La commission entend une communication de M. Daniel Reiner sur le trente-sixième rapport d'ensemble du comité des prix de revient des fabrications d'armement.
Monsieur le Président, chers Collègues, vous m'avez fait l'honneur, depuis décembre 2008, de représenter le Sénat au sein du comité des prix de revient des matériels d'armement, le CPRA, instance consultative créée en 1966 et qui, en pratique, examine les conditions dans lesquelles se sont déroulés les programmes d'armement : leurs délais de réalisation, leur bilan financier, le degré d'atteinte de leurs objectifs. Placé auprès du ministre de la défense et présidé par un conseiller d'Etat, le CPRA comprend, notamment, un sénateur et deux députés. Chaque année, il établit un rapport d'ensemble, publié au Journal officiel ; l'habitude s'est prise que, tous les ans, je vous rende compte de ce rapport.
Cette année, le comité a produit son trente-sixième rapport d'ensemble, qui couvre son activité en 2013, laquelle a donné lieu à six séances plénières pour examiner, au total, sept rapports particuliers. La réalisation de systèmes d'armes placée sous l'égide de la direction générale de l'armement (DGA) a fait l'objet de quatre rapports. Ils ont visé, pour l'armée de l'air, les avions ravitailleurs C 135-KC 135 d'une part et le drone Harfang d'autre part, pour l'armée de terre, l'hélicoptère Tigre et, pour la marine, la frégate de défense aérienne Horizon. Aujourd'hui en service dans nos armées, ces matériels ont tous été utilisés dans les opérations extérieures où la France se trouve engagée. Par ailleurs, le CPRA a consacré un rapport à trois programmes autres que des systèmes d'armes : le programme d'études amont Spirale, concernant la détection de tirs de missiles, le programme transverse des données numériques géographiques et en trois dimensions et, enfin, le programme d'infrastructure de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne, à Toulon.
Je commence donc par les systèmes d'armes, et ce premier sujet : les avions ravitailleurs C 135-KC 135. Ces appareils ont fait l'objet d'une opération lancée dès 1962, dans le contexte de la réalisation de la force de dissuasion nucléaire. Il s'est agi d'une acquisition quasiment « sur étagère », sans expression détaillée du besoin, auprès de la firme Boeing : douze C 135 ont ainsi été achetés en 1962, et trois KC 135 en 1995. Mais la définition de l'avion, sur cette période, a évolué à plusieurs reprises, notamment pour ce qui concerne les réacteurs et le mode de ravitaillement, ainsi que pour traiter l'obsolescence de certains équipements qui avaient cessé d'être fabriqués. On notera que la petite taille de cette flotte - quinze appareils - limite l'ampleur des opérations extérieures qu'il est possible de mener de façon entièrement autonome : pour les opérations sur des théâtres lointains, la France doit faire appel aux capacités de ses alliés, pays européens ou Etats-Unis. Mais les C 135 et KC 135 sont très bien adaptés à leur mission, et ils ont donné satisfaction sur les théâtres extérieurs, notamment en Libye et au Mali récemment.
L'activité de ces appareils doit se poursuivre encore une dizaine d'années, les premiers retraits étant prévus pour intervenir en 2019 au plus tôt. Un marché de maintien en condition opérationnelle (MCO) a été passé en 2007, pour douze ans, afin d'attendre l'arrivée de la nouvelle génération d'aéronefs de ravitaillement et de transport, le MRTT.
Compte tenu de cette ancienneté, certaines données comptables ont fait défaut au CPRA pour reconstituer les coûts de l'opération. Au total, le coût de possession des avions C 135-KC 135 a été évalué entre 7 et 8 milliards d'euros, dont 1,9 milliard d'euros au titre du coût d'achat et près de 1,9 milliard pour les modifications successives déjà réalisées (ces chiffres étant établis aux conditions économiques de 2011), 1,3 milliard d'euros correspondant aux coûts futurs avant le retrait du service. Eu égard à la durée d'utilisation des appareils, soit une cinquantaine d'années, il est normal que le coût d'acquisition représente une part minoritaire - environ le quart seulement - du coût global de possession ; la part prépondérante de ce coût global tient aux modifications et surtout au MCO, selon un schéma classique.
Second dossier : le drone Harfang. Il s'agit d'un équipement de surveillance, reconnaissance et désignation d'objectif, de jour comme de nuit, qui a succédé au système Hunter. Il est commandé par satellite, par un opérateur qui peut être très éloigné, et il dispose d'une capacité moyenne altitude longue endurance (MALE). L'armée de l'air en détient quatre. Ces drones peuvent s'intégrer dans le trafic aérien. Ils ont été employés en Afghanistan, dès 2009, avant même d'avoir toutes leurs capacités, puis au Mali.
L'acquisition des Harfang a été plus longue que prévue : l'opération était initialement conçue comme proche d'un achat « sur étagère », et elle devait être réalisée en deux ans, entre 2001 et 2003 ; or elle s'est poursuivie jusqu'à la fin 2008, avec plus de cinq ans de retard, essentiellement parce que la difficulté technologique avait été sous-estimée. En outre, le refus des Etats-Unis d'autoriser l'utilisation de certains composants a retardé le déroulement du programme. De ce fait, le calendrier contractuel n'a pu être tenu par l'industriel, EADS-Cassidian (aujourd'hui Airbus Defence and Space), qui assurait en l'occurrence une « francisation » du drone Heron réalisé par la société Israel Aerospace Industry.
Le coût, initialement attendu à hauteur de 100 millions d'euros environ, a lui aussi été dépassé : le CPRA le chiffre à 440 millions d'euros, soit une multiplication par quatre du montant prévisionnel. La réalisation représente 163 millions d'euros, le soutien réalisé près de 100 millions, et les coûts de soutien et d'utilisation jusqu'en 2017 sont évalués à 120 millions. Cela dit, le coût global d'une heure de surveillance d'un drone est bien moins élevé que celui d'un avion de combat, dans la mesure où le drone assure une permanence longue, de l'ordre de vingt-quatre heures d'affilée, et ne nécessite pas d'avion ravitailleur. L'industriel a effectué, pour sa part, plus de 130 millions d'euros de dépenses propres, sans compter 18,5 millions d'euros qu'il a dû acquitter au titre de pénalités de retard.
Des travaux sont en cours pour maintenir les drones Harfang en service jusqu'en 2017. Ensuite, comme vous le savez, la capacité MALE doit être assurée par des drones Reaper : deux engins Reaper se trouvent déjà en service, et un troisième est attendu tout prochainement, sur la base aérienne de Niamey, au Niger. Les études se poursuivent pour les drones futurs, à l'horizon 2020 et au-delà ; leur conception devrait être le produit d'une coopération européenne.
Les armées, aujourd'hui, ne peuvent plus se passer des drones. Les opérations en Afghanistan et au Mali ont attesté que leur rôle est décisif. Or la France dispose en ce domaine de capacités industrielles, mais il lui est difficile de résister à la concurrence américaine. Ni l'expérience du drone Hunter, qui était une « francisation » par la société SAGEM d'un drone d'Israel Aerospace Industry déjà, ni celle du Harfang, n'ont permis l'émergence d'une filière nationale en la matière.
J'en arrive au troisième sujet qui a retenu le CPRA en 2013 : l'hélicoptère Tigre, qui équipe l'armée de terre. La définition des capacités de cet appareil, dont les travaux ont commencé fin 1978, est le résultat d'une coopération, difficile, entre la France et l'Allemagne, puis également avec l'Espagne. Les débuts ont été compliqués par le choix de travailler ensemble sur des produits différents - ce qui, du reste, ne favorise pas l'abaissement des coûts. Mais cette coopération a fini par déboucher sur une convergence : aujourd'hui, 85 % des aspects mécaniques du Tigre sont communs aux trois pays, les différences tenant principalement à l'avionique et à l'armement.
Le développement de l'appareil a été lancé en 1988, sa production en série en 1999. La réalisation est assurée, pour les cellules, par Eurocopter (devenu Airbus Helicopters), que ce programme a contribué à confirmer comme un industriel de premier plan, au niveau mondial, dans le domaine des hélicoptères ; le moteur est réalisé par MTR. L'hélicoptère recherché à l'origine devait offrir une capacité antichar (HAC) et un appui-protection (HAP), mais ce besoin a évolué avec le changement de contexte stratégique : en 2003, la France a abandonné le HAC et a retenu, outre l'appui-protection (HAP), une capacité d'appui-destruction (HAD). Les livraisons ont commencé en 2005 et sont planifiées jusqu'en 2019. La mise en service a été effectuée en 2012, mais un premier déploiement opérationnel avait eu lieu en Afghanistan dès 2009. L'emploi en opérations, notamment en Libye et au Mali, a permis d'apprécier les potentialités du Tigre. Son utilisation est prévue jusqu'en 2040.
Ce programme est l'un de ceux qui ont été touchés le plus fortement par les contraintes budgétaires. En 1987, l'objectif était d'acquérir 215 hélicoptères. Cette cible a d'abord été abaissée, en 2003, à 120 unités, puis, dans la loi de programmation militaire (LPM) pour 2009-2014, à 80 appareils. Elle est désormais fixée à 60 hélicoptères, soit une réduction de plus de 70 % de l'objectif initial : l'annexe à la LPM pour 2014-2019 prévoit en effet que 21 Tigre HAD soient livrés, d'ici à 2020, en complément des 39 appareils HAP déjà livrés (ces derniers doivent être mis progressivement au standard HAD). Dans ce contexte, la recherche de marchés d'exportation prend tout son sens.
Le développement du Tigre a coûté 1,1 milliard d'euros aux conditions économiques de 1987, soit un léger dépassement des prévisions, à hauteur de 80 millions d'euros, qui s'explique par l'évolution du besoin. Le coût de production, de son côté, représente près de 3,1 milliards d'euros aux conditions économiques de 1996, soit une diminution substantielle (44 %) par rapport aux prévisions, née de la révision de cible que je j'ai indiquée. Un tiers des paiements (près de 1,9 milliard d'euros courants) reste encore à effectuer. Le coût complet de possession est chiffré par le CPRA à hauteur de 11,3 milliards d'euros aux conditions économiques de 2012, dont 43 % (près de 4,9 milliards) sont liés au soutien en service.
L'importance de ce coût du soutien, qui est supérieur à celui de la production (laquelle représente 4,3 milliards d'euros), tient à la durée d'utilisation des Tigre, étendue sur une trentaine d'années. En outre, la dualité des configurations HAP-HAD comporte un coût propre, pour la maintenance, qui concerne à la fois les machines, les moyens d'instruction, la formation des équipages et celle du personnel de maintenance. Ce coût constitue un défaut du Tigre qui, dans le contexte actuel de nos finances publiques, est un important défaut ; c'est la raison pour laquelle Jacques Gautier et moi-même préconisons le maintien du parc des hélicoptères Gazelle, dont le coût d'entretien s'avère sept à huit fois moindre.
Quatrième et dernier système d'armes qui a fait l'objet, en 2013, de l'examen du CPRA : la frégate de défense aérienne Horizon. La Marine détient deux bâtiments de ce type : les frégates Forbin et Chevalier Paul. Elles ont été mises en service, respectivement, en 2010 et en 2011, pour une durée de 27 ans. Leur fonction de défense aérienne est assurée par le système de défense anti-missiles aériens PAMMS. Ces frégates sont à la mer 104 jours par an. Elles ont été employées, en premier lieu, pour l'intervention de nos forces en Libye, et elles y ont confirmé leur aptitude opérationnelle.
