Intervention de Michèle André

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 juillet 2014 : 2ème réunion
Accord entre la france et les états-unis d'amérique en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales à l'échelle internationale et de mettre en oeuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers dite « loi fatca » — Examen du rapport

Photo de Michèle AndréMichèle André, rapporteure :

Le projet de loi autorise la ratification de l'accord signé le 14 novembre 2013 entre la France et les États-Unis en vue d'appliquer la loi « FATCA » (Foreign Account Tax Compliance Act), auquel notre commission avait consacré des auditions le 3 juillet 2013 et le 12 février 2014. Nicole Bricq, rapporteure générale, en avait perçu les principaux enjeux dès l'année 2011, alors que la mode était aux accords « Rubik ». Désormais, les choses deviennent concrètes, et trouvent une traduction directe sur les relevés de compte adressés par les banques françaises à leur clientèle.

La loi FATCA, adopté en 2010, fait obligation aux banques et établissements financiers du monde entier de transmettre aux États-Unis les informations dont ils disposent sur les contribuables américains, sous peine d'une retenue à la source dissuasive de 30 % des flux concernés. Il a déclenché des progrès considérables dans la lutte contre l'évasion fiscale internationale. Dans le sillage de l'initiative américaine, l'Union européenne et l'OCDE se sont lancées dans l'élaboration de standards d'échange automatique d'informations, bien plus efficaces que l'actuel échange à la demande, ou plutôt « à la carte », tant il dépend de la bonne volonté des partenaires... Avec l'échange automatique, il ne sera plus possible de s'abriter derrière une demande mal formulée ou un quelconque vice de procédure pour ne pas révéler l'identité des contribuables indélicats. L'échange automatique d'informations, autre nom de la transparence fiscale, n'aurait jamais vu le jour sans la loi FATCA.

Comme l'a reconnu Pascal Saint-Amans, directeur du centre de politique fiscale de l'OCDE, le standard de l'OCDE, qui sera présenté au G20 à l'automne prochain, s'inspire directement de FATCA. Il en va de même pour la révision en cours de la directive européenne sur la coopération administrative de 2011. La directive « Épargne » de 2003 a quant à elle fait l'objet d'un accord sur sa révision le 24 mars dernier, à la suite de la levée du veto du Luxembourg et de l'Autriche - eux aussi poussés par l'« aiguillon » de la loi FATCA.

Certes, la méthode employée par les États-Unis est un peu cavalière. Tel que voté en 2010, FATCA était un dispositif unilatéral et extraterritorial, ne laissant aucun choix aux autres pays et à leurs établissements financiers : aucune grande banque, en effet, n'est prête à prendre le risque de perdre l'accès au marché américain, le plus grand du monde.

Mais l'objet de l'accord est très précisément de transformer ce dispositif unilatéral en un accord bilatéral, négocié entre Etats souverains, réciproque et assorti de multiples garanties. Grâce à l'action de la France et de ses principaux partenaires européens du « G5 », la loi FATCA a véritablement changé de nature.

L'accord signé par la France instaure une mise en oeuvre centralisée de FATCA : les données transiteront par la direction générale des finances publiques (DGFiP) au lieu d'être transmises directement par les banques. Cela diminue considérablement les surcoûts financiers, les complications techniques et les incertitudes juridiques qu'impliquait le dispositif d'origine. De plus, les entités et produits soumis à l'échange automatique reçoivent une définition compatible avec le droit français.

Grâce à la « clause de la nation la plus favorisée », la France et ses banques bénéficieront de toute stipulation plus favorable que les États-Unis accorderaient à un autre pays. De plus, nous pourrons toujours invoquer les dispositions du code fiscal américain si celles-ci sont plus favorables. Ainsi, l'accord FATCA sera susceptible d'évoluer dans un sens plus favorable, mais jamais dans un sens moins favorable.

Une incertitude demeure toutefois : la question de la réciprocité de l'accord, et donc de sa compatibilité avec le standard international qui est, lui, parfaitement réciproque. En effet, les élus républicains du Congrès bloquent la transmission du solde des comptes bancaires dans le cadre du dispositif, même si toutes les autres informations (identité du contribuable, revenus versés, banque concernée etc.) pourront être fournies par les États-Unis.

Ne surestimons pas les conséquences de ce blocage. La France pourra toujours solliciter les informations manquantes par l'échange à la demande. Mais la réciprocité est aussi une question de principe : alors que l'Union européenne et l'OCDE mettent chaque pays sur un pied d'égalité, il ne serait pas acceptable que les États-Unis puissent déroger à cette règle. L'article 6 engage explicitement les États-Unis à mettre en oeuvre une réciprocité complète dès que leur droit interne les y autorisera. Le ministre nous rendra certainement compte, en séance, des avancées en la matière - et nous en reparlerons si nécessaire à l'occasion du prochain projet de loi de finances.

Pour sa part, la France doit continuer à soutenir l'adoption d'un standard mondial unique, réciproque et harmonisé, seule réponse viable, à long terme, à la menace que l'évasion fiscale fait peser sur notre souveraineté.

Le chemin parcouru, cependant, est considérable : nous partions d'un dispositif imposé, nous avons un accord négocié, largement réciproque et assorti de multiples garanties. Comme toute négociation internationale, il s'agit d'un rapport de force : quand on se bat, il est possible de faire changer les choses. L'année dernière, par exemple, le commissaire Michel Barnier a obtenu, après d'âpres négociations, que les réglementations américaines - au départ extraterritoriales et unilatérales - et les réglementations européennes en matière de produits dérivés soient considérées comme strictement équivalentes. Surtout, il faut reconnaître à l'initiative américaine le mérite d'avoir provoqué un sursaut international en faveur de l'échange automatique. La loi FATCA n'est pas pour rien dans le changement d'attitude des banques suisses, qui encouragent leurs clients à régulariser leur situation, avec un succès qu'attestent les excellents résultats du « service de traitement des déclarations rectificatives » (STDR) mis en place en juin 2013.

Je vous recommande, pour toutes ces raisons, d'adopter sans modification le projet de loi de ratification.

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