre mesure, sauf en cas d'extension du conflit à l'Europe. La Russie a un intérêt vital à nous vendre son gaz : sa situation économique et financière n'est pas très bonne ; 70 % de ses exportations sont constituées d'hydrocarbure, notamment de gaz ; l'Europe est de très loin son premier acheteur ... Les Russes vendront du gaz aux Chinois, entend-on dire ; mais il leur faudrait d'abord faire 80 milliards d'investissements ! Et ce sont des productions situées dans l'Est de la Russie. Nous considérons donc cette dernière comme un partenaire très fiable depuis une trentaine d'années, avec une seule interruption de son fait, en 2009, lors du conflit avec l'Ukraine ; depuis, une deuxième canalisation a été construite, le Nord Stream, dont nous sommes actionnaires, qui relie directement la Russie à l'Allemagne par le fond de la mer Baltique.

En outre, des capacités alternatives voient le jour : le gaz d'Azerbaïdjan, qui passera par le Sud de l'Europe et la Turquie, qui représente d'énormes réserves ; le gaz liquéfié, qui pourra venir du monde entier ... Aujourd'hui, il est attiré par l'Asie, où les prix sont deux fois plus élevés qu'en Europe ; mais les productions supplémentaires attendues de par le monde - aux États-Unis notamment, par l'intermédiaire entre autres d'opérateurs européens - devraient venir rééquilibrer un marché particulièrement abondant.

Des solutions de diversification seront la base de la sécurité d'approvisionnement. J'ajoute qu'en 2009, lorsque l'approvisionnement en gaz russe a été interrompu, nous étions au coeur d'un hiver très rigoureux, et aucun consommateur français, ni belge, n'a manqué de gaz. Le gaz russe représente 17 % de nos contrats à long terme, et moins de 15 % de nos approvisionnements globaux ; grâce au stockage, au gaz venant de Norvège et au gaz liquéfié, nous avons su y faire face. Certains pays, comme l'Allemagne ou l'Italie, sont certes plus dépendants de la Russie ; mais encore une fois, il faut bien distinguer la crise actuelle entre la Russie et l'Ukraine d'une crise potentielle entre la Russie et l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

L'objectif de réduction de 30 % de la consommation d'énergie fossile à l'horizon 2030 doit-il s'appliquer de façon différenciée selon les énergies considérées ? Je pense notamment au gaz, qui présente des atouts environnementaux le distinguant des autres énergies fossiles.

On parle de plus en plus des nouvelles filières d'avenir. Le gaz peut profiter de leur développement : méthanisation, gazéification de biomasse ligneuse, production d'hydrogène par électrolyse ou de méthane de synthèse ... En 2050, le gaz pourrait compter jusqu'à 100 % d'énergie renouvelable : cela vous semble-t-il réalisable, et à quelles conditions cet objectif pourrait être atteint ?

Vous n'avez pas évoqué, Monsieur le Président, les biocarburants de deuxième et troisième génération, fabriqués à partir de la lignocellulose et de microalgues ; envisagez-vous de réaliser des recherches en ce domaine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Merci Monsieur le Président pour votre exposé, très complet et intéressant.

Vous avez évoqué la transition énergétique : est-ce nécessaire de recourir à une loi pour l'organiser, alors que ce sont les entreprises qui en sont les acteurs ?

Vous avez insisté sur la sécurité d'approvisionnement : où en êtes-vous des stockages, et des méthaniers, qui y participent ?

La question du biométhane, que vous avez abordée, me paraît essentielle, notamment dans nos territoires ruraux.

En matière de gaz de schiste, quelles initiatives avez-vous prises ? J'ai cru comprendre que cela ne figurait pas dans vos priorités ...

Enfin, lorsque vous donnez comme objectif à l'Europe d'être leader de la transition énergétique, êtes-vous prêts à convaincre l'Allemagne de changer complètement de politique en ce domaine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Merci pour votre très intéressant propos Monsieur le Président.

Vous avez dit vouloir créer 45 000 postes dans les années à venir ; éprouvez-vous des difficultés de recrutement ?

Dans le domaine de la recherche, investissez-vous dans l'hydraulique, énergie renouvelable qui ne pose pas de problèmes de stockage ?

Est-il selon vous réaliste de réduire à 50 % la part du nucléaire d'ici 2025 ? Cela peut-il porter atteinte à l'indépendance énergétique de la France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je peux témoigner de l'implication de GDF Suez et des collectivités sur le territoire vendéen, car l'un des deux projets que votre groupe a remporté concerne les deux îles, Noirmoutier et L'Île-d'Yeu. Notre plan départemental nous fixe un objectif de 50 % d'énergies renouvelables d'ici dix ans. Nous allons l'atteindre. Grâce à vos technologies, mais aussi aux expérimentations des collectivités, nous avons inauguré la première unité de fabrication de biogaz dans le Grand Ouest avec le ministre Stéphane Le Foll il y a quinze jours. Je compte bien, à terme, faire circuler les transports scolaires avec ce type d'énergie.

Les collectivités sont d'extraordinaires sources de production d'énergie renouvelables ; elles nous permettront d'exploiter au mieux la croissance verte. Nous comptons sur vous pour que nos PME, par l'intermédiaire de la sous-traitance, puissent profiter de vos travaux sur la plateforme d'éoliennes offshore vendéenne.

Les énergies renouvelables sont régulièrement critiquées pour leur coût. Or, celui-ci baisse constamment, quand celui de l'énergie nucléaire ne cesse d'augmenter. À quel horizon voyez-vous les deux courbes se croiser ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Lors d'un déplacement récent à Maule avec l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), j'ai appris que la Belgique allait renoncer à terme au nucléaire ; renoncent-ils, plus précisément, à l'électricité d'origine nucléaire ?

De même que si la France renonce au gaz de schiste, renonce-t-elle également à utiliser du gaz de schiste provenant de pays tiers ?

Vous êtes très « allant » sur la transition énergétique. Mais vous n'êtes pas sans savoir ce qui se passe en Allemagne à ce propos. L'OPECST va d'ailleurs organiser une audition sur ce sujet le 18 septembre, à laquelle vous serez invité Monsieur le Président.

Vous n'avez pas abordé le coût de l'électricité, et le fait que nos concitoyens sont incapables de réellement le supporter. A contrario, en Allemagne, les consommateurs paient l'électricité plus cher qu'ils ne devraient pour subventionner les industriels, ce qui devrait d'ailleurs susciter des procès.