Il s'agit d'un programme de longue durée : les premières études ont été réalisées dès les années 1980, mais le contrat de développement et de production n'a été signé qu'en 2000, pour une admission au service actif dix ans après le lancement de la production et plus de trois ans après les dates initialement prévues. Ces délais s'expliquent, pour partie, par les défis technologiques que représentait la réalisation de ces équipements, qui sont particulièrement complexes, mais c'est surtout l'organisation de la coopération internationale en cause - d'abord avec les Britanniques, qui se sont désistés, puis avec les Italiens - qui a imposé son rythme. En effet, cette coopération a montré la difficulté de faire converger les objectifs très différents des partenaires ; une organisation spécifique a finalement été mise en place, avec un bureau de programme coprésidé par la France et l'Italie. Cette expérience a d'ailleurs été utile pour le programme des frégates multi-missions (FREMM), qui fait également l'objet d'une coopération franco-italienne. L'organisation industrielle s'est appuyée sur un maître d'oeuvre d'ensemble, Horizon SAS, associant des industriels français et italiens : d'une part DCNS et Thalès, d'autre part Fincantieri et Finmeccanica. Pour le système de combat, les deux pays ont créé Eurosysnav, composé de DCNS et Finmeccanica.
Le coût global de possession des deux frégates Horizon a été évalué par le CPRA à 4,2 milliards d'euros. Sur ce total, l'acquisition représente plus de la moitié : 2,3 milliards d'euros au coût des facteurs de 2012, ce qui est moins que les prévisions initiales, mais certaines performances ont été revues à la baisse en cours de réalisation. Au demeurant, le petit nombre de bâtiments construits - deux pour la France, deux pour l'Italie - ne permet pas d'obtenir un effet de série qui amortirait les phases de conception et de développement. Il semble d'ailleurs que les frégates britanniques T45, qui sont des plates-formes équivalentes aux frégates Horizon, aient un coût supérieur, leur programme ayant connu une dérive financière.
Le coût du soutien en service des frégates Horizon, pour les 27 ans prévus, s'élève à 870 millions d'euros. C'est 40 % de plus que les estimations initiales, en raison de la complexité des systèmes embarqués et de la gestion des obsolescences. Enfin, l'exploitation des bâtiments est évaluée à près de 777 millions d'euros, l'évolution du maintien en condition technique opérationnelle à 214 millions et le retrait du service, qui suppose la déconstruction des bâtiments, à six millions.
J'en viens maintenant aux programmes examinés en 2013 par le CPRA autres que les systèmes d'armes, mais néanmoins importants pour notre outil de défense.
Premier dossier dans cette catégorie : le programme d'études amont Spirale, qui a servi à préparer la composante spatiale d'un système d'alerte par satellite de détection de tirs de missiles, d'identification de leur auteur et de détermination de leur cible ; la phase de détection du missile ne dure qu'une à trois minutes pour un tir à longue portée. Ce programme a été réalisé entre 2002 et 2011, et il s'est déroulé sans retard ni problème majeur. Il a permis de constituer une banque de données de la terre, indispensables à la compréhension des phénomènes naturels et physiques susceptibles d'engendrer de fausses alertes. Ces données ont été obtenues grâce à deux microsatellites commandés pour l'opération, en 2004, à EADS-Astrium (aujourd'hui Airbus Defence and Space), lancés par Ariane en 2009 et désorbités en 2011. Une plateforme de simulation de la chaîne d'alerte a également été développée.
Le coût du programme s'est élevé à 137 millions d'euros aux conditions économiques de 2002. Le CPRA a calculé que ce coût représente 2,8 % du montant total des études amont réalisées pendant les neuf années de l'opération. La part principale - 54 millions d'euros, soit 39 % - tient à la réalisation des deux satellites. Les études de définition, de leur côté, ont représenté plus de 39 millions d'euros, soit 29 % du total.
Avec ce programme, la France a démontré sa maîtrise de technologies avancées, notamment dans le domaine infrarouge, qui sont nécessaires pour la défense antimissile balistique. En la matière, alors que les autres pays de l'OTAN ont choisi de participer aux actions à mener par une contribution financière, notre pays a préféré contribuer en nature ; Spirale constituait une première étape vers cette contribution. Cependant, ce programme ne sera pas reconduit, essentiellement pour des raisons financières.
Le programme transverse des données numériques géographiques et en trois dimensions (DNG3D), pour sa part, visait à doter notre défense des données numériques de géographie, relatives au milieu aéroterrestre, et de modèles en deux et trois dimensions, qui sont nécessaires à la mise en oeuvre, en dehors du territoire métropolitain, de nombreux systèmes d'armes et d'information des forces - lesquelles sont appelées à opérer, comme on le sait, sur des théâtres éloignés, et souvent sans préavis. Il s'agit d'un programme long, qui a fait l'objet de nombreux marchés. La faisabilité a été examinée entre 1996 et 2001. Une première phase de réalisation a été menée de 2001 à 2004, alors même que des travaux de définition étaient en cours jusqu'en 2003 ; cette phase a été confiée aux sociétés Spot Image, Istar et Thalès, ainsi qu'à l'Institut géographique national (IGN). La seconde phase de réalisation, la plus importante, s'est achevée en 2011 ; elle a été menée par les sociétés Thalès, EADS (aujourd'hui Airbus), CS, Magellium, Spot Image et l'IGN.
Cependant, le budget du programme est resté relativement modeste et conforme aux prévisions, notamment grâce à une limitation du volume de la production de données qu'il devait financer. Au total, 260 millions d'euros ont été dépensés en quinze ans, soit 17 millions d'euros par an en moyenne, la part principale de ce montant (110 millions d'euros) se trouvant consacrée à la production de données. En outre, à la différence de ce qui est constaté dans de nombreux autres programmes, le MCO, en l'occurrence, a été contenu ; il représente environ 10 % du coût total.
Le coeur du dispositif tient aux opérations Géobase, qui permet d'élaborer des données dites « couches de fond », et Topobase, qui, à partir des « couches de fond » et de sources complémentaires, produit des données à plus forte valeur ajoutée. Ce dispositif est à présent opérationnel, quatre ans plus tard qu'il était initialement prévu ; il comprend un système de contrôle de données, des ateliers de production à l'établissement géographique interarmées, ainsi qu'un système d'information et de gestion. La qualité des données obtenues grâce au programme est reconnue et le retour opérationnel est bon.
L'exploitation et l'entretien de ces capacités font l'objet d'une opération d'extension, qui continue la production des données de Géobase et de Topobase et vise à acquérir des moyens d'appoint mobiles pour élaborer des données géographiques sur les théâtres d'opérations. En outre, des réflexions sont menées pour envisager un successeur au programme DNG3D, qui en étendra le champ d'intervention à d'autres domaines géophysiques : l'hydrographie, l'océanographie et la météorologie.
Le dernier programme qui a retenu l'attention du CPRA en 2013 est celui de l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Sainte-Anne, à Toulon. C'est un projet lancé en 1995, et approuvé en 1998, pour remplacer l'ancien établissement, qui avait été inauguré en 1910. Le nouvel HIA a été mis en service en 2008, après une période de réalisation de dix années, sous une maîtrise d'oeuvre attribuée à l'issue d'un concours auquel avaient participé 38 cabinets d'architectes et 12 bureaux d'études spécialisés. Les travaux proprement dits, qui ont été réalisés par le groupement Sogea Construction-Sicra (devenu le groupe Vinci Construction), ont demandé trois ans et neuf mois, soit un retard de neuf mois par rapport aux prévisions initiales, qu'explique un arrêt de chantier lié à la découverte d'un engin explosif et la nécessité de certains travaux supplémentaires. Ces travaux ont d'ailleurs fait l'objet de contentieux qui se sont conclus en 2012 seulement, après de nombreuses expertises et le recours à une transaction.
Le coût de cette réalisation a atteint 204 millions d'euros, dont 190 millions au titre de la construction - laquelle a connu, par rapport aux estimations de départ, une augmentation de 23 %. Ce dépassement s'explique par la hausse conjoncturelle des prix dans le secteur du BTP, mais surtout du fait des exigences réglementaires nouvelles qu'il a fallu prendre en compte en matière de sécurité incendie, d'hygiène et de protection thermique. Quant à la transaction que j'évoquais, elle s'est traduite par le versement de 20,3 millions d'euros, par l'État, au groupe Vinci, soit près de 12 % du montant du poste « construction » du programme, mais une diminution de 67 % de la somme réclamée précédemment par l'entreprise.
Malgré ces difficultés, l'établissement Sainte-Anne est considéré comme une réussite. L'hôpital, qui dispose de 352 lits, connaît un taux moyen d'occupation de près de 75 %. Bien qu'il soit particulièrement tourné vers des soins lourds, comme la neurochirurgie ou la réanimation, qui imposent la présence de soignants nombreux, cet établissement se situe dans la moyenne observée au service de santé des armées pour ce qui concerne le personnel auprès du lit du malade, avec un ratio de 3,2 agents par lit. Surtout, il intègre les équipements techniques les plus innovants, assortis d'une modularité destinée à ménager les futures évolutions de la pratique hospitalière. Il permet d'assurer, à la fois, une bonne formation des personnels soignants et la meilleure qualité des soins aux patients ; à preuve, par rapport à l'ancienne structure, les maladies nosocomiales ont été divisées par plus de vingt. Les prestations hôtelières sont également de bon niveau, notamment au plan de la climatisation.
Cet HIA s'inscrit bien sûr dans le cadre de la mission du service de santé des armées, en permettant l'instruction du personnel et le soutien des opérations militaires, mais il participe également à la carte sanitaire régionale (pour une population civile de l'ordre de 500 000 personnes dans l'agglomération toulonnaise). C'est ainsi que 85 % des patients de Sainte-Anne ne relèvent pas du ministère de la défense.
Pour conclure, je formulerai, à la suite du CPRA dans son rapport, quatre brèves observations de synthèse.
Premièrement, la durée entre les premières études et la mise en service a été soulignée pour la plupart des programmes. C'est le cas pour l'hélicoptère Tigre, la frégate Horizon ou encore l'hôpital Sainte-Anne. Il en va de même pour la durée de l'utilisation des matériels, le cas le plus emblématique étant celui des avions ravitailleurs C 135-KC 135.
Deuxièmement, la nécessité de contenir les enveloppes financières a pu conduire, dans certains cas, à une réduction de cible, par exemple pour l'hélicoptère Tigre ou pour la production de données dans le programme DNG3D. Cette contrainte budgétaire a pu aussi amener à réviser les performances attendues en ce qui concerne la frégate Horizon.
Troisièmement, les programmes d'études, dont Spirale, et les programmes transverses, comme le DNG3D, s'avèrent essentiels dans la constitution de pôles industriels d'excellence.
Enfin, le recours à la coopération avec des partenaires étrangers est intéressant, mais les difficultés sont nombreuses, comme l'a montré le lancement des opérations avec l'Allemagne et l'Espagne pour l'hélicoptère Tigre ou avec l'Italie pour la frégate Horizon. Il s'agit d'en tirer les enseignements pour l'avenir.
Merci, cher Collègue, pour cet exposé très instructif. Le CPRA effectue un travail d'évaluation, dans son champ de compétence, qu'il serait judicieux que tous les ministères pratiquent.
Les matériels militaires, comme les biens civils d'équipement, se révèlent de plus en plus sophistiqués. Est-ce que les industriels de l'armement en programment l'obsolescence, à l'instar de constructeurs d'électroménager ? Ce serait bien sûr un risque majeur de rupture capacitaire pour nos forces !
Le coût de revient est en partie fonction de l'usage des matériels en cause. Dans le cas des drones militaires, il me semble que ce coût pourrait être réduit si le développement d'usages civils était favorisé. Outils de surveillance, ces drones paraissent en effet adaptés, par exemple, à celle de nos côtes ou de nos frontières.
Les sociétés d'armement disposent-elles de divisions commerciales à même de promouvoir cet essor d'un usage civil de certains équipements militaires ? La bibliothèque de données constituée au moyen du programme DNG3D est-elle susceptible d'être commercialisée ? Par ailleurs, je m'interroge sur l'impact pratique qu'ont pu avoir, au fil des années, les rapports du CPRA.
