Intervention de François Trucy

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 juillet 2014 : 1ère réunion
Moyens de la sécurité civile l'exemple de l'unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile n° 7 uiisc7 — Contrôle budgétaire - communication

Photo de François TrucyFrançois Trucy, rapporteur spécial du programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités » :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il s'agit de la dernière fois où je rapporte devant vous. Mon contrôle a consisté à regarder ce que fait de l'argent public une unité régimentaire de l'armée de Terre qui exerce une mission de sécurité civile. Actuellement, vous avez 1 428 sapeurs-sauveteurs appartenant au génie de l'armée de Terre qui assurent de manière efficace une partie de la sécurité des populations civiles. Ils sont organisés en unités et je me suis intéressé à l'une d'entre elles. Son nom exact est « Unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile n° 7 » (« UIISC 7 »), étant précisé qu'il n'y a plus sept unités, mais trois. Cette unité a été créée à l'initiative du général de Gaulle à la suite de la catastrophe du barrage de Malpasset en 1959 qui avait causé 423 morts. Cette catastrophe avait cruellement mis en évidence l'importance pour l'État de disposer d'unités de secours aux populations pour appuyer les moyens territoriaux, insuffisants dans ce cas particulier. Dès lors, l'UIISC 7 a multiplié les missions dans tous les domaines du sauvetage, en France, puis de plus en plus à l'étranger. Les réticences des sapeurs-pompiers civils ont rapidement été dépassées pour laisser place à des liens particulièrement forts, noués au fil de ces interventions communes. Historiquement tournée vers les feux de forêts et la protection de l'environnement qui restent une préoccupation majeure, l'unité a ensuite étendu ses capacités dans le domaine des risques technologiques et de la protection des populations.

Au cours de la période récente, l'UIISC 7 a fait l'objet de réductions d'effectifs significatives : elle compte désormais 575 sapeurs-sauveteurs, soit une diminution de 83 personnes entre 2006 et aujourd'hui. En effet, nous sommes tout le temps à la recherche d'économies et il faut bien à un moment les faire porter sur des unités, des organisations, des administrations ou des fonctions. Cela a des conséquences et je vais m'efforcer de le démontrer.

Dans ce contexte, les crédits de titre 2, c'est-à-dire de personnel, sont une préoccupation majeure et croissante de l'état-major de l'UIISC 7, comme des autres UIISC.

Selon le commandant des formations militaires de la sécurité civile, qui exerce un commandement national, ces crédits sont systématiquement sous-évalués en raison de l'utilisation d'un outil de budgétisation qui n'est pas adapté aux petits effectifs. Cela signifie plus clairement qu'il est beaucoup plus facile de pratiquer des économies d'effectifs sur les grandes unités (comme la gendarmerie) que sur des unités de taille très réduite, où les effets se font sentir immédiatement.

L'UIISC 7 est donc contrainte de limiter la durée des entraînements de ses troupes, ce qui permet d'éviter le versement de l'indemnité de service en campagne (ISC) qui est due après trente-six heures passées hors de la garnison. On diminue les entraînements, on diminue la présence extérieure, on diminue la dépense, mais on diminue aussi, et c'est une conséquence négative, les ressources des personnels puisque cela représente actuellement un manque à gagner de l'ordre de 600 euros par an et par soldat. Voilà la traduction concrète de la recherche d'une économie mise en place et réalisée.

Par ailleurs, toujours pour des motifs de régulation budgétaire, l'unité se voit contrainte de limiter les engagements de volontaires. L'unité, qui, comme son nom l'indique, a également pour objet l'instruction, emploie actuellement 69 volontaires. Ces volontaires de l'armée de Terre commencent par signer un contrat d'une durée d'un an renouvelable. Pendant leur contrat, les volontaires reçoivent des formations qui prennent du temps et peuvent être coûteuses. La formation initiale de sapeur-sauveteur dure quatre mois, ce qui signifie qu'un volontaire n'est en fait opérationnel que huit mois sur douze dans l'année. Or, faute de crédits, l'unité n'est pas en mesure de les engager à l'issue de leur contrat initial. Elle voit ainsi partir de bons éléments qu'elle a formés et qui sont motivés, mais qui préfèrent être engagés dans un service départemental d'incendie et de secours (SDIS). Là encore, la situation n'est ni satisfaisante ni tenable sur le long terme.

