Le projet de loi n° 518 concerne un Protocole, signé en octobre 2011, à Rome, entre la France et l'Italie, relatif à l'imposition des bénéfices de l'exploitation du tunnel du Mont-Blanc. Il vient mettre fin à une difficulté d'interprétation en matière fiscale.
Avant d'en venir à l'objet -important, mais limité- du Protocole en lui-même, permettez-moi de m'arrêter un instant sur la question, plus vaste mais liée, des franchissements alpins, et plus précisément du financement du Lyon-Turin. Dans la mesure où j'avais été rapporteur, fin 2013, de ce texte pour notre commission, je saisis aujourd'hui l'occasion du Protocole « Mont-Blanc » pour faire un peu le point. La France doit rendre en février prochain sa « copie » pour sa part de financement de cet ouvrage essentiel, qui va mobiliser au total 8,5 milliards d'euros, et qui sera en grande partie financé par des fonds européens, à 40%. La part française est de plus de 2 milliards d'euros et des solutions de financement sont à l'étude. La suppression de l'écotaxe, l'absence de prise en charge par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), imposent de trouver des solutions. Certains envisagent des émissions obligataires, l'Italie pourrait nous prêter de l'argent... Affaire à suivre.... Je me permets d'insister ici, comme je l'ai fait d'ailleurs lors de l'audition auprès des ministères que nous avons entendus, sur l'importance de ce dossier, et je sais pouvoir compter sur le soutien de nos collègues, notamment sur celui de M. Jean-Pierre Vial, qui est à la commission des Lois, et, dans notre commission, celui de Mme Eliane Giraud, qui suivent de très près ce dossier dans leurs collectivités respectives.
Le désengorgement des Alpes est un impératif. Près de 3 millions de poids lourds franchissent chaque année les passages franco-italiens. Entre 1980 et 2000, le volume total de transport de transit a doublé, il triplera encore en trente ans. Quand on pense que la sublime vallée de Chamonix, dont le monde entier vient admirer les sommets, les aiguilles et les glaciers, voit passer chaque année plus d'un demi-million de camions, on se dit qu'il y a vraiment une nécessité à permettre enfin un report modal vers le ferroviaire. C'est un enjeu de long terme qui dépasse largement la seule liaison entre Lyon et Turin, entre Rhône-Alpes et le Piémont. C'est en fait une liaison entre l'Ile-de-France et la région de Milan et même plus globalement la seule liaison entre l'Est et l'Ouest de l'Europe, de Gibraltar à Budapest. Seule liaison ferroviaire qui ne soit pas Nord-Sud, mais Est-Ouest, et qui nous affranchisse d'une certaine dépendance par rapport aux liaisons ferroviaires existantes entre Allemagne et Italie. Faut-il rappeler les enjeux économiques considérables de cette liaison avec notre deuxième partenaire commercial, l'Italie ?
J'en viens tout naturellement au contenu du Protocole qui nous anime aujourd'hui. Le tunnel du Mont-Blanc, inauguré en 1965, entre la vallée de Chamonix et le val d'Aoste, est long de 11,6 km (dont 7,6 km en territoire français). Le tunnel est constitué d'un tube unique à double sens de circulation, avec une chaussée de 7 mètres de large, relativement étroite par rapport aux tunnels bidirectionnels plus récents.
Son histoire est marquée par l'incendie survenu dans le tunnel dans la matinée du 24 mars 1999, qui s'est révélé d'une ampleur et d'une gravité exceptionnelles. 24 poids lourds, 9 véhicules légers, une moto et deux véhicules de secours ont été détruits. Le bilan définitif de l'incendie, particulièrement lourd, s'est élevé à 39 morts. Cet accident nous a fait prendre conscience de beaucoup de problèmes.
Deux missions administratives d'expertise, l'une française, l'autre italienne, ont rendu en juillet 1999 un rapport commun, détaillant les circonstances de la catastrophe et énonçant 41 recommandations. Une première série de recommandations portait sur l'organisation institutionnelle. Le rapport demandait en particulier la constitution d'une structure de gestion unique du tunnel du Mont-Blanc. A l'époque, l'exploitation et même les travaux étaient dissociés entre la partie française et la partie italienne....
La convention franco-italienne du 24 novembre 2006, dite « Convention de Lucques » que nous avons ratifiée en 2008, a créé cette structure unique en charge de l'exploitation du tunnel : un groupement européen d'intérêt économique, ou GEIE, a été mis en place « au-dessus » des deux sociétés, l'une italienne, l'autre française. Pour la sécurité, la convention a renforcé les attributions de la Commission intergouvernementale franco-italienne et du Comité de sécurité qui lui est adjoint. Les conditions d'exercice de la police de la circulation dans le tunnel ont été entièrement revues, dans le cadre d'une nouvelle directive européenne. Nous avons donc aujourd'hui une exploitation unifiée et une sécurité renforcée.
S'agissant du protocole en lui-même, son objet est modeste : la convention de Lucques ne prévoit aucune mesure de répartition de l'imposition des bénéfices du GEIE -la structure « de tête »- entre les deux Etats signataires.
Dans le silence du traité initial, une procédure de contrôle fiscal, mise en oeuvre par les autorités italiennes à l'encontre du GEIE, a abouti à imposer en Italie la totalité du bénéfice dégagé par l'exploitation du tunnel, ce qui eut pour conséquence, pour la société française ATMB, de subir, de fait, une double imposition, une fois en Italie au niveau du GEIE, une deuxième fois en France une fois que les bénéfices étaient « redescendus » dans la filiale française.
À terme, avec ce contrôle fiscal, la clé de répartition territoriale du bénéfice tiré de l'exploitation du tunnel sous le Mont-Blanc (50-50 entre l'Italie et la France) était remise en cause, puisque la totalité de l'activité se retrouvait, de fait, taxée en Italie et ce, tant au regard de l'impôt sur les bénéfices que des impôts locaux assis sur ces bénéfices. Dans un premier temps, les services fiscaux des deux pays se sont mis d'accord par « Lettre d'intention » pour mettre fin au contentieux fiscal et effacer les pénalités. Dans un deuxième temps, le protocole que nous examinons aujourd'hui, signé en 2011, est venu graver dans le droit international le fait que l'imposition se fait bien à parité entre la France et l'Italie. De portée limitée, clarifiant le cadre fiscal, ce protocole apporte des précisions bienvenues. Il a déjà été ratifié par la partie italienne. Je vous propose donc de l'adopter, et de l'examiner en séance publique sous la forme simplifiée, le 30 octobre. Je vous remercie de votre attention.