Outre l'ensemble des dépenses de titre 2, que Robert del Picchia vient de vous présenter, le programme 212 regroupe hors titre 2 les crédits affectés aux missions portées par le secrétariat général afin de permettre aux autres composantes du ministère de se consacrer à leur « coeur de métier ».
Ces missions variées, vont de la politique immobilière à la gestion des musées et des archives historiques de la défense, des systèmes d'information d'administration et de gestion à la reconversion de personnels, de la gestion du PPP Balard à l'aide sociale. Un inventaire à la Prévert, ...la poésie en moins.
Une présentation globale reviendrait à regrouper des crédits de nature très différente et serait dès lors insignifiante. Une présentation exhaustive serait nécessaire, que vous trouverez dans le rapport écrit mais j'aurais du mal à la réaliser dans le temps qui nous est imparti. J'ai donc choisi de focaliser votre attention sur quelques points saillants qui sont des points clefs pour l'exécution de la LPM et pour le bon fonctionnement de nos armées.
1ère observation : la lente remontée des crédits consacrés à la politique immobilière. Le niveau général des crédits est en hausse. Le budget 2015 consacré à l'infrastructure présente un montant d'autorisations d'engagements de 1,81 milliard d'euros (+10% par rapport à 2014) et un niveau de crédits de paiement de 1,18 milliard d'euros (+19,1%), intégrant 230 millions d'euros de ressources issues des cessions immobilières.
Les REX sont en effet au rendez-vous en 2015, puisque les ressources du compte d'affectation spéciale « gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » le permettent. Pour les prochains exercices, l'essentiel des ressources devrait être réalisé par la cession d'immeubles parisiens dont l'îlot Saint-Germain à la suite du déménagement du ministère à Balard. Il y a bien sûr des incertitudes quant au montant des cessions, mais globalement, le montant attendu devrait pouvoir être atteint et en temps utile.
Les programmes d'infrastructure structurants destinés à l'accueil des nouveaux équipements ont été lancés qu'il s'agisse de l'accueil des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda, de l'accueil des MRTT, des infrastructures du programme SCORPION, nouveau système de combat de l'armée de terre ou du programme DESCARTES de modernisation de l'ensemble des réseaux informatiques et téléphoniques d'infrastructure de la défense. De même se poursuit la modernisation des installations électriques des ports de Brest et de Toulon.
Il est aussi réjouissant de voir progresser les crédits consacrés à l'adaptation des capacités d'infrastructures technico-opérationnelles, c'est-à-dire celle des camps d'entrainements, des ports, des aires aéronautiques, des hôpitaux, et non opérationnelles, c'est-à-dire celles qui sont liées à la condition de vie des personnels et aux conditions de travail, mais aussi les crédits de maintenance lourde consacrés aux réseaux des bases et régiments, des quais, des bassins..., et de maintien en condition qui sont gérées au niveau des bases de défense. Ces crédits progressent de 8 à 12% en moyenne en CP, de 9 à 20% en AE.
C'est une bonne nouvelle, car les ressources contraintes et le niveau élevé des besoins capacitaires à satisfaire en priorité n'ont pas permis jusqu'à maintenant de consacrer les moyens nécessaires aux infrastructures de vie et au maintien en condition de l'infrastructure générale et les crédits ont souvent été des variables d'ajustement en exécution des lois de finances. Confère l'étalement sur 20 ans du plan VIVIEN de construction d'hébergements de qualité au profit des militaires du rang et des sous-officiers célibataires de l'armée de terre. Plus graves, les locaux se sont fortement dégradés. En juin 2014, suite à un recensement effectué auprès des commandants de base de défense, ont été identifiés 700 ouvrages présentant, tout ou partie, des défauts significatifs d'entretien dont la résolution a été estimée à 560 millions d'euros.
Cette situation affecte le moral des militaires comme l'ont confirmé devant vous les généraux de Villiers, chef d'état-major des armées, et Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre. Ceci a entraîné la mise en place d'un plan d'urgence dont on trouve la traduction dans la loi de finances.
Ces efforts budgétaires en matière immobilière sont considérables et nécessaires mais nous n'atteignons qu'un niveau juste suffisant. Les dépenses d'infrastructure vont peser dans l'exécution de la LPM : des dépenses importantes sont programmées avec l'arrivée de nouveaux équipements, et il est impossible de différer davantage les opérations nécessaires à l'amélioration de la condition de vie des personnels ainsi que les réorganisations.
Le montant retenu pour l'établissement de la LPM est de 6,1 milliards d'euros alors que les besoins estimés ont été évalués à plus de 7,2 milliards d'euros. Une solution serait de réduire le parc des bâtiments, mais les réorganisations elles-mêmes génèrent des coûts importants. On estime à 1,2 milliard d'euros le coût de l'accompagnement des restructurations sur la durée de la LPM 2009-2014. Dans un souci d'économies, il reste préférable de procéder par fermetures pures et simples et à la densification des emprises même si l'on peut comprendre certaines réticences notamment dans l'armée de terre attachée à ses implantations sur l'ensemble du territoire qui constituent autant de points de contact et d'appui à sa politique de recrutement. Il faudra donc trouver un juste équilibre. Il faudra également rechercher les voies et moyens d'une optimisation de la politique immobilière.
2ème observation : le regroupement de l'ensemble des états-majors, directions et services sur le site de Balard sera effectif en 2015. Les opérations de déménagement vont s'étaler tout au long de l'année à partir du mois de février.