L'obsolescence du matériel militaire est un risque, avéré, lié à l'évolution des technologies ; qu'on pense aux versions successives du Rafale, par exemple. Mais ce vieillissement de l'équipement n'est pas le fait d'une programmation par les constructeurs, dont les réalisations sont d'ailleurs étroitement contrôlées par les ingénieurs de la DGA. En revanche, la sophistication induit un coût financier. C'est pourquoi, alors même que les technologies disponibles s'avèrent aujourd'hui de plus en plus fines, la DGA préfère éviter de poursuivre une forme de course en la matière et, au contraire, recherche des plateformes relativement simples, au plan technologique, qu'il sera possible d'adapter au cas par cas, en fonction des besoins, suivant une démarche de différentiation. C'est le principe qui a été retenu, notamment, dans le cadre du programme Scorpion.
La plupart des grands groupes industriels d'armement sont aussi de grandes entreprises civiles. Les bureaux d'études, de ce fait, sont généralement duals. Néanmoins, les besoins civils sont rarement les mêmes que les besoins militaires. Il en va ainsi dans le domaine des drones : les drones nécessaires à l'observation civile sont de petits drones, les drones employés pour le renseignement militaire sont des drones MALE.
Comme je l'ai indiqué, une coopération européenne finance actuellement les études amont sur les drones futurs. Attendons leurs résultats. Mais il faudra être pragmatique : la France, si elle devait être le seul pays acheteur de ces drones européens, ne suffirait pas à faire un marché et, dans cette hypothèse, il serait vain de s'engager dans la production, alors que les offres américaines, voire israéliennes, sont d'ores et déjà disponibles.
Quant aux effets pratiques des travaux du CPRA, j'en retiendrai trois. D'abord, le développement de la précision des cahiers des charges adressés par la DGA aux industriels. Ensuite, la systématisation du recours aux appels d'offres, qui n'étaient pas de tradition, dans notre pays, en matière d'équipements militaires. Enfin, la fixation des prix de ces équipements, non plus seulement en fonction du coût d'acquisition, mais en tenant compte, plus largement, du coût de possession, qui comprend celui de l'entretien. Ce sont de réels progrès.
La commission examine le rapport de M. Yves Pozzo di Borgo et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 518 (2012-2013) autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relative au tunnel routier sous le Mont-Blanc.
Le projet de loi n° 518 concerne un Protocole, signé en octobre 2011, à Rome, entre la France et l'Italie, relatif à l'imposition des bénéfices de l'exploitation du tunnel du Mont-Blanc. Il vient mettre fin à une difficulté d'interprétation en matière fiscale.
Avant d'en venir à l'objet -important, mais limité- du Protocole en lui-même, permettez-moi de m'arrêter un instant sur la question, plus vaste mais liée, des franchissements alpins, et plus précisément du financement du Lyon-Turin. Dans la mesure où j'avais été rapporteur, fin 2013, de ce texte pour notre commission, je saisis aujourd'hui l'occasion du Protocole « Mont-Blanc » pour faire un peu le point. La France doit rendre en février prochain sa « copie » pour sa part de financement de cet ouvrage essentiel, qui va mobiliser au total 8,5 milliards d'euros, et qui sera en grande partie financé par des fonds européens, à 40%. La part française est de plus de 2 milliards d'euros et des solutions de financement sont à l'étude. La suppression de l'écotaxe, l'absence de prise en charge par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), imposent de trouver des solutions. Certains envisagent des émissions obligataires, l'Italie pourrait nous prêter de l'argent... Affaire à suivre.... Je me permets d'insister ici, comme je l'ai fait d'ailleurs lors de l'audition auprès des ministères que nous avons entendus, sur l'importance de ce dossier, et je sais pouvoir compter sur le soutien de nos collègues, notamment sur celui de M. Jean-Pierre Vial, qui est à la commission des Lois, et, dans notre commission, celui de Mme Eliane Giraud, qui suivent de très près ce dossier dans leurs collectivités respectives.
Le désengorgement des Alpes est un impératif. Près de 3 millions de poids lourds franchissent chaque année les passages franco-italiens. Entre 1980 et 2000, le volume total de transport de transit a doublé, il triplera encore en trente ans. Quand on pense que la sublime vallée de Chamonix, dont le monde entier vient admirer les sommets, les aiguilles et les glaciers, voit passer chaque année plus d'un demi-million de camions, on se dit qu'il y a vraiment une nécessité à permettre enfin un report modal vers le ferroviaire. C'est un enjeu de long terme qui dépasse largement la seule liaison entre Lyon et Turin, entre Rhône-Alpes et le Piémont. C'est en fait une liaison entre l'Ile-de-France et la région de Milan et même plus globalement la seule liaison entre l'Est et l'Ouest de l'Europe, de Gibraltar à Budapest. Seule liaison ferroviaire qui ne soit pas Nord-Sud, mais Est-Ouest, et qui nous affranchisse d'une certaine dépendance par rapport aux liaisons ferroviaires existantes entre Allemagne et Italie. Faut-il rappeler les enjeux économiques considérables de cette liaison avec notre deuxième partenaire commercial, l'Italie ?
J'en viens tout naturellement au contenu du Protocole qui nous anime aujourd'hui. Le tunnel du Mont-Blanc, inauguré en 1965, entre la vallée de Chamonix et le val d'Aoste, est long de 11,6 km (dont 7,6 km en territoire français). Le tunnel est constitué d'un tube unique à double sens de circulation, avec une chaussée de 7 mètres de large, relativement étroite par rapport aux tunnels bidirectionnels plus récents.
Son histoire est marquée par l'incendie survenu dans le tunnel dans la matinée du 24 mars 1999, qui s'est révélé d'une ampleur et d'une gravité exceptionnelles. 24 poids lourds, 9 véhicules légers, une moto et deux véhicules de secours ont été détruits. Le bilan définitif de l'incendie, particulièrement lourd, s'est élevé à 39 morts. Cet accident nous a fait prendre conscience de beaucoup de problèmes.
Deux missions administratives d'expertise, l'une française, l'autre italienne, ont rendu en juillet 1999 un rapport commun, détaillant les circonstances de la catastrophe et énonçant 41 recommandations. Une première série de recommandations portait sur l'organisation institutionnelle. Le rapport demandait en particulier la constitution d'une structure de gestion unique du tunnel du Mont-Blanc. A l'époque, l'exploitation et même les travaux étaient dissociés entre la partie française et la partie italienne....
La convention franco-italienne du 24 novembre 2006, dite « Convention de Lucques » que nous avons ratifiée en 2008, a créé cette structure unique en charge de l'exploitation du tunnel : un groupement européen d'intérêt économique, ou GEIE, a été mis en place « au-dessus » des deux sociétés, l'une italienne, l'autre française. Pour la sécurité, la convention a renforcé les attributions de la Commission intergouvernementale franco-italienne et du Comité de sécurité qui lui est adjoint. Les conditions d'exercice de la police de la circulation dans le tunnel ont été entièrement revues, dans le cadre d'une nouvelle directive européenne. Nous avons donc aujourd'hui une exploitation unifiée et une sécurité renforcée.
S'agissant du protocole en lui-même, son objet est modeste : la convention de Lucques ne prévoit aucune mesure de répartition de l'imposition des bénéfices du GEIE -la structure « de tête »- entre les deux Etats signataires.
Dans le silence du traité initial, une procédure de contrôle fiscal, mise en oeuvre par les autorités italiennes à l'encontre du GEIE, a abouti à imposer en Italie la totalité du bénéfice dégagé par l'exploitation du tunnel, ce qui eut pour conséquence, pour la société française ATMB, de subir, de fait, une double imposition, une fois en Italie au niveau du GEIE, une deuxième fois en France une fois que les bénéfices étaient « redescendus » dans la filiale française.
À terme, avec ce contrôle fiscal, la clé de répartition territoriale du bénéfice tiré de l'exploitation du tunnel sous le Mont-Blanc (50-50 entre l'Italie et la France) était remise en cause, puisque la totalité de l'activité se retrouvait, de fait, taxée en Italie et ce, tant au regard de l'impôt sur les bénéfices que des impôts locaux assis sur ces bénéfices. Dans un premier temps, les services fiscaux des deux pays se sont mis d'accord par « Lettre d'intention » pour mettre fin au contentieux fiscal et effacer les pénalités. Dans un deuxième temps, le protocole que nous examinons aujourd'hui, signé en 2011, est venu graver dans le droit international le fait que l'imposition se fait bien à parité entre la France et l'Italie. De portée limitée, clarifiant le cadre fiscal, ce protocole apporte des précisions bienvenues. Il a déjà été ratifié par la partie italienne. Je vous propose donc de l'adopter, et de l'examiner en séance publique sous la forme simplifiée, le 30 octobre. Je vous remercie de votre attention.
Merci à Yves Pozzo di Borgo d'avoir élargi le sujet au Lyon-Turin. Permettez-moi d'associer Didier Guillaume aux parlementaires que vous avez cités, compte tenu de sa très forte implication : la Drôme a un rôle moteur sur ce sujet.
Vous avez raison de dire que cette liaison est bien davantage qu'un tunnel entre la région Rhône-Alpes et la région de Turin. De très nombreux parlementaires se sont d'ailleurs mobilisés il y a plus d'un an, au travers d'un manifeste, pour soutenir ce projet. J'assiste moi-même à toutes les réunions de la commission inter-gouvernementale et je suis plutôt optimiste. Notre ministre est très engagé, nous avons l'écoute du Président de la République. Cette liaison touche au coeur de la relation économique entre la France et l'Italie, deux pays qui comptent en Europe et qui portent aujourd'hui un projet commun pour la croissance et l'investissement. Je vous remercie donc d'y avoir fait référence. Je souligne aussi combien nos entreprises industrielles sont concernées par ce projet qui met en oeuvre de nombreuses technologies : elles doivent être soutenues.
J'approuve le rapport de notre collègue Yves Pozzo di Borgo. Sur le Lyon-Turin, l'essentiel a été dit. Peu de dossiers peuvent bénéficier d'une telle proportion de financements européens. Ce serait un drame de ne pas en bénéficier. Le projet est essentiel sur le plan économique, c'est bien plus qu'un tunnel. Lien entre Rhône-Alpes et le Piémont, entre la France et l'Italie, c'est surtout un projet transeuropéen, vous l'avez dit, en citant Gibraltar et Budapest, sur toute la largeur de l'Europe.
Il permettra non seulement de désengorger les Alpes, mais aussi de réduire les nuisances environnementales -nous pouvons constater le terrible engorgement par les poids lourds des franchissements alpins, vous l'avez cité- ; enfin, ce projet permettra une relance de l'économie. Vous avez bien fait d'évoquer ce sujet et, comme fin 2013 où nous avions été très nombreux au Sénat à nous mobiliser sur cette question, il est bon que le Sénat dise à nouveau aujourd'hui sa vigilance sur ce sujet.
La commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité. Elle a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.
La commission examine le rapport de Mme Hélène Conway-Mouret et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 661 (2013-2014) autorisant la ratification de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part.
J'ai le plaisir de vous présenter ce matin un des trois accords aériens, inscrit à l'ordre du jour. Il s'agit de la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part.
Je formulerai deux remarques liminaires avant de vous présenter ce texte.
Tout d'abord, ce traité, qui a été signé le 2 décembre 2010, revêt un fort caractère politique. Il consacre le choix européen fait par la Géorgie, dans le cadre de ses relations extérieures. En effet, cette dernière a entrepris de nouer de solides liens avec l'Union européenne depuis 1999. Cette année là a été marquée par l'entrée en vigueur de son accord de partenariat et de coopération avec l'Union, ainsi que par son adhésion au Conseil de l'Europe et à l'OMC.
Ce choix européen s'affirme toutefois dans un contexte difficile. La Géorgie a été opposée à la Russie à l'été 2008, dans un violent conflit armé, autour de la sécession de l'Ossétie du sud et de l'Abkhazie. Cette opposition a conduit à la rupture des relations entre Moscou et Tbilissi. La Mission de surveillance de l'Union européenne demeure seule sur le terrain depuis le départ exigé par la Russie des missions de l'ONU et de l'OSCE.
