Intervention de Delphine Bergère-Ducote

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 juillet 2014 : 1ère réunion
Table ronde sur la jeunesse

Delphine Bergère-Ducote, adjointe au chef de bureau des méthodes et de l'action éducative de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse au ministère de la justice :

Je représente ici la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Nous avons essentiellement en charge les mineurs de treize ans à dix-huit ans, mais aussi de jeunes majeurs, jusqu'à vingt et un ans, qui nous sont confiés par décision judiciaire des juges des enfants ou des juges d'instruction.

Quel est le profil type de ces mineurs -même s'il s'agit d'un public très hétérogène ? Ce sont en grande majorité des mineurs en situation de difficulté scolaire, voire de rupture scolaire, à la scolarité parfois chaotique, interrompue, reprise. La majorité sont totalement déscolarisés et sans qualification et la plupart n'ont aucun projet professionnel défini. Bien souvent, ils sont loin de l'accès à la culture et en marge du droit commun.

Il existe aussi des problématiques particulières de prise en charge des mineurs isolés étrangers, pour lesquels se pose la question de l'absence de référent parental, mais aussi de la barrière de la langue.

Notre mission est d'intervenir pour ne plus avoir à intervenir : nous sommes présents à un moment de la vie du mineur, lorsqu'il a commis une infraction ; l'objectif est de prévenir la réitération, la récidive, mais aussi de lui permettre d'accéder au droit commun.

L'enjeu, pour nous, consiste à être présent au sein des politiques publiques de la jeunesse. J'ai apprécié que vous ne parliez pas de dispositif, ce terme pouvant avoir une image fermée. L'objectif est d'assurer une continuité du parcours du mineur, sa fluidité, afin de lui permettre d'avoir accès à toutes les politiques publiques.

Les enjeux que l'on se fixe en la matière consistent à renforcer l'accès à la formation et à l'orientation et à permettre d'accéder à l'emploi ainsi qu'aux soins et au logement.

Nous nous occupons de ces jeunes à 95 % en milieu ouvert, mais également dans le cadre du placement judiciaire et de la détention.

La détention est un temps très singulier ; notre mission est d'éviter que ce soit un temps de rupture, durant lequel il ne se passe rien. L'adolescence se déroule très vite : il faut donc faire en sorte que ce temps permette de favoriser une prise en charge des mineurs et assurer, autant que faire se peut, la continuité de leur parcours.

Il faut essayer de mettre en oeuvre, pour les primo-délinquants incarcérés pour des affaires très graves, ou de continuer, pour les mineurs déjà connus de la justice, une action qui s'inscrit dans le temps. Parfois, il s'agit de leur permettre d'accéder, en détention, à une culture qu'ils n'ont pas connue par ailleurs, ou d'accéder à la formation.

C'est une mission conjointe de l'administration pénitentiaire et de la PJJ, que nous menons en pluridisciplinarité avec les acteurs de l'éducation nationale présents en prison, mais aussi avec les acteurs de la santé présents dans les unités sanitaires en milieu pénitentiaire.

L'objectif, lorsqu'un mineur est incarcéré, est d'évaluer sa situation et ses besoins et de lui offrir une prise en charge individualisée sur le temps de détention. Il s'agit souvent d'un temps assez court. En moyenne, un mineur reste détenu trois mois, que ce soit dans le cadre de la détention provisoire ou au titre d'une peine.

Nous sommes tenus de permettre au mineur d'accéder à l'enseignement, aux soins et aux programmes d'activités. Après une phase de bilan et d'évaluation, nous proposons un emploi du temps au mineur incarcéré. L'axe structurant de celui-ci repose sur l'enseignement. Que le mineur ait plus ou moins de seize ans, il est soumis à l'obligation scolaire, ce qui n'est pas le cas en dehors de la prison, l'obligation d'enseignement étant imposée dans le droit commun jusqu'à seize ans. En détention, nous souhaitons que l'ensemble des mineurs puissent bénéficier de l'enseignement. Le taux de scolarisation actuel en détention, que ce soit en quartier pour mineurs ou en établissement spécialisé, est de 95 %. L'objectif est donc atteint.

