Elle est sur notre ligne, c'est notamment la position de Frank-Walter Steinmeier, le ministre des affaires étrangères allemand. La Grande-Bretagne, elle, est sur une position plus dure que la nôtre.
Troisième axe du Sommet prochain, le rapprochement avec nos partenaires orientaux qui souhaitent des liens plus forts avec l'OTAN, en particulier la Géorgie, l'Ukraine et la Moldavie. La Géorgie est candidate à l'adhésion, la promesse lui a été faite en 2008 que ce serait possible, certains proposent de lui donner le Plan d'action pour l'adhésion ; la France n'y est pas très favorable, estimant le contexte peu opportun pour agiter le chiffon rouge, dans l'intérêt même des Géorgiens et même si la Géorgie fait ce qu'il faut pour obtenir cette avancée - elle a été par exemple le deuxième contributeur de l'opération en RCA. Il reste qu'il est difficile d'accorder la protection de l'article 5 à un État dont le cinquième du territoire est occupé par la Russie... Pour l'Ukraine, ensuite, l'adhésion à l'OTAN n'est pas une priorité, dans le contexte que l'on sait et l'on évoque plutôt, dans le cadre d'un règlement politique de la crise, la perspective d'une « neutralité », comme c'est le cas pour la Finlande, à condition bien sûr que ce soit la demande des Ukrainiens eux-mêmes.
Un autre aspect du débat portera sur le « partage du fardeau » de la défense, thème que les États-Unis veulent remettre sur la table. Deux chiffres sont parlants : entre 2008 et 2013, la Russie a augmenté de moitié son budget de la défense, quand les Alliés diminuaient le leur du cinquième. Au sein de l'Alliance, seuls quatre États respectent le critère des 2 % du PIB assignés à la défense : les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Estonie et la Grèce ; la France, à 1,85 %, figure parmi les bons élèves. Nous faisons également valoir que des éléments qualitatifs doivent être pris en compte, en particulier avec le critère des 20 % des dépenses de défense qui vont à l'équipement ou à la R&D ; cinq alliés respectent ce critère, dont la France, qui est à 25 %.
Nous faisons également valoir que le partage du fardeau ne saurait aller sans celui des responsabilités, ce qui pose la question des relations de l'OTAN et de l'Union européenne. Le climat a changé par rapport à il y a une dizaine d'années : il existait alors l'impression d'une compétition entre l'OTAN et l'UE sur les opérations extérieures ; l'esprit des « arrangements Berlin plus » s'est heurté au blocage de la Turquie sur la question chypriote, ce qui a limité les relations institutionnelles entre l'OTAN et l'UE, puis nous sommes passés à la période actuelle où c'est l'atonie, plutôt que la compétition, qui domine en matière d'opérations. La coopération fonctionne cependant en pratique, sur des domaines comme les capacités et l'on tend à en revenir à une idée de division du travail entre les deux institutions : à l'OTAN le haut du spectre des opérations, à l'UE le bas du spectre, même si nous avions des réserves à propos de cette division du travail.
Un débat existe sur les questions des capacités et de l'interopérabilité. À l'OTAN, la planification de la défense identifie des lacunes, à l'aune du principe qu'une capacité ne devrait pas dépendre à plus de moitié d'un seul pays ; nous en sommes loin pour certaines capacités, l'OTAN a listé seize lacunes capacitaires à combler - certaines sont des priorités de l'UE, comme le ravitaillement en vol, les drones ou les satellites. L'interopérabilité, ensuite, est une véritable valeur ajoutée de l'OTAN : nos armées travaillent ensemble depuis des décennies, en associant des pays non-membres comme la Suède ou la Finlande, très impliquées dans nos opérations. Nous devons poursuivre dans ce sens, préserver cet avantage.
Le Sommet, enfin, devra débattre de l'élargissement de l'OTAN. Parmi les quatre candidats déclarés - la Géorgie, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine et l'Ancienne République Yougoslave de Macédoine - une mention particulière peut être faite du Monténégro, ancien territoire serbe qui fait l'objet d'une forte pression russe pour l'implantation d'une base navale sur son territoire.
Quelques mots, enfin, sur la position de la France dans l'OTAN. La décision prise en décembre 2009 de revenir dans la structure militaire intégrée n'est nullement remise en cause et nos objectifs répondent au rapport Védrine : la vigilance, l'influence et la volonté que notre appartenance ne signifie pas une banalisation et un alignement sur les positions américaines. Nous participons à tout, sauf au Groupe des plans nucléaires. Cette présence est très importante pour se faire comprendre au sein de l'Alliance, c'est un enseignement de notre réintégration.
Notre présence dans l'institution est conforme à notre participation budgétaire ; quelque 800 Français travaillent à l'OTAN, nous avons des positions d'influence, d'abord avec le général Jean-Paul Paloméros, responsable de l'un des deux commandements stratégiques, le Commandement allié Transformation, basé à Norfolk en Virginie, mais aussi avec l'inspecteur général des armées Patrick Auroy, secrétaire général adjoint chargé des investissements de défense, qui travaille en lien direct avec Claude-France Arnould, directrice exécutive de l'Agence européenne de défense (AED). Enfin, les entreprises françaises représentent 17 % des contrats passés par l'OTAN, avec Thales au premier plan, pour un montant de quelque 1,7 milliard d'euros entre 2009 et 2012.