En dépit de tentatives d'apaisement des relations avec la Russie, conduites par la majorité géorgienne issue des urnes en 2012, la situation demeure fragile. Il y a bien eu levée, en 2013, de l'embargo sur quelques produits agricoles géorgiens. Cependant les autorités géorgiennes dénoncent, en même temps, une reprise des travaux de « frontiérisation » avec la pose de clôtures et de barbelés sur les lignes de jonction administratives avec l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud.
Autre remarque liminaire, ce traité s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique européenne de voisinage.
En effet, la Géorgie bénéficie depuis 2009 de cette politique. Conçue afin d'engager 16 pays voisins de l'Union dans la promotion de valeurs communes, elle comprend un volet aérien avec deux axes géographiques, méridional et oriental. Le présent accord relève du second.
Un des objectifs de cette politique est la création d'espaces aériens communs avec ces pays voisins. Cette notion doit être entendue comme un « espace commercial commun comprenant des normes communes. ».
Elle est donc distincte de celle de « ciel unique » qui traite de « l'efficience de l'exploitation du ciel européen » et qui renvoie à l'organisation des services de contrôle aérien.
Cette politique de voisinage s'est traduite par la conclusion, en 2006, d'un accord multilatéral sur la création d'un espace aérien commun européen dit EACE , entre les 25 Etats, alors membres de la Communauté européenne ainsi que la Bulgarie, la Roumanie, l'Islande, la Norvège et les pays des Balkans de l'Ouest.
Or, l'accord, soumis à votre approbation, constitue une étape, avant une éventuelle intégration par la Géorgie de cet espace EACE.
Ce traité, conjointement signé par l'Union et chacun des Etats membres présente une architecture et des principes conformes à la pratique conventionnelle européenne, en la matière.
Les accords types proposés aux pays voisins sont généralement semblables, que ces Etats appartiennent à la zone orientale ou méditerranéenne. Le présent accord en témoigne. On y retrouve des clauses similaires à celles du traité jordanien, qui vous sera présenté dans un instant.
En l'absence d'un traité aérien bilatéral franco-géorgien, cet accord permet de mettre en place un cadre juridique propice au développement de services aériens entre les deux pays.
Ce cadre comprend deux types de stipulations :
- les premières sont relatives à l'exploitation des services aériens, dans un contexte de libéralisation du marché,
- les secondes traitent de la coopération réglementaire qui impose la reprise de certaines normes communautaires par les autorités géorgiennes.
Ce dispositif vise donc à ouvrir le marché en contrepartie d'une harmonisation des normes. Il contribue, d'une part, à établir un cadre concurrentiel équitable, et d'autre part, à renforcer la sûreté du transport aérien.
Je ne prendrai qu'un seul exemple en matière de sécurité, celui de l'obligation pour la Géorgie d'exclure du registre des immatriculations, les appareils qui ne disposent pas d'un certificat délivré par l'Agence européenne de la sécurité aérienne.
En ce qui concerne tout d'abord l'ouverture du marché aérien, l'accord autorise les transporteurs européens et géorgiens à proposer des services, au départ de toute plateforme européenne, vers tout aéroport en Géorgie et réciproquement. Ces droits sont qualifiés de troisième et de quatrième libertés.
Cette exploitation s'opère sans contrainte. Les transporteurs sont libres de fixer les fréquences, la capacité ou les tarifs de leur offre.
Quant aux droits dits de cinquième liberté, ils permettront aux transporteurs géorgiens de débarquer et embarquer, dans le territoire d'un Etat Partie à l'accord, des passagers en provenance ou à destination d'un État tiers.
Cette cinquième liberté est toutefois conditionnée par la transposition de certaines règles communautaires, en matière de sûreté du transport aérien, de protection des consommateurs et de l'environnement, notamment.
Cette étape d'harmonisation ne sera pas immédiate, compte tenu de la taille modeste de l'administration géorgienne chargée de l'aviation civile. C'est pourquoi, les autorités de ce pays ont insisté pour recevoir une aide particulière dans le domaine de la gestion du trafic aérien, en raison du volume de textes à transposer.
La Géorgie bénéficiera également de l'aide de l'Union dans le cadre de différents programmes de soutien technique.
S'agissant, enfin, des perspectives commerciales de cette ouverture de marché, elles sont incertaines. Le transport aérien entre la Géorgie et l'Union européenne a concerné environ 250 000 passagers entre 2010 et 2012. Seuls onze Etats membres disposent de liaisons directes avec la Géorgie, principalement avec sa capitale Tbilissi. Le marché est centré sur trois Etats membres qui représentaient près de 60 % du trafic passagers en 2012. Il s'agit de l'Allemagne, la Pologne et la Lettonie.
Le marché français se situait à la septième place en 2010 avec un peu plus de 10 000 passagers. Il ne bénéficie plus d'une desserte régulière depuis 2012. La compagnie Georgian Airways propose toutefois ponctuellement des services entre Tbilissi et Paris.
L'intérêt majeur de la conclusion d'un tel accord réside donc dans l'opportunité d'approfondir les relations entre l'Union européenne, la France, d'une part, et la Géorgie, d'autre part. Il traduit concrètement les objectifs de réformes fixées dans le cadre de la politique aérienne de voisinage.
C'est pourquoi, je vous propose d'achever le processus de ratification, en :
- adoptant le projet de loi n° 661 (2013-2014), autorisant la ratification de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part ;
- et en prévoyant son examen en séance publique en forme simplifiée, le 30 octobre.
La commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité. Elle a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.
La commission examine le rapport de Mme Josette Durrieu et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 662 (2013-2014) autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part.
Nous examinons ce matin un autre accord aérien, conclu entre l'Union européenne et ses Etats membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part.
Malheureusement, notre excellente collègue rapporteure, Mme Josette Durrieu, a été impérativement retenue par la session de l'assemblée de l'Union interparlementaire, à Genève. Elle m'a donc communiqué son intervention.
Ce projet de loi a retenu toute l'attention de notre rapporteure pour deux raisons : le sujet et le pays. Tout d'abord, elle a eu le privilège de rapporter devant votre commission sur une convention similaire, en avril dernier, dans le cadre de la ratification de l'accord aérien franco-moldave.
L'exercice est donc récurrent mais non routinier. En effet, il nous transporte aujourd'hui en Jordanie. C'est la seconde raison pour laquelle notre rapporteure a porté une attention toute particulière à cet accord.
Ce pays constitue un partenaire essentiel de l'Union européenne et de la France, dans une région bouleversée par les conflits et menacée par la proclamation de Daesh et son extension.
Nommée rapporteure, le 12 mars dernier, sur le dossier de la demande jordanienne de statut de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, elle a pu, d'ores et déjà, constater la volonté de ce pays, sous l'impulsion de son roi, Abdallah II, de se réformer progressivement, et cela dans un contexte particulièrement difficile.
C'est pourquoi le présent accord sur les transports aériens, qui est porteur d'enjeux économiques, revêt aussi un caractère politique.
La Jordanie constitue le tout premier pays du Proche Orient à conclure un tel lien conventionnel avec l'Union européenne, au titre de la politique de voisinage. Mise en place en 2004, cette politique vise à encourager des relations plus étroites avec les pays limitrophes de l'Union européenne. Elle tend aussi à favoriser les valeurs communes que sont la démocratie, l'État de droit, la bonne gouvernance et le développement durable. Elle favorise une association politique et une intensification de l'intégration économique.
Le présent accord illustre donc la mise en oeuvre de cette politique de coopération avec les pays voisins de l'Union européenne, dans les domaines de la sécurité, de la sûreté et de la gestion du trafic aérien.
En effet, la Jordanie est l'un des seize partenaires de cette politique de voisinage aux côtés notamment de la Géorgie, de l'Ukraine, de la Moldavie, du Liban et du Maroc.
Monarchie constitutionnelle, indépendante depuis 1946, la Jordanie a entrepris, depuis 2011, sous l'impulsion directe du roi, des réformes importantes allant dans le sens de la démocratie et de l'état de droit. Un tiers de la constitution a été ainsi amendé en 2011. Une Cour constitutionnelle ainsi qu'une Commission électorale indépendante y ont été créées. D'autres réformes ont été engagées dans le domaine de la loi électorale, de la transparence et de la lutte contre la corruption.
Ainsi la politique européenne de voisinage revêt un caractère particulièrement stratégique et permet d'aider la Jordanie dans son processus de modernisation de la vie démocratique et économique.
La rapporteure a pu constater, lors de visites et de travaux, que ce soutien de l'Europe et de la France est perçu très favorablement par les Jordaniens. En effet, 61 % d'entre eux jugent que l'Union européenne entretient de bonnes relations avec la Jordanie.
46 % des personnes interrogées considèrent que l'appui de l'Union européenne dans les efforts de modernisation contribue pour beaucoup au développement de leur pays.
Ce soutien est essentiel car en dépit d'une volonté réelle de se réformer, le chemin à parcourir sera long.
L'accord aérien, objet de la présente ratification, a été négocié par la Commission européenne. Cet accord comporte 29 articles et 4 annexes. Il a été conjointement signé par l'Union et chacun des Etats membres, le 15 décembre 2010.
Ses stipulations se substitueront à celles du traité qui lie la France à la Jordanie depuis 1966. Il pose les conditions de création d'un « espace aérien commun » afin de favoriser les échanges avec la Jordanie.
A l'instar de la convention conclue avec la Moldavie, cet accord a pour objet d'établir un cadre unique pour l'exploitation des services aériens entre l'Union européenne et le territoire jordanien, reposant sur une ouverture de marché progressive corrélée à une harmonisation des normes.
Ainsi, il tend à permettre aux Parties de mettre en place un cadre concurrentiel équitable.
Il vise à autoriser les compagnies aériennes établies sur le territoire de ces Parties à proposer des services aériens au départ de tout aéroport situé en Europe, en Jordanie ou dans d'autres pays partenaires méditerranéens, sans restriction en matière de tarifs ou de capacités.
En contrepartie, la Jordanie doit harmoniser ses normes en matière de transport aérien, avec celles édictées par l'Union européenne.
En effet, l'accord impose à la Jordanie l'adoption et l'application d'une partie substantielle de l'acquis communautaire en matière de transport aérien. Les règles visées concernent la sécurité et la sûreté aérienne, la gestion du trafic, la protection de l'environnement et des consommateurs ainsi que certains aspects sociaux. Cette unification du cadre juridique applicable aux transports aériens vise donc de manière plus générale à sécuriser le transport aérien.
S'agissant des perspectives commerciales offertes par cet accord, elles demeurent pour l'instant incertaines. Le marché entre l'Union européenne et la Jordanie s'est avéré relativement stable entre 2010 et 2012, avec un peu plus d'un million de passagers transportés. Cependant, l'année 2013 a été marquée par un léger repli. Quant au nombre de passagers entre Paris et Amman, il s'est contracté de 196 000 à 153 000 entre 2010 et 2012.
Si cette ouverture à la concurrence n'a pas encore produit les résultats attendus, en termes de trafic ou de routes, en raison notamment de la crise économique et du contexte géopolitique en Syrie, ce traité n'en demeure pas moins essentiel.
Il participe non seulement à la mise en oeuvre d'une coopération fructueuse en matière de sécurité des transports aériens, mais plus globalement à un processus de modernisation.
Pour l'ensemble de ces raisons, notre rapporteure vous propose :
- d'adopter le projet de loi n° 662 (2013-2014) autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l'Union européenne et ses Etats membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part ;
- et de prévoir son examen en séance publique en forme simplifiée, le 30 octobre.
L'aide internationale fournie à la Jordanie dont la stabilité est fragile est en deça des besoins du pays. Ce pays a besoin de soutien.
En tant que présidente du groupe France-Jordanie au Sénat, je confirme qu'il convient d'aider les Jordaniens.
Renforcer nos liens avec ce pays est important. Cet accord y contribue.
La commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité. Elle a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.
La commission examine le rapport de Mme Nathalie Goulet et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 780 (2013-2014) autorisant la ratification du protocole modifiant l'accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les Etats-Unis d'Amérique, d'autre part.
