Intervention de Gérard Longuet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 novembre 2014 : 3ème réunion
Nouvelle organisation territoriale de la république — Auditions sous forme de table ronde d'universitaires spécialisés dans l'approche comparative des organisations territoriales au sein de l'union européenne

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Il ne faut pas perdre de vue le lien qui existe, à mon sens, entre organisation territoriale et mode de production. Avant la Révolution Française, l'agriculture était le mode prédominant de production. Puis est venue la révolution industrielle, qui a su se marier avec le chemin de fer et le département. Aujourd'hui, on s'achemine vers une mondialisation de l'économie, avec des lieux de décision très circonscrits. La République ne peut y rester indifférente. Avez-vous le sentiment que les disparités en termes de densité de population se soient accentuées en France ? Pour moi, les Trente Glorieuses ont marqué une rupture, le passage d'un monde encore largement agricole vers une population active industrielle. Ce qui est en passe de donner, au-delà de ce que décrivait Jean-François Gravier dans Paris et le désert français, des villes environnées de déserts.

Ma deuxième question a trait aux centres de décision. Le budget de l'État représente 17 % du PIB, mais si l'on y ajoute les prélèvements sociaux, de l'ordre de 20 % à 22 %, ce sont près de 40 % de la dépense publique qui est décidée à Paris. On observe, dans le même temps, que la décision économique se délocalise hors de France et qu'à l'intérieur de nos frontières, le capitalisme régional tel qu'on l'a connu autrefois a vécu. Il ne reste guère de bourgeoisie industrielle que dans le Nord, dans la région lyonnaise, et peut-être une partie de la Bretagne, mais je puis vous dire que dans une région comme la Lorraine, elle a totalement disparu. La décision économique n'appartient plus aux territoires, elle est centralisée ou externalisée. Il en va de même de la décision en matière culturelle, parisienne et non plus provinciale, à l'exception de quelques manifestations teintées d'un passéisme régionaliste, que je ne réprouve pas, bien au contraire, mais dont on ne peut pas dire qu'elles soient tournées vers la modernité. J'ajoute que la carte isochrone de la France a changé avec l'apparition du TGV et des autoroutes. Lorsque l'on est à 250 kilomètres de Paris par le TGV, on prend l'habitude d'aller chercher des réponses là-bas plutôt que vers la capitale régionale, souvent moins bien desservie...

L'État est le plus grand perturbateur de l'organisation territoriale. De plus en plus impécunieux, il cherche des partenaires pour cofinancer ses projets. L'organisation territoriale se construit dans de tels partenariats avec des collectivités prêtes à jouer le jeu de l'État pour des raisons qui leur sont propres. Là-dessus, s'ajoute un autre facteur de désordre, l'Europe. M. Vandierendonck a évoqué les pays : je ne suis pas hostile à la vie associative qu'ils apportent, mais souvenons-nous qu'à l'origine, ils ont été portés par l'Europe, qui n'hésitait pas à mettre malicieusement la main à la poche, en déstabilisant l'organisation territoriale existante et surtout, en contournant l'État... Souvent de même, l'État n'hésite pas à court-circuiter les collectivités territoriales, pour peu qu'il trouve une ville prête à financer tel équipement qui le flatte. Le bon sens voudrait pourtant qu'une politique culturelle soit gérée contractuellement entre l'État et la région, charge à cette dernière d'assurer le lien avec les autres collectivités.

D'où deux questions. Quel poids reconnaître aux réalités techniques qui modèlent l'organisation territoriale ? Comment encadrer l'effort perturbateur de l'État qui, en tendant la sébile, désorganise le système ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion