Je vous remercie de votre invitation, qui m'honore.
Je constate que les réformes en cours, en dépit de quelques cahots ou palinodies, suivent certaines lignes de force. Comme si la crise économique poussait à aller vers l'essentiel, et à s'engager dans des voies dont on sentait depuis un moment déjà qu'elles devaient être suivies : une intercommunalité élargie et aux compétences étoffées afin de traiter le problème de l'émiettement communal ; une région érigée en niveau de pilotage stratégique. C'est une évolution que j'estime positive, et qui correspond à ce que les esprits éclairés prônaient depuis bien longtemps.
Une autre évolution se dessine, également salutaire à mon sens, qui tend vers une différenciation de l'administration des territoires urbains et celle des territoires ruraux, et voit corrélativement émerger la métropole, dont on sait toute l'importance dans la structuration de l'action publique.
Certes, des sujets d'hésitation demeurent. Ainsi du sort à réserver au département. Faut-il le conserver partout ? Avec quelles compétences ? La métropole ne peut-elle dans certains cas exercer ses compétences ? J'avoue que s'il y a quelque temps, j'aurais approuvé des deux mains sa suppression pure et simple, je suis moins tranché aujourd'hui. Il est des territoires ruraux sans métropole à proximité. Par ailleurs, entre les intercommunalités, appelées à couvrir des bassins de vie d'au moins 20 000 habitants et les treize régions de la nouvelle carte, qui réuniront chacune quelque cinq millions d'habitants, il manque certainement un échelon intermédiaire. Autre zone d'ombre, le système financier local, sur la soutenabilité duquel il convient de s'interroger - M. Hertzog vous en parlera mieux que moi.
Faire des intercommunalités et de la région les deux pôles forts sur lesquels s'appuyer n'est pas sans inconvénient. Ces deux échelons sont, politiquement parlant, les plus faibles ; c'est là un paradoxe qu'il faudra lever. Autre difficulté : contrairement à ce qui prévaut chez beaucoup de nos voisins, notre système territorial n'est pas articulé verticalement. Quand il existe, dans des pays comme l'Italie ou l'Espagne, un lien quasi hiérarchique entre niveaux de collectivités, les différents échelons territoriaux sont, chez nous, simplement superposés. C'est là un problème qu'il faudra traiter et dont le texte à venir, semble-t-il, se préoccupe. Enfin, reste devant nous la question du rôle que l'État doit assumer dans les territoires. J'estime que si celui-ci reste indispensable dans des domaines comme la sécurité ou la gestion de crise, il est beaucoup trop présent dans l'exercice des politiques publiques locales, alors même qu'il manque de moyens financiers.
Pour conclure, notre système territorial, partant de bases différentes de celles de ses voisins, tend, peut-être, à s'en rapprocher lentement. Restent, cependant, le défaut d'articulation verticale que j'évoquais, l'absence de structure de concertation ou de gouvernance commune entre État et collectivités et le fait que l'État veut conserver, par-delà toute raison, la maîtrise de toutes les compétences normatives, alors qu'il serait bon, sans aller nécessairement jusqu'à confier, comme l'ont fait l'Italie ou l'Espagne, des compétences législatives aux régions, de leur laisser une part du pouvoir réglementaire d'application de la loi, ce qui suppose d'accepter, corrélativement, que ces normes s'imposent aux autres collectivités.