Nous poursuivons notre examen avec un troisième accord aérien. A l'instar des conventions présentées par mes collègues, il relève de la politique extérieure aérienne de l'Union européenne. Cependant, il ne concerne pas les pays dits « voisins », comme la Géorgie ou la Jordanie, mais il développe la coopération aérienne avec les partenaires clés. Il s'agit en l'espèce des Etats-Unis.
La convention qui est soumise à votre examen est un protocole qui modifie les stipulations d'un accord de 2007, conclu entre les Etats-Unis d'Amérique, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part. Il a été signé en décembre 2010.
S'agissant de l'accord de 2007, je souhaiterais rappeler brièvement que celui-ci a permis dans un premier temps de définir un cadre juridique unique et stable pour l'exploitation de services aériens par les compagnies américaines et européennes. Il s'est substitué aux accords bilatéraux dont la conformité au droit communautaire avait été contestée.
L'accord a ainsi organisé les conditions d'une première ouverture des marchés avec un partenaire clé. En effet, les Etats-Unis représentent avec l'Union européenne environ 60 % de l'aviation mondiale.
Il a notamment permis aux transporteurs aériens américains et à ceux de l'Union européenne de fournir librement leurs services entre tout aéroport des États-Unis et tout aéroport de l'Union européenne, sans limitation du nombre de compagnies aériennes, de fréquence des services ou de capacité des appareils utilisés.
Cet accord a constitué une étape importante dans la construction des relations aériennes entre les Etats membres de l'Union et les Etats-Unis, mais il nécessitait d'être revu à terme. C'est l'objet du présent protocole.
En effet, il n'a pas donné entièrement satisfaction aux parties. Les transporteurs américains considéraient que les restrictions d'exploitation appliquées sur certains aéroports européens pour des raisons environnementales, constituaient des entraves à l'exercice des droits de trafic garantis par l'accord.
Quant aux compagnies européennes, elles estimaient que l'ouverture de marché prévue par l'accord n'était pas totalement effective, en raison d'un accès restreint au capital des compagnies aériennes américaines.
En effet, cet accès est soumis à une double limitation. D'une part, la totalité des ressortissants étrangers ne peut détenir plus du quart des actions avec droit de vote d'une entreprise américaine de transport aérien. D'autre part, le contrôle effectif de ces transporteurs doit relever d'intérêts américains.
Donc l'accord a renvoyé de manière pragmatique à des négociations ultérieures sur ces points.
En outre, les parties s'étaient réservé la possibilité de suspendre certains droits prévus dans l'accord, en cas d'échec des négociations avant le 30 novembre 2010. Grâce à la signature du Protocole en juin 2010, cette disposition est devenue caduque. Le cadre d'exploitation fixé en 2007 peut être renforcé.
Ainsi, le Protocole poursuit la libéralisation des droits de trafic ainsi que celle des investissements.
Les transporteurs américains pourront, en matière de fret, effectuer des liaisons entre l'Union européenne et un pays tiers, sans devoir inclure une ville américaine dans le trajet.
Quant au transport de passagers, le Protocole octroie aux compagnies aériennes américaines et européennes le droit de proposer des services au départ du territoire d'une autre Partie vers cinq Etats tiers.
Ces nouveaux droits sont cependant soumis à la réalisation de conditions, afin d'inciter chaque partie à répondre aux motifs d'insatisfaction de l'autre partie. En effet, l'Union européenne, comme les Etats-Unis, doivent modifier leur législation, en contrepartie de ces nouvelles libertés. Là encore, on aura des calendriers qui ne seront pas concordants.
L'évolution de la législation européenne attendue concerne essentiellement les restrictions d'exploitation fondées sur le bruit. La Commission européenne doit pouvoir contrôler la conformité de ces restrictions mises en oeuvre par les Etats membres, préalablement à leur application.
S'agissant des droits additionnels des transporteurs américains, ils ne seront accordés que lorsque la législation américaine autorisera la détention à 100 % des transporteurs américains par des intérêts européens.
Vous l'aurez compris. Ce protocole est nécessaire mais sa portée effective demeure liée à la réalisation des conditions qu'il pose.
Il constitue une étape dans la longue construction du cadre réglementaire du transport aérien entre les Etats-Unis et les Etats membres de l'Union européenne.
Vigilance, patience, persévérance et contrôle continu constituent des mots d'ordre essentiels dans le cadre de la réalisation des objectifs de l'accord ainsi modifié.
Dans l'attente de ces modifications législatives, le Protocole a le mérite, d'ores et déjà, de constituer un point de non-retour de la mise en oeuvre d'un environnement concurrentiel « équitable » du transport aérien entre les deux continents. L'absence d'un tel accord aurait contraint les compagnies aériennes à renoncer à une politique de développement de leur réseau.
Le Protocole contribue donc à l'approfondissement des relations aériennes entre les Etats-Unis et les Etats membres de l'Union, afin de rendre le trafic aérien plus efficient et plus sécurisé, au profit des consommateurs, des transporteurs aériens et des travailleurs.
A titre de conclusion, je souhaiterais ajouter deux remarques.
Premièrement sur la méthode, même si les procédures d'adoption des projets de loi de ratification ne donnent lieu, en règle générale, qu'à des procédures accélérées alors que ces textes sont dans la navette depuis des années et en toute hypothèse sont non amendables, il est extrêmement dommage que l'accélération d'examen des conventions, voulue par le Gouvernement, n'ait pas pu permettre, compte tenu du calendrier sénatorial, de procéder aux auditions pertinentes. En l'espèce, le texte a été adopté par l'Assemblée nationale, le 23 juillet dernier alors qu'il a été signé quatre ans plus tôt.
Ce n'est pas parce que le ministre y voit une urgence que l'on doit en subir les conséquences.
Deuxièmement, sur le fond, l'accord entre les Etats-Unis et l'Union européenne qui nous est présenté aujourd'hui préfigure le type de rapports de force que nous retrouverons dans les négociations des traités TAFTA et TTIP. C'est à dire un abandon de normes au profit de bénéfices hypothétiques en matière d'investissement ou d'emploi. Le rôle du Parlement en l'état réduit à une portion congrue, acceptable dans le cadre de la présente ratification, ne le sera absolument pas dans le cadre des deux autres textes évoqués, compte tenu notamment de la mobilisation citoyenne. Notre commission devrait mettre en place une procédure adaptée à l'arrivée de ces deux textes.
Ceci étant dit, je vous propose :
- d'adopter le projet de loi n° 780 (2013-2014) autorisant la ratification du protocole modifiant l'accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les Etats-Unis d'Amérique, d'autre part ;
- et de prévoir son examen en séance publique en forme simplifiée, le 30 octobre.
Les observations du rapporteur sont fondées et devront être examinées dans le cadre du bureau. Il conviendrait de prévoir à l'avance des auditions grâce à un calendrier législatif préétabli. Un rapport d'information est en cours de préparation.
Je profite de vos observations pour signaler une convention de coopération civile avec la Turquie qui présente de forts enjeux.
Quant au présent accord, on nous parle d'engagements réciproques mais je suis sceptique sur ceux des Etats-Unis qui refusent le cabotage aux entreprises européennes.
Je ne voterai donc pas ce texte.
Puis la commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité.
Elle a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.
La commission examine le rapport de Mme Nathalie Goulet et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 516 (2012-2013) autorisant la ratification du traité entre la République française et la République tchèque sur la coopération dans le domaine de la protection civile, de la prévention et de la gestion des situations d'urgence.
Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons ce matin un projet de loi visant à ratifier un traité, conclu avec la République tchèque, dans le domaine de la sécurité civile et de la gestion des situations d'urgence.
Ce traité de seize articles a été signé le 16 décembre 2010, afin de donner un cadre juridique en matière de protection civile, à la coopération qui a été réalisée jusqu'à présent sur une base informelle et ponctuelle.
La nécessité de conclure un accord visant à renforcer la coopération dans le domaine de la sécurité civile avec la République tchèque est apparue lors de la gestion des inondations d'août 1997.
Celles-ci ont été particulièrement meurtrières et destructrices. Elles ont causé la mort d'une cinquantaine de personnes en République tchèque. Les dommages ont été estimés à environ 3,8 milliards d'euros. On a dénombré 538 localités qui ont été atteintes à des stades divers. On a recensé 2 151 immeubles et 48 ponts ainsi détruits.
La coopération française lors de cette catastrophe s'est traduite par l'envoi d'un détachement de la Direction de la défense et de la sécurité civile (DDSC) du ministère de l'Intérieur. Celui-ci a prêté assistance aux populations puis a assuré l'approvisionnement en eau potable.
Ces secours ont été suivis la même année par une mission opérationnelle de la DDSC afin de déterminer les difficultés d'organisation de la Protection civile tchèque. (La République tchèque est en effet très exposée au risque d'inondation. Elle a dû encore y faire face en juin 2013.)
Ce diagnostic a été complété par un audit du système tchèque, en décembre 2000, réalisé par la Sécurité civile française, puis par une autre étude menée par un représentant de la DDSC en 2002.
Ces diverses évaluations avaient pour objet d'améliorer la planification, la coordination et la gestion des mesures d'urgences et des situations de crise menaçant la population.
Elles ont permis aux autorités tchèques de restructurer leurs services, selon un schéma organisationnel proche du modèle français.
En effet, jusqu'en 2001, les services chargés de la protection civile tchèque dépendaient du ministère de la Défense. Depuis le 1er janvier 2001, ces services ont été fusionnés avec les services de lutte contre l'incendie, rattachés au ministère de l'Intérieur. La nouvelle entité ainsi créée est dénommée HZS, Hasicsky Zachranny Sbor signifiant « corps des sapeurs-pompiers et des secours ».
Cette collaboration informelle s'est exercée de manière réciproque puisque la République Tchèque a fourni de l'aide à la France, avec l'envoi de pompes à grand débit accompagné de personnel, lors des inondations qui ont frappé le sud de la France, en décembre 2003.
S'agissant de la prévention des risques, les Sécurités civiles française et tchèque ont entretenu depuis 2002, une coopération technique régulière.
Ainsi, des experts tchèques se sont rendus en France afin :
- d'adapter les plans existants aux nouveaux dangers technologiques, nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques ;
- de mieux alerter les populations ;
- d'optimiser la prévention et la protection contre les inondations ;
- d'harmoniser les procédures opérationnelles d'interventions communes.
Enfin, la coopération entre les deux pays s'est traduite également par la mise en place de nombreuses formations.
Compte tenu du développement de la coopération entre les deux pays, les autorités françaises et tchèques ont souhaité conclure un accord spécifique afin de donner un cadre juridique précis à leur collaboration.
En effet, l'accord franco-tchèque relatif à la coopération policière, de sécurité civile et d'administration publique, signé le 2 avril 1971, ne traite que très brièvement de la sécurité civile.
Il était donc nécessaire d'encadrer les demandes d'assistance. Ce cadre est exhaustif car il précise notamment 12 modalités concrètes de coopération qui renvoient aux deux axes principaux de la sécurité civile :
- La prévention des risques avec l'organisation d'échanges d'experts et d'informations scientifiques et techniques ainsi que des actions de formation ;
- La gestion des risques avec la mise en oeuvre d'une assistance mutuelle en cas de situation d'urgence. Celle-ci est définie comme étant créée à la suite d'une catastrophe naturelle ou d'un accident technologique majeur, susceptible d'avoir des conséquences graves en termes humains ou sur l'environnement.
Le traité précise notamment les questions financières. A titre d'illustration, il protège les sauveteurs en cas d'accident lié à une intervention dans l'un ou l'autre pays et écarte le risque de litiges, en cas de dommages pour les matériels ou les tiers.
Il a été convenu que l'assistance serait fournie à titre gratuit. En outre, les deux Parties renoncent à toute demande de remboursement des préjudices matériels et d'indemnisation, en cas de dommage corporel ou de décès d'un membre d'une équipe d'assistance.
Cet accord organise également les questions de logistique et d'autorité hiérarchique concernant les équipes de secours. Les administrations respectives des Parties déterminent, d'un commun accord, le volume et les conditions de cette assistance. Il convient de relever que chaque Partie peut, à tout moment, y mettre un terme.