La sécurité d'approvisionnement est un sujet important. La commission des affaires économiques a rédigé un rapport, en 2006, sur ce thème. L'intermittence pose un réel problème : l'éolien doit être relayé par d'autres sources d'énergie - du gaz - les deux-tiers du temps.

Que se passe-t-il donc en Allemagne ? 1 000 milliards d'euros ont été dépensés, et l'on court à la catastrophe. Les producteurs d'électricité se ruinent, brûlent du charbon provenant des États-Unis ... Quel est l'intérêt de cette stratégie pour l'environnement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

En parlant tout à l'heure de la CNR, Monsieur le Président, vous avez suscité l'émotion d'un élu de la région Rhône-Alpes, qui est actionnaire de cette société. L'hydraulicité y a fait venir beaucoup d'industries, à une époque où le coût de l'énergie était bas. Représentant 100 000 emplois, dans une filière qui en compte au total 400 000 à 600 000, elles disparaissent cependant les unes après les autres du fait du prix trop élevé de l'énergie désormais.

Incidemment, en parlant de la loi sur la nouvelle organisation du marché de l'énergie (NOME), je fais un rapprochement avec le rapport de mon collègue Bruno Sido évoquant l'effacement, repris dans le texte. Aujourd'hui plus rien ne nous manque sur le plan législatif : nous avons, outre cette loi, la loi « Brottes ». En 2013, nous avons mobilisé le moins le marché capacitaire, à hauteur d'un peu moins de 50 millions d'euros. Cela à un moment où tous les pays intensifient leurs investissements dans l'effacement, afin de pourvoir aux besoins de l'industrie et à l'équilibre des réseaux. Les États-Unis, notamment, sont dans ce domaine depuis au moins quinze ans et doivent effacer pour au moins 15 % de leurs capacités.

Nous disposons d'une énergie surabondante 7 à 8 mois de l'année, voire gratuite parfois, mais certains de nos industriels quittent notre pays car ils ne peuvent s'approvisionner à un prix satisfaisant. Le prix de 30 euros est aujourd'hui considéré comme un prix de référence sur le marché international pour investir ; je crois que c'est le prix auquel vous parvenez dans un rapport sur le prix de l'énergie, dans lequel vous estimez que le nucléaire aurait pu être valorisé à ce niveau. Les rapports Gallois, Lauvergeon ... disent l'importance de pouvoir mobiliser l'énergie au profit de l'industrie. Ne pensez-vous pas que nous sommes en mesure d'établir un nouveau modèle permettant d'assurer la transition énergétique, à même notamment d'offrir aux industriels une énergie à bas coût ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Merci Monsieur le Président d'avoir souligné l'incohérence de certains pays européens en matière énergétique. Vous avez dénoncé, à cet égard, les conséquences de l'intermittence provoquée par l'engagement brutal de l'Allemagne vers les énergies renouvelables après la catastrophe de Fukushima. Lorsque l'on voit les investissements américains dans le gaz de schiste, il est à craindre une deuxième vague de délocalisations vers les États-Unis, après une première vers l'Asie due au coût du travail horaire.

Avez-vous résolu les dégâts occasionnés sur les réseaux électriques des pays voisins par l'afflux de courant d'Allemagne du Nord ? Quelle serait votre vision idéale de l'Europe de l'énergie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

On réfléchit encore trop souvent sur les modèles énergétiques anciens : que proposez-vous pour passer réellement au modèle énergétique de demain ? S'agissant des services, comment pouvez-vous agir pour réduire la consommation dans le bâtiment ? On nous propose d'ailleurs des réseaux intelligents, mais la pédagogie est essentielle : que faire lorsque, comme c'est souvent le cas pour le gaz, le compteur est situé en dehors du logement ? Je souhaiterais enfin connaître vos actions dans le domaine de l'hydrogène, ainsi que votre opinion sur la nécessité éventuelle de développer les interconnexions internationales pour le transport du gaz.

Debut de section - Permalien
Gérard Mestrallet, président-directeur général de GDF SUEZ

Concernant le rôle du gaz dans la transition énergétique, certains y voient une énergie propre et lui attribuent une large place, tandis que d'autres le limitent à une énergie de transition pendant les quarante années à venir. Je constate que les réserves de gaz sont abondantes et qu'il s'agit du moyen le plus rapide, à l'échelle du globe, pour remplacer le charbon et réduire ainsi les émissions de CO2. C'est le cas aux États-Unis qui, par le simple effet du marché, ont vu leurs émissions baisser.

S'il est important de réduire les émissions de gaz à effet de serre, il convient de souligner la différence de situation entre les différents carburants fossiles. En effet, le gaz, contrairement au pétrole et au charbon, n'émet pas de particules et ne contribue donc pas à la pollution de l'air qui constitue un problème majeur dans nos villes à cause du diesel, ainsi qu'en Chine en raison de l'utilisation massive de charbon. De plus, le gaz peut être d'origine renouvelable sous la forme du biogaz. Il constituera enfin une offre de secours indispensable lors des périodes de non-production des énergies renouvelables intermittentes.

L'objectif de porter à 80 % la part du gaz d'origine renouvelable dans les réseaux en 2050 paraît ainsi atteignable, mais il faut surtout fixer des objectifs intermédiaires, tels que 5 % en 2020 et 10 % en 2030. Ces objectifs devraient être inscrits dans la loi.

Il est nécessaire de faire une loi, car il s'agit d'une question d'intérêt général. Sans une réglementation spécifique, la transition n'aurait pas lieu aussi vite. Ainsi, la diminution spectaculaire des coûts du solaire photovoltaïque n'aurait peut-être pas eu lieu sans l'attribution de subventions au démarrage, même si le niveau de celles-ci a été très élevé en Europe. Le développement a été moins rapide en France que dans d'autres pays, mais c'est peut-être le résultat de la lourdeur administrative des processus.

La politique allemande a échoué et les pouvoirs publics le reconnaissent. Comme l'a recommandé la Commission européenne, l'Allemagne a décidé de mettre fin aux tarifs d'achat de l'électricité, qui représentent un coût de 25 milliards d'euros par an pendant vingt ans, soit un coût supérieur à celui de la réunification.

Nous conduisons des recherches sur la biomasse, mais pas sur les biocarburants. Le biométhane offre un complément de revenu très utile à l'agriculture française et notamment à l'élevage. Nous sommes engagés dans les recherches sur les hydroliennes et nous avons répondu, en association avec Alstom, à l'appel à projets lancé par l'État sur le raz Blanchard.

