Monsieur le Président, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, dans le cadre de ma mission de contrôle en tant que rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », j'ai souhaité m'intéresser à l'Agence des aires marines protégées (AAMP), opérateur qui joue un rôle fondamental dans la politique de protection du milieu marin.
Cet établissement public administratif est une structure récente, née en 2006 dans le cadre de la loi relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels régionaux et aux parcs naturels marins. Sa création répondait à la volonté de pouvoir disposer d'un opérateur de l'État dédié à la protection des milieux marins, dans un contexte de développement des activités maritimes pouvant avoir un impact sur la biodiversité marine. Il s'agissait en quelque sorte de mettre un terme à la vision de la mer comme un « dépotoir », en instaurant un cadre de régulation de l'ensemble des activités marines.
L'enjeu est d'autant plus important que la France détient le deuxième domaine public maritime au monde, derrière les États-Unis, avec 11 millions de kilomètres carrés.
Les missions de l'agence sont définies dans son contrat d'objectifs et de performance, qui couvre actuellement la période 2012-2014. L'agence apporte un appui aux politiques publiques pour la constitution et la gestion d'un réseau d'aires marines protégées, au premier rang desquelles les parcs naturels marins, outils qui reposent sur une gouvernance originale associant l'ensemble des parties locales dans le cadre d'un conseil de gestion. On en compte six, le dernier en date étant celui d'Arcachon.
L'agence est rattachée au programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». En 2014, elle dispose d'une subvention pour charges de service public de 22 millions d'euros, qui représente plus des trois quart de ses ressources. Les autres subventions d'exploitation issues de cofinancements, notamment européens, sont toutefois en progression.
En outre, son plafond d'emplois s'élève à 146 équivalents temps plein (ETP). Les effectifs réellement présents sont cependant supérieurs au plafond d'emplois, l'agence disposant également d'emplois hors plafond (contrats aidés, agents mis à disposition, postes financés sur des ressources externes, stagiaires gratifiés).
Le personnel de l'agence se caractérise par une grande diversité de profils et de statuts, avec une proportion relativement importante de contractuels de droit public, essentiellement sur les postes d'ingénierie. En effet, on trouve encore difficilement ce type de compétences au sein de la fonction publique. De façon plus générale, l'agence se heurte à un problème de gestion des compétences au sein des corps.
Je m'arrêterai un instant sur la question des implantations immobilières, qui représente une spécificité de l'AAMP. Son siège se situe à Brest, réparti sur deux sites. L'un abrite le secrétariat général et l'agence en est propriétaire. L'autre accueille le département d'appui aux politiques publiques et fait l'objet d'une location, pour un coût voisin de 100 000 euros par an. C'est pourquoi l'agence a indiqué mettre en oeuvre des solutions pour s'en séparer et réintégrer l'ensemble de ses personnels sur le premier site, à travers son extension. Les travaux doivent être financés par un prélèvement sur son fonds de roulement. Elle a d'ailleurs constitué une réserve de trois à quatre mois de fonctionnement à cet effet.
En outre, pour exercer ses missions, l'organisation de l'agence repose sur une structure intégrée comprenant deux organes déconcentrés : les parcs naturels marins d'un côté, les antennes de l'autre. En ce qui concerne les parcs, l'étendue de l'espace maritime peut nécessiter la mise en place d'un deuxième site en plus du siège afin d'assurer une couverture complète de l'espace couvert par le parc. S'agissant des antennes, elles sont chargées de décliner la mission d'appui aux politiques publiques de l'agence. Elles sont les interlocuteurs privilégiés des services déconcentrés de l'État, des organismes professionnels ou associatifs locaux.
L'agence compte sept antennes à ce titre, aussi bien en métropole qu'en outre-mer. Les équipes des antennes sont logées en majorité au sein des services de l'État et ne disposent généralement que d'un site, sauf cas particulier. L'agence exploite aussi les possibilités de mutualisation : par exemple, l'antenne Antilles est assurée par le parc national de Guadeloupe.
Au total, les dépenses de loyer représentent 61 % des charges de fonctionnement de l'agence.