D'une manière générale, le traité garantit aux partenaires une lisibilité quant aux règles de mise en oeuvre de la coopération, qui n'ont plus à être fixées lors de chaque action de coopération ou demande d'assistance opérationnelle.
Cet accord permettra donc de réduire les conséquences négatives d'une catastrophe naturelle ou industrielle sur les populations et l'environnement, grâce au développement des capacités d'anticipation, de prévention et de gestion des risques.
En outre, il renforcera la collaboration entre les spécialistes des deux pays en matière de sécurité civile, en donnant un cadre juridique rigoureux et solide à leurs communications.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose :
- d'adopter le projet de loi n° 516 (2012-2013) autorisant la ratification du traité entre la République française et la République tchèque sur la coopération dans le domaine de la protection civile, de la prévention et de la gestion des situations d'urgence
- et de prévoir son examen en séance publique en forme simplifiée, le 30 octobre.
Puis la commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité.
Elle a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.
La commission examine le rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 660 (2013-2014) autorisant la ratification du protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Monsieur le Président, mes chers collègues, l'accord soumis à votre approbation ce matin est un protocole qui modifie le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, appelé le PIDESC. Ce texte a été adopté (à l'unanimité) par l'assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 2008, 60 ans après la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, et signé par la France le 11 décembre 2012.
Je rappellerai brièvement que ce pacte onusien a été adopté le 16 décembre 1966 et est entré en vigueur le 3 janvier 1976. Il a été ratifié par la France le 4 novembre 1980.
Il constitue l'instrument de référence pour la protection et la promotion des droits économiques, sociaux et culturels. Les 162 États parties au pacte se sont ainsi engagés à respecter, protéger et garantir ces droits.
Ces droits contribuent d'une manière générale à la dignité humaine. Il s'agit notamment, pour n'en citer que quelques-uns, du droit au travail, à l'éducation, à l'eau, au « meilleur état de santé physique et mentale », à la protection de la famille, à un « niveau de vie suffisant » qui comprendrait l'alimentation, le droit de se vêtir, le droit au logement.
Contrairement à un autre pacte onusien de 1966 qui concerne les droits civils et politiques, le texte d'origine du PIDESC ne prévoit pas de dispositif de plaintes, en cas de violation des droits.
La bonne application du pacte était, jusqu'à présent, assurée par un dispositif de surveillance, à la charge des Etats. Celui-ci consiste en la présentation par les Etats Parties de rapports d'application tous les cinq ans.
Ceux-ci sont examinés par le Comité de l'ONU pour les droits économiques et sociaux. Ce Comité fait part de ses observations, prenant note, dans un premier temps, des points positifs. Dans un second temps, il formule les « sujets de préoccupation ». Puis il demande à l'État Partie de l'informer de toutes les mesures qu'il aura prises pour mettre en oeuvre ses observations finales.
Si cette procédure d'élaboration de rapports a permis l'établissement d'un dialogue constructif, vous conviendrez cependant qu'elle peut constituer un exercice formel et standardisé quelque peu insuffisant car dépendant de la bonne volonté des Etats.
En effet, sur les 162 Etats parties au pacte, 33 Etats n'ont pas transmis leur rapport initial au Comité. 22 d'entre eux accusent un retard de plus de dix ans.
En outre, les réticences des Etats à se conformer à leur obligation « d'autosurveillance » ne constituent pas les seuls obstacles à la bonne application du pacte.
Il apparaît que le Comité peine à examiner les rapports, selon la périodicité définie. Au 30 novembre 2012, le nombre de rapports en attente d'examen devant le Comité était de 49. C'est le cas du 4ème rapport français, transmis le 23 mai 2013. Celui-ci n'a toujours pas été examiné.
C'est pourquoi, dès 1993, les Etats se sont engagés à élaborer un protocole facultatif visant à renforcer l'efficacité du pacte. Un groupe de travail, créé par la Commission des droits de l'Homme, a été mis en place seulement en 2004, onze ans après cette décision. C'est long.
Cette inertie témoigne des divergences de vues sur la « justiciabilité » des droits économiques, sociaux et culturels. Ceux-ci sont souvent considérés comme des droits de seconde génération qui ne pourraient être satisfaits qu'en période de croissance.
Il n'existait d'ailleurs pas de consensus au sein même des pays occidentaux. La France, qui a fait partie du « Groupe des amis du protocole », s'est attachée à trouver un texte de compromis, permettant le ralliement du plus grand nombre d'Etats.
En l'espèce, il s'agissait de renforcer l'application du pacte, face au scepticisme de certains Etats sur la portée réelle des droits visés, sans pour autant faire du Comité, une cour internationale des droits économiques, sociaux et culturels.
L'objet du protocole, soumis à votre approbation, est donc de compléter le dispositif de surveillance du pacte par un triple mécanisme de contrôle, faisant intervenir trois sources différentes : les victimes elles-mêmes, un Etat ou le Comité pour les droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies.
Ce texte ne crée donc pas de nouveaux droits, mais il renforce l'effectivité de ceux qui figurent dans le pacte initial.
Tout d'abord, il vise à permettre l'accès à la justice pour les plus pauvres afin de faire valoir leurs droits à l'alimentation, à la santé, à l'éducation, ou encore au logement.
En effet, le protocole autorise les victimes de violation de leurs droits économiques, sociaux et culturels à demander réparation, au niveau international, des dommages ainsi causés, après avoir épuisé toutes les voies de recours au niveau national.
Grâce au protocole, ces personnes pourront introduire une plainte individuelle auprès du Comité onusien. Cette procédure tend donc à compléter les systèmes nationaux et non à les remplacer.
Le deuxième volet de contrôle, prévu par le protocole, est la communication interétatique. Si un Etat considère qu'un autre Etat Partie ne s'acquitte pas de ses obligations au titre du pacte, il peut adresser à cet Etat une communication écrite et en informer le Comité.
Enfin, la troisième avancée de ce nouveau texte est de doter le Comité de pouvoirs d'enquête. Lorsque celui-ci est informé d'un manquement grave par un Etat Partie au pacte, il peut alors charger un de ses membres de réaliser une enquête, en se rendant sur le territoire de cet Etat. Les résultats sont présentés à l'Etat Partie qui dispose d'un délai de six mois afin de répondre aux observations et recommandations du Comité.
En conclusion, en prévoyant un tel dispositif de contrôle, le protocole tend, vous l'aurez compris, à renforcer la portée des droits économiques, sociaux et culturels.
Il met fin à une inégalité qui existe entre les victimes de violation de ces droits et celles de droits civils et politiques, pour lesquelles un mécanisme de réparation existe déjà dans le cadre du pacte des droits civils et politiques.
Au-delà du symbole qu'il véhicule, le protocole a également pour conséquence de préciser le contenu de ces droits économiques.
Enfin, sa portée est non seulement de permettre la réparation de dommages subis par les victimes, mais également d'inciter les Etats à faire respecter les droits économiques, sociaux et culturels du pacte, en en prévenant les violations.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose :
- d'adopter le projet de loi n° 660 (2013-2014) autorisant la ratification du Protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;
- et de prévoir son examen en séance publique en forme simplifiée, le 30 octobre.
Cet accord est présenté comme une promotion des droits relatifs à la dignité humaine. C'est bien mais je ne m'en réjouis qu'à moitié. Pendant ce temps, les Etats-Unis n'ont toujours pas ratifié la convention relative aux droits de l'enfant.
Vous avez raison. Je regrette par ailleurs que la France n'ait pas fait partie des dix premiers pays à avoir ratifié le PIDESC.
Deux cas de figure se présentent lors de l'examen des conventions. Soit le texte est important, soit il ne l'est pas. Si nous sommes dans le premier cas, je m'interroge sur la pertinence de la procédure simplifiée.
Le texte est effectivement important, c'est pourquoi il faut le ratifier. Pour autant, la pertinence de l'organisation d'un débat plus général sur les conventions onusiennes peut se poser.
Rien ne me gêne dans ce texte, mais il pourrait nous offrir une occasion de débattre.
On peut toujours demander un débat global sur certaines conventions internationales lors de la semaine réservée au contrôle, à l'instar de la commission des finances qui examine les conventions fiscales.
Vous remarques sont pertinentes. On observe parfois des délais invraisemblables entre la signature d'un accord et son examen au Sénat. Le Bureau peut être saisi d'une demande de débat global sur la politique conventionnelle du gouvernement ou sur certains textes. C'est pourquoi, en l'espèce, il convient de maintenir le vote en procédure simplifiée du présent protocole. On sollicitera un débat général sur certains sujets plus tard. Il est, en effet, important de prendre des initiatives visant à revaloriser les travaux du Sénat. Certaines idées circulent comme la diffusion à la télévision de certaines de nos séances de commission afin de restituer la qualité des débats qui s'y déroulent.
Sous réserve des observations du président, je voterai donc le texte.
Puis la commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité.
Elle a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.
La commission nomme rapporteurs :
Joëlle Garriaud-Maylam sur le projet de loi n° 370 (2013-2014) autorisant la ratification de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan relatif aux services aériens ;
Jacques Legendre sur le projet de loi n° 371 (2013-2014) autorisant la ratification de l'accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise ;
Joël Guerriau sur le projet de loi n° 260 (2013-2014) autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de notes verbales entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relatif à la création d'un bureau à contrôles nationaux juxtaposés à Porta ;
Joël Guerriau sur le projet de loi n° 261 (2013-2014) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relatif à la gestion commune de la ressource en eau dans le bassin hydrographique des sources de l'Ariège ;
Joël Guerriau sur le projet de loi n° 262 (2013-2014) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre portant délimitation de la frontière ;
Leila Aïchi sur le projet de loi n° 1880 (AN-14e législature) autorisant la ratification de l'amendement au protocole de Kyoto du 11 décembre 1997 (sous réserve de sa transmission au Sénat) ;
Alain Néri sur le projet de loi n° 1887 (AN-14e législature) autorisant la ratification de la convention n° 181 de l'Organisation internationale du travail relative aux agences d'emploi privées (sous réserve de sa transmission au Sénat) ;
André Trillard sur le projet de loi n° 1888 (AN-14e législature) autorisant la ratification de la convention n° 188 de l'Organisation internationale du travail relative au travail dans la pêche (sous réserve de sa transmission au Sénat) ;
Henri de Raincourt et Mme Hélène Conway-Mouret sur le projet de loi n° 2147 (AN-14e législature) autorisant l'approbation de l'accord interne entre les représentants des Gouvernements des États membres de l'Union européenne, réunis au sein du Conseil, relatif au financement de l'aide de l'Union européenne au titre du cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 conformément à l'accord de partenariat ACP-UE et à l'affectation des aides financières destinées aux pays et territoires d'outre-mer auxquels s'appliquent les dispositions de la quatrième partie du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (sous réserve de sa transmission au Sénat).
La séance est levée à 11 h 50.
La séance est ouverte à 16 h30.
La commission auditionne Mme Annick Girardin, secrétaire d'Etat au développement et à la francophonie, sur le projet de loi de finances pour 2015.
Je tiens tout d'abord à excuser M. Raffarin qui est en route pour le Japon. Je suis quant à moi heureux de vous retrouver, madame la ministre. Nous avons terminé la session précédente sur le rapport que j'ai présenté avec Jean-Claude Peyronnet sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'Agence française de développement (AFD) pour 2014-2016. Pourrez-vous nous donner quelques indications sur les suites que vous entendez donner à l'avis que la commission a adopté de manière unanime ?
Cette audition est consacrée au projet de loi de finances pour 2015 : nous le ferons sous l'oeil attentif de deux nouveaux rapporteurs, les anciens ministres, Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret.
Dans le cadre des contraintes budgétaires, les crédits de la mission « Aide publique au développement », qui ne représentent environ qu'un quart de l'effort français en aide publique au développement (APD), baissent de 2,9%, et de 1,7% si l'on inclut l'augmentation des financements dits innovants, c'est-à-dire la taxe sur les billets d'avion et la taxe sur les transactions financières (TTF) qui commencent à produire des crédits. Sur quels postes cette compression porte-t-elle ? Quelles sont vos priorités pour 2015 ?