L'UIISC 7 est également concernée par les graves dysfonctionnements du progiciel de gestion des paies « LOUVOIS ». Non seulement ces dysfonctionnements sont à l'origine d'un surcroît de travail important pour corriger ses erreurs multiples, mais les militaires n'ont plus confiance dans leur bulletin de solde. Lorsqu'une partie de la solde n'est pas payée, un fonds spécial peut être sollicité pour obtenir des indemnités compensatrices. Par contre, lorsqu'il y a un trop perçu, les conséquences peuvent être irréparables, par exemple en cas de saut de tranche d'imposition et de pertes d'aides accordées en fonction du revenu. On a évoqué auprès de moi, le cas d'une fille de militaire qui a dû arrêter ses études de médecine en raison de la perte du droit à une bourse à cause d'un franchissement de seuil.

D'après les éléments actuellement à la connaissance de l'unité, les soldes vont encore être gérées pendant deux ans avec « LOUVOIS ». Belle perspective ... Par ailleurs, le prochain prologiciel serait construit sur le même modèle que le précédent, ce qui inspire les pires craintes sur sa capacité à gérer les cent quinze données à prendre en compte dans un bulletin de solde. Je relaie ces craintes auprès de vous, mais vous les connaissez déjà pour les avoir étudiées dans d'autres rapports.

On peut également déplorer un manque de vision à long terme dans la gestion des équipements. Il y a eu des coupes drastiques dans les achats de camions citernes « feux de forêt ». Aucun camion n'a pu être acheté en 2013, et seuls deux ont été acquis en 2014. Dans ces conditions, on doit redouter légitimement un problème d'usure au terme de la saison « feux » qui vient de commencer, en raison du non-renouvellement du parc. Par ailleurs, ces matériels sont vieillissants. Le maintien en condition opérationnelle a un coût plus élevé. D'une manière générale, les formations militaires de la sécurité civile bénéficient souvent de bons matériels, mais n'ont pas des budgets suffisants pour les entretenir. C'est un fait qui est constaté dans toutes les fonctions militaires. C'est le cas, par exemple, du matériel donné par le Détachement central interministériel d'intervention technique pour lutter contre les risques technologiques.

Un dernier mot sur l'hôpital de campagne armé par l'unité et mobilisé dans le monde entier, quelles que soient les circonstances, en général dramatiques, en coordination avec le service départemental d'incendie et de secours du Gard (le SDIS 30). Cet hôpital est, par exemple, intervenu à la suite du tremblement de terre en Haïti en 2010. L'UIISC 7 prend en charge la partie hospitalisation, tandis que le SDIS 30 s'occupe de la partie chirurgie. La structure tourne avec une équipe de six médecins, six infirmiers et dix auxiliaires sanitaires. La capacité de cet hôpital était de cinquante lits, qui a été portée à cent lits. Mais il n'a le budget que pour cinquante. Ainsi, les médicaments et les consommables ne sont encore prévus que pour cinquante lits. Par ailleurs, c'est peut-être plus préoccupant, l'UIISC 7 s'est vue geler un poste de médecin sur les trois qu'elle avait. Cela signifie moins de personnes pour assurer l'astreinte quotidienne de départ en trente minutes et la nécessité de recourir à un médecin extérieur en cas de mobilisation de l'hôpital de campagne.

En conclusion, ce contrôle permet de mesurer à la fois la qualité de cette unité, l'engagement et la motivation absolument exceptionnels des femmes et des hommes qui y travaillent, les résultats spectaculaires dans leurs interventions, en particulier à l'étranger mais aussi sur le territoire national, et le fait qu'à travers l'examen de leurs comptes et de leur mode de fonctionnement, on mesure bien la difficulté qu'il y a justement dans ce domaine-là à pratiquer des économies. Ces économies ne se passeront pas de diminutions, ici de prestations, et ailleurs de confort. De toute façon, la France entière va devoir surveiller son train de vie. Il faut que toutes les économies et les restrictions qui se pratiquent soient les plus équilibrées et les plus justes possible.

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