Intervention de Yann Joseau

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 5 novembre 2014 : 2ème réunion
Réforme territoriale — Table ronde sur les relations entre les associations et les collectivités territoriales

Yann Joseau, représentant l'association Le Mouvement associatif :

Le Mouvement associatif que je représente aujourd'hui est une organisation nationale de l'ensemble du monde associatif destinée à structurer la parole des associations et à servir d'interface entre celles-ci et les pouvoirs publics, et notamment les élus. Pendant longtemps les réseaux associatifs se caractérisaient par des organisations verticales propres à leurs domaines d'intervention (sport, sanitaire et social ou culture) Au début des années 2000, les grands réseaux se sont regroupés en une Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) que nous venons de rebaptiser Le Mouvement associatif, afin de bien marquer notre vocation à représenter l'ensemble du monde associatif.

S'agissant des conséquences attendues de la réorganisation territoriale sur la vie associative, je dirais qu'elles sont différentes selon que les associations oeuvrent au niveau local (c'est ce que j'appelle le bloc 1), au niveau régional ou départemental (bloc 2) ou au niveau national ou international (bloc 3).

80 % des associations sont strictement bénévoles et la majorité d'entre elles ont une action au niveau communal ou intercommunal.

L'impact pourra être organisationnel et nécessiter un changement de culture, aussi bien pour les collectivités que pour les associations. D'une part, c'est le financement unique qui passera pour vertueux, alors qu'aujourd'hui le plurifinancement est plus valorisé. D'autre part, les financeurs seront plus proches, ce qui peut avoir une influence sur des décisions risquant d'être moins impartiales.

L'impact pourra aussi être financier : les communes garderont la capacité juridique de financer les associations, qui les solliciteront plus pour obtenir ce que les autres collectivités ne financeront plus. La fin des financements régionaux et départementaux pour les actions locales accroîtra une tension déjà palpable, comme le montrent les travaux de Viviane Tchernonog.

J'évoquerai rapidement les associations nationales et internationales, pour qui les conséquences de la loi seront indirectes et provoquées par les difficultés attendues de leurs échelons régionaux et départementaux.

Ce sont, en effet, les associations de niveau départemental qui seront sans doute les plus touchées. Parmi elles, nous devons distinguer les associations agissant dans le champ des compétences partagées de celles qui n'entrent pas dans ce champ.

Pour les premières, la perspective des guichets uniques peut paraître intéressante, dans la mesure où ceux-ci devraient permettre de mobiliser les partenaires et financeurs de façon plus systématique et plus méthodique et de gagner en efficacité et en cohérence, à condition, toutefois, que les associations soient consultées lors de la mise en place de ce dispositif.

L'inconvénient de cette nouvelle approche est que les financements concernent plus les actions des associations que les associations elles-mêmes, qui ont cependant besoin d'être soutenues dans leurs temps de réflexion, d'expérimentation et de défrichage.

Nous risquons aussi de voir des collectivités moins proactives et plus centrées sur leurs compétences obligatoires.

Enfin, les décisions de soutien risquent, par ailleurs, de devenir moins audacieuses et trop conformes à un modèle, « l'harmonisation des critères » étant quelque peu problématique.

S'agissant des associations dont l'action n'entre pas dans le champ des compétences partagées, le danger me semble plus grave. Si elle est mise en oeuvre de façon aveugle, la suppression annoncée de la clause de compétence générale interdira purement et simplement aux conseils généraux et aux conseils régionaux de financer des associations en dehors de leurs compétences identifiées. Or, qu'elle concerne la jeunesse, l'éducation populaire, la famille ou encore la ruralité, l'essence même de l'action associative est d'être transversale. Les associations doivent cependant être financées par le niveau territorial correspondant à leurs actions, car elles ont une fonction primordiale d'organisation et d'interface entre les pouvoirs publics et les populations. Parce qu'en tant qu'élément incontournable du dialogue civil, la vie associative est consubstantielle de notre organisation socio-économique, le Mouvement associatif propose de l'identifier comme une quatrième compétence partagée, au côté de la culture, du sport et du tourisme.

Tout, et son contraire, a été dit sur la clause de compétence générale, les postures des différentes associations, ainsi que celles des politiques, étant pour le moins contrastées.

On a pu entendre que la suppression de cette clause permettra une affectation plus claire des compétences de chaque strate, des économies substantielles dans les dépenses des collectivités, ainsi qu'une meilleure visibilité de qui finance quoi.

Ces affirmations me semblent largement remises en cause par l'observation du terrain. Si je prends l'exemple du conseil régional de Picardie, je constate qu'au-delà des compétences exclusives ou obligatoires (formation professionnelle et apprentissage, lycées, transports représentant 69 % du budget), des compétences dites intermédiaires (aménagement du territoire et action économique : 14 %), des compétences partagées (culture, sport et tourisme : 5 %) et du cas particulier des maîtrises d'ouvrage déléguées par l'État, seul 7 % du budget régional, soit 70 millions d'euros, sont consacrés à des actions entrant clairement dans le cadre de sa compétence générale. En outre, ces actions qui concernent l'enseignement hors lycée, les loisirs, la santé et l'action sociale ou la vie associative, sont des actions à fort rendement car à forte valeur ajoutée.

Faut-il pour autant maintenir la clause générale de compétence ? Ce n'est pas la position du Mouvement associatif, à condition toutefois, on l'a vu, que la vie associative devienne une compétence partagée.

Pour conclure, je voudrais répondre aux questions qui nous ont été adressées avant cette réunion.

Sur la question du transfert des compétences départementales aux métropoles, je suppose qu'il ne peut y avoir de réponse unique. L'important pour nous est que des services administratifs dédiés à la vie associative existent et qu'ils soient gérés de manière transversale. Or certains conseils généraux se sont dotés de ce type de service et d'autres non. Il en est de même pour les métropoles. Identifier la vie associative permettra de résoudre la question, pour peu que les moyens financiers soient réels et perdurent.

J'ai déjà répondu sur les compétences partagées et le guichet unique, mais je souhaiterais revenir sur la notion d'harmonisation des critères qui me paraît dangereuse : il convient au contraire que les critères de chaque niveau de collectivité soient spécifiques, faute de quoi les compétences partagées ne se justifieraient plus.

Enfin, je dirais que la question des conditions d'attribution des subventions aux associations et leur compatibilité avec la réglementation européenne a été clarifiée par la loi sur l'économie sociale et solidaire, qui a donné un statut juridique à la subvention. La charte et ses déclinaisons territoriales constituent le cadre des échanges entre les pouvoirs publics et la vie associative : chacun doit maintenant se l'approprier et la faire vivre.

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