Pour 2015 il est prévu 171 millions d'euros en AE et de 194 millions d'euros en CP. Ces dépenses correspondent aux redevances prévues par le contrat de PPP conclu avec le groupement OPALE Défense pour un montant de 156,44 millions d'euros en CP dont les montants ont été ajustés au regard des décalages calendaires - on rappellera que la redevance annuelle était initialement fixée à 154 millions d'euros TTC - et à divers avenants et charges d'exploitation (restauration provisoire, prestations de nettoyage, salle serveurs) pour une trentaine de millions d'euros.
Le projet a connu quelques perturbations, comme il est fréquent sur des projets de cette ampleur. Ils ont généré un surcoût d'investissements de l'ordre de 60 millions d'euros HT qui devrait être compensé grâce aux économies engendrées par la cristallisation partielle des taux intervenue en octobre 2013. Ces décalages ne devraient donc pas avoir d'effets sensibles sur le montant du contrat et de la redevance annuelle.
Une direction de site a été mise en place pour assurer la réception des travaux et constater tout au long du partenariat la conformité d'exécution des prestations. Vos rapporteurs l'avaient préconisé dans leur rapport en 2013.
3ème observation : dans leur rapport sur le PLF pour 2014, Michèle Demessine et Joël Guerriau avaient montré l'ampleur des conséquences du dysfonctionnement du logiciel LOUVOIS et constaté que cette situation était révélatrice de dysfonctionnements récurrents dans la gestion des systèmes d'information d'administration et de gestion (SIAG). Ils avaient constaté des retards importants et des dépassements de coûts sur tout un ensemble de projets structurants. Cette situation reflète encore les défauts chroniques dans la définition des projets, dans l'évaluation de leurs coûts et dans leur conduite qui ont appelé la réforme de la gouvernance à partir de 2013 et l'introduction de procédures plus rigoureuses de suivi des projets. Nous espérons que la réforme permettra d'améliorer une situation devenue difficilement acceptable sur le plan budgétaire, mais plus encore lorsqu'elle affecte le moral des personnels.
C'est évidemment le cas de LOUVOIS qui sera « un boulet à traîner » jusqu'en 2017 sans grand espoir d'amélioration. Le fonctionnement erratique du calculateur se traduit notamment par d'importants indus de paye et moins-versés aux administrés. Robert del Picchia vous a cité les montants ! En outre, ces dysfonctionnements obligent le ministère à consacrer des crédits à la mise au point de versions correctives destinées à améliorer les performances (5,5 millions d'euros en 2015) - mais aussi à prendre en charge un dispositif de vérification systématique et préalable des soldes avant le versement auquel sont affectés plusieurs dizaines d'agents, sans compter ceux affectés au recouvrement. Ils entraînent enfin le maintien en service d'applications anciennes dont les coûts de maintenance s'accroissent.
Cette situation perdurera jusqu'au déploiement de l'application SOURCE SOLDE. Le projet fait l'objet d'une procédure de dialogue compétitif devant déboucher sur la notification d'un marché de maitrise d'oeuvre au printemps 2015. La première bascule pourrait intervenir au premier semestre 2017.
4ème observation : la reconversion des militaires bute sur la situation globale de l'emploi, malgré les efforts mis en oeuvre par l'Agence de reconversion de la défense. Dans un contexte économique difficile, le nombre de reclassement des personnels militaires dans le privé est en baisse en 2013 de 11% ; dans les fonctions publiques de 5,7%. La durée moyenne de retour à l'emploi augmente, comme le nombre de chômeurs indemnisés et en conséquence la charge de l'indemnisation du chômage ainsi que l'a indiqué Robert del Picchia. La persistance de chiffres en berne aurait des conséquences sur le recrutement et sur le moral.
5ème observation : s'agissant de l'accompagnement économique des restructurations, les engagements pris dans la LPM sont respectés, à travers une démarche de contractualisation mais aussi grâce à un ensemble d'aides financières à destination des communes les plus sévèrement affectées et des entreprises. Une enveloppe de 150 millions d'euros sur la durée de la LPM est affectée à cet accompagnement via le Fonds pour les restructurations de la défense (FRED) et le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Le contrat de redynamisation de site de défense (CRSD) sera désormais intégré dans le volet territorial du contrat de plan état-région. Un dispositif de prêts participatifs au bénéfice des PME déjà situées dans les territoires affectés par les restructurations ou ayant le projet de s'y implanter est mis en place. Les collectivités les plus fortement affectées pourront bénéficier d'une cession à l'euro symbolique de tout ou partie des emprises devenues définitivement inutiles aux besoins de la défense. Une disposition est introduite en ce sens à l'article 22 bis du projet de loi de finances pour 2015.
Sur le plan budgétaire, les crédits concernent encore largement le financement de l'accompagnement des restructurations opérés au cours de la précédente LPM ce qui montre bien un décalage excessif entre la décision de restructuration et les décaissements des aides. Le raccourcissement de ces délais est l'un des moyens d'atténuer le traumatisme vécu par les collectivités et devrait constituer un objectif prioritaire.
Cela suppose, naturellement, que les restructurations soient annoncées suffisamment tôt. Je partage pleinement l'opinion de Robert del Picchia sur cette question. Les chefs d'état-major entendus par votre commission comme les collectivités territoriales ont besoin de visibilité. Nous souhaitons en conséquence que le ministre puisse annoncer d'ici la fin de l'année ou au tout début de 2015, l'ensemble des décisions de restructuration pour la durée restante d'exécution de la LPM.
Sur la base de cette analyse du programme 212, pour ce qui me concerne je recommanderai à la commission un avis favorable sur les crédits de la mission « défense ».