Enfin, sans déflorer les questions que nos nouveaux rapporteurs ne manqueront pas de vous poser, je ne peux m'empêcher de vous interroger sur deux sujets qui nous ont tenus à coeur lors des débats sur la loi d'orientation : comment se prépare la mise en place de la nouvelle Agence française d'expertise technique internationale (Afeti), qui doit voir le jour le 1er janvier ? La création du fameux observatoire indépendant d'évaluation de la politique de développement avait été très largement approuvée par le Parlement, notamment lors des débats en commission mixte paritaire, où la position du Sénat a été reprise par nos collègues députés : quand se mettra-t-il en place ?
J'ai plaisir à vous retrouver, monsieur le Président. Je garde le souvenir de l'implication des deux rapporteurs du Sénat et de l'intérêt des débats lors de l'examen de la loi d'orientation, que je vous remercie d'avoir enrichie. J'ai, à cette occasion, découvert avec bonheur l'esprit bipartisan du Sénat. Je suis sûre que nous continuerons sur cette ligne avec les nouveaux rapporteurs.
La mission « Aide publique au développement » se monte à 2,8 milliards d'euros et le programme 209 s'élève à 1,78 milliard. Ce budget concrétise les orientations du Gouvernement. Il finance les priorités de développement et de solidarité internationale. Malgré la nécessaire maîtrise de nos comptes publics, le message est volontariste et ambitieux. Notre budget est économe, puisqu'il baisse de 2,8%, mais ce mouvement est atténué par le reversement de la quote-part des financements innovants. Ainsi en est-il de la TTF et de la taxe sur les billets d'avion qui apportent 340 millions supplémentaires. La diminution globale n'est que de 1,6% - une baisse inférieure à celle de nombreux ministères. La France continuera à peser dans les structures internationales, comme la Banque mondiale ou le Fonds vert. Certes, la presse a été très critique sur cette baisse : certains disent que notre pays ne consacre que 0,41% de notre revenu national brut (RNB) à l'APD, mais nous restons le cinquième contributeur et la moyenne des pays ne s'élève qu'à 0,3%. La France garde l'objectif de consacrer 0,7% de son RNB au développement : l'APD remontera dès 2015.
Nos choix sont clairs et assumés : le coeur de l'aide est préservé, avec les dons-projets qui sont dotés de 333 millions en autorisations d'engagement. Nous disposons aussi de moyens importants pour répondre à l'urgence : 37 millions pour l'aide alimentaire, 11 millions pour l'aide humanitaire d'urgence, 22 millions pour le post-crise. Nous avons maintenu la coopération décentralisée, avec 9 millions, et le Président de la République s'est engagé à doubler l'aide aux ONG avec 8 millions de plus pour les ONG de développement et un million de plus pour les ONG humanitaires.
Des priorités géographiques ont été retenues, conformément à la loi que vous avez votée. Ainsi en est-il pour la Centrafrique : le fonds Bêkou sera géré par l'AFD et nos partenaires européens viennent à nos côtés. Au Mali, nous avons été rejoints par des pays européens et par d'autres nations. Lors de la quatrième conférence de Paris qui s'est tenue récemment, des efforts supplémentaires ont été consentis afin que ce pays sorte de la crise.
Nous allons consacrer 50% des subventions aux 16 pays prioritaires ; 20 milliards seront versés à l'Afrique dans les cinq prochaines années. Enfin, 85% de notre soutien est concentré sur l'Afrique subsaharienne et la Méditerranée. Nos priorités vont également au climat, avec la COP21, et à la santé : le Fonds mondial recevra 360 millions par an d'ici 2016.
L'AFD, qui représente 8 milliards d'engagements par an, voit ses fonds propres renforcés à hauteur de 840 millions pour aider les pays les plus fragiles.
Le programme 209 va baisser de 2,1% en fonctionnement, car nous avons voulu privilégier les crédits d'action. Le COM de l'AFD prévoit également un effort significatif en matière de fonctionnement.
Notre engagement en Afghanistan va se réduire progressivement. Les grands émergents sont toujours soutenus par des prêts AFD, mais sans coût financier pour l'État. Nous profitons également de l'arrivée à échéance du processus d'annulations de dettes, ce qui signifie que nous avons soutenu au mieux ces pays.
Si deux-tiers de l'APD sont consacrés à nos actions bilatérales, nous poursuivons aussi des actions multilatérales. Toutes ces politiques ont été auditées, par exemple récemment en ce qui concerne le Fonds européen de développement (FED).
La riposte internationale au virus Ebola est forte ; la France a été moteur au niveau européen et international. Nous avons été les premiers sur le terrain, en consacrant 70 millions à ce fléau, dont 35 millions en bilatéral pour la seule Guinée. Nous allons y ouvrir un centre de traitement des malades, un centre d'expertise avec l'Institut Pasteur et nous allons envoyer des experts et du matériel sur place. Nous apportons également 500 000 euros à l'OMS et agissons au niveau multilatéral. Nous renforçons aussi le système de santé au Sénégal, au Burkina-Faso, au Mali, au Bénin, au Niger, au Togo et en Côte-d'Ivoire, pays qui ont été touchés ou qui risquent de l'être.
Les maîtres-mots de notre politique en matière de développement et de solidarité sont efficacité et transparence. Vous savez qu'un site Internet a été ouvert pour recenser et présenter au public les actions que nous menons : outre le Mali, quatre pays sont désormais en ligne et de nombreux autres le seront à l'avenir. Je vous invite à le visiter et à faire part de vos commentaires.
Vous m'avez interrogé, monsieur le Président, sur le COM de l'AFD. Le Sénat a été très mobilisé sur ces questions et j'ai tenu à intégrer vos demandes en matière d'évaluation et d'orientation. La géographie de notre aide figure dans le COM. La diplomatie économique a aussi été mentionnée, mais elle ne se fera pas au détriment de l'aide au développement et de la solidarité.
Tous ces points sont suivis par le co-secrétariat du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid). Nous avons eu, au moment des élections sénatoriales, une dernière réunion avec les députés avant la signature du COM. Les députés ont alors repris nombre de vos remarques.
Il y a eu beaucoup de réticences et de résistances à la création de l'Afeti. Vous avez pourtant gagné : six opérateurs d'expertise française seront regroupés ; le délégué interministériel a été nommé une semaine seulement après la promulgation de la loi. Sa lettre de mission a été signée par le Premier ministre et je l'ai reçu pour lui dire que le 1er janvier était un impératif. Un décret en conseil d'État sera publié d'ici la fin de l'année. L'Afeti deviendra le premier opérateur français d'assistance technique internationale et j'espère qu'elle sera rapidement opérationnelle au bénéfice des entreprises et des marchés français.
L'observatoire d'évaluation est en cours de création : nous en nommerons les membres lors de la réunion du conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) du 28 octobre. L'évaluation est une condition de l'efficacité.
Je vous remercie pour ces indications précises. Je me félicite des avancées accomplies depuis le vote de la loi. Je salue vos efforts en matière d'évaluation, demande récurrente de notre commission. Pour l'Afeti, nous serons très attentifs. Les nouveaux rapporteurs vous demanderont certainement sur chaque exercice budgétaire une évaluation précise, à l'image de ce que font nos amis anglais en la matière.
A première vue, votre budget s'en sort plutôt mieux que d'autres, et nous vous en remercions. Je salue la constance de l'engagement de la France en faveur du développement, nécessité absolue, ne serait-ce que parce que dans les années à venir, nous devrons parvenir à doubler la production agricole, puisque la population de l'Afrique, par exemple, va être multipliée par deux. Cela appelle un grand débat. La France peut être fière d'avoir voulu maintenir son rang. Vous avez parlé d'efficacité et de transparence, ce qui est bien normal, mais je vous donne aussi rendez-vous sur le plan de l'imagination pour mobiliser au mieux les crédits disponibles.
La TTF et la taxe sur les billets d'avions commencent à produire leurs effets bénéfiques. J'ai toujours milité en faveur de ces taxes dans les enceintes nationales et internationales, même si nous avons eu des difficultés à nous faire entendre en France et en Europe où certains pays amis nous suggéraient de commencer par atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Il ne faudrait pas que ces financements innovants dissimulent la baisse des crédits traditionnels. Le Président de la République a annoncé à l'ONU l'abondement du Fonds vert : encore faut-il savoir comment le financer...
D'ici trois ans, pourrons-nous maintenir notre niveau d'intervention et comment ? Lors de la réunion du comité interministériel de juillet 2013, une stratégie multilatérale avait été évoquée. Où en est votre réflexion sur ce point ? Quelle sera la stratégie de la France lors des négociations sur les nouveaux OMD ? Pourquoi ne pas prévoir une mutualisation entre l'AFD et certains bureaux du ministère des affaires étrangères pour réaliser des économies d'échelle ?
Madame la ministre, vous pouvez compter sur le soutien des jeunes et sémillants rapporteurs de cette commission pour vous appuyer dans une politique essentielle pour la paix du monde.
Je découvre un domaine incroyablement diversifié et technique, avec de nombreux acronymes. Néanmoins, le volet politique reste très fort. Vous avez souligné les motifs de satisfaction : l'essentiel a été préservé. Les actions multilatérales représentent 58% des crédits de la mission. Il est naturel de mutualiser les moyens, mais ce faisant, l'image de la France devient moins visible, notamment en Afrique. Notre pays va-t-il privilégier le bilatéral afin que notre partenaire mesure notre engagement ?
Des financeurs internationaux, comme la Banque mondiale, vont-ils rejoindre le fonds Bêkou ? Quel est l'avenir de ce type de fonds ? Il est important que la France continue à s'engager, notamment en Afrique, très sollicitée par la Chine ou les États-Unis. Enfin, le suivi de l'utilisation de ces crédits est indispensable.
J'espère que vous viendrez au ministère, madame et monsieur les rapporteurs, afin d'échanger avec mes services et moi-même.
Nous devons rationnaliser les relations entre le ministère et l'AFD, mais sur le terrain, les choses varient d'un Etat à l'autre. Evitons d'ouvrir des agences qui ne sont pas absolument nécessaires, incitons au rapprochement quand c'est possible. Procédons au cas par cas. Les efforts méritent d'être poursuivis. En outre, il faudrait aussi rationnaliser au niveau européen et international.
Le bilatéral et le multilatéral vous préoccupent, et c'est bien normal. Parfois, le multilatéral est indispensable pour mener à bien des opérations, même si notre identité est moins visible. Poursuivre les OMD suppose des moyens colossaux que la France seule ne mobilisera pas ; il en est ainsi pour la couverture sanitaire universelle (CSU). En revanche, le bilatéral est possible lorsque nos partenaires ont exprimé des besoins identifiés. Le Cicid de juillet 2013 a souhaité une évaluation de notre action multilatérale, qui sera réalisée d'ici l'an prochain. Nous avons une vision claire sur le FED, qui a largement évolué : l'évaluation des structures onusiennes auxquelles nous participons devra encore s'améliorer.
La lutte contre la pauvreté et contre le dérèglement climatique forme un seul combat, puisque celui-ci touche d'abord les plus défavorisés. En 2015, nous aurons deux grands rendez-vous : en septembre pour les objectifs de développement durable (ODD) et en décembre pour la COP21, lors de la conférence Paris Climat. Nous avons défini 17 ODD, pour lesquels la France a beaucoup pesé : certaines ONG auraient souhaité aller plus loin, mais l'équilibre est fragile et il convient de ne pas le mettre en danger.
En juillet 2015, nous nous réunirons à Addis Abeba pour étudier la question du financement : nous devrons être inventifs et travailler avec les entreprises, les banques de développement et les ONG... La France étudie la loterie de solidarité et les dons SMS. Oui, la France est imaginative ; oui, elle a beaucoup de propositions à présenter à ses amis européens.