Le stockage est un enjeu essentiel pour la sécurité d'approvisionnement. Aux sites de stockage, il faut y ajouter les canalisations elles-mêmes, ainsi que notre flotte de méthaniers. Il y a toutefois un débat avec les pouvoirs publics pour renforcer les obligations de stockage. Il serait intéressant, en Allemagne, de transformer en gaz l'électricité produite de manière surabondante au nord pour l'acheminer, par les réseaux de gaz déjà existants, vers le sud du pays.

Concernant l'emploi, nous avons parfois des difficultés à trouver des spécialistes dans certains métiers, notamment des femmes.

Le gaz de schiste a eu pour effet de porter à deux siècles les réserves mondiales de gaz, qui n'étaient que de soixante ans avec les gaz conventionnels. Nous ne sommes pas producteurs de gaz de schiste, mais nous avons acheté des licences en Grande-Bretagne. Nous portons également notre attention sur l'Allemagne, la Pologne, le Brésil, l'Algérie, la Chine. Nous avons décidé, avec un partenaire américain, de construire une usine de liquéfaction en Louisiane ; le gaz produit sera exporté plutôt vers l'Asie, car c'est là que se situe la principale demande aujourd'hui.

Concernant le nucléaire, la Belgique a décidé en 2003 que les centrales nucléaires s'arrêteraient après quarante ans de fonctionnement. Comme cela allait poser des difficultés pour la sécurité d'approvisionnement, nous avons négocié par la suite un allongement à cinquante ans de la durée de vie de ces réacteurs ; en contrepartie, nous devions verser 250 millions d'euros par an au budget de l'État. Ce compromis n'a toutefois pas pu passer au niveau législatif avec les difficultés qu'a connues la Belgique pour constituer un gouvernement. Actuellement, la nouvelle coalition a prévu que deux des trois réacteurs qui arriveront à l'âge de quarante ans l'an prochain seront fermés et que le troisième verra sa vie prolongée à cinquante ans. Enfin, la Belgique importera bien sûr de l'électricité d'origine nucléaire, car les électrons n'affichent pas leur origine une fois qu'ils sont injectés dans le réseau.

Nous avons surtout besoin de visibilité, aussi bien dans le secteur nucléaire que pour le marché du carbone. Il faudrait par exemple connaître les objectifs de réduction des émissions de CO2, ainsi que les modalités d'évolution du nombre de certificats en fonction de la croissance économique.

Je vous remercie d'avoir évoqué notre initiative Terr'innov : elle a pour objet d'aider les collectivités territoriales de tous niveaux, et jusqu'aux États, à élaborer leur stratégie énergétique.

Les coûts de production des énergies d'origine renouvelable ont en effet baissé, mais ils ne comprennent pas le coût causé par leur caractère intermittent. A l'inverse, la production nucléaire est de plus en plus chère, mais elle présente une bonne visibilité sur la production à long terme d'une centrale, car les variations du prix de l'uranium ne constituent qu'une composante limitée du coût total. Le coût de production de l'électricité à partir du gaz et du charbon dépend, lui, de l'évolution des prix de ces ressources, ainsi que du prix du CO2 : ce dernier se répercute directement dans le prix de l'électricité produite pour le charbon, de sorte qu'un prix élevé du CO2 pourrait éliminer le recours à celui-ci.

Les industries électro-intensives allemandes, traditionnellement favorisées par le gouvernement, bénéficient aujourd'hui d'une électricité moins chère que leurs homologues françaises. Je suis solidaire de ces industriels qui, en France, demandent un traitement privilégié : le projet de loi fait un premier pas en prévoyant un régime spécifique du tarif de transport pour ces industriels. Nous préconisons également la mise en place de marchés de capacité afin de garantir le financement des unités de production de pointe, tels que celui qui va être mis en place en France, mais ils devraient être coordonnés au niveau européen. Les risques de délocalisation liés au prix de l'énergie sont considérables : les États-Unis disposent aujourd'hui de la plus grande compétitivité énergétique.

L'Europe de l'énergie doit être construite. L'énergie devrait être un thème central pour la nouvelle Commission européenne et le nouveau Parlement européen, en prenant en compte notamment la précarité énergétique ainsi que le renforcement des infrastructures.

S'agissant du bâtiment, nous avons proposé dans le débat national sur la transition énergétique la mise en place d'un passeport énergétique, qui a été retenu sous une autre forme dans le projet de loi : il s'agit de réaliser des diagnostics et des recommandations énergétiques pour les habitants dont les logements consomment beaucoup d'énergie. Je suis également d'accord pour souligner l'importance de la pédagogie dans la mise en place des réseaux intelligents : les habitants doivent apprendre à utiliser les données produites et il faudra donc qu'ils aient accès aux informations produites par le compteur.

Enfin, concernant l'hydrogène, nous en produisons mais nous n'avons pas prévu de mettre en place des réseaux de distribution.

La réunion est levée à 12 h 30 .

La réunion est ouverte à 14 h 40.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui, madame la ministre, pour votre première audition devant notre commission en tant que ministre du logement et de l'égalité des territoires. Vous avez tout récemment présenté un plan d'actions de relance de la construction de logements. Notre commission a beaucoup travaillé au cours des deux dernières années sur ce sujet majeur pour nos concitoyens. Je signale que notre collègue Dilain, président de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), est présent pour vous entendre. Nous avons notamment examiné une loi de mobilisation du foncier public et de renforcement des obligations de construction de logement social. Soit dit en passant, je m'étonne que l'on ne puisse mobiliser les sommes qui dorment à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et qui sont théoriquement affectés au logement. Je l'avais proposé à Jean-Pierre Jouyet à une époque où il dirigeait la CDC. Je comprends l'attitude de France Domaines, relativement aux prix de cession ; utiliser ces fonds pour débloquer du foncier de l'État ou de certains de ses satellites aurait le double avantage de permettre des opérations immobilières et d'accroître les recettes de l'État.

Nous avons également examiné la loi habilitant le gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction. Enfin, nous avons voté la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur). Quel avenir pour la garantie universelle des loyers (GUL) ? Notre commission avait constitué, entre les deux lectures, un groupe de travail sur cette question, que j'ai eu l'honneur de présider et dont notre collègue le président Jacques Mézard était le rapporteur, et qui avait conclu au caractère indispensable de cet outil pour faciliter l'accès au parc privé.

