Intervention de Nathalie Goulet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 octobre 2014 : 1ère réunion
Ratification du protocole modifiant l'accord de transport aérien entre la communauté européenne et les etats-unis d'amérique — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet, rapporteur :

Nous poursuivons notre examen avec un troisième accord aérien. A l'instar des conventions présentées par mes collègues, il relève de la politique extérieure aérienne de l'Union européenne. Cependant, il ne concerne pas les pays dits « voisins », comme la Géorgie ou la Jordanie, mais il développe la coopération aérienne avec les partenaires clés. Il s'agit en l'espèce des Etats-Unis.

La convention qui est soumise à votre examen est un protocole qui modifie les stipulations d'un accord de 2007, conclu entre les Etats-Unis d'Amérique, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part. Il a été signé en décembre 2010.

S'agissant de l'accord de 2007, je souhaiterais rappeler brièvement que celui-ci a permis dans un premier temps de définir un cadre juridique unique et stable pour l'exploitation de services aériens par les compagnies américaines et européennes. Il s'est substitué aux accords bilatéraux dont la conformité au droit communautaire avait été contestée.

L'accord a ainsi organisé les conditions d'une première ouverture des marchés avec un partenaire clé. En effet, les Etats-Unis représentent avec l'Union européenne environ 60 % de l'aviation mondiale.

Il a notamment permis aux transporteurs aériens américains et à ceux de l'Union européenne de fournir librement leurs services entre tout aéroport des États-Unis et tout aéroport de l'Union européenne, sans limitation du nombre de compagnies aériennes, de fréquence des services ou de capacité des appareils utilisés.

Cet accord a constitué une étape importante dans la construction des relations aériennes entre les Etats membres de l'Union et les Etats-Unis, mais il nécessitait d'être revu à terme. C'est l'objet du présent protocole.

En effet, il n'a pas donné entièrement satisfaction aux parties. Les transporteurs américains considéraient que les restrictions d'exploitation appliquées sur certains aéroports européens pour des raisons environnementales, constituaient des entraves à l'exercice des droits de trafic garantis par l'accord.

Quant aux compagnies européennes, elles estimaient que l'ouverture de marché prévue par l'accord n'était pas totalement effective, en raison d'un accès restreint au capital des compagnies aériennes américaines.

En effet, cet accès est soumis à une double limitation. D'une part, la totalité des ressortissants étrangers ne peut détenir plus du quart des actions avec droit de vote d'une entreprise américaine de transport aérien. D'autre part, le contrôle effectif de ces transporteurs doit relever d'intérêts américains.

Donc l'accord a renvoyé de manière pragmatique à des négociations ultérieures sur ces points.

En outre, les parties s'étaient réservé la possibilité de suspendre certains droits prévus dans l'accord, en cas d'échec des négociations avant le 30 novembre 2010. Grâce à la signature du Protocole en juin 2010, cette disposition est devenue caduque. Le cadre d'exploitation fixé en 2007 peut être renforcé.

Ainsi, le Protocole poursuit la libéralisation des droits de trafic ainsi que celle des investissements.

Les transporteurs américains pourront, en matière de fret, effectuer des liaisons entre l'Union européenne et un pays tiers, sans devoir inclure une ville américaine dans le trajet.

Quant au transport de passagers, le Protocole octroie aux compagnies aériennes américaines et européennes le droit de proposer des services au départ du territoire d'une autre Partie vers cinq Etats tiers.

Ces nouveaux droits sont cependant soumis à la réalisation de conditions, afin d'inciter chaque partie à répondre aux motifs d'insatisfaction de l'autre partie. En effet, l'Union européenne, comme les Etats-Unis, doivent modifier leur législation, en contrepartie de ces nouvelles libertés. Là encore, on aura des calendriers qui ne seront pas concordants.

L'évolution de la législation européenne attendue concerne essentiellement les restrictions d'exploitation fondées sur le bruit. La Commission européenne doit pouvoir contrôler la conformité de ces restrictions mises en oeuvre par les Etats membres, préalablement à leur application.

S'agissant des droits additionnels des transporteurs américains, ils ne seront accordés que lorsque la législation américaine autorisera la détention à 100 % des transporteurs américains par des intérêts européens.

Vous l'aurez compris. Ce protocole est nécessaire mais sa portée effective demeure liée à la réalisation des conditions qu'il pose.

Il constitue une étape dans la longue construction du cadre réglementaire du transport aérien entre les Etats-Unis et les Etats membres de l'Union européenne.

Vigilance, patience, persévérance et contrôle continu constituent des mots d'ordre essentiels dans le cadre de la réalisation des objectifs de l'accord ainsi modifié.

Dans l'attente de ces modifications législatives, le Protocole a le mérite, d'ores et déjà, de constituer un point de non-retour de la mise en oeuvre d'un environnement concurrentiel « équitable » du transport aérien entre les deux continents. L'absence d'un tel accord aurait contraint les compagnies aériennes à renoncer à une politique de développement de leur réseau.

Le Protocole contribue donc à l'approfondissement des relations aériennes entre les Etats-Unis et les Etats membres de l'Union, afin de rendre le trafic aérien plus efficient et plus sécurisé, au profit des consommateurs, des transporteurs aériens et des travailleurs.

A titre de conclusion, je souhaiterais ajouter deux remarques.

Premièrement sur la méthode, même si les procédures d'adoption des projets de loi de ratification ne donnent lieu, en règle générale, qu'à des procédures accélérées alors que ces textes sont dans la navette depuis des années et en toute hypothèse sont non amendables, il est extrêmement dommage que l'accélération d'examen des conventions, voulue par le Gouvernement, n'ait pas pu permettre, compte tenu du calendrier sénatorial, de procéder aux auditions pertinentes. En l'espèce, le texte a été adopté par l'Assemblée nationale, le 23 juillet dernier alors qu'il a été signé quatre ans plus tôt.

Ce n'est pas parce que le ministre y voit une urgence que l'on doit en subir les conséquences.

Deuxièmement, sur le fond, l'accord entre les Etats-Unis et l'Union européenne qui nous est présenté aujourd'hui préfigure le type de rapports de force que nous retrouverons dans les négociations des traités TAFTA et TTIP. C'est à dire un abandon de normes au profit de bénéfices hypothétiques en matière d'investissement ou d'emploi. Le rôle du Parlement en l'état réduit à une portion congrue, acceptable dans le cadre de la présente ratification, ne le sera absolument pas dans le cadre des deux autres textes évoqués, compte tenu notamment de la mobilisation citoyenne. Notre commission devrait mettre en place une procédure adaptée à l'arrivée de ces deux textes.

Ceci étant dit, je vous propose :

- d'adopter le projet de loi n° 780 (2013-2014) autorisant la ratification du protocole modifiant l'accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les Etats-Unis d'Amérique, d'autre part ;

- et de prévoir son examen en séance publique en forme simplifiée, le 30 octobre.

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