Beaucoup de vos questions se rejoignent... et certaines réponses sont au-dessus de ma condition : respectueuse de l'organisation des pouvoirs publics, la Cour des Comptes n'a nullement l'intention de se substituer au législateur. Nous nous bornons à faire des constats et à formuler des recommandations. Le dernier mot appartient aux parlementaires, qui votent la loi.
Je vois que plusieurs d'entre vous ont été contrariés par notre dernier rapport sur les finances locales ; j'ai d'ailleurs eu un échange intéressant avec le comité des finances locales. Le rapport n'avait aucunement pour but de stigmatiser les élus locaux ou leur gestion des collectivités territoriales : je vous invite à le lire de bout en bout. Hélas, il peut arriver que notre message soit déformé ou réduit par les médias à quelques titres. Il y a eu, aussi, des sur-réactions à ce rapport, qui ont peut-être contribué à l'instauration d'un climat qui a pu paraître hostile. Des communiqués ont paru avant même que je ne le présente...
Nous raisonnons sur l'année 2013, à partir de chiffres officiels et des contrôles effectués par nos chambres régionales. Nous avons bien établi la différence entre la dette des collectivités territoriales et la dette de l'État ou de la sécurité sociale, en précisant dans le rapport que la première n'est pas de même nature que les deux autres, puisque les collectivités territoriales ne peuvent emprunter que pour financer des investissements. Cela dit, leurs emprunts sont comptabilisés dans la dette globale, telles que la définissent les traités européens et nos propres lois. Elles contribuent donc à la dette au sens de Maastricht, tout comme elles contribuent à la dépense. Elles sont donc responsables, pour un tiers, du non-respect par la France de ses engagements en matière de finances publiques : c'est incontestable. Bien sûr, nous avons fait remarquer que l'État contribuait aussi à la dépense locale puisqu'il prend des décisions qui ont des conséquences sur celle-ci, qu'il s'agisse de l'évolution des normes ou de la revalorisation de certaines catégories de personnel. Pour autant, les acteurs locaux ont une part de responsabilité. De même, constater que les dépenses augmentent plus vite que les recettes, ce n'est pas dénigrer la gestion des collectivités territoriales. Et les engagements de l'État valent pour tous ! Peut-être le législateur pourrait-il organiser différemment le dialogue entre l'État et les collectivités locales... mais cela dépend de vous.
Vous avez auditionné des élus allemands, qui n'ont pas de pouvoir fiscal. Pour autant, leurs recettes sont garanties et leur pouvoir, réel. En France, le Conseil constitutionnel ne reconnaît pas d'autonomie fiscale aux collectivités territoriales mais uniquement une autonomie financière. Nous appelons à donner à la région une part plus importante de la fiscalité locale pour qu'elle puisse faire face aux transferts proposés par le texte.
Pour optimiser l'action publique, la clarification des compétences est essentielle. Nous avons remis il y a deux ans un rapport sur l'organisation territoriale de l'État, dans lequel nous avons formulé deux recommandations. D'abord, l'État doit mettre fin à un certain nombre de doublons et tenir compte de l'organisation territoriale dans sa propre organisation. Il doit s'interroger sur son propre fonctionnement : au 21ème siècle, doit-il fonctionner comme au 20ème, voire au 19ème ? La question ne concerne pas seulement les sous-préfectures...
Le contrôle de légalité est exercé de manière très inégale selon les territoires ; savoir si l'article 33 est justifié relève de votre travail de législateur. Il est prévu qu'une commission soit mise en place, qui comprendrait pour moitié des membres du Conseil d'État et pour moitié des magistrats de la Cour des comptes, afin de proposer des solutions en cas de désaccord entre l'État et les collectivités territoriales.
Il importe également de clarifier les compétences entre les collectivités territoriales. Cela dégagera des économies, même si celles-ci ne seront pas perceptibles immédiatement. De même, des économies sont possibles dans les politiques publiques sans remettre en cause leur qualité : alors que nous sommes un des pays où la dépense publique est la plus élevée, notre score dans les évaluations est généralement médiocre. Hélas, cette réalité laisse relativement indifférents nos hommes politiques. Évaluer mieux l'efficacité de la dépense serait un facteur d'économies. Dans la santé, en particulier, il y a des marges de progrès, sans remettre en cause la qualité et l'accès aux soins. Mais pour chaque euro mal dépensé, il y a quelqu'un derrière, ce qui explique les récriminations...
Il y a aussi des marges de progression importantes dans le bloc communal. En nous appuyant sur des exemples, nous essayons de mettre en avant les bonnes pratiques. Certaines collectivités territoriales ont fait des efforts de mutualisation : nous les citons. Naturellement, certains élus peuvent ne pas se reconnaître dans nos observations : notre territoire n'est pas uniforme... ce qui justifie qu'une règle nationale s'applique différemment selon les territoires.
Dans le domaine de la santé et de l'action sociale, l'efficacité de l'action publique est obérée par la multiplicité des acteurs et, parfois, par la confusion des politiques. Il y a un gros travail d'évaluation des politiques publiques à mener ; le Sénat y a déjà consacré beaucoup de ses efforts.
Je partage vos propos sur la péréquation. Une mission a été constituée à l'Assemblée nationale sur le sujet. Le dispositif actuel n'est pas totalement satisfaisant : nous sommes prêts à vous aider.
Enfin, nous ne sommes pas opposés à la certification des comptes, pourvu qu'en soient bien précisés les objectifs et les modalités. Nous sommes prêts, là encore, à accompagner l'expérimentation.
La réunion est levée à 13 h 05
- Présidence de Philippe Bas, président -
La réunion est ouverte à 16 h 10