J'en viens à votre plan de relance de la construction de logements. Nous nous réjouissons de votre volonté de favoriser l'accession à la propriété, en panne depuis plusieurs années. Marie-Noëlle Lienemann, rapporteure pour avis sur les crédits de la mission « Égalite des territoires et logement » a appelé à une réforme du PTZ que vous engagez aujourd'hui. Nous nous réjouissons également que notre collègue Thierry Repentin préside la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier, instance chargée de piloter la mobilisation du foncier public. Pour autant, je ne peux vous cacher notre relative déception quant aux décrets d'application de la loi de mobilisation du foncier public qui ont limité à 30 % le montant de la décote pour les terrains de Réseau Ferré de France (RFF), bien loin de ce que souhaitait le législateur, et singulièrement notre rapporteur, Claude Bérit-Débat. J'espère donc que vos mesures renforceront l'efficacité du dispositif.

S'agissant du financement de ce plan de relance, j'attire enfin votre attention sur les inquiétudes de partenaires comme Action Logement : pour eux, les prélèvements supplémentaires envisagés par l'État fragilisent leur équilibre financier et remettent en cause la construction de logements sociaux. Qu'en est-il exactement ?

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires

Vous connaissez tous la situation actuelle : une baisse de plus de 8 % des mises en chantiers sur les douze derniers mois et une réduction de 20 % du nombre des permis de construire. Nous devons d'urgence relancer la construction afin de créer des emplois, résorber le déficit de logements et leur inadéquation aux besoins. Nous voulons offrir des logements variés pour fluidifier les parcours résidentiels.

Nous encouragerons la rénovation énergétique, dans l'intérêt des TPE et les PME et pour améliorer le pouvoir d'achat des ménages. Les mesures que j'ai présentées la semaine dernière redonneront confiance aux professionnels et relanceront la construction. Mes quatre priorités s'inscrivent dans la continuité des mesures annoncées par le président de la République en mars 2013, avec le plan d'investissement pour le logement et le plan de rénovation énergétique de l'habitat.

Ma première priorité est de favoriser l'accession à la propriété, en renforçant l'efficacité du financement de l'accession, notamment du prêt à taux zéro (PTZ). Il sera élargi aux zones un peu moins tendues ; les primo-accédants seront éligibles en plus grand nombre. Le nombre de PTZ passerait ainsi de 44 000 à 70 000, soit une augmentation de plus de 60 %, grâce aussi au relèvement de la part du montant de l'achat pris en compte, à l'élargissement du plafond de revenu et à l'allongement du différé de remboursement. Nous allons également ouvrir le PTZ aux logements anciens dans certains territoires ruraux : il sera conditionné à des travaux de rénovation, ce qui complètera le programme de revitalisation des centre-bourgs que j'ai lancé.

Ma deuxième priorité consiste à simplifier les règles de construction pour abaisser les coûts. Avec les professionnels, nous avons défini 50 mesures de simplification, concernant des règlementations aussi variées que l'accessibilité, les ascenseurs, les normes sismiques ou électriques. Les décrets et arrêtés seront pris dans les mois à venir. Ces mesures complètent l'ordonnance relative à la reconstruction de la ville sur la ville, qui encourage la construction en évitant l'étalement urbain et en respectant l'architecture propre à chaque ville. Les professionnels pourront à tout moment nous signaler les blocages ou faire des propositions de simplification sur un site Internet dédié. J'installerai en juillet le Conseil supérieur de la construction, réunissant l'ensemble des professionnels, qui évaluera l'impact économique de toute nouvelle règle.

Pour renforcer l'innovation, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) lancera un appel à manifestation d'intérêt (AMI) pour développer de nouvelles solutions en faveur de la rénovation énergétique. Des plateformes de l'innovation pour le bâtiment seront créées, comme l'a fait l'Alsace avec le centre scientifique et technique du bâtiment. J'ai nommé M. Bertrand Delcambre ambassadeur du numérique dans le bâtiment pour diffuser les innovations dans le secteur et pour faciliter le travail collaboratif entre professions.

Il convient également d'accélérer et de moderniser les procédures d'aménagement et d'urbanisme, pour réduire les délais : trois ordonnances ont été prises en 2013 pour limiter les recours malveillants, favoriser la reconstruction de la ville sur la ville et raccourcir certains délais de procédure. Ces ordonnances ont été bien accueillies par les acteurs de la construction et par les collectivités.

Un projet de loi d'habilitation va modifier les modalités de participation du public aux décisions d'urbanisme et plafonner, pour certaines catégories de logement comme les résidences étudiantes ou sociales, les obligations de places de stationnement imposées par les PLU.

Troisième priorité : le soutien de l'État à la construction de logements sociaux et une nouvelle offre de logements intermédiaires en zones très tendues. S'agissant du logement social, un pacte d'objectifs et de moyens, pour la mise en oeuvre du plan d'investissement pour le logement, a été signé le 8 juillet 2013 par l'État et le mouvement HLM. Le gouvernement y favorise la production de logements sociaux en abaissant à 5,5 % le taux de TVA pour la construction et la rénovation des logements sociaux, en réduisant le taux de l'éco-prêt pour financer les réhabilitations, en relevant le plafond du livret A et en renforçant l'obligation de production de logements sociaux dans les communes. Ces signaux étaient nécessaires pour faire face à l'urgence sociale des demandeurs (1,7 million de personnes en attente) et pour relancer les projets de construction après les dernières élections municipales. Nous avons mis en place un suivi opérationnel, via les préfets, pour suivre la progression des projets sociaux.

Nous évaluerons les efforts de rattrapage des communes, à l'occasion des bilans triennaux de l'application de la loi SRU. Le gouvernement fera preuve de vigilance et de fermeté face à celles qui n'auront pas rempli leurs obligations de solidarité. Nous voulons aussi accompagner les élus qui rencontrent des difficultés pour réaliser des équipements structurants lorsque leur population augmente.

Nous avons lancé le deuxième appel à projets pour les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) destinés aux ménages très modestes et financés par les pénalités versées par les communes déficitaires. Concernant la gestion locative, nous avons proposé au mouvement HLM la signature d'un accord d'engagement sur la qualité de service dans le parc social : ces mesures touchent à la vie concrète des habitants. L'accord sera décliné au niveau territorial.