Nous faisons en sorte de proposer un emploi du temps qui garantisse au mineur un certain nombre d'heures d'enseignement. Il atteint dix-huit à vingt heures hebdomadaires en établissement pénitentiaire pour mineurs et douze heures dans les quartiers pour mineurs. Le mineur est affecté dans un groupe scolaire de quatre à sept jeunes. Ce groupe est géré par un enseignant. Dans un souci d'individualisation, cette petite taille permet à l'enseignant d'accéder aux demandes de chaque mineur.

Nous proposons aussi des activités socio-éducatives, à raison de trois jours et demi par semaine en quartiers pour mineurs et de cinq jours et demi dans les établissements pénitentiaires pour mineurs. Ces activités sont animées par la PJJ. Les surveillants gèrent certaines activités et nous sollicitons beaucoup d'intervenants extérieurs. Ce faisant, nous nous inscrivons totalement dans une logique de politiques publiques. Nous faisons en effet appel à des associations, soit rémunérées ou avec lesquelles nous passons des conventions. Nous faisons également appel à des partenaires institutionnels, notamment en matière de politiques de prévention concernant la santé.

Ces associations nous permettent par ailleurs de conduire par ailleurs des actions autour de la citoyenneté. Ainsi, en détention, nous organisons des journées défense et citoyenneté qui, normalement, s'adressent à un public de scolaires de dix-sept ans à dix-huit ans. Généralement, notre public n'a pas accès à ces journées à l'extérieur.

Des actions d'éducation à la santé et à la culture sont également menées, avec beaucoup d'initiatives autour de la radio, de la production d'un journal, de la musique et du cinéma. Nous travaillons aussi sur des connaissances plus poussées en matière technique et scientifique et sur les activités sportives, comme à Marseille, où nous avons noué un partenariat avec l'Institut français du cheval et de l'équitation.

Nous travaillons avec de grandes associations reconnues d'utilité publique, comme le Groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées (GENEPI), la Croix-Rouge, la Ligue de l'enseignement ; ceci nous permet de proposer, dans les six établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs et les quarante-trois quartiers pour mineurs, une palette d'activités assez variée.

Ces activités ne visent pas à la formation professionnelle mais à l'acquisition d'un minimum de culture générale. L'objectif de l'enseignement est de permettre aux mineurs d'accéder aux savoirs de base en mathématiques, français, histoire ou géographie, de façon à ce qu'il leur soit possible de reprendre par la suite un parcours de formation destiné à les préparer à leur sortie. Lorsqu'il quitte la détention, le mineur se voit remettre un dossier de sortie ; l'éducateur, accompagné du chargé d'enseignement, mais aussi des représentants du centre d'information et d'orientation (CIO), et parfois des coordonnateurs de la mission de lutte contre le décrochage scolaire, préparent un projet permettant à l'intéressé de rejoindre ensuite le droit commun en matière de formation et d'enseignement.

Nous prenons également en charge les mineurs dans d'autres types de dispositifs de la PJJ. En milieu ouvert, il s'agit de travailler avec tous les partenaires de l'enseignement pour favoriser la rescolarisation. Néanmoins, beaucoup sont dans une situation telle qu'ils ne peuvent accéder au droit commun. C'est pourquoi nous proposons, dans nos services et nos établissements, un dispositif d'activité de jour, qui permet de remettre à niveau les mineurs en milieu ouvert et en établissements de placement. Ces activités proposent une remise à niveau dans la perspective de les rescolariser. Si ce n'est pas possible, ils intègrent, à la PJJ, des unités chargées de l'enseignement, où l'on essaye de leur proposer une préformation professionnelle. Pour ce faire, on leur donne le statut de stagiaires de la formation professionnelle, qui leur permet d'avoir des droits, une protection sociale, de commencer à cotiser à la retraite, mais aussi d'avoir un statut. Il est très important, d'emblée, de pouvoir dire au mineur que nous allons le réinscrire dans un statut soit d'élève, soit de stagiaire de la formation professionnelle.

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