Je suis heureux de répondre à votre invitation.
Un certain nombre des mesures qui figurent dans le projet de loi soumis à votre examen concernent la Cour des comptes.
Ainsi, l'article 30, qui reprend l'une de nos préconisations, prévoit que l'exécutif local présentera à l'assemblée délibérante un rapport sur les suites données aux observations des chambres régionales des comptes. C'est une mesure utile qui renforcera la transparence de ces contrôles. Dans le même article, des précisions sont données sur les documents à remettre dans le cadre du débat d'orientation budgétaire qui sera organisé. Cela répond à nos recommandations pour enrichir ce débat et mieux informer les élus. Tout ce qui concerne la gestion de l'endettement et la structure de la dette sera particulièrement utile.
L'article 31 prévoit que la Cour remettra chaque année un rapport sur la gestion financière des collectivités territoriales. Nous avions anticipé, puisque nous avons présenté le deuxième rapport de ce type, il y a quelques semaines déjà. Inscrire ce rapport dans la loi va dans le bon sens. Les juridictions financières y trouveront un réel intérêt, et la Cour et les chambres régionales pourront travailler en complémentarité.
L'article 32 dispose qu'une expérimentation sera mise en place pour la certification des comptes de grandes collectivités territoriales, sur la base du volontariat. Elle ne peut être pertinente que dans le cas de collectivités d'une certaine importance ; ce ne serait qu'un excès de lourdeur pour les autres. Le dispositif proposé envisage à juste titre des travaux préalables à mener : sur quoi portera la certification ? Selon quelles modalités ? La question du compte financier unique devra également être résolue. La Cour est prête à apporter son concours à une telle expérimentation, mais la signification de « la Cour coordonne » mérite d'être précisée. Doit-il y avoir plusieurs acteurs ? Mieux vaudrait écrire « la Cour conduit » l'expérimentation, selon des modalités restant à préciser, sachant que pour l'Europe, la certification entre dans le champ concurrentiel. La Cour bénéficiera-t-elle d'un droit exclusif pour certains établissements à statut particulier ? Au-delà de l'expérimentation, je ne suis pas certain que ce soit son rôle de procéder elle-même à l'exercice de certification des comptes. Enfin, rappelons que certifier les comptes n'est pas un exercice de contrôle : vous le savez bien, puisque la Cour certifie les comptes du Sénat.
Je n'ai pas d'observations particulières sur les autres articles, sinon que la création d'un observatoire de la gestion publique locale me parait aller dans le bon sens. En revanche, certaines dispositions ne figurent pas dans le texte ; ainsi, rien n'est prévu au titre IV pour éviter que certaines collectivités, mises en garde par un contrôle budgétaire, ne récidivent dans leur mauvaise gestion des comptes.
J'en arrive à quelques remarques d'ordre général.
La Cour des comptes a eu de nombreuses occasions pour livrer ses constats ou ses observations sur la situation des finances publiques et des finances locales. Dans le cadre européen, l'État s'est engagé vis-à-vis de ses autres partenaires, non seulement sur les finances publiques, mais aussi sur les finances de la Sécurité sociale et sur celles des collectivités territoriales. Or il ne dispose pas d'outils pour faire respecter ses engagements au niveau des collectivités territoriales. Des propositions restent à faire pour améliorer la gouvernance entre l'État et les collectivités territoriales. Elles pourraient s'inscrire dans un cadre constitutionnel, puisque les articles 72 et 34 de la Constitution prévoient la « libre administration des collectivités territoriales dans le cadre des lois qui la règlementent ». Le législateur est donc en droit de fixer des règles pour encadrer les relations entre l'État et les collectivités.
Chacun doit contribuer à l'effort de redressement des comptes publics. Nous invitons l'État à clarifier ses compétences par rapport aux collectivités territoriales. À vouloir tout faire, il ne pourra plus exercer pleinement ses compétences régaliennes. Chaque nouvelle étape de décentralisation devrait s'accompagner d'une redéfinition des missions de l'État. Les juridictions financières n'ont jamais été très favorables à la clause de compétence générale. Nous verrions d'un bon oeil sa remise en cause. Il faudrait clarifier les compétences à tous les niveaux. Par exemple, dans le bloc communes et intercommunalités, on reste souvent à mi-chemin dans le partage des compétences. La mutualisation des moyens n'est pas menée à son terme, de sorte qu'elle crée des facteurs de dépenses supplémentaires plutôt que de maximiser les économies possibles. Nous avons également suggéré de conclure, au sein des intercommunalités, un pacte de gouvernance financière et fiscale. Ce pacte existe déjà ; il faudrait le rendre obligatoire. Quant aux régions, leur part de fiscalité pourrait être revue à la hausse, en fonction des nouvelles compétences qui leur seront attribuées. Enfin, des propositions restent à faire pour le calcul des péréquations.