Nous développerons une offre de logements intermédiaires dans les zones très tendues, car les loyers du parc social et ceux du parc privé sont trop éloignés. Un prochain projet de loi prévoira notamment la possibilité d'augmenter dans les documents d'urbanisme la constructibilité en cas de réalisation de logements intermédiaires. Nous réviserons aussi le zonage de l'investissement locatif, notamment dans les métropoles comme Lille, Lyon ou Marseille. Nous inciterons les investisseurs à poursuivre la location au-delà de neuf ans en contrepartie d'une réduction d'impôt supplémentaire.

Ma quatrième priorité est de renforcer la mobilisation du foncier public. Souvent, des terrains libres ne sont pas utilisés parce qu'ils sont pollués ou encombrés, ce qui impose des travaux de libération et d'aménagement. Sur 300 sites représentants près de 8 millions de mètres carrés, trop peu ont trouvé preneurs. Les projets de construction ou d'aménagement prennent trop de temps. Un nouvel élan est nécessaire pour améliorer l'efficacité de cet outil et éviter les injonctions contradictoires, qui placent les préfets en difficulté face à des opérateurs de l'État ou à des ministères qui souhaitent obtenir le meilleur prix. Thierry Repentin, à la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier, suivra les projets ciblés par les préfets, pour lever les blocages ; il proposera également des améliorations réglementaires. Le gouvernement s'attache à créer un environnement juridique stable, afin de restaurer la confiance des acteurs.

C'est dans le même état d'esprit que nous mettons en oeuvre la loi Alur, qui exige plus de 200 mesures d'applications, regroupées dans une centaine de décrets. Nous avons dû établir des priorités. Ainsi, nous travaillons sur l'encadrement des honoraires de locations, le décret sera publié à la rentrée. La création du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière nous offrira une instance de concertation avec les professionnels et les consommateurs. Je travaille aussi avec Christiane Taubira sur l'encadrement des activités de syndic. L'encadrement des loyers sera mis en oeuvre avant la fin 2014 pour l'agglomération parisienne, plus tard dans les autres agglomérations, car il faut attendre l'homologation puis l'installation des observatoires des loyers.

Le coût de la GUL sera de 400 à 500 millions d'euros en année pleine. Le gouvernement est en train d'expertiser le dossier pour voir comment le financement en sera assuré : cette question fait partie de la concertation que nous menons avec Action Logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Vous avez évoqué les délais dus aux normes.

Un seul exemple : pourquoi sommes-nous obligés de mettre toutes les chambres des cités universitaires aux normes handicapés ? Aux Pays-Bas, seuls les rez-de-chaussée sont aux normes et prioritairement réservés aux handicapés.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Non ! Nous pouvons donner satisfaction aux associations sans augmenter le coût de la construction de 20 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

La situation est alarmante. Je vous félicite d'avoir pris des mesures dont certaines sont d'application immédiate - et négociées avec les professionnels. On observe un frein nouveau : le refus de maires nouvellement élus de mener à bien les programmes immobiliers de leurs prédécesseurs. Ne dit-on pas, du reste, « maire bâtisseur, maire battu » ? Vous allez sanctionner, mais aussi aider ceux qui veulent construire des logements ou des équipements publics. Je m'en réjouis. Sur certains territoires, le décalage entre l'offre et la demande est énorme.

Vos déclarations touchant la loi Alur ont mis fin aux rumeurs sur sa mise en oeuvre. Quels sont les décrets, après ceux que vous avez cités, sur lesquels vous travaillerez en priorité ? Certains accusent cette loi d'avoir fait chuter les permis de construire, mais elle n'est même pas encore entrée en application !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Comme vous, je souhaite que la construction de logements reprenne du dynamisme, puisque l'objectif de 500 000 n'a pas été atteint : seulement 300 000 constructions en 2013. La simplification est indispensable. Les normes tuent le bâtiment. Un exemple : le stockage de la terre, très compliqué. Les sites de stockage sont si rares dans les Deux-Sèvres que de nombreux projets - je pense à une maison de retraite par exemple - sont arrêtés. J'ai voté le Grenelle de l'environnement. Mais j'avoue que je n'en avais pas perçu toutes les conséquences ! Vous annoncez 50 mesures de simplification : quid du désamiantage ? À titre d'exemple, la colle à moquette contenant des soupçons d'amiante cela coûte une fortune de l'enlever. Il faut aussi s'attaquer à ce genre de choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Je remercie Mme la ministre de prendre des mesures pragmatiques pour relancer la construction de logements. Les simplifications sont indispensables. Nous subissons aujourd'hui le syndrome de l'entonnoir : des normes individuellement justifiées bloquent tout lorsqu'elles sont additionnées. Un document unique serait nécessaire pour recenser les diverses normes applicables. En outre, il faciliterait le calcul du coût final des opérations.

Aujourd'hui, Action Logement alerte les parlementaires : dans un premier temps, le gouvernement lui avait demandé de mobiliser 3 milliards d'euros pour construire des logements. En retour, l'État cessait de prélever 1,5 milliard par an sur ses fonds à partir de 2015. Or, le prélèvement aura bien lieu jusqu'en 2018. Si nous ne trouvons pas comment résoudre cette équation, Action Logement ne pourra plus assumer sa mission de construction.

Comment sécuriser les ressources financières de l'Anah qui dépendent des quotas carbone ? Présidente d'une agglomération ayant pris la compétence logement, j'ai déjà consommé l'intégralité de l'enveloppe Anah. Comment faire ? L'agence, qui fait un travail formidable, doit disposer de ressources supplémentaires. Les objectifs fixés par l'État en matière de constructions de logements sociaux ne cadrent pas avec les enveloppes qui nous sont attribuées.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Nous rencontrons un immense problème d'amiante dans les HLM, notamment lorsqu'il s'agit de rénover des immeubles en présence des locataires. Les inspecteurs du travail arrêtent souvent les chantiers car ils considèrent que les salariés sont exposés à l'amiante. Cela sème la confusion, et la rénovation thermique s'en trouve extrêmement ralentie. Dès que le mot amiante est prononcé, l'inquiétude gagne les habitants. Transparence, travail collectif et plan amiante dans le bâtiment sont indispensables.

Je vous félicite pour vos mesures en faveur de l'accession à la propriété : si les banques jouent le jeu, les différés de PTZ devraient rendre possibles des opérations d'accession sociale jusqu'à présent bloquées par le plafond de prêt.