Nous répondrons au défi démographique en Afrique par l'éducation, par la santé et par l'emploi des jeunes. Notre politique de développement doit comprendre une stratégie transversale jeunesse, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. A New York, j'ai rencontré les présidents de Côte-d'Ivoire, du Niger et du Tchad qui ont bien conscience de ce défi et des stratégies à mener pour que la démographie représente une chance pour l'Afrique.
L'objectif des 0,7% s'éloigne... Avez-vous une idée de la trajectoire de l'aide au développement dans les prochaines années ? Vous avez répondu en partie aux interrogations des rapporteurs sur le multilatéral et le bilatéral. Certes, l'effet de levier est plus fort avec le multilatéral, mais la France n'apparaît pas. Dans nos communes, lorsqu'un nouvel équipement est inauguré, le président du conseil général se félicite sous les applaudissements d'avoir apporté 23,2% du financement ; le président du conseil régional annonce sa quote-part sous de nouveaux applaudissements, mais les administrés n'y voient goutte. Il en va de même avec l'aide multilatérale. Pourquoi ne pas dire, lorsqu'un pont est construit, la France l'a payé et que tel autre pays a pris en charge les accès ? Qu'on sache qui a fait quoi ! Maintenons le multilatéral, préservons et identifions l'aide bilatérale.
Pour l'aide multilatérale, le Sénat a réclamé à plusieurs reprises qu'un chef de file soit nommé afin que chaque pays soit bien identifié : le scolaire pour la France et la santé pour l'Allemagne, par exemple. M. de Raincourt le sait bien, on constate sur place un éparpillement des aides.
Vous avez pris grand soin de le préciser, votre budget se situe dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques. Ne faudrait-il pas rationnaliser la multiplicité des interventions ? Les interventions des collectivités locales, des ministères et de nombreux autres pays brouillent le message. Avez-vous l'intention de suivre les intéressantes préconisations du rapport de MM. Peyronnet et Cambon ? Quelle place assignez-vous à la conférence Paris Climat 2015 ?
Une question plus arithmétique, madame la ministre. Je déplore que nous ne puissions nous rapprocher des 0,7%. Nous avons affecté deux taxes au développement, la taxe de solidarité sur les billets d'avion et une part de la TTF. La part de cette dernière devrait passer de 15 à 25% en 2015 : le projet de loi de finances indique que le montant des taxes affectées ne sera que de 300 millions ; la taxe sur les billets d'avion devrait pourtant rapporter 210 millions et 25% des revenus de la TTF représenteraient 175 millions, de sorte que le total serait plus proche de 385 millions que de 300 millions. Qu'en est-il ?
La trajectoire remontera de 0,37% en 2014 à 0,42% en 2015 et restera ensuite à peu près à ces niveaux, même si le Président de la République vise les 0,7% inscrits dans la loi dès le retour de la croissance. Vous ne vous en satisfaites pas, mais ne rougissons pas de notre implication en matière de solidarité : ce budget n'est pas sacrifié.
Le CNDSI coordonne les interventions, de manière à savoir qui fait quoi et comment. Chacun nous rejoint sur le site Internet et y porte ses informations sur les différents pays. Qu'en sera-t-il des futures compétences des grandes régions qui seront associées à l'Etat ? La loi renforce l'engagement des collectivités et l'ensemble de celles-ci conservant leurs compétences, elles interviendront de manière coordonnée. Le rapport Faber propose un certain nombre de pistes sur les actions multipartenaires ; nous en tirerons parti pour avancer sur ces questions.
Le multilatéral, qui représente le tiers de nos actions, est un instrument, un levier indispensable. Il est vrai que l'on ne distingue pas toujours clairement la part de la France. Je formule les mêmes demandes que vous. Nous avons une stratégie à cet égard. Nous nous faisons entendre dans les instances multilatérales et demandons une clarification. Nous sommes satisfaits de l'avancée au niveau européen - vos critiques y ont contribué.
Le sommet Paris Climat 2015 devra être ambitieux, aboutir à un accord solidaire, au service des plus défavorisés. L'action en faveur du climat rejoint les préoccupations sur la santé. Des dérèglements climatiques montrent souvent l'urgence de renforcer les systèmes de santé. Nous voulons inciter les pays à miser sur leurs propres ressources, la santé et l'éducation. La lutte contre les paradis fiscaux pour récupérer des ressources s'inscrit dans ce cadre. L'AFD soutient prioritairement des projets qui contribuent à lutter contre le réchauffement climatique. Sinon, que diraient demain nos contribuables ? Cela figure dans la loi sur le développement. L'enjeu de Paris Climat 2015 est de parvenir à un accord ambitieux, et universel même si les efforts doivent être proportionnés. Il ne sera réussi que si tous les acteurs se préparent à l'après-carbone.
La France a apporté un milliard de dollars au Fonds vert. Le sommet organisé par Ban Ki-moon à New York a été une réussite, mais les promesses de financement s'élèvent à 2,6 milliards au total, loin des 10 milliards annoncés, et encore plus loin des 100 milliards promis à Copenhague. Les enjeux sont énormes...
La taxe sur les billets d'avion doit rapporter 210 millions d'euros, la taxe sur les transactions financières 130 millions, soit 340 millions inscrits dans le projet de loi de finances. Il nous faudra trouver d'autres sources de financement innovant comme la loterie solidaire ou le don par SMS.
Ne cédons pas au fétichisme du 0,7%. L'important n'est pas l'affichage si l'on inclut les frais d'écolage, les annulations de dettes, des dépenses en faveur des outre-mer, etc. Il faut cesser les effets d'annonce...
On nous dit souvent que seulement 60% de l'aide prévue dans le cadre du FED arrive réellement sur le terrain. Ne nous décourageons pas vis-à-vis de l'aide multilatérale, elle est indispensable, mais soyons très vigilants. Il en va de même pour le Fonds sida. Lorsque je m'y suis intéressé, sur 11 milliards, seuls 5 milliards avaient été décaissés.
Comme président du groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest, j'ai constaté que certains pays jugent la contribution de la France sur le montant de l'aide bilatérale, plus visible, et non sur le montant total de son intervention. Du coup, des pays comme le Danemark sont perçus comme plus généreux ! Cela nuit à notre image. Faisons attention à montrer la réalité de notre effort.
Au Niger, le taux de fécondité est de sept enfants par femme. Aucune politique de développement ne peut faire face à une telle explosion démographique. Boko Haram ou Al Qaïda n'auront pas de mal à recruter des jeunes privés d'avenir...
Il importe de discuter avec les autorités en place. Un ministre de l'un de ces pays nous a expliqué que tout enfant était un don de Dieu, même si la mère a 11 ans...
Le sommet de la francophonie de Dakar, prévu dans quelques semaines, aura-t-il lieu ? La France a-t-elle clarifié sa position sur la désignation du nouveau secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), poste clef s'il en est ?
Enfin, j'ai été surpris que les réactions de la communauté internationale n'aient pas été plus importantes lorsque les premiers cas d'Ebola ont été déclarés en début d'année. On a laissé la Guinée se débrouiller seule pendant des mois. Pourquoi avons-nous tant tardé ?
Nous avons beaucoup parlé de l'Afrique, mais vous êtes aussi ministre de la francophonie et M. Laurent Fabius a souligné l'importance de notre présence en Asie. Quels sont les traductions budgétaires de notre présence dans cette région du monde ?
Une très bonne question : au Viêt-Nam, pays jadis ô combien francophone, moins de un pour cent de la population parle français...
Une précision tout d'abord : le milliard de dollars consacré au Fonds vert proviendra en partie de financements innovants.
Les difficultés de décaissements du FED tiennent aussi à ce que les pays sont parfois mal équipés pour remplir des dossiers complexes à monter et fournir les justificatifs exigés. Il faut les accompagner. C'est la même chose pour nos régions vis-à-vis du Feder... Je puis en témoigner parce que les collectivités d'outre-mer, en tant que territoires associés à l'Union européenne, relèvent du FED.
Nous avons demandé aux ambassadeurs et aux chefs de service de coopération de valoriser systématiquement la part de la France dans les projets réalisés en multilatéral. Nous contribuons au FED pour 20%, rappelons-le ! Nos partenaires oublient trop souvent notre contribution multilatérale.
Vous avez raison, la communauté internationale a tardé à réagir face à Ebola. Nous disposions d'informations dès avril. Les Nations unies n'ont pas été réactives. Il a fallu attendre le vibrant appel de Médecins sans frontières. La France s'était mobilisée dès juillet. Mon cabinet réfléchissait dès cette époque à l'ouverture de centres médicaux en Guinée, au soutien à l'Institut Pasteur, à l'envoi de matériel, etc.
Il y a urgence, parce que l'épidémie est devenue pandémie. Il faut, comme la France le fait en Guinée forestière, agir là où le mal sévit. Nous devons aussi demander à nos partenaires d'installer des filtres à la sortie des pays - nous en mettrons en place sur les vols Paris-Conakry. Ne tournons pas le dos à la Guinée. Les relations économiques doivent se poursuivre. Parce que les gens n'ont plus confiance en leur système de santé, on meurt désormais de simples diarrhées, d'absence de césarienne, d'accouchements dans des conditions sanitaires détestables... Si nous ne traitons pas la maladie sur place, elle arrivera chez nous. Nous tenons des réunions interministérielles. Nous avons nommé un ambassadeur Ebola. L'équipe nationale de Guinée a été renforcée. Un deuxième centre de traitement sera ouvert, puis un troisième bientôt. Nous mobilisons aussi nos partenaires européens et des pays francophones, comme le Canada. La Guinée a demandé leur soutien parce que la dimension linguistique est importante : il est nettement préférable de se faire soigner dans sa langue natale. Le responsable de la cellule Ebola des Nations unies en Guinée parle peu le français, le président guinéen le regrette.
Le sommet de la francophonie n'est pas menacé. Le seul cas déclaré au Sénégal a été résolu. Le système de santé sénégalais peut répondre à ces problématiques. Il sera dur de remplacer M. Abdou Diouf, qui a beaucoup apporté à l'OIF. Nous avons des critères à poser. Il faudra aussi déterminer qui accueillera le prochain sommet de la Francophonie : Haïti ou Madagascar ? Nous devons réorienter l'organisation vers de nouveaux secteurs : la lutte contre la pauvreté, les politiques en faveur des femmes et de la jeunesse restent primordiales, mais il faut aussi mettre l'accent sur le développement économique. Il y a cinq candidats au poste de secrétaire général de l'OIF. La France, qui n'a pris aucune position officielle, attend que les pays africains trouvent un consensus. Il est de tradition que le secrétaire général vienne du Sud et son adjoint du Nord ; le débat est ouvert avec une candidature du Nord. La France n'a pas de candidat.
Il importe que l'OIF entre dans une nouvelle dynamique pour répondre aux enjeux du XXIe siècle. L'explosion démographique a lieu principalement dans les pays francophones. L'OIF a toute sa place à jouer dans les futures politiques d'éducation ou d'emploi à l'égard de cette jeunesse. Les dirigeants du Niger ou de la Côte d'Ivoire, par exemple, que j'ai rencontrés à New York, sont conscients des enjeux et des politiques à mener. Ils seront épaulés par des fondations et nous les soutiendrons.
Enfin, en Asie, l'aide multilatérale se monte à 35 millions d'euros par an, principalement avec la Banque asiatique de développement. L'AFD travaille ponctuellement avec le Viêt-Nam et le Laos par exemple. Sans coût financier, l'AFD intervient aussi beaucoup en Chine ou en Indonésie sur les questions de climat, de déforestation, de montée des eaux, etc. La France a une expertise à apporter pour faire face à ces défis. La priorité est donnée au continent africain qui représente 85% de nos efforts financiers. Je souhaite relancer la collaboration avec l'Asie. Je me rendrai avant la fin de l'année en Birmanie, puis en Asie du Sud-Est pour aborder les questions de développement et la francophonie. Cette région avait peut-être été délaissée par le passé, nous revoyons nos collaborations à la lumière des actions que nous voulons mener en matière de santé, de jeunesse et de changement climatique.
Je vous remercie, madame la ministre, de ces réponses précises.
La séance est levée à 18 heures.
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