L'Agence des aires marines protégées doit aujourd'hui faire face à la montée en puissance de ses missions autour de trois chantiers principaux : le déploiement du réseau Natura 2000 en mer, la création et la gestion des parcs naturels marins, et la mise en oeuvre de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » (DCSSM). Cette dernière fixe un objectif très ambitieux et sans équivalent au niveau terrestre, qui consiste à atteindre ou à maintenir un « bon état écologique » du milieu marin au plus tard en 2020. Cette obligation de résultats sera ensuite réappréciée et mise à jour tous les six ans. Elle s'applique aux eaux métropolitaines sous souveraineté ou juridiction française. Elle implique la définition et l'élaboration de nombreux indicateurs et documents opérationnels.
Dans ce contexte, on constate une inadéquation entre des moyens contraints et des objectifs toujours plus nombreux au regard des exigences européennes. Ainsi, l'estimation des moyens nécessaires, dans le périmètre de missions actuel et des objectifs assignés à l'agence dans son contrat d'objectifs 2012-2014, était de 32 millions d'euros et 263 ETP en 2013, puis 39 millions d'euros et 340 ETP en 2014.
On est donc loin du compte et l'agence ne peut plus satisfaire aux objectifs de son contrat, tout en ayant bénéficié d'un traitement privilégié au regard des autres opérateurs. Le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie lui accorde en effet une attention particulière compte tenu de son rôle fondamental dans la politique de protection du milieu marin. Cette dernière présente des enjeux budgétaires très lourds, estimés à 100 millions d'euros par an à compter de 2015 puis 500 millions d'euros par an à compter de 2020.
En conséquence, l'agence a dû opérer des arbitrages entre ses différentes activités. Elle a privilégié le fonctionnement et la gestion des parcs naturels marins existants au détriment de son activité de collecte de données. Cette situation a également eu pour conséquence de retarder l'ouverture de plusieurs parcs, au risque d'entamer la crédibilité de l'agence auprès des parties concernées. En outre, les travaux d'étude ayant été provisoirement délaissés, cela pose la question de la péremption des études sur lesquelles se fondent les travaux de l'agence. Autrement dit, celle-ci ne pourra pas mettre en sommeil très longtemps cette activité.
Au terme de ce contrôle, je souhaite donc plus particulièrement appeler votre attention sur deux points.
D'une part, la création de l'Agence française de la biodiversité, dans le cadre du projet de loi sur la biodiversité, offre des perspectives intéressantes de mutualisation. L'idée est de regrouper les moyens jusqu'à présent dispersés dans différentes structures pour mutualiser les activités comme la connaissance ou l'information. De plus, la future agence a pour ambition de mieux prendre en compte la gestion de la biodiversité ordinaire et les dynamiques globales telles que celles qui sont liées au cycle de l'eau.
Dans sa configuration actuelle, avant l'examen du projet de loi par le Parlement, la future agence regroupe notamment l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), l'Agence des aires marines protégées et Parcs nationaux de France. Cela permettra de couvrir tout le champ de la biodiversité terrestre et marine, ce qui est de nature à renforcer la protection des différents milieux. En effet, la plupart des pollutions marines proviennent d'activités terrestres. Le regroupement proposé me paraît donc pertinent, en répondant à une logique de solidarité terre/mer.
D'autre part, je crois qu'il faut envisager une diversification des ressources de la politique de protection du milieu marin. En effet, comme je l'ai dit, les besoins estimés pour la mise en oeuvre de cette politique, notamment au titre de la directive-cadre stratégie sur le milieu marin, sont très importants. Or, les recettes actuellement mobilisables ne sont pas à la hauteur des enjeux. Cela fait donc courir le risque à la France de ne pas être en mesure de respecter ses engagements européens et internationaux dans ce domaine avec, au-delà du préjudice environnemental que cela impliquerait, des conséquences budgétaires en cas de contentieux, comme cela a été le cas par le passé avec la mise en oeuvre de la directive sur les eaux résiduaires urbaines.
L'une des solutions envisageables, bien que peu orthodoxe du point de vue de la commission des finances, serait de pouvoir affecter une ressource dédiée spécifique à la politique de protection du milieu marin. Des réflexions sont en cours sur la valorisation du domaine public maritime et leur aboutissement pourrait constituer une piste intéressante à cet égard. Je vous remercie de votre attention.