Merci aussi pour votre politique en matière de normes : désormais, nous disposerons d'un guide concret, lisible et compréhensible. Non, Claude Dilain, les maires bâtisseurs ne sont pas systématiquement battus. J'en connais beaucoup qui n'ont rien construit et qui n'ont pas été réélus !

À moyen terme, nous devrons nous attaquer à la rente foncière, handicap majeur pour notre économie ; la fiscalité foncière devra être revue, mais comme cela ne semble pas être la priorité, je préfère parler de mobilisation du foncier à court terme. En Île-de-France ou en région Paca, l'État doit prendre ses responsabilités et il conviendrait de décréter des opérations d'intérêt national (OIN) multi-sites, notamment sur les terrains détenus par un établissement public foncier (EPF) : dans ce cas, nul besoin de permis de construire ni d'autorisation du maire. On pourrait agir plus vite. Qu'en pensez-vous ? Si le gouvernement s'y refuse, les délais de construction vont encore aggraver la crise du logement.

Autour des gares du Grand Paris, des contrats de développement territorial (CDT) ont été prévu et des prévisions de constructions de logement arrêtées. Or, les CDT que le préfet signe sont 20 à 30 % en-dessous des prévisions tandis que le nombre de bureaux est supérieur à ce qui était prévu. Pourquoi ? Il faudra revenir sur ces décisions préfectorales.

Valérie Létard a eu raison d'attirer votre attention sur Action Logement. Les acteurs du 1 % se sentent floués. La loi Alur avait sanctuarisé le 1 % et supprimé le prélèvement. Or, Bercy, comme à son habitude, est revenu sur sa parole. Ce qui confirme qu'il ne faut jamais croire Bercy. Le mensonge y est permanent. Au-delà, je préfèrerais qu'Action Logement arrête de capitaliser de l'argent dans les entreprises sociales pour l'habitat (ESH) et qu'elle le consacre plutôt à construire des HLM. L'État est fondé à le rappeler.

Quelles sont vos intentions sur le 1 % ? Il devrait être géré de façon totalement paritaire. Ce n'est pas le cas : deux-tiers des sièges aux entreprises et au patronat, un tiers aux syndicats. Le paritarisme et la négociation sociale sont de vieilles idées auxquelles j'ose encore croire.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Vous n'avez pas toujours affiché ces convictions... Mais il y a « plusieurs demeures dans la maison du père ». Cela vaut aussi pour Bercy, qui compte plusieurs étages.

Je le redis, une mesure simple consisterait à débloquer les sommes qui dorment à la CDC. On aurait les moyens de redynamiser le foncier public, ce qui créerait des recettes pour le budget de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Nous avons adopté la loi Alur, il y a quelques mois. Un an avant, nous adoptions une autre loi sur le logement. Les mesures que vous annoncez ressemblent fort à une nouvelle loi qui ferait table rase des précédentes. Ne serait-il pas plus simple de reconnaître que la loi Alur a été un échec ? Je parle au nom des professionnels de ma région : le secteur du bâtiment est sinistré, celui du logement est en panne. La loi a créé des mécanismes qu'elle n'a pas réussi à appliquer. Ils n'ont fait qu'inquiéter les professionnels - propriétaires, investisseurs ou locataires. Les ventes ont chuté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Cela a commencé en 2009, avec l'arrêt de l'investissement Scellier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Le plan ambitieux du président de la République s'est révélé décevant : 300 000 nouveaux logements ont été construits seulement sur les 500 000 prévus. N'accusons pas la seule conjoncture. Des mesures ont été annoncées sans être finalisées. C'est un vrai marasme. Les chiffres sont incontestables puisqu'ils figurent dans un rapport qui nous a été présenté par l'un des vôtres en octobre 2011. C'est une fatalité : quand la gauche est au pouvoir, le logement ne va pas bien. Toutes les mesures prises posent problème - celles sur le régime des plus-values, l'idée de la réquisition des logements...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Gardons de la mesure, ma chère collègue. Nous avons en France un déficit de 800 000 logements. Les 50 mesures ne suffiront pas à rétablir la situation. Au contraire, elles aggraveront la confusion. Les lois que vous présentez comme les monuments du quinquennat ne sont pas abouties.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

La semaine dernière, j'ai assisté à l'assemblée générale de la Chambre des métiers de mon département qui réunissait les artisans du bâtiment. Le constat est inquiétant : dans le département du Jura, la préfecture a délivré 28 % de permis de construire en moins par rapport à l'année précédente, qui ne fut pourtant pas fameuse. Dans le milieu rural, tout le secteur du bâtiment souffre. Il faudrait le redynamiser en allégeant les normes, traiter en priorité les nombreux logements vides, trop délabrés pour être habités. Il y a quelques mois, nous étions sceptiques face à la ministre du logement d'alors qui nous annonçait la création de 500 000 logements. Nous avions raison hélas. En milieu rural, les permis de construire sont parfois difficiles à obtenir du fait de l'exploitation agricole des terrains. Les schémas de cohérence territoriale (SCoT) devraient faciliter le repérage des surfaces sans valeur agricole, disponibles à la construction.

Madame, vous êtes également ministre de l'égalité des territoires. Je viens d'un département rural, où contrairement à ce que souhaite le président de la République, les programmes tardent à se mettre en place. Nous subissons depuis longtemps des écarts importants : les territoires ruraux n'obtiennent pas les mêmes dotations globales de fonctionnement (DGF) que les villes, alors que leurs besoins d'aménagement sont plus importants - longueur des voies de circulation, assainissement, adduction d'eau, etc. Un rééquilibrage est nécessaire pour éviter que les territoires ruraux ne soient relégués, oubliés. La baisse des dotations de l'État ne fera que renforcer les inégalités. Dans certaines campagnes, les besoins de présence médicale sont criants. C'est un grand chantier. Nous devons nous y attaquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

J'ai fait de l'hyper-ruralité mon domaine de prédilection. Je remettrai bientôt à Mme la ministre un rapport proposant dix mesures pour redresser la situation dans les territoires ruraux et hyper-ruraux, qui font partie intégrante de la République. En matière de logement, le décalage est flagrant entre les objectifs annoncés et les résultats. La crise a commencé en 2008 ; sachant que la réalisation d'un programme prend environ quatre ans, ses effets se font logiquement sentir en 2013-2014 dans le secteur du bâtiment. La ministre ne saurait être tenue pour responsable de la situation actuelle...

Dans ma commune, nous avons aménagé deux lotissements mixtes, terrains à bâtir à la vente, logements locatifs, participation de bailleurs sociaux et de propriétaires privés. J'ai été surpris du nombre de renoncements de la part d'acquéreurs potentiels qui n'avaient pas obtenu leur prêt. C'est un scandale. Les banques rechignent à prêter 150 000 euros à un couple dont la femme travaille à l'hôpital et le mari est maçon, sans CDI mais toujours occupé !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Et pourtant elles ont des milliards d'euros à employer.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

Elles s'en tirent en présentant des comptes consolidés qui laissent croire que le volume de prêts a augmenté. En tout cas, pas les prêts logements ! Nous ne pouvons plus reculer : madame la ministre, parlez aux banquiers, imposez-leur des objectifs.

Le secteur du bâtiment est important dans la gestion d'une ville, tant pour son développement économique que pour sa politique sociale. Pour favoriser la construction, le gouvernement a choisi de faire de nouvelles lois. Cependant les services déconcentrés de l'État préfèrent ouvrir le parapluie - imposant des conditions, ouvrant une enquête lorsqu'il s'agit seulement de donner une autorisation. J'ai été obligé de rappeler à la préfecture que je délivre légalement les permis de construire ! L'État doit faire passer un message clair et ferme dans tous les départements de France : l'impératif national, c'est de construire plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Quelles conséquences aura la suppression de la clause de compétence générale dans le financement du logement, notamment social ? Les aides à la pierre sont allouées à la fois par la région, le département et les agglomérations. Si les départements sont supprimés, les aides provenant des agglomérations de taille moyenne deviendront insuffisantes. Ce sera la panique à bord ! Les situations varient d'un département à l'autre. Les aides à la pierre relèvent tantôt de la région, tantôt du département. Ce financement croisé serait difficile à compenser pour une seule structure.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je ne comprends pas. Mon agglomération a la délégation des aides à la pierre. Il n'y a pas d'aides croisées...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Le monde HLM a étudié cela et a conclu que l'aide à l'accession associe souvent, pour une part, le département. Ce n'est pas partout pareil. Dans l'Essonne ou en Ille et Vilaine, le conseil général est délégataire, mais il aura besoin d'une aide de la région. En Île-de-France, la région, le département et l'agglomération participent aux aides à la pierre.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Chez moi, la région et le conseil général n'interviennent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Ma proposition vous surprendra car je suis, vous le savez, un libéral. Pourquoi ne pas vous adresser aux banques coopératives et négocier avec elles une enveloppe annuelle destinée à la construction ? Les banques nous trompent en nous faisant croire qu'elles prêtent.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Et pendant ce temps la BNP n'a aucune difficulté à payer 6 milliards de dollars d'amende.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Je vous remercie de l'intérêt que vous portez à un sujet essentiel et salue le climat consensuel dans lequel se déroule cette audition. Monsieur le président, les fonds de la CDC ne peuvent pas alimenter directement le budget de l'État. Il est donc difficile de les mobiliser pour redynamiser les cessions de foncier. En revanche, nous réfléchissons à la possibilité de mobiliser les fonds du livret A pour relancer la construction. Concernant l'accessibilité des bâtiments, nous avons pris des mesures de simplification qui devraient répondre à vos préoccupations. Dans le cas de deux logements superposés, l'obligation d'aménager l'accès du logement à l'étage est supprimée ; dans les logements à occupation temporaire - une résidence universitaire, par exemple - l'obligation d'aménagement se limitera à des quotas de logements.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Cela concerne aussi les résidences de tourisme ?

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Oui. Ces 50 mesures sont techniques et précises. J'enverrai leur détail complet à l'ensemble des membres de votre commission. Pour remédier aux blocages évoqués par Claude Dilain, nous avons prévu un suivi opérationnel piloté par mon cabinet en collaboration avec l'USH, la fédération des promoteurs et les préfets. Certains élus se trouvent parfois en difficulté pour répondre aux besoins d'équipements et d'aménagements - crèches ou équipements sportifs, par exemple. J'ai été confrontée à cette situation dans mon département, qui a connu de profondes mutations démographiques. Je sais que les financements sont parfois difficiles à trouver. En développant un suivi opérationnel, nous pourrons solliciter divers acteurs et veiller à ce que les dotations de l'État accompagnent les projets. Ce suivi serait assuré par une équipe resserrée mais efficace. Les maires qui investissent dans la construction doivent être davantage soutenus. Nous y travaillons. Il est trop tôt pour dévoiler la nature des dispositions que nous souhaitons mettre en place.

Quant à la loi Alur, son volet social doit trouver une application le plus rapidement possible - maintien de l'aide personnelle au logement, réforme sur l'attribution des logements sociaux,... En matière de lutte contre l'habitat indigne et les copropriétés dégradées, la loi prévoit des mesures sur le périmètre, la conduite et le financement des opérations d'intérêt national (OIN) et des opérations de requalification des copropriétés dégradées comme à Clichy-sous-Bois. Ces mesures font l'objet de négociations depuis mai 2014. Nous travaillons à les mettre en oeuvre le plus rapidement possible.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Michel Bécot, les mesures de simplification que vous évoquez contribuent à réduire les coûts. J'ai donné l'exemple de l'accessibilité, j'aurais pu prendre celui de la simplification en matière de RT 2012, qui bloque certains travaux - je pense par exemple à l'extension des plus petits logements, pour lesquels on dépasse vite les 30 % de surface supplémentaire. Quant aux sites de stockage, c'est une question qui revient dans plusieurs territoires. Pour étendre l'exercice de simplification et trouver des solutions adaptées, j'ai souhaité que les professionnels puissent faire état des blocages sur la plateforme qui leur est réservée en ligne. Nous devons être concrets et efficaces. Telle règlementation conduisait à imposer de construire des portes coupe-feu sur des chemins piétonniers. Bel exemple d'incohérence entre un objectif louable et un champ d'application impossible ! Le Conseil supérieur de la construction aura aussi la charge importante d'identifier l'impact économique des règlementations législatives ou règlementaires de construction pour vérifier leur compatibilité et la proportionnalité de leur coût à l'avantage recherché.

L'amiante est un fléau pour la santé. Je suis consciente des surcoûts que la mise en oeuvre de la nouvelle règlementation occasionne. C'est un sujet interministériel. Nous y travaillons avec François Rebsamen et Marisol Touraine, pour mettre en place un plan d'action. Nous pourrions faire baisser les coûts en développant la recherche et l'innovation sur le désamiantage.

Quant à l'Anah, c'est un outil très efficace pour lutter contre l'habitat indigne et la précarité énergétique. Son financement est insuffisant. Il est trop tôt pour dévoiler les arbitrages budgétaires en cours. Ce qui est sûr, c'est que nous devons conforter l'action de l'Anah dans la durée.

Concernant les aides à la pierre, je voudrais rappeler que les crédits bancaires ne représentent qu'une petite partie des aides de l'État à la construction. Des aides fiscales existent aussi, TVA à taux réduit, prêts bonifiés de la CDC, par exemple. Grâce à ces aides, le secteur du logement social a résisté : il a été le seul segment dans ce cas. Il faut maintenir ces aides. Les bilans triennaux de la loi SRU seront l'occasion de cibler le soutien aux opérations, en identifiant précisément les besoins sur le territoire.

Les négociations sont en cours avec Action Logement. La loi Alur a prévu une convention quinquennale pour définir l'emploi des fonds issus de la participation des employeurs à l'effort de construction. Pour favoriser le financement des logements sociaux, le gouvernement a autorisé Action Logement à emprunter auprès de la CDC, à partir de 2013, 1,5 milliard d'euros par an sur trois ans. Les réflexions ont également porté sur la sécurisation des financements pour l'accès au logement et sur le lien entre emploi et logement. Le financement des politiques publiques, notamment de l'action de l'Agence nationale de rénovation urbaine, a fait l'objet d'un débat. En effet, le gouvernement Ayrault avait prévu de diminuer progressivement la contribution de l'État au financement de cette agence, dont l'action a pourtant un impact important sur la vie quotidienne des Français. Il s'agit là d'une adaptation aux contraintes économiques de la conjoncture, car nous devons honorer les attentes du Pacte de responsabilité. Le dialogue reste néanmoins ouvert avec Action Logement, et nous espérons trouver un accord avec les partenaires sociaux. La réussite de cette négociation est dans l'intérêt de tous.

Quant à la mobilisation du foncier, la situation est plus tendue qu'ailleurs en Île-de-France. Je sais votre intérêt pour les OIN multi-sites. Le gouvernement mobilisera les préfets pour identifier les sites relevant de la commission dirigée par Thierry Repentin, projets conçus mais gelés pour des raisons de coûts, d'accessibilité des sites, de pollution ou d'encombrement. J'insiste sur l'importance de développer un esprit partenarial pour que l'ensemble des acteurs puissent retrouver la confiance.

Jean-Claude Lenoir, vos remarques m'ont étonnée. La loi Alur contient seulement trois ou quatre mesures d'application immédiate. Laisser penser qu'elle a pu être un frein à la construction depuis dix ans alors qu'elle entre à peine en application serait caricatural. À moins que vous ne le fassiez par pur esprit polémique.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Si je voulais entrer dans la polémique, je vous dirais que les normes élaborées par la précédente majorité ont augmenté les coûts de la construction de 57 % en dix ans. Mais telle n'est pas mon intention. Pour trouver des solutions, nous devons restaurer les marges de manoeuvre des professionnels. La simplification des normes, la mobilisation du foncier public, le soutien au logement social et au logement intermédiaire dans les zones tendues, telle est la palette d'outils dont nous disposons pour relancer ensemble le marché de la construction. Des élus de votre sensibilité nous le demandent. Je le répète, c'est ensemble que nous le ferons. Enfin, j'ajoute que l'encadrement des loyers a pour objectif d'éviter les abus, non de décourager les propriétaires honnêtes.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Les calculs indiquent que la mesure fonctionne. Un peu de pédagogie suffit à en montrer le bien-fondé. C'est à vous de mener ce travail dans vos territoires, car certaines idées véhiculées ne sont pas exactes.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Gérard Bailly, le foncier privé est un enjeu essentiel dans les territoires ruraux, où les jeunes ménages cherchent à accéder à la propriété. Par deux fois, nous avons tenté de limiter les effets négatifs du système d'imposition des plus-values. Par deux fois, nous nous sommes heurtés à la censure du Conseil constitutionnel. Nous devons prendre l'avis des experts pour stabiliser le dispositif d'un point de vue juridique. Une autre mesure importante pour le milieu rural est l'élargissement à l'ancien du prêt à taux zéro. Nous avons tous dans nos territoires des logements anciens que le coût des travaux de rénovation rend invendables. Le PTZ aura ainsi un impact positif sur la revalorisation des territoires ruraux.

J'ajoute que le nouveau PTZ se substituera dès octobre à l'ancien dispositif, sans attendre la fin de l'année. Alain Bertrand, je reviendrai vous parler de l'égalité des territoires - j'y suis très attentive - mais ce n'est pas la question du jour.

Je suis consciente de la frilosité des banques à l'égard des ménages qui souhaitent accéder à la propriété. La solution est sans doute dans le dialogue. Avec Mme Ségolène Royal et M. Michel Sapin, nous avons tenu, il y a quelques semaines, une conférence bancaire consacrée au financement de la transition écologique. Nous travaillons avec les banques pour les informer sur le PTZ et pour les inciter à infléchir leur attitude à l'égard des demandeurs. Le relèvement du plafond du PTZ devrait faciliter l'accès au prêt immobilier classique, car cette partie est considérée par les banques comme apport personnel.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Quand un objectif a été défini par le gouvernement, les services déconcentrés de l'État doivent être des facilitateurs, non des contrôleurs tatillons. J'ai rencontré des préfets dans les départements, je leur ai demandé de faire passer le message. Au besoin, nous ferons une circulaire sur l'appréciation des normes. Un effort de diffusion et de pédagogie reste nécessaire pour tirer le meilleur parti des outils dont nous disposons. La procédure intégrée sur les logements est une mesure vertueuse, plus rapide ; elle est hélas mal connue sur le terrain. Personne ne m'interroge à ce sujet, lors de mes déplacements. Dans mon tour de France de la construction, j'ai bien l'intention d'en parler !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Madame la ministre, je vous remercie de toutes ces précisions. La pédagogie sera essentielle pour actionner les relais sur le terrain et mettre en oeuvre vos mesures, bienvenues, de simplification des normes.

La réunion est levée à 16 h 40.